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ADRIEN - Traducteur de Michael Munn

  • MICHAEL MUNN N'EST PLUS

     
    (photo WIKIPEDIA)
     
    Cet après-midi, notre ami Renaud Vallon m'a informée du décès de Michael MUNN auteur du livre "CHARLTON HESTON : une biographie" sorti en 1986 et que mon petit-fils Adrien avait traduit pour ce blog que je dédie à Chuck.
     
    Sur WIKIPEDIA : "Michael Munn (8 octobre 1952 - juillet 2022) était un auteur, historien du cinéma, et acteur britannique.
    Munn vivait à Sudbury, dans le Suffolk. Il est décédé d'une crise cardiaque en juillet 2022, à l'âge de 69 ans."
     
     
     
    Je ne vous décris pas notre surprise et notre émotion qui sont grandes.
     
    Je le savais malade et depuis 2021, il ne publiait plus rien sur son mur FB. ni sur INSTAGRAM.
     
    Renaud et moi avions eu différents échanges avec Michael.
     
    Lors du dixième anniversaire du décès de Charlton Heston, j'étais entrée en contact avec Michael pour avoir l'autorisation de traduire son livre. Il me l'avait donnée de bon coeur avec un peu d'humour "british" de surcroît.
     
    Je garderai le souvenir d'une personne simple, accessible qui n'hésitait pas à répondre aux questions que je lui posais sur Charlton Heston.
     
    Il m'avait offert un portrait de Ben Hur et Esther qu'il avait dessiné à la plume, ainsi qu'une lettre que lui avait envoyée Charlton Heston.
     
    R.I.P. Michael .
     

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  • 34 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

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    …SUITE & FIN

     

    Durant toute sa vie d'acteur, Charlton a résisté à la tentation des chaînes de télévision pour qu'il apparaisse dans des téléfilms ou des séries. C'était souvent à la limite de la séduction. Dès 1957, MCA lui agitait sous le nez une carotte d'un million de dollars pour que le jeune Heston joue dans la série western Cimarron City1, mais il résista. Il évita les téléfilms comme la peste, affichant une attitude quelque peu snob à leur égard, croyant qu'en raison de la vitesse avec laquelle  les séries et les téléfilms sont faits, il ne pourrait jamais produire  le genre de performance qui le satisferait, sans parler de n'importe quoi d'autre. Bien sûr, il était content de faire de la télévision quand la diffusion était en direct et offrait à peu près les mêmes défis que la scène, mais depuis Elizabeth and Essex, il n'a plus du tout fait de télévision, hormis en tant qu'invité dans des émissions d'interview ou même de divertissement. En gros, il se disait : " si vous pouvez faire un film pour le cinéma,  ne faites pas de télé ".

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    Charlton Heston et Judith Anderson dans ELISABETH ET ESSEX

     

    Sous Ronald Reagan, Charlton s'est d'abord engagé dans la politique de l'industrie du film quand il fut invité à rejoindre la SAG. Cela le mena de fil en aiguille à être élu six mandats de suite président de la SAG, marchant sur les traces de Reagan. Heston n'avait cependant pas du tout l'intention de suivre le chemin que Reagan a pris jusqu'à la Maison Blanche en 1981. A cause de son engagement dans la politique du cinéma, la question de savoir s'il tenterait de se présenter pour devenir sénateur ou même président des Etats-Unis lui a souvent été posée, et comme nous l'avons déjà vu, sa réponse préconçue était : « j'ai déjà été président des Etats-Unis deux fois. »

    Il n'y a même pas si longtemps, en 1984, des rumeurs circulaient selon lesquelles il envisageait de devenir sénateur du parti républicain en Californie, mais il démentit de nouveau ces informations avec son habituel « je préfère jouer un sénateur plutôt que d'en devenir un. »

    Il est tout à fait vrai qu'il a toujours un grand intérêt pour la politique, et il est ravi de voir son proche ami Ronald Reagan diriger l'Amérique. Peu de temps après sa prise de fonction, le président Reagan nomma Heston Président des Arts pour le Groupe de Travail Présidentiel des Arts et des Humanités.

    Son engagement auprès du président ne s'est pas arrêté à cela cette année-là. Presque immédiatement après l'assassinat du président Sadat, il reçut deux offres en une matinée pour jouer Sadat dans des films qui ne virent jamais le jour. L'autorité que porte l'image d'Heston est telle que lorsqu'un cinéaste veut trouver quelqu'un pour représenter un président, il se tourne invariablement vers lui.

    À la fin de 1981, il était de retour sur les plateaux de tournage, mais cette fois, il était de nouveau à la fois acteur et réalisateur. C'était La Fièvre de l'or2, et c'est grâce à Fraser que Charlton en arriva à faire son meilleur film depuis La Planète des singes.

    Fray m'a dit :

    "J'ai passé beaucoup de temps en Colombie britannique et le Yukon en Alaska, et je me suis rendu compte que les contes de Jack London étaient tout aussi modernes pour nous aujourd'hui qu'ils l'étaient à son époque. Je me suis dit, pourquoi ne pas faire une aventure moderne avec des avions à la place des chiens de traîneau, et faire une aventure pleine de suspense de nos jours à la recherche d'un gros filon d'or ?"

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    ( http://www.agamemnon.com/_pagesAbout/fraser.php)

    Les excursions de Fray dans les terres sauvages rocheuses dataient du tournage de La Fureur sauvage. Accompagné d'un ancien mineur, on lui ouvrit l'accès à des mines d'or et d'argent, et il découvrit les querelles, les suspicions et les excentricités des vieux chercheurs d'or endurcis. Il y avait des histoires de mineurs qui avaient caché leurs découvertes et avaient même tué leurs partenaires. Certains mineurs en devinrent fous.

    Mother Lode

    Le scénario de Fray parlait de deux jeunes aventuriers qui partent en quête d'un filon principal, mais qui ne trouvent qu'un vieux chercheur d'or écossais et son frère jumeau fou à lier. On y trouvait de véritables éléments d'horreur et de suspense, et il décida de le produire lui-même. Il montra bien sûr son script à son père qui adora l'idée de jouer des frères jumeaux, et ils engagèrent Peter Snell pour être producteur exécutif et soutenir Fray pour la mise en place de la production. Leur prochaine tâche était de trouver un réalisateur. Fray dit :

    "J'ai proposé à mon père de diriger parce que j'avais l'impression qu'il pourrait mieux le faire que n'importe qui d'autre, et j'avais raison. Il connaissait le script presque aussi bien que moi, il connaît les lieux et ce genre d'homme.

    Il n'a pas pris cette tâche à la légère ou à mauvais escient. Il y a réfléchi pendant longtemps. Je n'ai rien fait pour le persuader. Je lui ai expliqué pourquoi il était le meilleur pour ce travail."

    Heston senior m'a dit :

    «Quand j'ai dirigé Antoine et Cléopâtre, ça a retiré tout le plaisir créatif du jeu et de la réalisation. J'ai trouvé que la pression pour diriger l'une des plus grandes tragédies de Shakespeare tout en jouant l'un de ses meilleurs rôles était accablant. J'ai alors décidé que je ne dirigerais plus jamais un film où je joue un rôle majeur avec autant de responsabilité qu'en avait Antoine.

    J'ai reçu depuis, une ou deux propositions de réalisation et j'ai répondu plus ou moins en ces termes. Par exemple, si il n'y a aucun rôle pour moi dedans, je ne suis pas intéressé, et si c'est un rôle important, ce serait trop de travail trop dur pour moi, bien que d'autres acteurs comme Clint Eastwood le fassent.

    Après avoir accepté les rôles pour La Fièvre de l'or, c'est Fraser qui a d'abord proposé à ses associés puis à moi de diriger le film.

    Il dit : « tu sais, c'est vraiment ce dont tu as toujours parlé. Tu n'en es qu'à la moitié du script. »

    Je n'avais pas vraiment compté les pages, et alors j'ai pensé, « c'est vrai. »

    De plus, puisque je jouais deux frères écossais, (et je ne peux pas faire les accents sur demande comme Peter Ustinov), j'ai dû travailler pas mal de temps sur l'accent, et cela m'a coûté plusieurs mois de préparation des rôles en tant qu'acteur. Un grosse partie de ma préparation habituelle était derrière moi, et je me suis dit, « si je ne dois en faire qu'un, ce sera celui-là. »

     

    Réunissant des acteurs comme Nick Mancuso, John Marley, Dale Wilson et Kim Basinger avant qu'elle ne devienne une grande vedette, Heston amena son équipe au Canada pour tourner dans les forêts humides de Vancouver. Une lourde pluie incessante n'empêcha pas le tournage fait presque en même temps par deux équipes, la première sous la direction de Charlton Heston et la deuxième sous celle de Joe Canutt. Heston savait depuis Le Cid, La Fureur sauvage et d'autres films l'importance de donner le plein contrôle de l'équipe secondaire au second réalisateur. Il me dit :

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    Joe Canutt (Photo Google)

    « Joe Canutt est une arme secrète. Le meilleur du travail sur La Fièvre de l'or vient sans conteste de ce qu'a tourné Joe Canutt. C'est le meilleur réalisateur de scènes d'action au monde. C'est dommage pour Steven Spielberg qu'il ne s'en rende pas compte. Spielberg est un réalisateur extraordinaire, mais diriger les scènes d'action n'est pas son point fort. Les réalisateurs spécialisés le font mieux

    Pour tout vous dire, je ne devrais pas vous révèler cela parce que c'est un secret que j'aimerais garder, mais John Ford, Willy Wyler, Georges Stevens et Cecil B. De Mille utilisaient toujours des réalisateurs secondaires.

    J'aimerais cependant que cela se sache plus parce que je voudrais voir Joe prospérer, mais il y a quand même une partie de moi qui veut que cela reste un secret que je serais le seul à connaître. Et ce secret est que pour qu'un réalisateur ait de bonnes scènes d'action comme dans La Fièvre de l'or, il a besoin d'avoir quelqu'un qui sache comment les faire. Je suis donc ravi que vous m'ayez posé la question, parce que je ne comprends pas comment la nouvelle génération de réalisateurs talentueux peuvent ne pas l'apprendre de la génération précédente.»

    À propos de la réalisation, il dit :

    « Diriger un film, c'est, comme l'a dit Orson Welles, le meilleur chemin de fer électrique avec lequel un petit garçon puisse jouer, mais c'est un travail très difficile. Un moyen facile de le faire est de ne jamais s'asseoir sur le plateau. Même si on peut s'asseoir, on ne devrait pas parce que ça fait retomber la tension.

