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1 - BIBLIOGRAPHIE - Page 16

  • 30 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

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    Mari et Père

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    Charlton et Lydia étaient un phénomène rare à Hollywood. En mars 1972, ils célébrèrent leur vingt-huitième anniversaire de mariage. Le fait que leur mariage ait survécu si longtemps était presque un mystère. C'était un point que Charlton détournait avec beaucoup d'humour. « Il faut avoir une certaine dose de tolérance mutuelle et un engagement basique envers le mariage, » expliquait-il avant d'ajouter : « ce qui est vraiment essentiel, c'est d'être un superbe mari, et il se trouve que je suis un superbe mari ! »

    Mais comme ils l'avaient déjà dit, leur mariage n'a pas toujours été une longue lune de miel, et au début des années 70, les Heston traversaient clairement une crise qui mit leur relation à l'épreuve comme jamais, et c'était les migraines de Lydia. Ils étaient comme pris dans un cycle infernal. Les migraines créaient des tensions dans le foyer qui ajoutait du stress ne faisant qu'aggraver les migraines. Les choses en arrivèrent à un effrayant seuil critique quand Charlton et Lydia eurent une énorme dispute. Pour se calmer, Charlton alla faire du jogging, mais la situation n'était pas calmée. Lydia annonça qu'elle partait à Honolulu pour écrire une pièce.

    « eh bien, tu veux que je t'accompagne ? » demanda Charlton.

    « Non, » répondit-elle.

    Elle passa les quelques jours qui suivirent seule à Honolulu jusqu'à ce que, incapable de le supporter plus longtemps, Charlton, Holly et Fray la rejoignirent pour être à ses côtés. Elle et Chuck se réconcilièrent et restèrent au luxuriant Royal Hawaiian Hotel pendant quelques jours.

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    (Royal Hawaiian Hotel)

    photo : https://www.historichotels.org/hotels-resorts/the-royal-hawaiian-a-luxury-collection-resort

    La crise prit fin pendant quelques jours, mais les migraines continuelles et les tensions étaient toujours là. Au bout d'un an seulement, ils semblèrent de nouveau sur le point de se séparer, mais à la dernière minute, ils en arrivèrent à l'inévitable conclusion qu'ils ne pouvaient pas vivre l'un sans l'autre.

    Tout en étant une période de crise pour la famille Heston, c'était aussi une période de croissance de plusieurs façons. Fray était maintenant un adolescent grand et maigre, et Holly une brillante jeune fille de onze ans aux portes de la puberté. Elle était également un peu farceuse. Charlton a une histoire sur elle qu'il adore :

     

    «Quand elle avait huit ans, elle a réussi une fois à avoir mon autographe parmi un groupe d'enfants sans que je m'en rende compte, et ça l'a ravie au plus haut point. Il y avait toute cette foule d'enfants et j'essayais de la traverser, vous savez, et Holly est venue et m'a tendu un truc à signer. Après cela, elle me l'a montré dans la voiture en jubilant.»

     

    Fray, qui avait maintenant dix-sept ans, devenait vraiment un enfant de la forêt, comme l'avait été son père. Cela venait beaucoup de Chuck qui s'assura que Fray sache monter à cheval à partir de l'âge de huit ans. Il l'emmenait également dans le désert et lui apprit à tirer, et quand l'occasion se présenta plus tard, ils allèrent ensemble avec Joe Canutt à la chasse au sanglier. Charlton encouragea aussi son fils à jouer au tennis, mais c'était la vie extérieure qui captivait vraiment Fray. En recherche d'aventure, il devint très indépendant. Il me dit :

     

    «Quand j'avais dix-sept, j'avais un truck, et j'avais coutume d'aller à travers toute l'Amérique. J'allais en Alaska et en Idaho le week-end, et au Mexique le vendredi soir. J'ai conduit ce truck partout. J'adorais faire ça et je le faisais avec très peu de moyens à l'époque. Je me suis beaucoup amusé, et je pense aussi que j'ai beaucoup appris de choses sur le pays

     

    Quand à savoir comment il a réussi à rester proche de son père sans passer par la période rebelle de l'adolescence, il dit :

     

    «Ca s'explique plus par mon père que par moi. C'était un père strict, mais pas austère. Il était aimant, et ma mère aussi a joué un grand rôle dans les bonnes relations que nous entretenons encore parce qu'elle m'a toujours traité avec respect, amour et admiration, et je leur ai rendu ce qu'ils m'ont donné. C'est une situation très simple d'échange de bon procédé.

    Quand j'aurai mes propres enfants, je pense que je les enverrai chez mes parents jusqu'à ce qu'ils deviennent adultes et les récupérer ! Je suis sûr qu'ils feraient un meilleur boulot que celui que je pourrais faire.»

     

    Charlton était gaga de sa fille et le fait qu'elle soit adoptée ne faisait aucune différence pour lui ou pour Lydia. Pour lui, c'est sa petite, et tout comme il le fit  pour que Fray aime sa vie d'homme, il s'assura qu'Holly devienne une parfaite jeune fille. Lydia, cependant, pense que parfois, il est allé trop loin. Elle raconte :

     

    «Vous savez, Chuck a appris à Fraser à jouer au tennis pour toujours avoir quelqu'un avec qui jouer, mais il pensait qu'Holly ne devait pas apprendre à jouer. Je lui ai dit : « c'est ridicule, bien sûr qu'elle devrait apprendre aussi. » Donc elle apprit. mais il ne la laisse pas jouer. Vous savez pourquoi ? Il est le président international de la Société de Prévention des Joueuses de tennis ! »

     

    Une chose qui lui fit plaisir à propos de ses enfants, est qu'ils n'ont jamais montré le moindre signe de vouloir devenir acteurs professionnels. Il savait de par sa propre expérience personnelle et douloureuse que ça pouvait être un moyen pénible de gagner de l'argent, et dès qu'il est appelé à aller parler à des corps étudiants à propos de l'art d'être acteur, il fait de son mieux pour dissuader chacun d'eux d'envisager une carrière d'acteur.

    A en juger  par le succès qu'il eut en tant qu'acteur, cela peut paraître difficile à comprendre, mais très jeune, Holly comprit les sentiments de son père. Comme elle le dit un jour à un journaliste qui ne comprenait pas pourquoi elle ne voulait pas devenir un star de cinéma quand elle serait grande : « Mon père connaît beaucoup d'acteurs qui sont sans travail. »

     

    « Je préférerais jouer un sénateur qu'en être un ! »

     

    C'était son anniversaire, son quarante-neuvième anniversaire. Pendant un moment, tous ceux sur le plateau de Soleil vert à MGM Studios s'arrêtèrent de travailler tandis qu'un grand gâteau glacé fut apporté sur un chariot. Il était décoré avec une image en glaçage d'Heston en Moïse tenant les tablettes des dix commandements.

