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RENAUD VALLON : Le grain de sel de Renaud - Page 6

  • 9 - " JULES CESAR " & " ANTOINE ET CLEOPATRE " - Quatrième et dernière partie

     

    ANTOINE ET CLEOPATRE : ( 3eme partie et fin)

     

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    APRES un tournage relativement difficile, qu’il considérera plus tard comme «  un projet très professionnel, réalisé parfois dans des conditions de semi-amateurisme », Chuck HESTON se retrouve donc avec dans les mains un négatif de plus de trois heures, durée trop importante pour espérer une carrière commerciale honorable, ce qui va l’amener dès la fin des prises de vues à couper allégrement dans son premier « rough assembly » pour arriver à un métrage de deux heures quarante, ce qui n’est pas rien quand même !

    Interrogé par divers puristes sur le bien–fondé de ces coupes, il déclarera sans ambages : « je suis sûr que SHAKESPEARE coupait SHAKESPEARE ! »

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    Ceci étant fait, il quitte l’Espagne dans un état de grande fatigue physique et morale, car les soucis de montage du film associés aux terribles migraines dont souffre sa LYDIA le préoccupent au plus haut point, jamais encore dans sa vie, il n’a ressenti autant de pression, car il a maintenant réalisé son rêve, mais il sait que le plus dur commence !

    Et le plus dur pour lui, va être de s’asseoir dans son studio personnel à COLDWATER pour regarder l’ouvrage ; comme tout artiste, il est exigeant, et ce qu’il voit ne lui plait pas : le rythme est lent, la musique inexistante, les acteurs espagnols doivent refaire leurs voix, et tout cela rapidement, car l’ami SNELL, toujours entreprenant, a booké la première mondiale à LONDRES pour mars 72, ce qui laisse fort peu de temps pour rassurer notre héros…

    L’excellent monteur britannique BOYD-PERKINS fait donc le voyage à LOS ANGELES pour superviser le montage chez l’acteur, celui-ci s’octroyant parfois un break pour satisfaire sa deuxième névrose ( le tennis ) mais restant néanmoins très près du technicien pour que les idées de mise en scène qu’il a expérimentées au tournage se retrouvent bien sur l’écran ; malgré quelques frictions bien normales quand on travaille dix heures par jour sur des bobines, les deux hommes trouveront le bon équilibre entre l’action et le texte, problème inévitable quand on filme SHAKESPEARE ..

    A ce moment du projet, deux évènements positifs vont se produire, d’une part l’ami de longue date Richard JOHNSON va, sans demander un sou, refaire la voix de Fernando REY ( LEPIDE) et superviser toutes les voix espagnoles secondaires ! d’autre part, la musique originale ressemblant à du sous ROSZA, Peter SNELL a l’excellente idée d’embaucher un jeune compositeur anglais, John SCOTT, dont les partitions superbes vont totalement magnifier l’image, et devenir un des points forts de l’ouvrage !

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    John Scott

    Tout cela paraît bel et bon, mais c’est au moment où il devrait s’occuper de la distribution future du film en EUROPE que Chuck se retrouve impliqué, sur l’initiative de son agent CITRON, dans un film MGM sans grande valeur artistique, «  SKYJACKED » ( ALERTE A LA BOMBE ) pour deux raisons essentielles :

    La première, c’est que, pour parler familièrement, CITRON en a « jusque- là  » des grands délires artistiques de son poulain, et ce qu’il veut, c’est qu’il revienne aux «  big money makers » dont il le sait capable, même si le contenu moyen du texte et la «  haute valeur» du scénario n’échappent pas à HESTON... le voilà donc embarqué dans son premier «  disaster film », et malheureusement ce ne sera pas le dernier !

     

    La deuxième, plus insidieuse, c’est que KERKORIAN, patron de MGM, n’est pas un philantrope, et que, se souvenant parfaitement avoir prêté des «  stock-shots » de BEN-HUR à l’artiste, il trouve logique que celui-ci signe pour ce film sans poser de questions, non sans en avoir touché un mot à Walter SELTZER ; c’est donc un peu «  payback time » et le début d’une longue série de concessions commerciales auxquelles HESTON aura souvent à se plier à l’avenir …tout cela en tout cas tombe mal, car pendant qu’il combat les pirates de l’air pour l’irascible director John GUILLERMIN ( avec qui il aura des mots) il n’a plus la tête à son «  labour of love » !