    L'analogie que je donne souvent qui est parfaitement exacte, surtout quand on tourne en extérieur, c'est comme une opération militaire. La dépendance totale à la météo, les moyens de communication, de transport, la nourriture, le moral, les solutions alternatives… Le commandement est identique dans les deux situations.

    Nous avons eu des problèmes avec la météo. La Colombie britannique est connue pour sa météo peu fiable. Nous travaillions dans des montagnes et des forêts humides. Quand nous tournions dans un lac de montagne (que nous avions atteint après avoir parcouru 37 kilomètres sur des routes sinueuses nettoyées tous les jours par la pluie) et que nous avions cinq jours de tournage là-bas, tous les jours, quand je faisais la route en voiture, je me sentais exactement comme un commandant de peloton d'infanterie. Je me disais souvent, « qu'est-ce qui se passerait si j'étais séparé et que le bataillon suivait la route descendante ? »

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    Jamais Charlton et son Fils n'avaient travaillé en si étroite collaboration. En tant que réalisateur, Chuck consultait constamment Fray en tant qu'auteur et producteur. Il y avait eu des querelles entre les réalisateurs et les producteurs ou les studios dans des films antécédents comme La Soif du mal et Major Dundee. Avec Heston senior à la fois tête d'affiche et réalisateur, et Heston junior comme auteur et producteur, il semblait qu'un conflit pouvait éclater n'importe quand, que ce soit entre le producteur et le réalisateur, ou le réalisateur et l'auteur, mais comme Fray aime à le signaler, ce ne fut pas le cas.

    « D'après mon expérience, le conflit était entre le producteur et l'auteur, ce qui était intéressant pour moi parce que je devais régler tout cela par moi-même. C'est presque plus difficile que d'en résoudre un entre le producteur et le réalisateur, et dans mon cas, c'était mon père avec qui il est facile de s'entendre. J'ai beaucoup appris de lui en faisant ce film, et je pense que nous en avons appris beaucoup l'un sur l'autre. Nous avions rarement des disputes de nature violente. Bien sûr, nous avons eu des désaccords. À cet égard, on s'est plus amusé parce que nous devions les résoudre pour le bien du film et non de notre propre ego. Il faut prendre son ego et le jeter à la poubelle, et par chance, je crois pouvoir prendre exemple sur mon père qui est très bon pour mettre ses propres intérêts de côté et se concentrer sur ce qui est important dans une scène ou même dans une simple séquence. Il sait pourquoi chaque séquence est là. Si ça n'a aucune raison d'apparaître dans le film, il ne le montrera pas.»

    Ils finirent le tournage au printemps 1982, quand toute la famille Heston alla à Londres où La Fièvre de l'or allait être monté. Une conférence de presse avait été programmée à leur arrivée où je pus tous les rencontrer et me rendre compte combien Heston agit différemment devant un seul journaliste que devant une foule d'entre eux. Il semblait vraiment bien s'amuser, allant d'un groupe d'intervieweurs à un autre. Tandis que le temps s'écoulait lentement, Fray alla vers lui tandis qu'il énonçait les qualités et les défauts de Vanessa Redgrave.

    « Allez papa, il faut qu'on parte, » lui dit Fray.

    « Pas maintenant, » lança Heston, « je suis en train de raconter une de mes meilleures anecdotes sur Vanessa Redgrave. »

    Mais Fray voyait bien que son père était fatigué, tout comme je l'avais moi aussi remarqué. Il avait l'air vraiment plus vieux que cinquante-huit ans et semblait avoir perdu sa démarche princière. Je pense cependant qu'il était plus fatigué que vieux.

    « Ok papa, mais pas trop longtemps, » dit Fray.

    Heston continua donc son petit spectacle, la voix plus haute, plus enjouée et bien plus désinvolte que dans les interviews privées que j'avais faites avec lui. Le groupe de journalistes, y compris moi, répondit chaleureusement à son histoire, ce qui l'encouragea à continuer. Il joua magnifiquement rien que pour nous.

    La réalité est que sa famille, exceptée Holly, était là plus pour le travail que pour prendre des vacances en famille. Hormis le fait que le père et le fils faisaient leur film ensemble, Lydia venait en tant que photographe et la femme de Fray, Marilyn, qu'il avait épousée il y avait deux ans de cela, était assistante de producteur ainsi que chargée de communication.

    Elle avait ce commentaire à propos de son beau-père : « en tant que réalisateur, il est créatif, d'humeur tempérée, prévenant, quelque peu impatient face aux retards inutiles et connaît parfaitement chaque mot du script. Il a rarement levé la voix. » C'est plus ou moins ce qu'elle pense également de lui en dehors du plateau de tournage.

    Quand on lui demande de parler de sa famille, Charlton dit :

    «Vous savez, les gens me demandent souvent si je m'inquiète de ne pas suffisamment voir mes enfants, mais je réponds : « bien au contraire, je les vois plutôt plus que la plupart des pères. » C'est sûrement vrai maintenant que je peux contrôler ce que je fais et quand est-ce que je le fais. Nous étions tous ensemble dans les montagnes rocheuses canadiennes pour La Fièvre de l'or. Donc non, je ne m'inquiète jamais de ne pas suffisamment voir mes enfants.»

    Problèmes politiques

    Si il a quelque chose à dire, Heston le dit, généralement avec beaucoup d'éloquence et de tact, mais il se montre très clair. Il ne s'attend pas à ce que tout le monde soit d'accord avec lui, surtout quand on parle de politique. Il est pourtant difficile d'envisager qu'il puisse se faire des ennemis par ce biais. C'est vrai que ses propres exigences sur un plateau de tournage n'avaient pas toujours l'approbation de tout le monde ; ceux qui ne sont pas d'accord sont souvent ceux qui mettent la barre bien moins haut. Richard Harris, par exemple, a fait le serment de ne plus jamais travailler avec Heston.

    Quand il est sur un plateau de tournage, il est indubitable qu'il montre clairement qu'il s'attend à ce que tout le monde soit à l'heure et connaisse ses répliques. Il exerce l'autorité qu'il a gagné sur les plateaux de tournage, et la plupart des gens la respectent, mais la simple idée qu'Heston puisse se faire des ennemis en dehors du plateau semble en contradiction avec son image d'homme gentil. Ces dernières années, cependant, du fait de ses convictions politiques, il s'est attiré l'inimitié d'un ou deux noms célèbres.

    Le premier est Paul Newman. Tout commença quand ils apparurent tous les deux dans une émission de télé américaine pour débattre sur les armes nucléaires. Heston dit clairement qu'il avait le sentiment qu'il ne fallait pas de gel du développement des armes. Newman n'était pas d'accord, inflexible sur le fait qu'il en fallait un. Durant le débat, Heston donna des arguments plus solides et mieux articulés et s'en sortit mieux dans les échanges houleux. En ce qui le concernait, c'était fini et il en avait marre, mais Newman était virulent, et leur dispute publique fut embarrassante, mais pour le moment, l'affaire est abandonnée et plus ou moins oubliée de tout le monde.

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    Pendant ce temps, Charlton était mis sous pression pour accepter de jouer le rôle principal d'une mini-série télévisée, Once upon a murder. Il n'était pas sûr de pouvoir le faire, ni même de le vouloir. « j'avais visité le tournage d'une mini-série il y a quelques années, » dit-il, « et j'ai découvert qu'ils voulaient tourner quinze pages de script par jour. À ce rythme, qui peut donner le meilleur de lui-même ? Du cameraman au maquilleur, c'est un contre-la-montre pour tout le monde et ça donne rarement un travail parfait. »

    C'est alors qu'il entendit de Gregory Peck et Richard Chamberlain que l'on se dépêchait moins de nos jours pour produire ces séries télévisées à succès. Heston vérifia, et quand on lui dit qu'ils ne tourneraient que cinq pages par jour, il accepta. Cela se situait dans le Sud profond, il jouait un banquier et Père fondateur d'une ville américaine fictive. L'histoire se déroulait entre les années 1920 et 1960, ce qui était tentant pour le caractère d'Heston .

    « J'adorais l'étape de la création du maquillage, » dit-il. « Je vieillis de quarante ans et finis avec une perruque blanche sur un visage plein de rides. »

    Durant cette même année, en 1983, il abandonna généreusement tous ses souvenirs de tournage pour les donner à la Theater Arts library de l'UCLA. La vaste collection comprenait des scripts, des scrapbooks, des lettres et des discours. Il y en avait tellement qu'il fallut les mettre dans une pièce séparée qui fut appelée la salle Charlton Heston.

    Il fut également choisi comme président honoraire des premiers jeux des Highlands de New-York. Comme les parents de sa mère étaient membres du clan Fraser, il était fier et honoré d'être invité, et porta même le kilt des Fraser. Il participa également volontairement à une démonstration de force de lancer de tronc d'arbre, mais le projectile lui retomba presque sur le pied. « Comparé à ça, séparer la mer Rouge en deux était incroyablement simple !  » s'exclama-t-il.

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    Mais la vie n'était pas faite que d'amusement et de jeux. Les vieilles blessures infligées à Paul Newman n'avaient pas guéri, et il n'a jamais pardonné à Heston. Toute cette malheureuse affaire ressortit quand Charlton fut invité à participer à un événement de charité pour réunir des fonds pour aider les toxicomanes. C'était la fondation Scott Newman, nommée de la sorte en l'honneur du fils de Paul toxicomane, mort tragiquement. Bien sûr, cela ne faisait aucune différence pour Heston, qui était heureux de pouvoir aider à soutenir une cause honorable. Or, quand Newman apprit qu'Heston était invité, il protesta fortement et demanda l'annulation de l'invitation. Ce fut dûment fait et Donald Sutherland fut invité à la dernière minute à la place d'Heston. Charlton était furieux, et le fossé entre les deux acteurs se creusa encore.

    L'année suivante, les convictions politiques d'Heston, qu'il avait formulées clairement, lui attirèrent encore plus d'inimitié, cette fois d'Ed Asner, mieux connu comme la vedette télévisée de la série Lou Grant, et cette fois la situation devint potentiellement dangereuse. Asner était président de la SAG et essayait de la fusionner avec la Screen Extra Guild, une décision à laquelle Charlton s'opposa activement, à tel point qu'il cofonda l'AWAG : l'Actors Working for Actors Guild.