    Tout le monde, y compris le réalisateur Richard Fleischer, chanta « Joyeux Anniversaire ! » quelques semaines seulement avant que le célèbre père de Fleischer, Max, le seul producteur de films d'animation à avoir sérieusement concurrencé Disney, ne décéde et que les bureaux soient fermés pendant une journée. Mais pour l'instant, la bonne humeur et la frivolité régnaient, alors même que le travail recommençait, bien que Richard Fleischer ne laissa pas l'atmosphère généralement joyeuse se mettre en travers du travail : faire ce qu'Heston espérait voir devenir un autre thriller futuriste innovant.

     

    Pour la première fois depuis Les dix Commandements, Charlton faisait un film avec Edward G. Robinson, devenu un homme de 79 ans frêle et, même si beaucoup l'ignoraient, mourant. Lui, cependant, savait qu'il mourait du cancer, et pourtant, il ne rata pas une seule journée de tournage. Ironiquement, comme Heston s'en rendit tristement compte après, la dernière scène que fit Robinson était la scène de sa mort dans laquelle il est doucement endormi volontairement en regardant des films montrant combien le monde était beau auparavant. Il savait, bien qu'il ne l'ait jamais avoué, que ce serait le dernier travail qu'il accomplirait en tant qu'acteur.

    Soleil vert était un film efficace et terrifiant, et tout comme les Singes et Le Survivant, le succès fut immédiat. Il était de nouveau prêt à retourner au pays de l'acteur. Il se tenait dans l'aile du Ahmanson Theater à Los Angeles, l'un des plus prestigieux de tous les théâtres américains. Broadway n'était plus le but suprême du théâtre américain, mais juste être de nouveau dans un théâtre, peu importe où, après six longues années loin de la scène, c'était l'exaltation dont avait besoin Chuck et qui lui avait manqué. Il y avait encore cette petite peur de la scène, ce moment de tension mêlé d'excitation juste avant de monter sur scène, et il savait qu'il serait bon dans cette pièce, The Crucible, et il savait également que c'était une pièce contemporaine, la seconde pour lui avec A Man for All Seasons. Ils jouèrent même le soir de noël, tant le succès fut au rendez-vous pour la pièce qui était complète presque tous les soirs pendant les cinq semaines où elle fut jouée. Se terminant triomphalement dans la deuxième semaine de 1973, il se prépara à réciter quelques paroles de Thomas Jefferson.

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    photo :  https://www.centertheatregroup.org/about/timeline/1967-1977/

    Le discours était pour le jour de l'investiture du président Richard Nixon à Washington. Il soutint Nixon, ce qui était étrange puisqu'il avait jusque là toujours voté pour le parti démocrate, mais cette fois-là, il se sentit forcé de voter républicain et resta républicain depuis. À cause de son soutien et de son talent, il se retrouva à participer à un concert au Kennedy Center lisant Jefferson sur une musique dont il souhaitait vraiment qu'elle ne soit pas  là.

    De nouveau, Heston fut bien vite de retour à Washington, cette fois pour représenter l'American film Institute, et pendant qu'il y était, il eut l'opportunité de jouer en double au tennis avec le sénateur Edward Kennedy. Charlton et son partenaire, le sénateur Tunny, se firent écrasés par Kennedy et son partenaire, mais ce qui était vraiment important était d'organiser l'ouverture de la salle de cinéma de l'American Film Institute ainsi que de renforcer la position de l'AFI.

    Il y avait également un dîner de remise de l'AFI Life Achievement Award pour John Ford à Los Angeles que Charlton aida à organiser et accueillir. Le président Nixon y était et remit également à John Ford la Medal of Freedom. Charlton était très fier en tant que membre de l'AFI d'avoir le privilège de présenter le nouveau président des États-Unis ce soir-là.

    Avec tout ce travail qui lui prenait du temps, et si peu pour être acteur, il y avait de nouvelles tensions sur la famille qui semblèrent se manifester sous la forme des migraines de Lydia. Elle dut finalement être hospitalisée. Les médecins virent alors que sa glande thyroïde était enflée. Charlton eut heureusement assez de temps pour rester à Los Angeles et la soutenir pendant sa guérison. Il espérait qu'avec cette opération qui aurait dû être faite bien plus tôt, les terribles problèmes dont Lydia avait souffert allaient disparaître.

    Le jour où il la ramena à la maison, il dut de nouveau la laisser ce qui ne fut pas facile car le simple fait qu'il parte la bouleversait terriblement. Il avait cependant un autre engagement qui l'attendait en Espagne pour jouer le cardinal Richelieu dans Les Trois Mousquetaires de Richard Lester.

    Au départ, Lester voulait Heston pour jouer Athos dans cette version comique du roman de Dumas. Il fallait tourner en Espagne, et comme Athos a un rôle assez faible mais est pourtant nécessaire dans beaucoup de scènes, Chuck n'était pas du tout motivé à passer l'été en Espagne sans grand rôle à jouer. Il proposa donc à Lester de lui donner une apparition à faire, et Lester proposa  Richelieu, sur lequel Charlton réagit, surtout quand Lester lui dit qu'il n'avait besoin de travailler que dix jours.

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    Heston aima jouer ce rôle, surtout parce qu'il signifiait qu'il devrait se cacher encore derrière une autre barbe et un faux-nez. Il avait toujours aimé créer le visage d'autres hommes à partir du sien. Il trouva également que Richelieu était un personnage fascinant à jouer. Il dit :

     

    « Le film était une interprétation sardonique de l'époque et des personnages. En fait tous les mousquetaires sont des crétins empotés tout comme le roi, ce qui est historiquement vrai.

    J'ai alors dit à Richard : « à quel point veux-tu que je sois comique? » Et Richard répondit « pas du tout. Tu dois jouer Richelieu comme si nous faisions un film biographique sur lui. Il doit être un antagoniste parfaitement crédible. »

    Je l'ai donc joué ainsi, droit, et bien que dans le roman de Dumas, il est un des grands méchants, il était en vérité l'un des hommes les plus talentueux de l'histoire de France. Il était certainement le seul homme avec une réelle intelligence ou des compétences dans le film.

    Il y a eu une phrase que j'ai lue dans une des biographies de Richelieu qui m'a tellement impressionné que j'ai demandé à Richard de l'intégrer. Quelqu'un lui dit : " ça doit être horrible d'avoir autant d'ennemis, " et Richelieu répond " moi ? Je n'ai pas d'ennemis. La France a des ennemis.

     

    Durant le tournage, Lydia vint pour être à ses côtés, faible mais heureuse d'être avec son mari. Quand chuck en a eu terminé avec le film, ils allèrent en Allemagne quelques semaines pour prendre des vacances, mais pendant qu'ils étaient là-bas, la tante de Lydia, Belle Clarke, est décédée, provoquant un choc dont n'avait pas vraiment besoin une Lydia déjà affaiblie. Ensuite, à peine quelques semaines plus tard, le père de Lydia décéda.

