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1 - BIBLIOGRAPHIE - Page 12

  • 19 - « EL CID » ou l'acteur face à sa légende … (2ème partie)

     

     

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    Il est étonnant de constater, près de soixante ans plus tard, qu’un projet aussi important que «  EL CID » sur le plan artistique et logistique, doté de surcroît d’un budget pharaonique pouvant faire craindre le pire en cas de dérapage technique ou humain, ait pu voir le jour avec autant d’approximations et de prises de risque ! Nous avons déjà évoqué dans la première partie, les soucis provoqués par l’absence d’un scénario digne de ce nom pendant la genèse du projet, mais voici qu’un deuxième obstacle de taille se présente à l’horizon, au moment où HESTON himself a enfin donné son accord et pris le bateau avec femme et enfant :

    BRONSTON n’a toujours pas sa CHIMENE !

    Or, pour des raisons à la fois commerciales et artistiques, le producteur a absolument besoin pour son « épic » d’une partenaire de poids ( si j’ose dire) pour son héros médiéval ; tout d’abord parce que le cinéma des sixties ne conçoit pas un film de cette ampleur sans que son acteur principal n’ait un « love interest », auquel cas le public féminin pourrait manquer à l’appel, ensuite parce que la légende du CID ne peut se matérialiser à l’écran sans le personnage de Dame CHIMENE, pièce essentielle de la tragédie.

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    Ben BARZMAN ayant charpenté le scénario en partie autour de la pièce de CORNEILLE, donne effectivement une grande importance dramatique au personnage de CHIMENE, car son amour-haine pour RODRIGUE permet selon lui de donner une vraie humanité à ses deux héros ; il est pour lui impossible de sortir du carcan du film épique, pseudo-historique, sans ajouter une dimension quasi-shakespearienne à l’intrigue.

    C’est d’ailleurs lui, et son influente épouse, qui vont insister auprès de BRONSTON pour qu’il persuade Sofia LOREN¹ d’accepter le rôle, en l’absence de toute candidate espagnole d’envergure suffisante ; et BRONSTON ne s’envole pour ROME qu’au moment ou HESTON arrive à MADRID, curieux timing quand on connait l’urgence du comédien à travailler le plus vite et le mieux possible, et ce premier retard n’arrangera pas les choses par la suite !

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    (Sophia Loren Carlo Ponti)

    Sofia est à l’époque en pleine gloire, ce dont va profiter son mari et producteur Carlo PONTI pour faire monter les enchères, et il sera un négociateur redoutable avec BRONSTON, qui a de toute façon besoin d’elle ! Compte tenu du récent succès de « LA CIOCIARA » de DE SICA, qui lui vaudra un Oscar de la meilleure actrice, LOREN ne peut que réclamer des conditions de contrat avantageuses, que l’on peut résumer ainsi  :

    1) Cachet mirobolant,( on parlera d’1 million de dollars, chiffre sans doute exagéré) supérieur en tous cas à celui d’HESTON, qui en prendra d’ailleurs ombrage…

    2) Temps de travail limité à 10 semaines

    3) Présence obligatoire de sa propre équipe (maquilleuses, coiffeur, traducteur)

    4) Droit de regard sur le script et toute modification jugée inopportune…

    Ces conditions peuvent sembler délirantes, compte tenu du fait que le rôle de CHIMENE est quand même moins important que celui de RODRIGUE, présent lui dans la majorité des scènes, mais il faut savoir que les expériences hollywoodiennes de LOREN avaient été désastreuses auparavant, notamment un tournage orageux avec Cary GRANT, et elle ne souhaitait pas retrouver le même problème avec HESTON, bref, sa crainte de se retrouver courtisée et harcelée par une autre «  major star » d’HOLLYWOOD était bien réelle !

    En fait, comme nous le savons tous, ces craintes vont s’avérer totalement injustifiées, et si des soucis vont très vite se présenter, ce ne sera pas sous la forme d’un conflit amoureux… car pendant que le « deal » se concrétise, HESTON bataille avec YORDAN pour améliorer le script, selon la formule «  mieux ne signifie pas bon ! » ce qui irrite profondément le pseudo «  screen-writer », persuadé de son côté que BARZMAN prend un peu ses aises avec l’aspect «  blockbuster » du projet, lui reprochant de trop développer le personnage de Dona URRACA ( Geneviève PAGE) au détriment de CHIMENE !