    Durant un meeting présidé par Asner, celui-ci accusa Heston et ses sympathisants d'encourager « une mentalité de race supérieure parmi les acteurs. » Heston était fou de rage, ripostant que le terme de « race supérieure » les marquait lui et le reste de l'AWAG comme des nazis. Asner refusa de s'excuser. Peu de temps après, Heston commença à recevoir des menaces de mort anonymes le poussant à écrire publiquement : « l'allégeance radicale de M. Asner et les enthousiasmes des rebelles Salvadoriens provoquent des poussées d'adrénaline chez ses sympathisants. » La police de Los Angeles, prenant au sérieux les menaces de mort, montèrent une garde plus scrupuleuse que d'habitude autour de la maison d'Heston à Coldwater.

    Ne se laissant pas décourager par ces problèmes politiques, Charlton et Fray préparèrent une nouvelle épopée spectaculaire, The Overlord, se passant pendant la guerre de Troie. Fray en avait écrit le script et voulait le diriger. L'écriture fait encore partie des étapes de préparation, et il faut espérer qu'il ne connaîtra pas le même sort qu'une autre épopée historique que voulait faire Charlton il y avait de cela quelques années, 1066. C'était un sujet qu'il voulait depuis longtemps aborder mais pour lequel il n'avait jamais trouvé de script satisfaisant pour parler de l'époque capitale où l'Angleterre était conquise par les Normands.

    En 1980, Peter Snell me révéla qu'il avait trouvé un script et qu'Heston voulait y jouer Guillaume le Conquérant.. Snell avait alors aussi parlé à George C. Scott pour jouer le roi Harold. « Le seul problème, » m'a dit Snell, « est de trouver l'argent. L'industrie du cinéma n'aime pas les costumes dans les épopées. Le public les aime, mais pas l'industrie. » Heston me confirma son intérêt pour ce film, mais dit : « J'adorerais le faire, si seulement il trouvait les fonds nécessaires. » Snell ne trouva jamais les financements pour produire 1066. Heston espère que The Overlord ne sera pas un autre beau projet qui tombe à l'eau, et il avait déjà pris Joe Canutt pour s'occuper de l'équipe secondaire.

    Pourtant, ce genre de problèmes est devenu complètement insignifiant vers la fin de 1984, lorsque l’attention du monde entier a été attirée par l’horrible sort de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui mouraient littéralement de faim en Éthiopie. Heston, dans un effort désespéré pour encourager les gens à les aider, se rendit en personne dans ce pays dévasté par la sécheresse avec la Croix Rouge américaine pour voir de ses propres yeux l'atroce souffrance de tout un peuple. Il visita l'un des camps où les gens mouraient par centaine, et il remarqua combien les ressources médicales étaient pitoyablement inadaptées.

    « Il y avait deux médecins, » raconte-t-il, « six infirmières et trente-quatre fossoyeurs. »

    C'est une expérience qui lui a fait prendre conscience combien il avait été (et est encore) privilégié. Il essaya de ne jamais prendre pour acquis le luxe dont il profitait et qui n'est rien de plus qu'un rêve pour ceux ayant moins de ressources dans les pays civilisés.

    Mais il a essayé d'utiliser la renommée internationale qu'il a acquise au nom de causes qu'il trouvait justes, même si ça paraît insignifiant comparé à ce qu'il se passe dans le monde. La célébrité a son influence, parfois simplement par l'usage de la publicité qui, bien utilisée, peut donner des résultats. Heston n'est pas un homme qui a peur de dire ce qu'il pense ou de faire ce qui lui semble juste. Il est bien loin, l'adolescent mort de peur à Chicago et le solitaire dont la vie dans de simples sous-bois lui offrait un sentiment de sécurité dans la solitude.

    Mais malgré tout ce qu'il avait maintenant, il n'avait pas encore fait ça. Il était cependant sur le point de le faire.

    Il Le Fait Enfin !

    C'est en février 1985 que Charlton Heston alla au Queen's Theatre en plein cœur de Londres pour rencontrer la presse et leur parler de sa nouvelle pièce, The Caine Mutiny Court Martial. Il dit :

    « Le West End de Londres a plus d'allure pour un acteur Américain que Broadway n'en a pour un acteur anglais. Je ne peux pas imaginer des acteurs anglais avoir le même sentiment de... revenir à la maison, retourner aux racines, quand ils viennent jouer à Broadway. C'est pourtant le sentiment qu'a ressenti l'équipe américaine que j'ai ramenée pour The Caine Mutiny et que nous avons marché sur la scène du Queen's Theatre

    Il faisait la mise en scène en plus de jouer le capitaine Queeg.

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    « J'ai dirigé à la fois pour la scène et pour le cinéma plusieurs fois, et Caine Mutiny semblait être un choix idéal pour être à la fois acteur et metteur en scène. Le rôle de Queeg est partagé entre deux très longues scènes d'environ vingt minutes chacune, mais il n'est pas sur scène le reste du temps, donc quand il est sur scène, il est celui qui parle le plus. Le reste du temps, je pouvais me concentrer sur la direction

     

    À cause de règles qui interdisent qu'une équipe d'acteurs ne soit constituée que d'acteurs américains pour une pièce ou un spectacle, il y a eu des problèmes par le passé où des personnages américains devaient être joués par des Anglais. La réciproque est également vraie aux Etats-Unis, mais un accord spécial avait été passé pour cette fois. Charlton explique : « Robert Fryer et Duncan Weldon négocièrent un accord d'échange entre la British Equity et l'American Equity pour autoriser Alan Bates à amener une compagnie entièrement britannique à Ahmanson l'année dernière, et nous amenons maintenant Caine Mutiny avec presque uniquement des acteurs américains à Londres. »

    Heston est lui-même critique envers les règles strictes de l'union. Il déclare que «les syndicats ont imposé des restrictions à l'importation d'artistes étrangers. Mais je n'ai jamais parlé à un acteur qui travaille dans l'un ou l'autre pays qui n'ait dit : "Oh, nous ne voulons pas garder cette règle ; travaillons dans l'un ou l'autre pays.»

    Curieusement, Heston ne choisit pas une pièce shekaspearienne pour faire ses débuts sur la scène britannique, mais il justifie son choix pour The Caine Mutiny Court-Martial :

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    « Je voulais faire une pièce américaine. Je voulais aussi, pour des raisons personnelles, jouer une pièce que je n'avais jamais faite, et The Caine Mutiny Court-Martial, comme la suite le montrera, est une pièce extraordinairement impérissable. L'indéniable charme d'une pièce mettant en scène un procès est difficile à expliquer parce que, par définition, les personnages parlent d'événements qui se sont déjà passés avant le début de la pièce, et qui se sont passés ailleurs, et qu'on ne verra jamais nous-même. Cependant, quand ces pièces fonctionnent, elles sont irrésistibles, et l'accueil du public à Caine Mutiny est très gratifiante

     

    Il restait cependant un peu de temps avant que le public londonien ne réagisse à The Caine Mutiny Court-Martial. L'ouverture n'était pas prévu avant avril au Queen's Theatre, et ils allaient jouer en province avant cela.

    Malheureusement, ils arrivèrent pendant le pire hiver de ces dernières années, et l'équipe américaine en a ressenti les effets à glacer le sang. Même Charlton, qui avait bravé les contrées gelées de Norvège pour L'Appel de la forêt et tremblé dans la neige de St-Helen avait bien du mal à se tenir au chaud, surtout quand ils jouèrent à Brighton. Se glissant hors de l'hôtel glacé où ils séjournaient, Charlton trouva un pharmacien sur le bord de mer. Les femmes de l'autre côté du comptoir eurent du mal à en croire leurs yeux quand elles virent Charlton Heston sous un épais anorak entrer pour demander une bouteille d'eau chaude. La bouteille ne fut cependant pas très utile. Quand la troupe arriva à Birmingham pour battre tous les records d'audience de la pièce, Charlton souffrait d'un terrible rhume contre lequel il lutta à chaque représentation.

    Ils arrivèrent enfin à Londres, où le printemps est humide et frais. C'était un instant plein d'émotion pour Chuck Heston quand il posa le pied sur la scène du Queen's Thetre pour jouer. Il l'avait enfin fait.

    Les critiques se levèrent même pour l'occasion, offrant à la pièce et à Heston des critiques dithyrambiques. Le Daily express dit d'Heston : « … une performance centrale imposante d'une immense stature héroïque, » et le Sunday Mirror décrivit la pièce comme étant « puissamment divertissante et donnant à réfléchir. »

    Pendant trois mois Heston, Ben Cross et le reste de la troupe se rendirent sur cette scène et rencontrèrent un raz-de-marée nocturne d'adulation. C'était le point culminant de la carrière d'Heston qui durait alors depuis presque quarante ans.

    Enivré par le succès et l'accueil qu'il reçut de la part du public britannique, il accepta volontiers une invitation à poser ses mains sur le ciment du Leicester Square où un « pavé de star » était créé pour imiter les fameuses traces de pieds et de mains du Chinese Theater d'Hollywood où les pieds d'Heston avaient été imprimés il y a quelques années de cela. Ses mains à Londres furent rejointes par celles de Sir John Mills, Dame Anna Neagle, Omar Sharif et Alan Bates.

    Mai 1985 Leicester square Chuck imprime ses mains dans le ciment à Londres.JPGImage associée

    ( https://www.alamyimages.fr/photos-images/charlton-heston-actor.html )

    Juin arriva et passa bien trop vite. The Caine Mutiny Court-Martial profita d'une tournée pleine et longue, et maintenant c'était terminé. À la dernière nuit, Heston, comme toujours, se tenait dans les allées pour respirer dans les derniers moments d'une tournée pleine de succès, essayant de profiter de chaque précieux moment. C'était le pays de l'acteur, et comme à chaque dernier tombé de rideau d'une pièce gagnante, il sentit l'exaltation et une pointe de regret que ce soit fini. Il rentra chez lui.

    Il y avait encore beaucoup à faire. Il y avait un tournoi de tennis à jouer, un nouveau long-métrage à essayer de mettre en chantier, d'autres rôles à chercher, d'autres limites à repousser, essayer d'être l'acteur qu'il rêvait encore de devenir.

    Il s'était même enfin laissé séduire pour jouer dans une série télévisée. Aaron Spelling êtait prêt à payer Heston 80 000 dollars par épisode pour jouer dans la série dérivée de Dynastie : Les Colby. Le but de Spelling avec ce nouveau feuilleton était d'écraser tous les autres, et signer avec Heston était son premier tour de force. En soutien, il signa également avec Barbara Stanwyck pour la matriarche de la famille, Constance Colby, dont les machinations avec l'oncle Jason Colby, joué par Heston, mènent à la séparation des Carrington et des Colby. Par conséquent, Heston, Stanwyck et leur famille, comprenant Emma Samms en tant que nouvelle Fallon, se rendirent en Californie, pour annoncer la nouvelle série. Et contrairement aux Carrington qui semblent ne jamais aller nulle part, la vie de jet-set des Colby les mènent dans des lieux exotiques comme Monte Carlo et Rome, assurant que le budget pour Les Colby dépasse même celui de l'onéreuse Dynastie.