    Ils s'envolèrent pour Two Rivers pour l'enterrement, Lydia dans une chaise roulante à cause de problèmes de dos. Ils furent rejoints là-bas par Fray qui était parti pour une de ses aventures. Il avait dans l'idée de devenir biologiste marin, et passait une grande partie du temps hors de la maison, un état de fait difficile à supporter pour Lydia. C'était beaucoup plus difficile pour elle que pour Charlton de laisser leur garçon quitter le nid, et elle trouva cela tout aussi difficile de tenir,  juste une semaine après la mort de son père, quand Fray est parti à San Diego s'inscrire à la UCSD1  pour étudier la biologie marine.

     

    A SUIVRE...

     

    1University of California San Diego

  • 11 - NUMBER ONE, ou HESTON en « anti-héros »

    MAJ le 31 mars 2019 

    MAJ le 23 mars 2019 

     

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    S’il fallait rechercher dans la filmographie de Charlton HESTON un “ bon” film qui n’a quasiment été vu par personne et dont même certains de ses admirateurs ignorent jusqu’à l’existence, on pourrait sans trop s’avancer citer « NUMBER ONE » , production qui ne fut que très peu montrée aux USA et dont la distribution européenne fut pratiquement inexistante, comme pour rappeler à ceux qui feignent de l’ignorer que HESTON ne se contenta jamais, même au sommet de sa gloire, du statut de superstar et fut, à l’instar d’un PECK ou d’un LANCASTER, un artiste inspiré toujours prêt, du moins à ce stade de sa carrière, à prendre les risques qui s’imposaient.

    En effet , peu de temps après s’être engagé dans le projet de « PLANET OF THE APES » alors que la plupart des studios avaient trouvé l’idée de «  singes parlants » totalement ridicule et surtout invendable, HESTON remet sur le tapis un projet intitulé au départ «  PRO » soutenu par son ami Walter SELTZER, dont le thème était la fin de carrière d’un footballeur vedette de la NFL dont le parcours jusqu’ici glorieux se trouve compromis par des blessures diverses et surtout son incapacité à s’adapter au monde moderne ; conscient que ce sujet ne risquait d’intéresser qu’une clientèle américaine, et que donc le manque d’impact d’un tel projet sur l’EUROPE ou l’ASIE allait jouer en sa défaveur, les deux hommes décident donc de proposer l’idée, le « treatment » à la nouvelle équipe de UNITED ARTISTS qui vient de se mettre en place et recherche justement des «  peu coûteux » !

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    La belle affaire, se disent-ils, et ils ont partiellement raison, car David et Arnold PICKER, superviseurs de tous les projets chez ARTISTS, voient d’un bon œil qu’une star oscarisée accepte de travailler pour eux pour un salaire modeste et un pourcentage sur les profits qui parait plutôt aléatoire…l’agent «  iceman » CITRON va bien sûr s’inquiéter que son poulain tente l’aventure, tout comme il s’était opposé au western WILL PENNY réalisé l’année précédente par Tom GRIES, dont il craignait l’inexpérience ; on peut donc imaginer la tête du cher homme quand SELTZER lui annonce que GRIES mettra aussi en scène l’histoire du footballeur déchu…

    Concernant le choix du « metteur », les versions différent, car même si HESTON avait eu le courage de tenter l’expérience GRIES pour WILL PENNY, il n’avait surtout pas eu le choix, car en tant qu’auteur du scénario, GRIES ne voulait pas le vendre s’il ne mettait pas en scène ! pour NUMBER ONE, le cas est différent, car il n’est nullement auteur du scénario, et dans ses « journals » le comédien évoque clairement son envie d’utiliser les talents supérieurs d’un HUSTON et même d’un STEVENS, sans intéresser aucun des deux, et c’est contre mauvaise fortune bon cœur qu’il a fini par marcher avec GRIES ….

    Dans ses mêmes « journals » passionnants à plus d’un titre quand on veut comprendre comment se fabrique ou pas un film, il évoque aussi une industrie hollywoodienne en plein chaos, ou la moitié des lieux de tournage et autres «  sound stages » sont quasiment laissés à l’abandon par manque d’activité et chômage technique ; «  la ressortie de BEN-HUR va surtout aider la MGM à payer la note d’électricité de studios désespérément vides », note-t’il pendant l’été 68 ….

    C’est donc dans un climat morose et peu dynamique, à une époque ou HOLLYWOOD traverse une crise sans précédent, accentuée par le flop de comédies musicales ou films de guerre hors de prix ( MISTER DOOLITLE, STAR, TORA TORA TORA) que ce petit film UA va se construire, dans l’indifférence générale, il faut bien le dire !

    HESTON, toujours très professionnel dans ses choix et ses recherches, va se lancer dans la préparation du film avec deux objectifs : en savoir autant que possible sur le football américain ( souvenir de jeunesse pas forcément grandiose puisqu’il s’est cassé le nez lors d’un match)et surtout parvenir à une condition physique acceptable pour rivaliser avec les vrais pros ( du moins à l’écran) et donc être crédible pour le public !

    Ainsi que l’explique son biographe Marc ELIOT, le comédien possède à l’époque le corps certes musclé d’un joueur de tennis de bon niveau, mais pas du tout le torse et les épaules d’un joueur moyen de la NFL, va falloir travailler ! et voilà notre héros obligé de suivre un training à la LANCASTER, mais sans avoir forcément l’aisance naturelle requise ; qu’importe, il va apprendre, travailler, écouter, lancer le ballon, plaquer, le tout deux heures par jour cinq jours par semaine pendant deux mois, sans jamais se plaindre, devenir proche de l’équipe des NEW ORLEANS SAINTS engagés pour le tournage et qui ne tariront pas d’éloges sur la simplicité de la star et sa volonté farouche… de ne pas être ridicule ! ET il ne le sera pas, grâce à cette préparation difficile, et aussi l’aide du comédien Bruce DERN appelé à jouer un second rôle important, qui va carrément lui apprendre à courir pour éliminer son surpoids, obsession de l’acteur à l’époque, non par narcissisme, mais par besoin de préserver une apparence correcte pour les fans qui le font vivre !

    LE tournage, réduit contractuellement à quatre semaines, peut donc commencer sans trop de soucis, sauf que le comédien va se retrouver confronté à un de ses démons intérieurs : maintenant qu’il a saisi l’apparence ( outer se) du personnage et son background social, comment définir le vrai caractère ,le «  inner se »de ce CATLAN qu’il avoue dans ses « journals » tout simplement «  ne pas comprendre » !