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    (Geneviève Page)

    On nage donc à ce moment en plein Odéon, car LOREN, depuis sa maison de ROME qu’elle ne quittera que pour le tournage, reçoit également le nouveau script et rentre dans une colère noire, car les changements apportés, selon elle, valorisent HESTON et diminuent considérablement sa présence à l’écran !

    On notera avec amusement que ces conflits d’égos surdimensionnés se produisent donc AVANT que le moindre plan ait été tourné, ça promet !

    Quant à celui qui doit tourner les plans en question, Tony MANN, il ne s’inquiète pas plus que ça, car il en a vu d’autres sur CIMARRON, qu’il vient de réaliser, où il a passé l’essentiel de son temps à empêcher Ann BAXTER et Maria SCHELL d’en venir aux mains ; MANN se concentre donc sur le choix des différents châteaux en Espagne ( c’est le cas de le dire) qui embelliront ce projet dans lequel il a toute confiance .

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    LOREN va finalement mettre un bémol sur ses prétentions artistiques quand elle a vent d’un possible revirement de BRONSTON, qui la joue à l’intox en annonçant que Jeanne MOREAU est pressentie pour le rôle, ce qui va l’amener, sur les conseils de PONTI, à parapher illico le contrat et s’envoler dans toute sa gloire pour MADRID, où l’attendent une foule de paparazzi déchainés et un Chuck très calme, qui se demande, comme d’ailleurs vis-à-vis de toutes ses partenaires féminines, comment tout ça va pouvoir se passer !

    A ce sujet, il est bon, quand même, d’éclaircir un peu les choses : si HESTON s’est souvent, du moins dans la première partie de sa carrière, montré difficile avec ses partenaires du beau sexe, ce n’est pas, contrairement à ce qui a souvent été écrit, par machisme ou par « autosuffisance virile », mais parce qu’il ne les trouvait pas suffisamment professionnelles et «  hard-working » ce qui n’est pas la même chose ; ainsi, il jugera dans ses «  JOURNALS » que LOREN est une  femme très estimable, d’une beauté tellement exceptionnelle qu’elle a peur que le moindre coup de vent puisse l’endommager ; peut-être est-elle davantage « star qu’actrice » ; il reconnaitra d’ailleurs s’être souvent trompé et avoir eu parfois un comportement désagréable,( notamment plus tard au sujet de Sofia), ce qui est tout à son honneur...

    En attendant, le tournage peut enfin commencer le 14 novembre 1960, après des mois de conflits de basse-cour, avec pour le freiner, déjà quelques impératifs de taille dus, il faut le dire, à l’entourage de LOREN : Sofia en effet, refuse les horaires standards proposés par BRONSTON, à savoir 8h-17h, car elle ne peut se présenter avec tous ses atouts qu’à partir de 12h, et encore, AVANT maquillage, autant dire que le travail ne peut commencer qu’à partir de 14h ! à la grande colère d’HESTON, le producteur va donc se plier à ces exigences, et ce sera le début d’un conflit interne durable.

    En effet, ce qui peut se comprendre, le Chuck est un «  early riser » un acteur qui aime travailler tôt, car c’est là qu’il pense être le plus vif, énergique et productif, et comme LOREN n’est pas prête avant le début de l’après-midi dans la majorité des cas, il doit supporter de longues heures d’attente, qui selon son biographe, l’excellent Michael MUNN, « sont parmi les rares choses qui le mettaient dans une vraie fureur, car il prenait les retards chroniques de sa co-star pour une marque de mépris envers l’équipe du film et lui-même » ;»