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    Accepter de jouer pour la télévision était sans précédent pour Heston, mais ça ne peut que renforcer son statut de superstar en l'exposant à une toute nouvelle génération de fans qui ne l'ont probablement jamais vu dans Ben-Hur ou Les Dix Commandements sur un vrai grand écran argenté. Ça ne peut également que le rendre plus riche que jamais, mais ce qui compte le plus à ses yeux en acceptant ce contrat est de jouer des rôles qui repoussent ses limites et qui le laissent fermement ancré dans les yeux du public. Après tant d'années, il a admis que la télévision était le médium qui pouvait le mieux remplir toutes ces fonctions, mais il n'est probablement toujours pas satisfait.

    Il reste son critique le plus acerbe. Il m'a dit :

    «Je ne suis vraiment satisfait de mon travail dans aucun des films et aucune des pièces que j'ai faits. Je pense que c'est sain. J'ai certainement fait des films et des pièces que j'ai aimés et en règle général, je suis content de l'ensemble, mais je n'ai jamais vu une seule de mes performances dont je sois satisfait, et j'imagine que c'est sain.

    Je pense que si j'étais pleinement satisfait, il serait temps de raccrocher et m'entraîner à être un vieil homme méchant, assis près du feu et frapper avec un bâton des gens à genoux !»

     

    FIN

     

    1Le texte original dit simplement Cimarron, mais cela peut renvoyer à différentes séries et films aux titres semblables. Aux vues de la date, la plus probable est Cimarron City, sortie en 1958 avec George Montgomery.

    2Mother Lode

     

  • 33 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

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    ... SUITE

    Résultat de recherche d'images pour "charlton et fraser heston la fureur sauvage"

    «Ça se passe dans les Tetons, montagnes de Wind River et concerne le commerce de la fourrure qui y fleurit pendant une très courte période, à peine une génération. Ces trappeurs (les trappeurs libres, comme on les appelait) étaient sans doute les hommes les plus libres de tous les temps, mais cette liberté leur coûtait cher. Leur vie était rude et dangereuse, en permanence menacée par les éléments, les bêtes sauvages et les Indiens hostiles.

    C'est l'histoire de deux de ces hommes, interprétés par Brian Keith et moi-même, et ça traite d'une partie de leur vie durant une année où le commerce de la fourrure commençait à péricliter. C'est vraiment une histoire de liberté.

    C'est de loin le meilleur rôle que j'ai eu depuis Khartoum. »

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    La Fureur sauvage fut tourné dans le Wyoming et dirigé par un réalisateur dont c'était le premier film, Richard Lang, fils de Fritz Lang. Charlton avait cinquante-six ans, mais été toujours fort et en bonne santé, ce qu'il fallait qu'il soit pour jouer ce film physiquement très exigeant. Il dit :

     

    « J'avais une scène avec Steven Macht, qui joue mon ennemi, Aigle Lourd, à l'apogée du film. C'était un combat féroce, sauvage et nous étions tous les deux couverts de sang et juste épuisés. Nous avions tournés depuis sept heures du matin et c'était maintenant le soir et nous étions déterminés à finir cette séquence.

    Il était sept heures passé, le soleil était bas, et j'étais allongé sur le dos dans la poussière. Steven était sur moi, du sang coulant de son torse et tombant goutte à goutte sur moi. Soudain, je l'ai regardé et lui ai dit : « tu sais, Steve, si nous étions des enfants en train de jouer aux cow-boys et aux Indiens, nos mères nous auraient déjà appelés pour le souper ! »

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    Il ajoute avec ironie, « je veux dire, c'est un moyen ridicule de gagner sa vie ! » Fray était en permanence sur le plateau à travailler en étroite collaboration avec Richard Lang. Charlton semblait savoir que son fils regardait toutes les étapes avec un œil de réalisateur :

     

    « C'est une chose curieuse, mais il a vraiment ce genre d'attitude. Il est très malin mais néanmoins sans expérience. Il a une relation remarquablement pleine de succès avec Richard Lang qui semble aimer avoir Fraser sur le plateau.

    Il reste qu'il me semble toujours très jeune, même si j'imagine que les fils semblent toujours plus jeunes qu'ils ne le sont dans les yeux de leur père, mais à vingt-quatre ans il est jeune. Il est cependant très calme, simple, et a de bonnes compétences de capitanat en lui. Ce serait un bon gars à avoir près de soi quand la maison brûle ou que la voiture tombe en panne au milieu de nulle part. C'est pareil sur un plateau de tournage, et ça le servira bien un jour quand il décidera d'être réalisateur.

    Fraser and Charlton discussing a scene from Mountain Men.

    http://www.agamemnon.com/_pagesAbout/fraser.php

    Je dois dire que je trouve en lui en tant qu'écrivain, des qualités que je trouve également en lui en tant que fils. Il est honnête, appliqué, plein de bonnes intentions et d'empathie. Je le respecte pour cela en tant qu'auteur et je l'aime en tant que fils.»

     

    Faire le film n'a pas toujours été une partie de plaisir, ceci dit. Charlton m'a dit :

    « L'un des problèmes de La Fureur sauvage est que Martin Ransohoff, qui m'avait promis qu'il laisserait Joe Canutt s'occuper des scènes d'action, n'a pas tenu parole et a laissé un réalisateur sans expérience issu de la télé s'en charger. Lang ne savait pas comment s'y prendre. La seule scène qu'ait dirigé Joe Canutt est celle des rapides qui était terrifiante. Ce serait indécent que je me vante de cette scène vu que je ne l'ai pas jouée moi-même. Joe Canutt l'a faite, mais il aurait dû gérer toutes les scènes d'action pour que Lang puisse se concentrer sur les acteurs. Malheureusement, ça ne s'est pas passé comme ça.

    J'ai l'impression qu'il y a eu trop de dépenses dans ce film. C'était un très bon script, mais certains des meilleurs éléments ont été supprimés. »

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    La Fureur sauvage n'a pas réussi à  être à la hauteur des attentes qu'avaient Heston junior et senior. « Tout cinéaste a un bébé qu'il voit détruit, » dit Charlton. « La Fureur sauvage a été le mien. »

    Charlton marchait à grands pas autour du tombeau égyptien, ses fameux genoux épuisés par le voyage, sous un pantalon kaki . Derrière lui suivait Susannah York, les yeux exorbités en admirant d'anciennes reliques jusqu'à maintenant oubliées. La voix d'Heston était pleine d'émerveillement en parlant de sa grande découverte, le tombeau d'une princesse égyptienne.

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    Sauf que ce n'était pas l’Égypte, c'était le studio Lee International de Londres, et Heston et Susannah York tournaient une scène de La Malédiction de la vallée des rois1. Je regardais, en retrait. Quelqu'un m'apprit que le conseiller technique sur le film, un petit homme qui n'arrêtait pas de s'agiter, pouvait vraiment lire les hiéroglyphes couvrant les murs du faux-tombeau à l'intérieur du studio.

    Charlton finit sa scène et s'avança vers moi. C'était la troisième fois que je le rencontrais. Je l'avais vu auparavant pour la promotion de The Actor's Life, et avant cela pendant la tournée pour La Bataille de Midway. Il était bien plus à l'aise avec moi qu'auparavant et me conduisit à sa loge. Avant, j'avais été un journaliste parmi une succession d'intervieweurs, un journaliste qui n'avait plus que trente minutes d'interview. À ces différentes occasions, sa lassitude de devoir répondre à des centaines de questions (dont la plupart avaient déjà été posées) toute la journée était perceptible.

    Or, cette fois, il était plein d'engouement pour son travail actuel, et enclin à en parler :

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    « Je joue un archéologue anglais et on me demande de vieillir de 43 à 61 ans pour les besoins du rôle. Je suppose que je me suis taillé une petite réputation d'être le seul Américain qu'ils laissent jouer un Anglais ! Je dois dire que j'en suis bien content puisque cela me donne des opportunités pour des rôles que l'on ne m'offrirait pas, sinon. C'est également un rôle intéressant parce qu'il y a une période de dix-huit ans qui s'écoule, ce qui est très difficile à atteindre pour un acteur. Pour trente ou quarante ans, il suffit d'enfiler une perruque et une barbe blanche et on est bon, mais rajeunir de dix-huit ans est quelque peu délicat.

    Ce matin, je joue la partie jeune. Il s'agit surtout de mettre un très joli maquillage autour des yeux et de foncer les cheveux grisonnants au niveau des tempes. Pour les parties où je dois être plus vieux, on a creusé les rides déjà présentes mais qui doivent être plus profondes. On a aussi assombri les orbites et mis beaucoup plus de gris dans les cheveux, et ça a l'air satisfaisant.

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    Ça a été compliqué de venir juste après avoir terminé La Fureur sauvage (nous en avons un peu parlé ensemble la dernière fois qu'on s'est vu) et à peine six jours après avoir été plongé jusqu'au cou dans des rivières à castors, une barbe, de longs cheveux roux et des vêtements en cuir sale pour jouer un Américain des montagnes dans les années 1830, je me retrouvais en robe à l'université de Londres à donner un cours d'archéologie. C'était un long chemin à parcourir, bien plus long que celui entre les montagnes du Wyoming et Londres. Le voyage intérieur était le plus long, mais maintenant, j'y suis habitué.

    Ils ont engagé un très bon réalisateur-acteur (qui est en vérité Gallois) appelé Hugh Thomas pour m'aider à travailler mon accent britannique.

    Même pendant le tournage dans le Wyoming, ma femme Lydia m'a dit : « ne devrais-tu pas travailler ton accent britannique ? » Si j'avais dû commencer à travailler mon accent avec un magnétophone aussitôt rentré à la maison encore habillé de peau de daim, je me serais effondré. J'avais un accent différent pour La Fureur sauvage et en essayer un nouveau pendant le tournage aurait gâché les deux films. »

     

    Quand Heston est détendu comme ça, il n'est pas difficile d'obtenir de longues réponses intéressantes (voire même des affirmations) de lui. Il me raconta combien il était impressionné par Mike Newell, le réalisateur du film, surtout étant donné que c'était son premier film. Sachant toute l'autorité qu'il a sur et en dehors du plateau de tournage, je lui ai demandé s'il cherchait à être dirigé, surtout par un petit nouveau comme Mike Newell. Il dit :

     

    « Oh, il faut vouloir être dirigé, même sur la scène qui est la patrie de l'acteur. Je n'ai jamais entendu un acteur dire qu'il n'aimait pas être dirigé. S'il y en a un qui le dit, il est complètement cinglé. On ne peut pas se diriger soi-même.