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    BRUCE DERN

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    En effet, il a déjà joué des personnages habités, ou névrosés, ou antipathiques, c’est même une de ses caractéristiques, mais ce CATLAN, obsédé par lui-même, réclamant l’attention de son épouse alors qu’il ne s’intéresse pas à son travail, tentant une liaison avec une femme plus jeune pour oublier qu’il prend lui-même de l’âge, refusant toute réinsertion même honorable, lui échappe, il ne le comprend pas, et surtout, il ne l’aime pas vraiment ; or, il dira lui-même souvent, pour bien jouer un personnage, il faut l’apprécier un minimum ; il va donc tenter de se l’approprier, mais sans réussir totalement à l’incarner, du moins selon ses critères élevés…

    UN autre souci, celui-là lié à une dualité typiquement « hestonienne » va aussi faire jour, c’est le sens à donner à « son » film, doit-on se contenter d’une approche documentaire expliquant au public ce qu’est la vie d’un sportif pro américain, ou doit-on se servir de l’histoire comme pour symboliser les défauts d’une société américaine fondée sur le pouvoir de l’argent et qui laisse impitoyablement sur le carreau tous ses « losers », même magnifiques ?

    HESTON, qui est à l’époque dans le clan des libéraux, est loin d’ignorer les tares et les vices Du système en question, mais contrairement à un LANCASTER qui au même moment produit avec THE SWIMMER une dénonciation féroce de l’ « american way of life », ne souhaitera pas aller aussi loin, car s’il tente de comprendre le cas de cet individu qui s’isole peu à peu du milieu qui l’a nourri, il n’est pas à l’aise avec la notion de «  loser » qu’il perçoit comme dangereuse et débilitante, c’est trop pour lui, et il va tout faire pour que le film reste un constat amer, sans pour autant remettre en cause le système qui a construit CATLAN ; d’ailleurs, Elia KAZAN, intrigué par ses choix du moment, et voyant en lui un pessimiste qui finalement n’existe pas vraiment, se verra opposer un refus cinglant quand il lui proposera le premier rôle de son nouveau film, «L’ARRANGEMENT », ce qui n’est pas étonnant «  it’s a loser’s story, with a loser for protagonist » !

     

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                   (avec Jessica Walter)                                                                                    (avec Diana  Muldaur)

     Cependant, même si on touche avec ce film les limites de l’engagement social et sociétal de la star, on ne peut qu’admirer l’aisance avec laquelle il pose le personnage de CATLAN, et ce dès le début du film, sans utiliser les effets qui lui ont servi si bien jusque là ; tour à tour violent et buté, doux et compréhensif, capable, et c’est un peu une nouveauté, de parfaitement ciseler son jeu dans les nombreuses scènes avec ses deux excellentes partenaires féminines, Jessica WALTER et surtout Diana MULDAUR, physiquement crédible dans les scènes de match comme dans les dialogues avec le cynique Bruce DERN, il n’est pas loin du sans-faute, dans la droite lignée de WILL PENNY, ou il fut tout aussi remarquable en héros westernien vieilli et vulnérable, ce qui est aussi le cas ici. C’est un grand rôle, indubitablement !

    Ce que l’on peut reprocher au film, ce n’est pas tant le jeu des acteurs, ou la construction logique et implacable d’un scénario qui pourrait s’intituler «  la chute d’un héros » mais plutôt la mise en scène finalement souvent statique et mollassonne de GRIES, qui ne laisse pas, et c’est dommage, le film s’envoler sur la fin, et ne met pas assez en valeur un dénouement pourtant bouleversant ; quand CATLAN git, blessé au sol après ce qui aura été le match de trop, on pourrait espérer une réalisation qui soit digne du tragique de la situation, mais GRIES s’y refuse en se concentrant sur le visage dépité de l’épouse ( WALTER) et un panoramique arrière assez convenu, on ne peut que rêver à ce qu’un HUSTON ou un WYLER auraient su faire d’un tel matériau !

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    Ces réserves étant faites, on ne peut que louer l’artiste et ses collaborateurs d’avoir cru en cette histoire finalement dérangeante et originale, à une époque ou le cinéma américain n’en avait plus que pour les films de jeunes à la EASY RIDER ou les polars cyniques à la BULLIT ; et franchement, si les films précités ont bien mieux fonctionné au box-office du moment, il est amusant de constater à quel point ils nous paraissent aujourd’hui souvent datés et lourdingues, là ou justement, des « petits films » comme NUMBER ONE et THE SWIMMER, pour n’en citer que deux, ont gardé toute leur pertinence et leur force émotionnelle…

    A CECILE …

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  • "JULES CESAR " - point de vue de Maria sur le film

    Notre amie Maria à qui j'ai envoyé la version restaurée du film "JULES CESAR", l'a apprécié et m'a fait part de ses ressentis que j'ai souhaité partager avec vous toutes et tous. 
     
    Chère Maria, j'ai pensé que nos amis apprécieraient comme j'ai apprécié ce que tu écris sur ce film. Je t'en remercie. 
     

    il tuo splendido regalo è arrivato martedì e non posso che ringraziarti con tutto il cuore.

    Lo abbiamo visto ieri sera. Il film è bellissimo. Molto, molto meglio della vecchia copia che avevo. Finalmente la scena dei Lupercali, completa di quel piccolo scambia di battute in cui Cesare, massima autorità religiosa romana, chiede ad Antonio che partecipa alla corsa rituale di toccare sua moglie Calpurnia per darle il dono della fertilità, suggerendo Shakespeare il futuro di Antonio, possibile successore di Cesare. Splendida l’evocazione del sogno di Calpurnia. Eccezionale il succedersi dei due monologhi di Antonio, il primo breve sul corpo di Cesare e poi il secondo e più famoso “Friends, Romans, Countrymen” con tanti improvvisi e significativi cambi di tono e di espressione.

    Infine la scena delle terme della cui incompletezza mi ero tanto lamentata. Steso sul lettino e poi alzatosi a sovrastare Ottaviano, Antonio traccia il futuro impero di Roma e l’immediata punizione dei cospiratori.

    Bellissimo anche il commento di Sara Hatchuel. L’ho seguito parola per parola: capisco abbastanza bene il francese parlato e soprattutto su un argomento che mi è tanto familiare come la storia del teatro. Perfettamente d’accordo. Il primo protagonista del dramma era probabilmente Bruto.

    Ma Shakespeare era sensibile al successo economico dei suoi spettacoli e nel corso delle repliche deve essersi accorto quanto affascinava il pubblico l’orazione di Antonio, sino a cambiare completamente l’indole della folla.

    La Hatchuel sottolinea giustamente la teatralità dell’opera, il fatto che si fondi su 4 personaggi: Cesare, Bruto, Antonio e Cassio e come a partire dalla fine del XIX secolo il personaggio di Antonio si pone al centro. Incomincia in quella fine di secolo l’epoca del grande attore e della recitazione che avvince il pubblico.

    A considerare l’architettura del Globe questo deve essere già avvenuto vivente Shakespeare. La scena elisabettiana consta di tre parti di cui una , l’apron , è una pedana spinta nel cuore della platea e sovrastata a ferro di cavallo dai palchi per tre ordini verticali.