    En fait, et on le sait bien maintenant, Sofia était une bonne personne fort appréciée de tous, mais le respect de son image était pour elle capital, d’où les nombreuses heures consacrées à sa toilette et sa coiffure, ce qui a peut-être été au détriment de son jeu ; elle va se montrer un peu raide et sans profondeur dans la première partie du film, pour lui donner davantage de substance et de la force dans la deuxième, un défaut que les détracteurs de l’œuvre ont souvent pris plaisir à souligner…

    Description de cette image, également commentée ci-après

    (Raf Vallone)

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    Résultat de recherche d'images pour "john fraser actor"(John Fraser)

    La tension et disons-le, l’incompréhension entre les deux stars vont contribuer à un climat pesant et désagréable sur le plateau, car autant HESTON prend plaisir à travailler avec des acteurs qui connaissent leur texte et arrivent à l’heure, et dans ce domaine il n’aura pas à se plaindre avec les excellents Raf VALLONE, Gary RAYMOND et John FRASER, autant il n’arrive pas à « jouer la comédie » au sens strict avec Sofia, ce qui va rendre inefficaces la plupart de leurs scènes d’amour, élément pourtant crucial de l’ouvrage ! HESTON va d’ailleurs changer d’avis peu à peu au sujet de MANN, auquel il reproche très vite de ne pas diriger la compagnie d’une main assez ferme, et surtout de laisser Sofia faire à peu près ce qu’elle veut, quand elle veut ! le point culminant de cette incompréhension mutuelle va être atteint lors de la scène, pourtant fort belle à l’écran, de la mort du CID, rendue efficace uniquement grâce au savoir-faire de MANN, qui va alterner les gros plans de chacun des artistes et engager des doublures pour les champ-contrechamp, car à ce moment précis, même si les choses vont s’arranger en fin de tournage, les deux acteurs ne se parlent plus !

    Avec le recul, on pourrait en déduire que la cause de cette «  zero chemistry » entre les comédiens ,préjudiciable à l’œuvre, leur est totalement imputable, mais on peut nuancer cette impression maintenant ; il semble surtout que MANN, dans son désir avoué de «  faire le plus grand film historique de tous les temps » ait consacré davantage d’énergie à l’action et au Mythe qu’à la passion amoureuse, ne prenant pas le temps de mettre en valeur leurs scènes, habitué qu’il était à traiter davantage les rapports entre hommes dans ses westerns ; c’est d’ailleurs un reproche que lui fera HESTON plus tard, frustré d’être passé à côté d’un chef-d’œuvre, parce que, selon lui, «  ce film était la meilleure histoire, potentiellement, qu’un film épique puisse proposer, mais Tony, qui était un homme décent et un bon metteur en scène, a commis de terribles erreurs et est passé à côté d’une occasion incroyable de faire le meilleur film historique de tous le temps ; l’oeuvre a trop de personnages, et trop de «  sous-intrigues » qui nuisent à la force originelle du sujet, et si MANN avait concentré ses efforts sur les personnages principaux plutôt que sur les scènes d’action, il aurait fait mieux que ce qui est un très beau film, mais pas un grand film »

    Même si on peut approuver en partie ce jugement plutôt dur, qui peut se justifier en raison des évènements à venir que nous dévoilerons dans une troisième ( et dernière !) partie, on doit aussi dans ce cas, rendre en partie responsables des difficultés qui ont miné le tournage, à la fois Sofia et le Chuck lui-même , car s’il va tenir dans ce film un de ses plus beaux rôles et réellement donner à son RODRIGO une dimension mythique, il aura aussi par son attitude intolérante, compromis les chances de donner aussi une «  dimension humaine » supplémentaire à son personnage, de par le manque de chaleur et de sincérité donné à la relation RODRIGUE-CHIMENE …

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    Et il sera conscient de ses erreurs passées quand il déclarera à Michael MUNN :

    «  Comme disait Spencer TRACY, j’arrive au travail à l’heure, je connais mon texte et j’essaie de ne pas me prendre les pieds dans le décor ; c’est une sorte de névrose chez moi, je ne supporte pas les gens qui arrivent en retard, et ma réaction à ce sujet est parfois excessive, ce qui n’empêche pas ma névrose d’être meilleur marché que la leur ! mais je suis devenu plus tolérant depuis que j’ai travaillé avec Sofia, car beaucoup d’actrices sont en retard sur le plateau parce que les pressions sur leur physique sont supérieures à celles des hommes, ainsi que leurs angoisses, et cela se manifeste par une préoccupation excessive pour leur image, ce qui peut se comprendre, j’étais simplement beaucoup moins tolérant à l’époque, que maintenant »

    On peut imaginer Sofia lisant ces lignes et disant «  Ok, Chuck, je pardonne »

    ET c’est ce qu’elle a fait .