    Être acteur n'est que de la poudre aux yeux, de toute façon, bien sûr. C'est le moins significatif de tous les arts parce qu'il n'a aucune existence matérielle. On ne peut pas prendre une simple bande de film à part et dire qu'elle est merveilleuse. Il faut la faire tourner parce qu'elle n'existe que dans le temps. On ne peut pas la modifier du tout. Avec un livre, une pièce ou une statue, il y a un objet concret. On peut le modifier. On ne peut pas en dire autant d'une performance d'acteur. On ne peut pas avoir la moindre certitude et on ne peut donc qu'essayer… tout à tâtons. C'est comme essayer d'assembler un objet les yeux fermés. Ce n'est qu'un enchaînement de tentatives et d'échecs, et on ne peut pas l'examiner de trop près au risque que rien ne fonctionne. Pour toutes ces raisons, on a désespérément besoin de quelqu'un pour dire que c'était bien, que ça ne l'était pas, ou qu'on pourrait faire autrement. On a besoin d'avoir le sentiment qu'on peut essayer tout ce que l'on veut, et laisser quelqu'un donner forme et presser la performance, recommencer et ainsi de suite.

    À chaque fois que je joue quelqu'un, qu'importe qu'il ait existé ou non, j'aime d'abord trouver à quoi il ressemblait, les vêtements qu'il porte, sa voix, sa façon de marcher. Je ne peux pas trouver l'intérieur d'un personnage si je n'en connais pas l'extérieur. D'autres acteurs m'ont dit « je dois d'abord trouver l'intérieur » ce qui m'a l'air plausible. Ça m'aide cependant à trouver sa personnalité si j'ai des éléments auxquels me rattacher, comme le genre d'uniforme militaire qu'il porte, le genre de bottes. Ces bottes sont en vérité très vieilles. Ce sont mes bottes de tir. Elles ont au moins dix-huit ans, et je les porte parce qu'elles sont très confortables et quand on se rend en Égypte, il y a des rochers à escalader, et je les ai aussi choisies parce qu'elles passent bien avec le rôle. J'ai regardé beaucoup de photos d'archéologues et étudié les vêtements qu'ils portaient. Quand mon choix s'est porté sur ces bottes, ça m'a donné quelque chose sur quoi me baser, et je porterai les mêmes bottes quand il retournera dans le désert en homme  plus âgé, mais je ne porterai plus de short parce qu'il est censé avoir soixante-et-un ans. »

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    Le film en lui-même suivait le scénario traditionnel de ces vieux films de momie. La princesse qu'ils avaient découverte se réincarne en fille d'Heston, jouée par Stephanie Zimbalist, la fille d'Efrem Zimbalist Junior et vedette de la télévision dans Les Enquêtes de Remington Steele2.

    Toute l'équipe et tous les techniciens tenaient évidemment Heston en grande estime, et la jeune Stephanie était vraiment en adoration devant lui.

     

    « J'adore travailler avec Heston. Il va être impeccable dans ce film. Je me souviens quand j'avais douze ans, j'ai vu Ben-Hur, c'est l'un des deux meilleurs films que j'ai jamais vu, et j'ai eu le gros béguin pour Charlton Heston.

    Il joue un personnage dans celui-là, pas comme un rôle masculin principal dont il a l'habitude. Il est très audacieux, il n'a pas peur d'être trop gros, et je l'admire pour cela. C'est aussi un homme gentil. Tous les bons acteurs ne sont pas nécessairement gentils.

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    J'en apprends beaucoup rien qu'en l'observant, tout comme en écoutant les questions qu'il pose qui ne me seraient jamais venues à l'esprit, comme où est le bas du cadre parce qu'il a une lampe-torche et que c'est sous le cadre, personne ne la verra. De petites choses aussi simples ne me seraient jamais venues à l'esprit. Bien sûr, il est dans le métier depuis bien plus longtemps que moi. »

     

    J'ai fait une autre visite au studio une semaine plus tard  et j'ai trouvé Heston jouant le personnage plus âgé. Tout le maquillage dont il avait parlé était là et il était en quelque sorte voûté par l'âge, lui donnant un air un peu fatigué très efficace. Il m'a dit qu'il avait gagné tellement d'argent avec ses films précédents qu'il pourrait prendre sa retraite dès maintenant s'il le voulait.

    « Alors pourquoi ne pas le faire ? » lui demandé-je.

    « parce qu'être acteur, c'est ma vie, » me répondit-il.

    Il m'a également dit combien il avait hâte de retourner en Égypte. « Je n'y suis plus allé depuis le tournage de Khartoum, » dit-il, « et j'ai hâte d'y retourner. C'est un pays remarquable, et avec ce scénario, on ne pouvait pas jouer les scènes sans y être. »

    Pendant environ un mois, l'équipe de La Malédiction de la vallée des rois travailla là-bas, en partie dans le mondialement célèbre musée du Caire, mais surtout dans la chaleur caniculaire de la vallée des Rois. Pour me faire une idée de combien il faisait chaud, il me dit bien plus tard : « la température montait jusqu'à 55 degrés, et quand, pour prendre dans ses mains une fourchette, il faut d'abord la refroidir dans l'eau pour pouvoir tourner, alors on peut dire qu'il fait chaud ! »

    Le Meilleur Parcours de Train Électrique

    Il avait cinquante-six ans, pourtant il continuait de courir une heure tous les matins, jouait toujours au tennis et courait toujours après les meilleurs rôles que pouvait lui offrir le théâtre. En 1979, il était de retour dans la robe de Thomas More pour un nouveau succès retentissant de A Man for all Seasons de Robert Bolt. Pour lui, revenir à des pièces comme celle-ci ou Macbeth était une progression. Il devait améliorer sa performance à chaque fois qu'il la donnait, il pouvait mesurer ses progrès en tant qu'acteur en rejouant ces personnages. Il cherchait encore à devenir l'acteur qu'il pensait ne pas être encore devenu. D'après lui, il doit repousser ses limites, même s'il ne savait pas encore ce qu'étaient ces limites tout simplement parce qu'il ne les avait pas atteintes. Il imagine que si ou quand il y arrivera, il sera temps d'arrêter, mais étant le perfectionniste qu'il a toujours été, il ne sera jamais satisfait, et il le sait.

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    En 1980, il continuait d'élargir encore son horizon, cette fois en incarnant un personnage qui avait déjà été fait des millions de fois : Sherlock Holmes. La pièce à Ahmanson était Crucifer of Blood. Son succès mena à une offre qu'Heston estime plutôt radicale. Il dit :

    " Ils voulaient que je fasse Crucifer of Blood à la télévision. J'aimais le rôle, mais ne c'était pas le genre de truc qui marcherait en tant que film (du moins, je ne le croyais pas). Donc quand l'offre de télévision arriva, j'ai demandé : « combien de jours ? » Ils ont répondu : « 21. » « Seulement 21 ? » ai-je demandé. Le film que j'ai fait, le plus court de ma carrière,  était La Soif du mal avec Orson Welles qui est un type plutôt malin, et il nous a fallu 39 jours. Je leur ai dit que je ne pouvais pas tirer le meilleur de moi-même en 21 jours ; pas autant que si je le pouvais, disons, en 46 jours.

     

    Par ailleurs, aux états-Unis, moins en Angleterre, il y a ce sentiment que le public ne va pas regarder des acteurs dans une pièce de théâtre à la télévision, quand ils peuvent les voir sur leurs écrans, dans une série. En un sens, ça a l'air ridicule. Un de mes films doit être à la télévision quelque part, tous les soirs de la semaine.

    Je continue de gagner ma vie en faisant des films, et je fais partie du groupe des chanceux qui maîtrise avec qui on travaille, comment, etc. Je ne vais pas vraiment prendre le risque de perdre tout cela, même si c'est pour jouer Sherlock Holmes."

     

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    A SUIVRE...

    1The Awakening

    2Remington Steele

  • 32 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

     

    ... SUITE

     

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    Se donner la peine d'élargir son répertoire

    Heston a une telle stature qu'on l'approche très souvent pour l'engager pour un script avant même d'avoir un réalisateur ou les autres acteurs.

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    C'est ce qui se passa pour La Loi de la haine3 pour Twentieth Century-Fox. C'était un western sur un hors-la-loi à la poursuite du marshal à la retraite qui l'avait emprisonné. Heston fut pris pour jouer le marshal, et il espérait qu'ils prendraient Sean Connery comme partenaire à l'affiche et Jack Smight, qui avait travaillé avec Heston sur La Bataille de Midway et 747 en péril, à la réalisation. Walter Seltzer s'occupait de la mise en place de La Loi de la haine, donc Charlton tendit à s'accommoder de ses choix, qui furent finalement James Coburn pour jouer le hors-la-loi et Andrew V. MacLaglen. C'était ironique du fait qu'il y avait quelques années de cela, Heston avait rejeté La Route de l'Ouest4 en grande partie parce qu'il n'avait pas été impressionné par le travail de MacLaglen sur Les Prairies de l'honneur5, ce qui est surprenant en soi puisque c'est sûrement l'un des meilleurs films sur la guerre de Sécession depuis La Conquête du courage6. Cela montre que même Charlton Heston n'est pas toujours bon juge en matière de film. 

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    Il trouva finalement que McLaglen était un réalisateur très compétent même s'il manquait quelque peu de patience avec Coburn qui tendait à être un acteur plus introspectif qu'Heston. Coburn aimait remettre en question chaque point du script jusqu'à ce qu'il ait le sentiment que c'était crédible, ce qui fit perdre un précieux temps sur le plateau, ce qui agaça naturellement Heston.

    Andrew V. McLaglen

    Andrew V. MacLaglen

    Bien sûr, Heston n'était pas le genre d'acteur à rester impassible quand un autre acteur débarquait avec une interprétation d'une scène ou d'une ligne de dialogue différente de celle du réalisateur (ou bien celle de l'auteur ou même la sienne). Il est même arrivé qu'il se dispute de temps en temps avec un réalisateur, mais c'était généralement le réalisateur qui avait le dernier mot. Cependant, quand Barbara Hershey, qui jouait sa fille dans La Loi de la haine, arriva avec une nouvelle interprétation pour la réaction qu'elle devrait avoir dans une scène, Heston se mit du côté de McLaglen et il y eut des heures de discussions et de débats avant d'avoir la scène dans la boîte.