    L’attore che si trovasse a recitare il monologo di Antonio affascinava sia gli attori che impersonavano i cittadini di Roma, sia gli spettatori inglesi che sono costretti a limitare il rumore (erano in genere spettatori rumorosi) se vogliono capire come e perché la vicenda si sta evolvendo sotto i loro occhi.

    Vedere un’opera d’arte e seguire un commento intelligente e ben documentato è un grande piacere dell’anima.

    E ieri è stato un grande piacere per me e per mio marito, a cui ho tradotto la parte francese.

    La mente si è alleggerita dei pensieri e abbiamo goduto di 2 ore di autentico piacere.

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    Votre beau cadeau est arrivé mardi et je ne peux que vous remercier de tout mon coeur.
     
    Nous l'avons vu hier soir. Le film est magnifique. Beaucoup, beaucoup mieux que l'ancienne copie que j'avais. Enfin la scène des Lupercales¹, complétée par ce petit échange de blagues dans lequel César, la plus haute autorité religieuse romaine, demande à Antoine qui participe à la course rituelle de toucher sa femme Calpurnia pour lui donner le cadeau de la fertilité, suggérant à Shakespeare l'avenir d'Antoine, possible successeur de César. L'évocation du rêve de Calpurnia est splendide. Exceptionnelle, la succession des deux monologues d’Antoine, le premier exposé sur le corps de César, puis le deuxième et plus célèbre «Amis, Romains, Paysans» avec de nombreux changements de ton et d’expression soudains et significatifs.
     
     
    Enfin la scène des Thermes  dont j'avais tant regretté l'incomplétude. Allongé sur le canapé et se levant ensuite pour dominer Octave, Antoine retrace le futur empire de Rome et le châtiment immédiat des conspirateurs.

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    Beau aussi le commentaire de Sarah Hatchuel. Je l'ai suivi mot à mot : je comprends assez bien le français et surtout sur un sujet qui m'est aussi familier que l'histoire du théâtre. Parfaitement d'accord. Le premier protagoniste du drame était probablement Brutus.
     
    Mais Shakespeare était sensible au succès économique de ses spectacles et au cours des répliques, il avait sûrement remarqué à quel point le public était fasciné par la prière d'Antoine jusqu'à ce qu'il change complètement la nature de la foule.
     
    Hatchuel souligne à juste titre la théâtralité de l'œuvre, le fait qu'elle se base sur 4 personnages : César, Brutus, Antoine et Cassius et qu'à partir de la fin du XIXe siècle, le personnage d'Antoine est au centre. L'ère du grand acteur et du jeu d'acteur qui captive le public commence à partir de ce siècle.
     
    Pour considérer l'architecture du Globe, cela s'est passé du vivant de Shakespeare. La scène élisabéthaine comprend trois parties, dont l'une, le tablier, est une plate-forme enfoncée au cœur des étals et dominée par les fers à cheval des caisses pour trois ordres verticaux.
     
    THEATRE ELISABETHAIN DU GLOBE A LONDRES
     
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    L'acteur qui récitait le monologue d'Antoine fascinait à la fois les acteurs qui interprètent les citoyens de Rome et les spectateurs anglais qui sont obligés de limiter le bruit (spectateurs généralement bruyants) s'ils veulent comprendre comment et pourquoi l'histoire évolue sous leurs yeux.
     
    Voir une œuvre d'art et suivre un commentaire intelligent et bien documenté est un grand plaisir pour l'âme.
     
    Et hier, cela a été un grand plaisir pour moi et mon mari, à qui j'ai traduit la partie française.
     
    L'esprit s'est libéré de ses pensées et nous avons apprécié 2 heures de réel plaisir.

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    ¹ - Les Lupercales sont, dans la Rome antique, des fêtes annuelles célébrées par les luperques du 13 au 15 février, près d'une grotte nommée le Lupercal (située au pied du mont Palatin et probablement découverte en novembre 2007) WIKIPEDIA
  • 29 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

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    Quatrième Partie

     La bienvenue du héros

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    La neige de Londres n'était pas celle craquante, frissonnante, accueillante qui tombait à St Helen. Elle tournoyait à la sortie du Queen's Theater au cœur de Londres, humide, pénétrante et misérable, mais n'aurait pas pu suffire à saper le bonheur de la presse impatiente de Fleet Street qui s'avançait pour accueillir l'homme sortant de la voiture comme une sorte de héros conquérant. Charlton Heston était venu en ville, créant ainsi un grand émoi. 

    Non pas qu'être à Londres, sa capitale européenne favorite, soit quelque chose de nouveau, mais cette fois – en février 1985 – il était venu réaliser un vieux rêve : se produire sur une scène londonienne. Il était acteur professionnel depuis quarante ans, avait remporté un Oscar du Meilleur Acteur, avait reçu un autre Oscar spécial1, gagné tellement d'argent qu'il n'aurait plus jamais besoin de travailler, mais n'avait encore jamais accompli ce qu'il considérait être le sommet de toute carrière d'acteur. Il expliqua : « je pense que pour tout acteur qui joue en anglais, tant qu'il n'a pas joué en Angleterre, il n'a en fait encore jamais joué. » Après quatre décennies, il était enfin sur le point de le faire, vraiment le faire. Il était venu avec une grande troupe d'acteurs tous américains et la brillante pièce d'Herman Wouk, The Caine Mutiny Court-Martial qu'il mettait en scène en plus d'y jouer le capitaine Queeg.

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    PHOTOS : https://www.collectors.com/entertainment-item/caine-mutiny-court-martial-playbill-charlton-heston-queens/2508786621438883408

    Lors de la conférence de presse du Queen's Theater, il se retrouva encerclé de tous côtés par des journalistes et des photographes. Ca n'avait bien sûr rien de nouveau. Il savait comment gérer ce genre de situation. Mais cette fois, son plaisir et son enthousiasme d'être en Angleterre rendirent plus agréable et plus simple son exposé des raisons pour lesquelles il voulait jouer en Angleterre, jouer cette pièce en particulier, la mettre en scène et pour son choix de  l'acteur anglais Ben Cross, la star de Les Chariots de feu.

    Comme Charlton l'expliqua, « Avec cette pièce, on a deux auriges appelés Ben pour le prix d'un seul : Ben-Hur et Ben Cross ! »

    Même avant que The Caine Mutiny Court-Martial soit joué devant le public anglais, Charlton Heston apparaissait partout sur les médias, invité dans toutes les émissions de télé, donnant des interviews à la radio et quelques-unes à la presse, tant la demande de communiquer avec le public anglais à cette star presque légendaire du cinéma était grande. Ça faisait longtemps qu'Heston n'avait pas fait une telle sensation à Londres. L'âge n'avait pas affaibli sa stature ou son image : il avait soixante-deux ans, mais toujours, comme le décrivit un journal, « le plus charpenté des enfants d'Hollywood. »

    Le succès de la pièce dépendait cependant de plus de paramètres que sa seule image de marque, alors que lui dépendait du succès de la pièce. C'était de loin son projet le plus personnel et le plus important depuis le tournage d'Antoine et Cléopâtre quatorze ans plus tôt.