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    A SUIVRE …

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    ¹ - Sofia : son prénom à l'état-civil, ou Sophia : son prénom au cinéma.

     

  • 18 - « EL CID » l’acteur face à la légende… partie 1

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    photo : https://historiaespana.es/biografia/rodrigo-diaz-vivar-cid-campeador

    LE 7 mars 1960, se produit  aux USA la première  grève d’acteurs dans l’histoire de la « Screen Actors Guild », impliquant 14000 comédiens, soucieux d’obtenir une part des profits engendrés pour les studios par la vente de leurs films aux chaînes de télévision américaines, un mouvement sans précédent, qui paralyse complétement HOLLYWOOD , provoquant un véritable bras de fer entre le syndicat et les studios, dont les comédiens et leurs représentants sortiront vainqueurs.

    Charlton HESTON, qui va devenir plus tard le leader de la SAG pendant sept ans, ne peut, on s’en doute, que faire partie du mouvement et lui apporter tout son soutien, même s’il se considère alors déjà comme un privilégié du système, vu le succès triomphal de «  BEN-HUR » qui lui vaut une nomination l’Oscar du meilleur acteur...

    Le principal sujet d’étonnement à ce jour est plutôt le rôle majeur de Ronald REAGAN, futur président des USA, peu connu pour ses opinions progressistes et pourtant engagé à fond dans la défense des « petits » comédiens contre les « gros » de la hiérarchie des pontes d’HOLLYWOOD , une prise de position courageuse à l’époque…

    En tout cas, cette situation de crise dans le métier va amener HESTON à réfléchir posément à ses futurs projets en prenant le temps de lire de nombreux scripts, qu’il va d’ailleurs tous refuser, perdant du coup un peu de sa motivation bien connue, jusqu’à ce que lui parvienne un « pitch » du fameux Phil YORDAN au sujet d’un héros de l’Espagne médiévale, totalement inconnu aux USA, mais qui va grandement titiller sa passion pour l’Histoire et ces «  extraordinary men » qui n’ont de cesse de le fasciner ; ce chevalier, surnommé par les Maures « EL CID » en vertu de son courage et de sa générosité, appartenant en partie à l’Histoire mais tout autant à la Légende, a en effet de quoi captiver l’artiste en quête d’un projet qui lui demande autant d’investissement que « BEN-HUR » auparavant !

     

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    Phil Yordan (photo Google)

    De plus, il se retrouve sans perspective immédiate de faire son métier, c’est-à-dire JOUER, car le fait d’être devenu une STAR ne l’intéresse pas plus que ça, vu que ce qu’il veut vraiment, c’est être un ACTEUR, et pour cela, il faut de la pratique ! son ami Orson WELLES l’ayant embarqué dans un projet autour de JULIUS CAESAR, mais sans obtenir les garanties voulues de la part de CBS pour lesquelles il aurait mis en scène, Chuck, sans en vouloir aucunement au magicien Orson, se retourne donc vers le « pitch » YORDAN .

    « Pitch » et non scénario, car la technique de ce rusé filou qu’était YORDAN consiste à ne surtout rien écrire, vu qu’il paye à bas prix des auteurs « blacklistés » pour faire le travail à sa place, mais à proposer quelques idées fulgurantes dans le but d’accrocher acteurs ou producteurs !