    Très au courant de l'autorité qu'avait Heston sur le plateau (parfois au grand dam des autres acteurs), McLaglen me dit :

    « J'aime beaucoup Heston, en tant qu'homme et qu'acteur. Il travaille très dur. Maintenant, je connais quelques acteurs qui diront qu'il est tatillon sur le plateau. Eh bien, je pense que ça vient des rôles qu'il a joués. Je veux dire, bien sûr qu'il a eu du succès dans de longs films comme Ben-Hur et Les Dix Commandements, mais c'est un homme bien et je l'aime bien. Je l'aime en tant qu'acteur, et ça a été très agréable de travailler avec lui. »

    La Loi de la haine, qui n'a rencontré qu'un succès modéré, reste le film d'Heston avec le plus de violence explicite, beaucoup d'effusions de sang comme Peckinpah en a le secret. En effet, McLaglen m'a dit qu'il était tellement gore que quand il fut censuré pour la télévision, ils finirent avec un film tellement court que McLaglen et son monteur durent retourner en salle de montage et réinsérer quelques prises moins sanguinolentes,  le rallonger de nouveau.

    Heston s'est toujours vanté qu'il pouvait dormir n'importe quand, n'importe où. Il a un métabolisme qui s'éteint presque simplement sur demande. Ce n'était pas un don qui profitait vraiment aux autres, mais ça l'a certainement aidé à supporter les sessions de maquillage de deux heures pour lui faire ressembler au roi Henri VIII pour son apparition dans Le Prince et le pauvre.

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    Le maquillage de Richelieu ne prenait pas autant de temps, même s'il se souvenait avoir passé environ deux heures à être grimé en vieux Moïse il y a de cela des années. Il a toujours aimé devoir trouver le bon visage pour chaque personnage mais il était facilement ennuyé par la tâche quotidienne d'être maquillé, donc il dormait pendant ce temps.

    Malgré la brièveté de son rôle d'Henry, il s'est donné beaucoup de mal pour trouver la bonne apparence. Il dit :

    «La création du maquillage est la première chose que je fais dans tout nouveau projet. J'essaye beaucoup de nez postiches, de perruques et de fausses-barbes. Mon maquilleur est Siegfried Geike et je pense qu'il est le meilleur au monde. Je commence vraiment à rentrer dans le personnage quand j'en suis à cette étape avec Ziggy : créer le maquillage.

    Quand j'ai joué Henry VIII, j'ai utilisé quelque chose qui ressemblait à un accent britannique moderne, mais certains soupçonnent qu'Henry ne parlait pas vraiment comme les Anglais actuels. Par ailleurs, personne ne sait vraiment comment il parlait.»

    Il était également très content d'avoir la chance de jouer en extérieur, sous la direction de Richard Fleischer, en Angleterre à Penshurst où Henry s'est vraiment rendu. S'imprégnant de l'atmosphère historique, Charlton fut capable de revivre quelques jours de la vie d'un vieux gros roi.

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    À ce moment-là, Chuck avait décidé de réduire le nombre de films qu'il faisait. Il avait fait des films presque sans interruption durant ces dernières années, et quand il ne réussit pas  à décrocher le rôle de MacArthur  qu'il voulait tant (C'est Gregory Peck qui le joua), il en vint à la conclusion qu'il était surexposé dans trop de films. Le seul autre film qu'il fit cette année-là fut donc Sauvez le Neptune1, l'histoire d'un sous-marin échoué au fond de l'océan.

    Pour se préparer à ce rôle, il réussit à avoir l'autorisation de passer du temps sur un sous-marin nucléaire pendant qu'il tirait de fausses torpilles sur des vaisseaux en surface.

    Le film était réalisé par David Greene qui avait signé des films aussi banals que Godspell et Madame Sin. Son problème majeur était qu'il choisissait ou qu'il avait été choisi pour des sujets sans intérêt, et Sauvez le Neptune, un film « événement » supérieur, lui laissa la liberté d'y exprimer son propre style et d'en faire un succès commercial. Il a clairement impressionné Heston. Ce dernier avait l'habitude de se tenir hors-caméra pour que les acteurs en gros plan puissent lui parler, tandis que beaucoup d'autres acteurs laissaient ce genre de travail à leurs doublures. Or, quand Heston devait parler à un personnage hors-champs, il insistait pour dire qu'il pouvait le faire sans acteur hors-champs ; Greene le remarqua et vit comment cela affectait sa performance.

     

    « Chuck, je sais que tu essayes juste d'être aussi efficace que possible, mais ça ne veut pas dire que c'est créatif. Le faire avec justesse, ce n'est pas bien faire. Pourquoi ne pas mettre quelques acteurs hors-champs pour que tu leur donnes tes répliques ? »

    Heston accepta, et il dût reconnaître après quelques prises que Greene avait raison.

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    Sauvez le Neptune, sorti en 1977, rencontra du succès et donna à Heston la possibilité de travailler plus sa performance qu'avec les autres films catastrophes de chez Universal. La trame de fond était plus petite, mais la tension et le drame de cette opération de secours presque impossible en firent le meilleur film d'Heston de cette décennie.

    Au début de 1977, il fit enfin une pièce qu'il préparait depuis un an, Le Long voyage vers la nuit2 d'Eugene O'Neill. Charlton considère cette pièce plutôt sombre basée sur la relation complexe qu'entretient Eugene lui-même avec sa propre famille comme la meilleure pièce américaine jamais écrite. Il l'avait vue lors de sa première mondiale et il sut qu'il devait impérativement la faire. Ce n'est pas qu'il voulait que les autres l'aiment dedans. C'était juste une pièce qu'il devait jouer, et Robert Fryer voulait qu'il la joue au Ahmanson Theater où il commençait à se sentir comme à la maison.

    Fryer réussit à obtenir les services de Deborah Kerr, mais à un certain prix pour Heston. Elle insistait pour être la première actrice inscrite sur l'affiche. Il la voulait en tant qu'épouse et était prêt à n'apparaître qu'en deuxième. À son grand contentement, Bruce Dern prit le rôle de Jamie qui avait hérité de sa mère la dépendance à la drogue. Au fil de la pièce, la mère plonge dans la folie, et le fils brûle de haine et de frustration envers sa famille, tout particulièrement le père tyrannique, mesquin et insensible joué par Heston.

    C'était un gros défi pour Heston. « C'est quelque chose de vraiment intimidant pour moi, » dit-il. « Je pense qu'un acteur doit se donner la peine d'élargir un peu son répertoire. Si on ne joue que des rôles que l'on est absolument sûr de réussir, notre répertoire ne fait que rétrécir jusqu'au moment où l'on se retrouve à ne jouer qu'un seul rôle, et je pense que c'est une grosse erreur. »

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    https://www.google.fr/search?q=ahmanson+theater+long+day's+journey+into+night)++charlton+heston+deborah+kerr&tbm=isch&source=univ&sa=X&ved=2ahUKEwjluKqI_dbiAhVLzYUKHQLKA4wQsAR6BAgAEAE&biw=1242&bih=563

    À cette époque, il avait lui-même élargi ses horizons, faisant la promotion du travail d'acteur. Il était coprésident du Center Theater Group qui comprenait le Ahmanson Theater, et il était toujours président de l'AFI (American Film Institute) et membre du National Council of the Arts.

    Cette année-là, il avait également remporté King of the Hill, le tournoi de tennis, avec son partenaire de jeu Martin Shafer, mais il prit moins de contrats pour le cinéma. Non pas qu'il n'était plus réclamé : les demandes n'arrêtaient pas, comme celle pour le rôle principal de La Guerre des abîmes3 que, comme beaucoup d'autres, il rejeta. « Je suis l'un des sept ou huit chanceux qui peut encore rejeter un film, » dit-il à l'époque. « je fais le meilleur de ce qui m'est proposé. »

    C'est en 1976 que je rencontrais pour la première fois Heston, lors d'une petite tournée de promotion pour La Bataille de Midway. En fait, il passa une grande partie de cette année-là à faire le tour du monde pour faire la promotion de ce film qui devint l'un des films ayant fait la plus grosse recette de l'année, battu au box-office seulement par La Malediction4 que, ironiquement, il avait décliné.

    À la maison, les choses se passaient bien plus en douceur que les quelques années précédentes. Les pressions énormes qui s'étaient amassées sur lui, ou qu'il alimentait lui-même, avaient eu des conséquences sur sa vie privée, mais il s'accrocha à ce qu'il avait, et vers la fin de 1977, c'était un homme plus qu'heureux. C'était en grande partie parce que ses enfants s'avérèrent n'avoir aucune vocation à devenir acteurs. Il dit :

    «Dieu merci, parce que c'est un moyen très triste de gagner sa vie. Je m'en suis bien sorti mais ils voient bien que ma situation est loin d'être typique. Il y a plus de 35 000 membres dans la Screen Actors' Guild, et soixante-quinze pour cent d'entre eux gagnent moins que le salaire minimum.

    Fraser étudie l'écriture créative – un moyen également horrible de gagner sa vie. Holly, qui a maintenant quinze ans, est encore à l'école. Elle ne veut pas entrer dans le show-business. C'est une fille intelligente

    Cependant, peut-être que ce qui soulageait vraiment Charlton dans sa vie était que les migraines de Lydia avaient enfin cessé. Il n'y a pas si longtemps de cela, un de mes collègues, Ken Ferguson, lui demanda comment elle avait soigné ses migraines. Elle lui répondit : « j'ai simplement arrêté de prendre tous les médicaments qui étaient censés calmer la douleur. »

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    De la chaîne de Wind River à la Vallée des Rois

     

    « Charlton Heston est un trou du cul pompeux, et il est nul dans le rôle de Ben-Hur. » C'est ce que Bette Davis affirma publiquement, mais elle a dit bien pire d'autres acteurs. Lors de la cinquantième cérémonie des Oscars en 1978, c'est Bette Davis qui tendit à Charlton le Jean Hersholt Humanitarian Award en reconnaissance de sa contribution pour la communauté cinématographique. Miss Davis cita ses deux visites des troupes au Vietnam, ses voyages transatlantiques pour le State Department's Cultural Presentation Program, son travail auprès du President's Council on Youth Opportunities ainsi que ses six mandats en tant que président de la SAG.