    Le temps avait soigné les blessures dont il avait souffert à cause de ce film, et s'il croyait vraiment en ce qu'avait dit Gordon de Khartoum (que sa seule peur était celle d'échouer), alors il était encore plus déterminé à ce que The Caine Mutiny Court-Martial ne connaisse pas le même sort que son cher Antoine et Cléopâtre avait subi plus d'une décennie plus tôt.

    Le traumatisme d'Antoine

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    Durant tout le temps du tournage d'Antoine et Cléopâtre, Lydia fut ravagée par les migraines de plus en plus fréquentes. Les expliquer n'était pas si simple, mais tous deux supposèrent que la pression en faisant ce film cet été-là devait les stresser tous les deux plus que d'ordinaire.

    Lydia dut certainement vivre des moments d'inquiétude durant ces huit semaines en Espagne. Elle dit : « Charlton était si occupé par Antoine et Cléopâtre entre son travail de réalisateur et celui d'acteur. Normalement, il est très prudent, et c'est un épéiste expérimenté, mais j'ai vu quand il est rentré à la maison après une des scènes de bataille que ses mains étaient pleines d'entailles. Bien sûr, je m'inquiéte quand il fait des choses dangereuses, et bien sûr que des accidents peuvent arriver, mais on n'y pense pas. »

    Espérant que les maux de tête diminueraient une fois de retour à Coldwater Canyon, Charlton avait hâte de rentrer pour travailler sur le montage dans sa propre salle de projection en compagnie d'Eric Boyd-Perkins. Les maux de tête ne cessèrent cependant pas, et la frustration d'Heston grandissait au fil des jours où il attendait qu'arrivent les bobines de film.

    Elles arrivèrent enfin et Heston et Boyd-Perkins s'enfermèrent pendant plus d'un mois pour monter les prises et en faire un film entier, et les migraines de Lydia continuaient toujours. C'était une course contre la montre pour Heston qui travaillait d'arrache-pied pour que le film soit doublé et mis en musique à temps,  avant le London Opening où Antoine et Cléopâtre aurait sa Première en mars 1972. Il dut cependant laisser la fin du montage à Peter Snell, ayant un engagement à tenir avec MGM pour jouer dans leur film Alerte à la bombe2. Il dut également mettre fin à son règne en tant que président de la SAG tant il était pressé par le temps. Aussitôt après sa démission, ceci dit, il se retrouva élu à la American Film Institute.

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    Pour jouer le pilote de Alerte à la bombe, il fit de son mieux pour avoir l'air convainquant en s'entraînant dans un simulateur d'avion. Le film n'en exigeait pas tant, simplement de paraître pouvoir piloter un avion. Ce n'était pas vraiment le rôle de plus exigeant de sa carrière. Il dit : « Je me glissais tous les jours dans la cabine du pilote et volais sans destination au trentième étage. Quand j'étais chanceux, le réalisateur John Guillermin me laissait dix minutes pour aller aux toilettes avant la pause déjeuner. Hormis ça j'étais sanglé dans le cockpit. Les seuls muscles que je pouvais utiliser ici étaient mes cordes vocales ! »

    Les censeurs australiens, sans qu'on sache vraiment pourquoi, eurent le sentiment que le film pourrait encourager le détournement d'avions et interdirent le film. Quand Chuck eut vent de la controverse, il dit : « je ne vois pas en quoi le film est polémique sauf pour ceux qui détournent des avions, qui sont une toute petite minorité dans notre société. Personne n'ira jamais soutenir que le détournement d'avion est une bonne chose. Notre terroriste rencontre une fin brutale et bien méritée. Ce film n'encouragera jamais personne à détourner des avions. »

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    Malgré son interdiction en Australie, le film eut un grand succès, et malgré le fait qu'Heston apparaisse en fait dans relativement peu de scènes, il en tira les bénéfices financiers plus que bienvenus, surtout après avoir mis tant d'argent dans Antoine.

    Avec Alerte à la bombe dans la boîte, Heston s'envola pour Londres pour la première mondiale d'Antoine et Cléopâtre à l'Astoria le 2 mars. Il commença la journée avec une course matinale de 5 kilomètres3 dans Hyde Park. Plus tard dans la matinée, il fit une apparition en public au Selfridges sur Oxford Street où il fut assailli par des milliers de fans.

    La première elle-même était menacée par une vague de coupures de courant qui touchait alors le pays. Un générateur de secours était à disposition, mais heureusement, il n'y eut pas de coupures cette nuit-là, et le premier film réalisé par Heston fut diffusé sur le Cinérama de l'Astoria. Les critiques ne furent cependant pas impressionnés. D'après le Daily Express, « la tragédie et la passion… disparaissent devant vos yeux… la faute pour cette interprétation malheureuse est à mettre sur les larges épaules de Charlton Heston. »

    Les autres journaux étaient plus ou moins d'accord, même si le Guardian concède : « Quant à Heston en tant qu'acteur, c'est une autre histoire. Voilà une interprétation solide et parfaitement adéquat d'Antoine. »

    Heston fut foudroyé en lisant les critiques, et on ne s'explique pas pourquoi les critiques furent si cinglants. La seule vraie faiblesse du film est Hildegard Neil, et cela donna raison à Orson Welles qui disait que la pièce ne pourrait jamais rencontrer du succès sans une grande Cléopâtre. À part ça, le film est magnifiquement cadré, bien rythmé et dans l'ensemble bien joué par presque tous les acteurs. Heston était également superbe en Antoine.

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    Après sa diffusion à West End, Antoine et Cléopâtre disparut et ne sortit pas. En Amérique, il ne fut montré qu'une seul fois dans un petit cinéma d'art et d'essai, et c'était une version abrégée. Rempli d'amertume, Heston alla en Norvège pour faire L'Appel de la forêt et vit que lui et le réalisateur britannique Ken Annakin étaient tombés sur une bande d'amateurs. La vraie vedette du film était un chien, mais les producteurs de différentes nationalités n'avaient même pas obtenu les services d'un chien entièrement entraîné, ce qui ralentit naturellement la production. Ils trouvèrent finalement un excellent chien, mais L'Appel de la forêt devint le cauchemar d'Heston. Parlez-lui de ce film, comme j'ai déjà entendu quelqu'un le faire, et il vous répondra très probablement comme il le fit alors :

    «J'aurais préféré que vous ne parliez pas de ce film. Ça a été sans conteste le pire film de ma carrière. Je n'ose même pas demander pardon pour le script, parce que si l'on n'est pas capable de faire un bon film à partir du meilleur roman de Jack London, c'est qu'on a vraiment tout foiré

    Quand je lui en ai parlé, j'ai dû admettre que je n'avais vraiment pas trouvé le film si mauvais que cela. Il me répondit :

    «Évidemment, il m'a déçu parce que le roman de Jack London était juste incroyable. Nous aurions dû tourner en Alaska, dans le Klondike, et puis j'ai le sentiment que nous aurions pu en faire beaucoup plus. Plus de temps aurait dû être consacré au travail avec les chiens. Le film fut fait alors que nous étions pressés par le temps. Croyez-le ou non, c'était une coproduction germano-italo-anglo-hispano-norvégienne, ce qui signifie bien sûr qu'il fallait des citoyens de chacun de ces pays pour jouer un rôle, signifiant que j'étais le seul acteur qui n'allait pas être doublé. Cela mena à quelques complications.