    C’est cette tactique qu’il va employer, mais elle s’avère un peu mince au début, car HESTON ne se contente pas d’un « first draft » aussi prometteur soit-il, et fait savoir au producteur BRONSTON, par le biais de son agent CITRON, qu’il n’est pas intéressé…

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    Samuel Bronston (photo Google)

    Or, Samuel BRONSTON, qui vient de monter son studio en Espagne grâce à des manœuvres et spéculations diverses avantageuses pour l’état franquiste, considère la présence d’HESTON comme indispensable, il est pour lui le SEUL acteur au monde qui puisse donner au personnage du CID la dimension légendaire requise, car il a vu BEN-HUR et  TEN COMMANDMENTS comme  tout le monde et sait reconnaître un talent qui crève «  l’écran », donc, soutenu par son director Anthony MANN qui pense à peu près la même chose, il va insister….

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    Charlton Heston et Anthony Mann (photo Google)

    A force, HESTON accepte de reconsidérer le projet si une «  major rewrite » est opérée par YORDAN, c’est-à-dire en fait son auteur, Ben BARZMAN, au sujet duquel il convient de dire quelques mots…

    Scénariste et écrivain, BARZMAN est un humaniste généreux, accusé en 1947 par la fameuse commission des affaires anti-américaines de sinistre mémoire, d’avoir été affilié au parti communiste ; après avoir écrit de beaux scripts pour LOSEY, comme « THE BOY WITH GREEN HAIR » il se réfugie à LONDRES en 1949 avec son épouse Norma, puis recommence à écrire, notamment pour YORDAN, sans que son nom apparaisse au générique  des films, se voyant même retirer la nationalité américaine en 1954 ; il est donc un paria, mais un paria talentueux, et c’est son point de vue modéré et humaniste sur l’Histoire qui va donner en partie à EL CID une originalité qui le distinguera d’autres productions épiques de l’époque.

    En effet, s'il joue à fond la carte du héros légendaire, dévoué à son roi et à son pays, ce qui flatte la «psyché» hispanique, il va refuser de faire de ce film un western puéril opposant les «bons» Espagnols  aux «mauvais» Maures, insistant sur la compréhension entre les peuples et la nécessité d'un rapprochement entre Ibères et Arabes malgré les différences religieuses ; il refuse de faire du CID un combattant magnifique  mais obtus, et dresse le portrait d'un «héros par accident», un être généreux qui devient un mythe sans le vouloir, mais surtout un homme tolérant et qui ne fait la guerre que par nécessité, un personnage aux valeurs humanistes, dans lequel BARZMAN, de par son passé de victime de la bêtise et du sectarisme, a sûrement mis beaucoup de lui-même ! 

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    Ben Barzman (photo Google)

    On peut penser sans trop s’avancer que cette vision du personnage et du contexte historique dans lequel il évolua a pesé dans le choix positif de HESTON d’accepter le rôle ; il va d’ailleurs, selon son habitude, mener des recherches approfondies sur le personnage, sans obtenir beaucoup d’informations sur ce héros peu connu aux USA ce qui l’amènera à poursuivre ses recherches sur le terrain, grâce à l’aide du docteur PIDAL, autorité reconnue sur le sujet de l’Espagne médiévale et qui lui donnera accès à toute une documentation cruciale pour lui.

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    (Dr. PIDAL)

    En attendant , HESTON se retrouve invité par la production en plein été 1960 dans la chaleur madrilène, armé de son seul instinct concernant la valeur du sujet, reçu comme un roi par BRONSTON qui va tout mettre en œuvre pour qu’il se sente indispensable, un homme qu’il décrit dans son autobiographie «  IN THE ARENA » comme « un être dédié à faire de beaux projets, qui sait dépenser d’énormes sommes ne lui appartenant pas, pour réunir les gens les plus talentueux afin de les mettre à bien »

    Parmi ces hommes talentueux, HESTON va être impressionné par les «  production designers » COLASANTI et MOORE, qui ont la particularité de concevoir à la fois les costumes et les décors, une bonne idée selon lui, et la manière dont ils vont recréer les intérieurs du 11ème siècle avec un soin et un professionnalisme méticuleux va contribuer à le convaincre, lui le perfectionniste compulsif, que le film est sur la bonne voie .