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    "Academy Awards: 50th Annual," Charlton Heston et Bette Davis (Jean Hersholt Award)

    En agitant son Oscar dans les airs, elle le saisit par le bras et le contempla avec adoration dans les yeux. Il aurait pu ne jamais savoir combien son avis sur lui était cinglant, mais Heston était suffisamment blindé pour ne pas se laisser atteindre par si peu. C'est son blindage, dit-il, qui l'a aidé à ne pas tenir compte des commentaires nuls que les critiques lui réservaient parfois.

    Cependant, miss Davis n'est pas la première à le décrire comme « pompeux ». Peut-être qu'il l'est, mais j'ai le sentiment que cela vient plus de sa timidité à masquer qu'autre chose. Comme il l'a déjà dit, il se considère « ennuyeux et carré ». Il ne fait pas les gros titres, et de ce fait, il est très respecté dans le monde du cinéma. Un chargé de publicité m'a raconté comment, durant un trajet vers l'aéroport d'Heathrow, il n'a pas pipé mot. Ce n'est pas étonnant venant d'Heston, timide avec les inconnus, incapable de jouer un personnage à chaque fois pour faire plaisir aux autres.

    C'est un homme aux nombreux talents. C'est aussi un fervent dessinateur et passe le plus clair de son temps libre sur les plateaux à faire des portraits de ses camarades artistes et les techniciens. Il y a quelques années, il y avait même eu une exposition de ses tableaux à New-York, Londres et Glasgow.

    C'est également (même s'il déteste le faire) un auteur très talentueux. Il autorisa la publication en 1978 de ses journaux intimes remontant jusqu'en 1956, ne révélant pas seulement ses sentiments intimes et une personnalité méconnue, mais également un don pour l'agencement des mots. Les journaux, publiés sous le titre The Actor's Life, offrit un aperçu du quotidien de la création d'un film ainsi que sa vie privée, bien que beaucoup de ses instants les plus intimes, comme le divorce de ses parents, n'y furent pas inclus. C'était une étude fascinante de la perception qu'a un homme de lui-même, de sa vie et de son travail, mais cela couvre à peine vingt ans de sa vie.

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    Je soupçonne que la publication de ses livres était en fait un subterfuge pour repousser les éditeurs qui le pressaient à rédiger son autobiographie (qui ne sera probablement jamais écrite). On lui demanda une fois de rédiger un millier de mots pour la pochette de disque de la bande-son d'Antoine et Cléopâtre. Il réussit au bout de deux semaines à écrire 750 mots. Il n'acheva jamais le travail et la pochette fut publiée sans le texte d'Heston.

    « On pourrait à peine compter le millier d'ingénieuses excuses que je trouvais pour repousser le moment d'écrire, » dit-il. « Je préférerais jouer le premier acte de Macbeth que d'écrire un millier de mots. »

    Ses journaux devinrent plutôt célèbres pour les remarques peu flatteuses qu'il avait faites sur certaines de ses partenaires féminines à l'écran. « C'était, » dit-il, « parce qu'elles n'étaient pas écrites pour être lues par qui que ce soit d'autre que moi. »

    C'est pendant qu'Heston était à Londres pour faire la promotion de The Actor's Life qu'il m'a dit qu'il était sur le point de faire un film écrit par son fils titré Wind River. « Heureusement, il l'a écrit et vendu avant de venir m'en parler. »

    Ce n'est pas surprenant que Fraser se soit finalement tourné vers le cinéma comme moyen d'expression par l'écriture puis plus tard par la production. Bien que Charlton ait fait de son mieux, et avec succès, pour éloigner Fray de la carrière d'acteur, il l'autorisa tout de même à travailler sur certains de ses films. Par exemple, Fray était le second assistant de Canutt sur Antoine et Cléopâtre. Évidemment, son goût pour le cinéma était profondément ancré.

    Fray m'a expliqué comment il en était arrivé à la rédaction de Wind River, qui fut plus tard changé en La Fureur sauvage1 :

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    « Je n'ai pas spécialement essayé d'éviter de rentrer dans l'industrie du cinéma, mais je n'ai pas cherché à y entrer non plus. J'avais d'autres passions et je suis toujours passionné de biologie marine et d'océanologie, mais je me suis retrouvé dans l'industrie du cinéma il y a quelques années quand deux de mes associés, Martin Shafer et Andrew Scheinman, sont venus à moi et lurent une esquisse de roman que j'écrivais qui s'appelait Wind River. Ils dirent alors : « tu sais, on pense que tu devrais écrire un script et nous pourrions en faire un film. » et c'est ce qu'ils ont fait.»

    Avec l'aide de Martin Ransohoff, Ils attirèrent l'attention de Columbia avant de proposer le film à Heston senior. Charlton raconte :

    «Je savais qu'il était en train d'écrire un script. Il n'a pas essayé de le cacher mais il n'a pas non plus cherché à me le faire lire. Il ne me l'a pas montré et je n'ai jamais demandé à lire quoi que ce soit qu'il ne me demandait pas de lire. On ne demande jamais à un auteur de lire ce qu'il écrit. Si ils veulent que vous lisiez, ils vous le demanderont.

    Le rôle est tellement clairement fait pour moi que je suppose qu'il l'a en fait écrit exprès pour moi. Éthiquement parlant, il a bien fait de ne pas me soumettre le script et de me laisser à l'écart tant qu'il ne l'avait pas vendu, et je comprends sa démarche et l'admire pour cela.

    Plus tard, j'ai appris qu'il l'avait vendu et que le studio voulait que j'y jette un œil. Je dois dire que quand je l'ai ouvert, j'avais quelques appréhensions. Je me suis dit « et si jamais je n'aime pas ? » et je dois avouer que je me suis dit que si ça ne se faisait pas du tout, je devais le faire quand même pour Fraser, pour le lancer. C'était cependant un excellent rôle qu'il m'avait écrit

    A SUIVRE...

     

     

     

     

     

    3The Last Hard Men

    4The Way West

    5Shenandoah

    6The Red Badge of Courage

    1The Mountain Men

    1Gray Lady Down

    2Long Journey into Night

    3Raise the Titanic

    4The Omen

  • 31 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

     

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    ...SUITE

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    Charlton avait encore du travail à côté de celui d'acteur et se retrouva de nouveau impliqué dans la politique du cinéma quand il fut élu pour rejoindre de nouveau la SAG, cette fois avec Dennis Weaver comme président. Il avait même été tenté une fois de se présenter au Sénat américain quand un groupe de démocrates avait promis de le soutenir, mais comme il le disait souvent, « très franchement, je préférerais jouer un sénateur plutôt que d'en être un. Et puis, j'ai déjà été président des États-unis quand j'ai joué Andrew Jackson et Thomas Jefferson ! »

    Avec tant d'allers et retours, surtout à Washington, la vie sur sa crête était désagréablement agitée, mais au moins, les migraines de Lydia étaient maintenant moins sévères, et Holly était bien enracinée à Westlake High School et prenait des cours de ballet. Elle lui dit assez fermement que la danse était bien plus dure que le travail d'acteur. « Tu as juste à apprendre tes répliques et monter et descendre d'un cheval, » lui dit-elle.

    Aux environs de noël 1973, Charlton emmena Lydia à Paris pour la première mondiale de Les Trois Mousquetaires et découvrit sur place que Richard Lester avait divisé le film en deux ; le second étant Les Quatre Mousquetaires.

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    (Charlton et Lydia à Paris pour la Première de "LES 3 MOUSQUETAIRES") et Charlton Heston dans le rôle de Richelieu.

    Retournant à la maison pour noël, ils s'arrêtèrent quelques jours à Londres où ils allèrent voir un portrait de Richelieu accroché à la National Gallery. Lydia l'observa avec finesse. « Il souffrait de migraines, » dit-elle.

    Richelieu fut son seul rôle au cinéma cette année-là, son temps étant pris par tant d'autres choses, et ça le démangeait de retourner devant une caméra. C'était une période difficile pour l'industrie du cinéma. Peu de films étaient faits et la tendance allait contre les cinéphiles, mais Charlton était toujours demandé, et Universal lui mettait la pression pour qu'il soit la tête d'affiche d'un film qu'ils promettaient renversant… presque littéralement.

     

    Des désastres pleins de succès

     

    Il n'était pas dupe, et peu importe ce qu'Universal et le réalisateur Mark Robson avaient dit, il n'allait pas tourner une fin alternative pour Tremblement de terre. Il leur a dit qu'il voulait que son personnage meurt à la fin et comme cela avait été convenu au départ, c'est la fin qu'il allait tourner.

    C'était ce genre de film. L'un de ces films que Chuck avait fait en manquant clairement d'enthousiasme pour le rôle ou le sujet : Les Singes II, Les Hawaïens et maintenant Tremblement de terre. Il savait qu'il le faisait surtout pour l'argent grâce à Universal qui acceptait de le payer en pourcentage des gains, et Universal comptait clairement faire de ce film une mine d'or.

    Les films-catastrophes étaient en vogue. Irvin Allen avait ouvert le pas avec L'aventure du Poséidon même si on pouvait remonter un peu plus loin avec Airport1 ou même Alerte à la bombe. Le principe de base de tous ces films était plus ou moins le même, avec une grande variété de personnages de feuilleton joués par de grands noms du cinéma, tous pris dans une série d'événements horribles.

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    (Charlton Heston dans "ALERTE A LA BOMBE")

    Heston appelait ces films « des films multi-risques ».

    Tremblement de terre dit tout dans le titre, et celui-ci utilisait un nouveau procédé appelé Sensurround qui faisait que le public se sentait comme dans un véritable tremblement de terre. Le casting se vantait de comprendre Victoria Principal, Lorne Green, Geneviève Bujold, George Kennedy, Richard Roundtree et Ava Gardner, mais Heston était en haut de l'affiche.

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    (Charlton Heston et Ava Gardner dans "TREMBLEMENT DE TERRE")

    À chaque fois qu'il faisait un film, il essayait toujours de s'accrocher à quoi que ce soit qui pouvait donner de l'importance ou du sens au film. L'histoire lui semblait quand même improbable, ce qui expliquait pourquoi il préférait mourir à la fin pour donner un peu de crédibilité au film. La catastrophe en lui-même, le tremblement de terre, était cependant quelque chose de concevable en Californie.