    Bien sûr que le plus gros du film a bien fonctionné, mais j'aurais espéré que ce soit mieux que ça ne l'a été.

     

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    Je me suis toujours bien entendu avec les chiens. J'ai presque toujours eu des bergers, et j'aimais beaucoup le chien. C'était un bon chien. Il resta avec moi une bonne partie du temps dans l'hôtel à Oslo, mais j'ai trouvé que la Norvège était un pays un peu morne

    Talonnant Antoine, tout cela aurait pu être un coup rude à son moral, mais il n'a jamais été le genre d'acteur à juste s'asseoir et à attendre que les scripts arrivent à lui. Il joue presque toujours un rôle crucial dans la mise en place de ses films, et il essayait depuis quelques temps d'en faire un, tiré d'un livre qu'il avait lu en 1968 titré Soleil vert4. MGM le prit finalement comme prétexte pour avoir un film avec Heston pour suivre le succès phénoménal de Alerte à la bombe. C'était une histoire futuriste sur comment l'augmentation de la population et les réserves limitées de nourriture mènent au chaos. On y produit une nourriture synthétique, et un policier, joué par Heston, découvre que cette substance est préparée à partir de cadavres humains. Elle s'appelle Soleil vert5, et en temps voulu, Soleil vert devint le titre du film. Cela avait clairement l'air du genre de film susceptible d'aider à effacer le traumatisme de l'échec d'Antoine et Cléopâtre.

     

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    1 Le prix humanitaire Jean Hersholt, en 1978

    2 Skyjacked

    3 3 miles

    4 Make room ! Make room ! La traduction française est arrivée en 1974, après la sortie du film avec Charlton Heston

    5 La traduction officielle en français de « soylent green », une compression de « soja » et « lentille » en anglais

  • 28 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

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    Le Projet le plus important de l'artiste

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    Il venait de faire sa promenade quotidienne dans Hyde Park et était de retour dans sa suite au sixième étage du Dorchester Hotel. Il était à Londres pour préparer ses acteurs pour les semaines à venir en Espagne où ils joueraient l'histoire d'Antoine et Cléopâtre. Il répéta seul ce matin-là, tendu mais en pleine concentration détendue. Il s'interrompait de temps en temps, comme un réalisateur interrompt un acteur, et se précipitait pour vérifier quelque chose dans l'ouvrage de référence. Cet après-midi-là il s'est rendu à Nottingham en tant qu'intervenant invité à une conférence John Player dans la salle de cinéma. L'une des questions qu'on lui a le plus posée ce jour-là était : « pourquoi portez-vous une veste brodée de plumes d'émeus ? » Il répondit patiemment à chaque fois : « je l'ai obtenue en jouant au tennis en Nouvelle-Zélande. »

     

    Pour un homme assailli par les inquiétudes et les attentes pour le film qu'il était sur le point de faire, il était remarquablement calme. Sur le chemin vers Nottingham, l'un des pneus de la voiture éclata sur l'autoroute. Il conseilla avec sang-froid aux autres passagers dans la voiture de se préparer au cas où la voiture se retournerait. Tandis que le chauffeur arrêtait la voiture,  il montra calmement le magnifique paysage de chaque côté de l'autoroute.

    N'arrivant que quelques minutes en retard, Charlton Heston resta tout aussi calme en répondant aux questions. Il avait appris à gérer ce genre de forum ouvert grâce à un auditoire, et il savait que les questions qui ressortiraient seraient les mêmes que celles auxquelles il avait déjà répondu des millions de fois. Il connaissait déjà les réponses comme s'il avait déjà lu un script. Donc quand quelqu'un lui demanda comment il avait coupé la Mer Rouge en deux, il répondit : « j'avais un gros bâton ! »

     

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    Peut-être que le public, comme beaucoup d'autres lors de telles conférences ou dans des studios télé, croyait voir l'homme tel qu'il est vraiment, mais c'est une performance, son caractère naturellement timide masqué par la masse de réponses enregistrées dans sa tête. Il répond simplement à chaque question avec une réponse appropriée, et si une nouvelle question apparaît, il crée une toute nouvelle réponse rapidement et l'enregistre mentalement pour s'en resservir plus tard.

    La conférence John Player fut un divertissement plaisant pour le distraire de ce qui occupait son esprit, mais une fois terminée, il laissa ses pensées de nouveau être submergées par Antoine et Cléopâtre parce que c'était la véritable raison de sa présence en Angleterre.

    L'équipe d'acteurs qu'il avait choisie était surtout composée d'Anglais comme Eric Porter, John Castle et Julian Glover. Il y avait aussi un certain nombre d'acteurs et de techniciens espagnols : un compromis qu'il avait fait pour être soutenu financièrement par une compagnie espagnole de films. Le reste de l'argent venait de banques et il s'est lui-même porté garant pour le remboursement. Il y avait réfléchi encore et encore ; réfléchi à s'il avait le droit de dépenser l'argent qu'il avait gagné pour la sécurité de sa famille, pour quelque chose qu'il n'avait à faire que pour satisfaire personne d'autre que lui-même. Il en discuta avec Lydia et elle le soutint de tout son cœur.

     

    vlcsnap-00084.png  (Julian Glover)          vlcsnap-00147.png     (John Castle)                                                                                                                                                            

                                             

    vlcsnap-00373.png    (Eric Porter)                    PDVD_307.png (Diana Rigg )

                                                   

     

    Il se souvint du conseil qu'Olivier et Welles lui avaient tous les deux donné : « tu dois répéter toute la pièce pendant autant de semaines que possible avant de commencer le tournage, et tu as besoin d'un bon acteur pour jouer Antoine pendant que tu diriges les répétitions et que tu prépares le tournage. »

    Heston et sa troupe jouèrent toute la pièce pendant trois semaines une douzaine de fois ou plus pour la structurer et la restructurer. Hildegard Neil, qui faisait partie du casting, raconte :

    «Chuck voulait voir dans quelle genre de direction il devait aller. Il ne voulait pas forcément que tout soit bon dans les répétitions, mais au bout de deux semaines, on avait une idée assez claire de ce qu'il allait vouloir. On était capable d'aller au travail avec ses idées en tête. C'était nécessaire pour lui de faire ça, parce qu'une fois le tournage commencé, il faut s'occuper de la position de la caméra, le parcours à tracer etc.»