    Le fait que Yak CANUTT, son mentor sur «  BEN-HUR » ait été choisi pour diriger la seconde équipe, élément essentiel dans un film de cette importance, va également rassurer le Chuck, même si lors du tournage, les choses ne seront pas si simples ; il rencontre bien sûr Anthony MANN, sur lequel son opinion au début, sans doute grâce à la réputation du cinéaste comme auteur de westerns, est plutôt bonne, mais nous savons tous maintenant qu’il fera plus que la réviser dans le futur…

    Nanti de ces éléments positifs, il va donc retourner à Los Angeles, car il n’a donné qu’un accord de principe ! envahi de documents concernant EL CID envoyés avec habileté par BRONSTON pour qu’il puisse patienter avant que le script soit révisé et approuvé par lui, il s’y plonge avec la délectation de l'amateur d’Histoire qu’il a toujours été, décryptant davantage la part de légende et la part de réalité concernant ce Campeador «  bigger than life » ; il découvre un homme qui n’est ni un mercenaire impitoyable ni un saint irréprochable et vertueux, mais plutôt un mélange captivant des deux aspects, à partir d’un ouvrage écrit plus de deux cents ans après sa mort, «  El cantor de mio Cid » une des premières œuvres conservées de la littérature hispanique, et selon HESTON, la plus importante avant CERVANTES …

    A l’appui de toutes ces recherches, HESTON finit par définir peu à peu, loin du mythe médiéval et des excès de la légende, le portrait d’un homme ordinaire transformé par des évènements extraordinaires, obstinément loyal envers un roi qui pourtant a emprisonné sa femme et ses enfants, et ce Rodrigo Diaz de Bivar va peu à peu l’ensorceler et lui donner envie de tenter l’aventure…

    « J’étais celui qui avait insisté pour que le scénario soit réécrit, YORDAN m’avait envoyé 40 nouvelles pages plus convaincantes, et je n’allais pas rester chez moi, assis sur mon postérieur à bouder comme Achille sous sa tente ! je dis donc à Herman de conclure le deal pour que je puisse me préparer à la rude partie qui m’attendait, et deux semaines plus tard, nous faisions route pour l’Europe à bord du « Leonard de Vinci » ( IN THE ARENA)

    Voila donc notre héros en route pour six mois de gros labeur dans la fournaise espagnole, toujours pas rassuré par ces nouvelles pages qu’il trouve « meilleures que les précédentes, mais meilleures ne veut pas forcément dire bonnes », prêt à affronter un nouveau défi, des conditions logistiques complexes, des centaines de figurants de l’armée espagnole grimés en Sarrasins patibulaires…

    ...Et Sophia LOREN .

     

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    A SUIVRE, bien sûr…

    A ma chère CECILE 

     

     

    ¹ PHOTOS PROVENANT DU SITE :

    https://docplayer.es/57033493-El-cid-del-cantar-a-la-gran-pantalla.html

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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  • 17 - KHARTOUM : HISTOIRE D'UN HOMME HORS DU COMMUN

    Publié le 31 janvier 2017

    MAJ le 13 septembre 2019

     

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    L’affiche française du film, telle que les spectateurs la découvrirent en 1966 !

    Dans le cœur de nombreux admirateurs de l’acteur-artiste qu’est Charlton HESTON, un film comme Khartoum semble occuper une place particulière car il est le premier rôle de britannique dans sa pourtant déjà longue carrière, et c’est également son premier film à disposer d’un casting totalement anglais : on y trouve en effet Laurence OLIVIER, Ralph RICHARDSONNigel GREEN, Richard JOHNSON (rien que ça !), pour encadrer CHUCK dans le rôle de Charles GORDON, dit " le chinois ", figure historique légendaire pour les Anglais, au même titre que Laurence d’Arabie plus tard. Ce Charles GORDON, qui avait servi en Crimée, bataillé pour l’empereur de Chine, réussi à supprimer l’esclavage au Soudan et, en général obéi pendant toute sa carrière à ses propres règles plutôt qu’à celles de l’establishment militaire britannique, ne pouvait qu’intéresser l’homme HESTON, lui-même admirateur de ces fortes individualités qu’il appelle « the extraordinary men ».