    Selon Charlton, « J'ai le sentiment que les images que montre le film pourraient un jour toucher Los Angeles. Nous n'avons plus eu de graves tremblements de terre à Los Angeles ou même en Californie depuis celui de 1933 à Long Beach, ou celui de San Francisco en 1906. Il y a eu quelques petites secousses sérieuses, mais ce n'était rien comparé à ces deux-là. » A part ça, Charlton n'avait pas grand-chose à dire du film, sinon qu'il avait eu la fin qu'il voulait et que ce fut un succès planétaire.

    Avant même d'avoir fini ce film, Universal l'embaucha pour tourner la suite de Airport : 747 en péril. Il accepta en se disant que c'était le genre de rôle qui lui permettait de gagner de l'argent pour jouer les rôles qu'il voulait vraiment faire. Donc, aussitôt après avoir terminé Tremblement de terre, il partit en avion pour Washington pour commencer la suite d'Airport où l'on trouvait tout et n'importe quoi, d'Helen Reddy en nonne chanteuse à Linda Blair en passagère ayant le mal des transports. Heston était le pilote, et comme pour Alerte à la bombe, il prit le temps d'utiliser un simulateur de vol, cette fois un simulateur de 747. « Je me suis écrasé plusieurs fois avec, » admit-il.

    Une grande partie du crédit du succès du film, comme il l'admettait bien volontiers, revient à Joe Canutt et son incroyable travail sur les cascades. On a utilisé un vrai Jumbo Jet pour toutes les séquences, et Canutt fit lui-même les séquences où le personnage d'Heston passe d'un hélicoptère en mouvement au Jumbo Jet endommagé mais encore en vol, bien que des maquettes aient été également utilisées dans cette scène.

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    (Charlton Heston et Karen Black dans "747 en péril)

    Les compétences d'Heston en tant qu'acteur n'étaient pas vraiment mises à l'épreuve dans des films comme Tremblement de terre ou 747 en péril. Il explique :

    «La plupart des rôles au cinéma sont plus ou moins des apports chimiques. Le public a besoin de quelqu'un à identifier et dont il peut se dire : « il va faire quelque chose pour régler tout ça. » Comme les gens me connaissent dans des rôles autoritaires, il n'y a pas de mal à me voir comme une personne qui prend en main un incendie.

    Cela vient en partie de la réputation que je traîne. Peu importe combien un acteur peut être versatile ou combien il essaye d'élargir son répertoire, il doit faire avec sa réputation. La mienne a été taillée par Moïse, Le Cid, Michel-Ange, sans parler d'un ou deux présidents. Si on a besoin d'une course de char, un plafond peint ou la mer Rouge coupée en deux, c'est à moi qu'on pense.

     Donc dans ces films il n’est pas nécessaire d’expliquer que mon personnage sera responsable. Il n’est pas nécessaire de prendre le temps d’expliquer cela à l’auditoire. C’est intégré.»

    Il fut visiblement bouleversé quand Fray lui a parlé au téléphone, et quand Charlton a relayé l'information à la mère de Fray, Lydia se sentit désespéremment impuissante, et espéra simplement qu'il réussirait à rentrer à la maison. Fray leur avait téléphoné pour leur raconter le drame de la veille. Plusieurs années plus tard, Fray me raconta ce qu'il s'était passé.

    « Je travaillais comme apprenti sur un radeau en tant que guide touristique fluvial. J'étais à l'arrière du radeau avec une dizaine de personnes à bord et le chef d'équipage était aux commandes. Nous avons frappé une vague extraordinaire et le radeau s'est renversé. Nous étions tous piégés en-dessous, j'ai réussi à m'en sortir et à nager jusqu'à la rive et trouver de l'aide, mais quelques personnes se sont noyées. Ce fut un accident épouvantable et tragique. Ça montre que les contrées sauvages peuvent être très dangereuses

    C'est à cette époque (bien que cet accident n'ait rien à voir avec cette résolution) qu'il décida de passer de l'étude de la biologie marine à San Diego, à la littérature à l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA). Charlton le prévint que vivre de sa plume n'était pas plus simple que de vivre d'une carrière d'acteur, mais Fray était alors attiré par l'industrie du cinéma qu'il étudia également à l'UCLA, et grâce à son talent d'auteur tant pour la fiction que pour l'écriture non-fictive, ce n'était plus qu'un question de temps avant qu'il ne se mette à écrire un scénario.

    Avec deux films-catastrophes faits, Heston sentit qu'il était temps de retourner au vrai travail d'acteur et répondit à la demande de Robert Fryer pour faire Macbeth au Ahmanson durant les premiers mois de l'année 1975. Fryer proposa que Peter Wood du British National Theatre fasse la mise en scène, et Heston alla donc à Londres pour rencontrer Wood et sa lady Macbeth, Vanessa Redgrave. Wood et Heston travaillèrent ensemble sur le raccourcissement de la pièce, et Charlton était profondément inspiré par l'harmonie dans laquelle ils travaillèrent. Vanessa, cependant, pensait que les mots du Barde d'Avon1 ne devaient pas être modifiés du tout, et Wood, sentant que la principale crainte de l'actrice était que la star de cinéma ne modifiât son rôle à son avantage, la rassura en lui disant qu'il n'était pas du tout question de cela, ce à quoi elle répondit chaleureusement. Elle n'aimait cependant toujours pas l'idée de modifier quoi que ce soit dans le texte.

    L'estime que lui portait Heston en tant qu'actrice et que professionnelle était grande. Il me dit : « politiquement, Vanessa Redgrave ferait passer Jane Fonda pour Herbert Hoover, mais elle vient au travail à l'heure, et c'est une actrice foutrement brillante. J'ai le plus grand respect pour elle en tant qu'artiste et collègue même si, bien sûr, je ne suis pas d'accord avec sa politique. » Leur relation était si chaleureuse qu'elle et son amant, Franco Nero, ainsi que ses enfants, passèrent Noël avec les Heston dans leur refuge de Coldwater.

    Charlton Heston and Vanessa Redgrave in 'Macbeth.'

    (Charlton Heston et Vanessa Redgrave dans  " Macbeth ")

    Malgré toutes les attentes, quand la pièce s'ouvrit, les critiques furent aussi cruels avec cette pièce qu'ils l'avaient été avec l'Antoine et Cléopâtre d'Heston. Cela n'affecta cependant pas le public qui vint avec enthousiasme, et on commençait à songer à amener la pièce à Londres pour l'été de 1976. Cela ne se fit cependant pas, ce qui déçut Charlton qui tenait passionnément à se produire sur la scène londonienne.

    Il ne pouvait pas savoir à l'époque, mais ce n'était qu'une question de temps.

    Charlton Heston playing tennis, Mercer Street, Wellington

    (Mercer Street, Wellington - 30 juin 1966, Charlton dans son sport préféré : le tennis)

    Le tennis a toujours été une sorte d'obsession pour Charlton. Au début, il jouait surtout pour s'amuser, mais tandis que son statut de célébrité grandissait, il s'impliqua de plus en plus dans des tournois spéciaux. Au printemps de 1975, il alla en Afrique du Sud pour participer au tournoi de Johannesbourg pour la Black Tennis Foundation. Il participa à de nombreux matchs de célébrités, entre autre pour le King of the Hill et un autre afin de réunir des fonds pour la recherche contre les dystrophies musculaires. Il jouait généralement ce genre de matchs avec l'ami de Fray, Martin Shafer qui, d'ici quelques années, allait beaucoup aider à porter à l'écran le premier scénario de Fray.

    Ce qu'aimait vraiment faire Charlton était d'inviter des tennismans professionnels à jouer sur son cour privé. Il se targuait en disant : « J'ai probablement joué contre plus de grands tennismans professionnels que n'importe quel autre joueur nul sur cette planète. » Une blague circulait dans la famille : « Quand il mourra et frappera aux portes du Paradis, si le diable lui frappe à l'épaule et lui dit : « que diriez-vous d'une partie de tennis ? » il irait ! »

     

    Le tennis était ce qu'aimait faire Charlton pour s'amuser. Il n'a jamais considéré son travail d'acteur comme amusant. C'est un dur labeur, dit-il. Mais il était heureux de montrer ses talents au tennis pour de justes causes, et celle de Johannesbourg lui semblait en valoir la peine car c'était le premier tournoi de tennis majeur dans l'histoire de cette ville sans ségrégation raciale. 

    D'un autre côté, Il avait l'impression que la SAG ne méritait plus qu'il y consacre encore du temps. Le problème venait sans doute plus de lui que de l'union des acteurs. Il n'était pas d'accord avec leur politique, et pour lui, tout cela devenait une perte de temps. Il les abandonna donc pour de bon et  redevint de nouveau un composant chimique, cette fois pour La Bataille de Midway². C'était l'un de ces longs films de guerre incluant toutes les célébrités, du même genre que Le Jour le plus long et Tora ! Tora ! Tora ! Mais même si c'était un film de guerre, c'était encore un de ces films multi-risques pour Universal. Ils semblaient croire que  Charlton Heston était un porte-bonheur pour ces films à gros budgets.

    Une grande partie du film a été tourné sur le Lexington, le seul porte-avion américain restant de la Seconde Guerre Mondiale, et le studio utilisa de nouveau leur gadget Sensurround pour simuler le grondement de la coque qui explose. Le film a rapporté beaucoup d'argent, et Universal empressa aussitôt Heston à jouer dans Un Tueur dans la foule³. Ils étaient déterminés à tirer tout l'argent qu'ils pouvaient tirer d'Heston et des films de ce genre.

    (Porte-avions SS LEXINGTON)

    Cette fois, c'était l'histoire d'un sniper tirant à l'aveuglette sur une foule dans un stade de foot et Heston était le policier essayant de raisonner le sniper avant que les balles ne commencent vraiment à filer. Quand ça se produit, la foule panique dans une séquence effrayante qui semble maintenant d'autant plus horriblement vraie depuis que la télévision nous a montré le véritable drame de mai 1985 quand la panique envahit une foule de fans de football dans le Heysel Stadium de Bruxelles où 38 personnes moururent.

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    (Charlton Heston et John Cassavetes dans " UN TUEUR DANS LA FOULE ")

    Bien qu'Heston n'eut pas grand-chose à faire dans le film – il passa en effet des semaines entières à attendre d'être appelé sur le plateau durant la production – c'était un très bon film, dirigé d'une main de maître par Larry Peerce, mais ce ne fut pas un succès commercial, ce qui a dû stupéfier autant Universal qu'Heston. Le succès des films catastrophes arrivait à sa fin.

     

    A SUIVRE...

     

     

    1Un surnom donné à Shakespeare

     1 Airport 

    2Midway 

    ³Two Minute Warning