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    Les répétitions, qui avaient lieu dans une salle miteuse près de Covent Garden, montrèrent qu'il avait reçu d'excellents conseils. Le conseil d'avoir un autre acteur pour jouer son rôle pendant qu'il dirigeait était tout aussi précieux. Il choisit Julian Glover qui allait jouer Proculeius que, ironiquement, Charlton avait joué à Broadway.

    Hildegard dit de Glover : « il a appris toutes les répliques d'Antoine et il a joué les scènes avec moi, ce qui était inestimable. Il venait toujours avec des idées qui ne pouvaient pas lui servir à lui, mais à moi et à Chuck. »

    L'éloge d'Heston à Glover est éclatante :

    «La performance de Julian Glover en Proculeius est remarquable, mais son tout aussi bon travail en Antoine durant des répétitions interminables pendant que je donnais forme au rôle et au film n'est pas seulement une preuve de son talent, mais aussi de son sens de la discipline au travail.

    Pour un acteur, préparer tout un rôle et se le voir refuser à la fin, c'est comme emmener une dame à un bal, lui offrir du vin et le repas, puis la laisser dans les bras d'un autre homme. Qu'il ait supporté cette frustration avec une constante bonne humeur est un acte de bonté dont je ne lui serai jamais assez reconnaissant

    Heston était en Espagne dans l'été 1971 avec sa petite armée d'acteurs et de techniciens, transformant le terrain en Rome et en Égypte et retournant deux mille ans en arrière. Il n'avait que huit semaines pour que tout soit prêt. On força le rythme, on fit plus de compromis qu'il ne l'aurait voulu, des scènes furent sacrifiées pour gagner du temps, mais chaque acteur mit tout son cœur à produire le film que voulait Heston. D'après les propos de Hildegard :

    «Il y a mis ses tripes. On devient si loyal envers Heston parce qu'il est enthousiaste, parce que ça représente tant pour lui. On ressent aussi de l'émerveillement pour cette superstar de cinéma qui fait tant pour notre profession, un homme qui continue de prendre le temps de monter sur scène parce qu'il aime jouer au théâtre, un homme si impliqué dans tout ce qu'il fait.

    Tout le monde a uni ses efforts et cela donna une merveilleuse atmosphère.»

    Il n'y a probablement jamais eu de réalisateur qui inspirait plus de loyauté à ses acteurs qu'Heston, mais ce qui était vraiment remarquable, c'est qu'en plus de s'avérer être un réalisateur compétent, il réussit quand même à faire d'Antoine l'un de ses meilleurs rôles. Le voir briller en Antoine ne devrait cependant pas être si surprenant que cela. Comme il me le dit :

    «Antoine dans Jules César, que j'ai joué à l'université, dans le film de Bradley et dans celui de Burge, est sans doute le grand rôle classique le plus susceptible de fonctionner même si l'acteur est mauvais1. S'il ne devait y avoir qu'un seul rôle facile dans la pièce, ce serait celui d'Antoine. Non seulement c'est le rôle le plus court parmi les principaux, mais aussi de loin le meilleur. Je veux dire, regardez le pauvre Brutus, là, qui trime pour surmonter les difficultés, et ici Antoine qui se balade de temps en temps et qui n'a que des choses épatantes à faire.

     

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    (Charlton Heston dans le rôle d'Antoine en 1950 - JULES CESAR de David BRADLEY)

    Antoine dans Antoine et Cléopâtre est un rôle bien plus difficile que dans César, mais c'est intéressant d'avoir la chance, en un sens, de jouer le développement de cet homme, passant de l'homme sanguin de César dans lequel Antoine est une figure triomphante, à la tragédie grandissante de l'autre pièce dans laquelle le rôle d'Antoine est exquisément écrit.

    La pièce en elle-même n'a jamais été un grand succès sur scène, et d'après moi, c'est parce que toutes les autres grandes pièces se passent surtout dans la tête des personnages : ce qui se passe dans le cœur d'Hamlet est bien plus important que l'endroit où ça se passe. Le fait que Macbeth tue Duncan en Écosse n'a pas vraiment d'importance. Le fait qu'Othello vive à Venise n'a pas vraiment d'importance, mais Antoine et Cléopâtre joue beaucoup sur la différence entre Rome et l’Égypte. La pièce se passe très exactement à Alexandrie, en Grèce, en Sicile et à Rome. C'est également la seule parmi les pièces majeures où se passe une bataille où le résultat a beaucoup d'importance pour les rôles principaux, et représenter la bataille d'Actium sur scène est presque impossible2. C'est juste infaisable, et il y a deux batailles principales dedans.

    C'est la pièce qui exige à tout prix une caméra. William Shakespeare était un auteur de cinéma né.»

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    Tandis que le tournage avançait, rien n'aurait pu détourner Heston de son objectif. Même quand on le tint un jour pour malade, il est venu en titubant jusqu'au plateau et maintint le rythme malgré un hébétement maladif. Son propre professionnalisme strict mena inévitablement à des angoisses. Rafael Pacheco, le directeur de la photographie, semblait prendre tout son temps pour éclairer le plateau, faisant perdre un temps précieux et forçant Charlton à éliminer des scènes qu'il avait prévu de faire. D'autres contretemps lui firent considérer son contrat de coproduction comme une erreur, et il avait encore d'autres problèmes à gérer.

    Les migraines continuelles de Lydia étaient plus insoutenables que jamais, et il se demandait à quel point il en était la cause. Il avait également conscience en regardant les prises de vue, qu'Hildegard Neil, aussi bonne actrice soit-elle, n'était pas la grande Cléopâtre qu'il avait espérée et qu'Orson Welles lui avait dit d'avoir. Toutefois, il se dit que la pièce était ce qui comptait et qu'il pouvait quand même approchait de son rêve. Il savait qu'en tant que cinéaste, il ne pourrait jamais complètement réaliser son rêve dans un projet, mais il voulait juste en approcher, et il essaya de toutes ses forces.

    Alors, quand les huit semaines de tournage s'achevèrent, il se mit au milieu du décor vide, le regardant être démonté. Il était fatigué. Il avait relevé le défi et survécu, mais aussi loin que sa mémoire puisse remonter, il n'avait jamais été aussi fatigué, et il avait hâte de rentrer à la maison.

    Même l'épuisement sans limite n'était cependant pas suffisant pour siphonner toute la joie d'avoir fait Antoine et Cléopâtre, même la perspective de tout le montage et le doublage qu'il restait à faire. Il me dit : « j'ai aimé faire ce film. Ce fut le projet le plus important… le plus important sur le plan créatif de toute ma vie. »

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    1Heston, en anglais, dit que le rôle d'Antoine est « actor-proof » (litt. « qui résiste à l'acteur »)

    2Parce que c'est une bataille navale