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    L’excellent Richard JOHNSON dans le rôle du colonel STEWART, adjoint de GORDON. Ce fut le début d’une grande amitié avec CHUCK, et ils tournèrent encore quatre fois ensemble.

    Quand il reçoit le script de Khartoum, il pense d’abord refuser ce nouveau projet épique car il sort d’une longue période en costumes et ne veut pas replonger dans un énième film spectaculaire. C’est le scénario extrêmement précis et documenté de Robert ARDREY qui va le décider à changer d’avis. Il découvre peu à peu derrière la façade de l’officier rigide et loyal, un personnage plein de profondeur et d’humanité, un chrétien mystique pour qui la solution militaire ne suffit pas, et que n’effraie aucunement la peur de la mort, mais celle de l’échec. Mieux informé sur l’homme GORDON et fasciné par le courage d’un homme capable de se sacrifier pour une cause qu’il trouve juste, CHUCK va, avec le professionnalisme qu’on lui connaît, totalement s’approprier l’allure, le visage et la voix d’un officier anglais de la fin du XIXème siècle, s’astreignant à un coaching vocal très pointu pour que son accent anglais, et non celui d’un américain, se rapproche de la perfection. Ce souci d’authenticité sera d’ailleurs très apprécié en Angleterre, où le film fera plus tard un très gros succès.

    Cependant, si GORDON est la figure principale de son scénario, Robert ARDREY a eu l’excellente idée de lui opposer un protagoniste à sa mesure, choix dicté par le simple respect de la vérité historique, puisque GORDON ne fut envoyé à Khartoum que pour contrer la révolte locale menée par un « fou de Dieu » très en avance sur ceux de notre époque, un homme du désert qui se faisait appeler le « Mahdi » (celui qu’on attendait), et qui projetait de porter la parole du prophète dans toutes les mosquées d’Orient. Pour jouer ce personnage tout aussi habité par sa foi que l’était GORDON, le plus grand acteur anglais de l’époque, Laurence OLIVIER, s’imposait comme un choix évident. Barbu, grimé, et s’étant pourvu d’une diction arabisante totalement différente de son phrasé habituel, OLIVIER sera un adversaire et un concurrent de premier choix pour CHUCK, qui dira avoir beaucoup appris de leur rencontre.

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    « Le jour où l’empereur de Chine cessera d’être un infidèle, j’accepterai ce cadeau somptueux. » Voilà ce que dit le « Mahdi » (Laurence OLIVIER) à GORDON (Charlton HESTON), lors de leur première entrevue. Dans la réalité, les deux hommes ne se rencontrèrent jamais.

    Un autre aspect important du scénario est le refus absolu de ARDREY de tomber dans le piège du film de prestige à la gloire de l’empire britannique. Il dénonce au contraire l’hypocrisie d’un système prêt à tout pour défendre ses intérêts dans le canal de Suez, mais surtout pas à secourir une population en danger, quitte à sacrifier GORDON sur l’Autel de leurs bonnes intentions. Vision clairvoyante et très avant-gardiste, surtout pour un film destiné à un grand public. Ralph RICHARDSON, parfait dans le rôle de GLADSTONE, incarne avec brio les contradictions de l’homme politique tiraillé entre ses sentiments personnels et la raison d’Etat.

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    Arrivée de GORDON à Khartoum, accueilli comme un sauveur. Cette scène émut grandement CHUCK et lui rappela l’entrée dans Valence lors du tournage de « EL CID ».

    Tous les ingrédients sont donc réunis pour faire de KHARTOUM un grand film : le sujet, le scénario, les interprètes et, pourtant, une légère frustration demeure quant au résultat final. La cohérence et la rigueur ne font jamais défaut à ce film, la reconstitution est de qualité, la musique de Franck CORDELL est envoûtante… On peut juste regretter qu’avec un tel projet, un metteur en scène comme Anthony MANN ou David LEAN n’ait pas été aux commandes plutôt que le trop sage Basil DEARDEN. Ce cinéaste de la qualité anglaise (1911-1971), n’était peut-être pas l’homme qu’il fallait pour donner à Khartoum le souffle épique nécessaire. Très à l’aise dans les scènes d’intérieur et la direction d’acteurs, il l’est moins quand il s’agit d’animer l’écran par du mouvement et du rythme, même si la seconde équipe menée par Yakima CANUTT fait plus que le job. D’ailleurs, CHUCK dira lui-même de son travail : « je crois pouvoir dire que c’est le seul film que je considère comme très bon, dont je pense que la réalisation n’est pas la qualité principale ». On ne peut qu’approuver cette lucidité, surtout quand on connaît le degré d’exigence du personnage.

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    Dénouement tragique du film : fidèle à ses convictions, GORDON refuse de se défendre et fait face aux fanatiques, armé de sa badine et de son seul courage.

     

    Tourné de manière logistiquement complexe mais sans réelles difficultés, en partie en Egypte, puis en Angleterre, KHARTOUM sera un très grand succès en Grande-Bretagne (ce qui suffira d’ailleurs à couvrir les frais de production), mais fera un score moyen aux USA, où le public habituel de CHUCK sera désemparé par ce personnage. Déçu par le résultat commercial global, CHUCK n’en conservera pas moins une affection sincère à ce film tout sa vie. On peut le comprendre, car c’est un de ses plus beaux rôles, où il fait preuve d’une finesse de jeu exemplaire pour camper cet être complexe à la fois orgueilleux, généreux, et habité par une foi inébranlable.

    Auteur : Renaud
    Script-girl : Cécile

     

  • LA DERNIERE LETTRE DE CHARLTON HESTON A MICHAEL MUNN

    Michael Munn a présenté sur son journal FACEBOOK, cette dernière lettre qu'il a reçue de Charlton Heston en 2004. Il m'a donné l'autorisation de la publier ici. Je le remercie sincèrement . Je publie également le petit échange de messages que nous avons eus à ce sujet. 

    Il est à noter que Charlton Heston avait annoncé au monde sa maladie, deux années avant cette lettre et je pense que c'est très émouvant de la lire. Michael la conserve très précieusement. 

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    MICHAEL MUNN : "The last letter I had from Charlton Heston. Much treasured."

    La dernière lettre que j'ai  de Charlton Heston. Très précieux.

     

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    MA TRADUCTION

    "J’ai été ravi d’avoir de vos nouvelles après si longtemps. Je suis d’autant plus heureux de savoir que votre production d’ANTOINE ET CLEOPATRE a connu un tel succès. Merci de me l’avoir dit. Je m’intéresse à ce que vous avez fait pour la production. C’est ce qui se passe depuis que Shakespeare a écrit cette pièce il y a si longtemps.


    Je suis touché que vous me donniez crédit de votre incursion dans le monde de Shakespeare. Avec votre intérêt pour la littérature, je pense que vous l’auriez découvert vous-même.


    Je vous souhaite bonne chance dans tout ce que vous faites.


    Cordialement,

    CHARLTON HESTON  "

     
    France Darnell Hi Michael ! What a beautiful precious document. Thank you for sharing it. I ask permission to publish on the blog. In advance, I thank you for it. Have a nice weekend.
     

    Bonjour Michael ! Quel beau document précieux. Merci de l'avoir partagé. Je vous demande la permission de publier sur le blog. D'avance, je vous en remercie. Bon week-end.

    France Darnell Thank you Michael. It will be done. Astonishing document, especially since on the date of this letter from Chuck, we know he was sick. Charlton Heston was a gentleman.
     
    Merci Michael. Cela sera fait. Document étonnant, surtout qu'à la date de cette lettre de Chuck, nous savons qu'il était malade. Charlton Heston était un gentleman.
     
    • Michael Munn France, his secretary told me that he never sent emails. He carried on corresponding in the old fashioned way until he was unable to do it.
       
      France, sa secrétaire m'a dit qu'il n'avait jamais envoyé de courrier électronique. Il a continué à correspondre à l'ancienne jusqu'à ce qu'il soit incapable de le faire.