    Finalement, l’équipe du film peut enfin se rendre à LONDRES pour la première du film le 2 mars, avec la sensation d’un devoir accompli, d’avoir réalisé une œuvre «  honorable » dans tous les sens du terme, et on va voir ce qu’on va voir…hélas.

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    Charlton Heston et Hildegard Neil à la Première à Londres 2 mars 1972

    Les critiques des grands journaux londoniens, généralement favorables à HESTON dont ils ont souvent apprécié le travail, vont rester plus que de marbre devant ce travail pourtant plein de passion et de générosité …ils vont allégrement s’en prendre à sa mise en scène, à la direction d’acteurs, refusant d’y voir la moindre qualité créative, s’acharner principalement sur la Cléo de Chuck ( Hildegard NEIL mettra longtemps à s’en remettre) et se contenter, dans certains cas, de mettre quelques bons points à l’acteur HESTON, qui il faut le dire, réalise une performance globalement splendide….pourquoi un tel rejet ? à priori, ce besoin très insulaire des Britanniques de protéger bec et ongle leur culture semble leur interdire de pouvoir apprécier qu’un américain puisse «  avoir l’audace » de mettre en scène SHAKESPEARE ; c’est du moins l’explication que, beau joueur, HESTON donnera plus tard à ce véritable jeu de massacre dont son film va faire les frais, comme JULES CESAR deux ans plus tôt, à la différence que dans ce cas, le rejet pouvait un peu mieux se comprendre…

    Malgré un calme et un sang-froid qui ne le quittent que rarement, HESTON encaisse, mais souffre ; il sait que le film n’aura pas de deuxième chance, et il a raison ; très vite, il disparait des écrans anglais, pour ne jamais être montré en France, ni dans le reste de l’EUROPE , à part l’Espagne ou un deal ancien avait été conclu avec des distributeurs, donc, en gros, le film ne sera quasiment vu par personne, ce qui permettra à divers imbéciles d’en dire du mal sans jamais l’avoir vu…

    ET là , il faut se mettre à la place d’un artiste possédé par une œuvre, qui a tout donné y compris sa chemise, pour réaliser un rêve d’enfant, et qui se retrouve assassiné en quelques lignes, dans une sorte de consensus critique visant à « dégonfler le cigare » de la superstar hollywoodienne qui croit pouvoir s’attaquer à SHAKESPEARE !

    Il ne sera pas ruiné, loin s’en faut, car le succès du médiocre SKYJACKED aidant, il va pouvoir peu à peu refaire surface, mais au prix d’implications dans des projets moins personnels, plus alimentaires, ou sa part de jeu et d’inventivité sera fatalement de plus en plus réduite ; le public américain ne veut pas le voir en toge dans le rôle d’un romain à qui l’amour fait perdre tout sens des réalités , il le veut en super héros au regard d’acier qui fait face aux éléments ou aux méchants de ce monde, et c’est ce qu’il aura, à part quelques heureuses exceptions, dans les années 70 ..sur le plan artistique, on ne peut que le regretter, car le potentiel dramatique confirmé par son interprétation d’ANTONY aurait mérité de s’épanouir bien plus…

    L’après ANTONY sera donc marqué principalement par ce retour à un format beaucoup plus prévisible sur le plan cinématographique, et HESTON souvent, reviendra au théâtre, notamment pour jouer MACBETH, sachant pertinemment qu’il peut s’y exprimer autrement qu’en sauvant les passagers d’un 747, mais on ne peut s’empêcher de penser que la blessure était toujours là et ne s’est pas aisément refermée, c’est aussi, coïncidence ou conséquence, à cette époque que Chuck va passer dans les rangs républicains, après un demi-siècle d’allégeance au parti démocrate…

    On peut donc considérer, sans tomber dans le phantasme du fan déçu cherchant à tout prix des explications rassurantes à une évolution qui lui déplait, qu’il y a bien un « avant » et un « après » ANTONY …

    J’ai personnellement découvert ce film plus de trente ans après sa sortie, après en avoir beaucoup entendu parler, sans en avoir vu le moindre extrait alors que je connais ( presque) tous les autres films de l’artiste, et je me suis alors dit que cela avait valu la peine d’attendre…

    C’est le film d’un homme mûr, fait avec l’enthousiasme et l’énergie d’un jeune homme, un spectacle magnifique sans les moyens qu’on imagine, une restitution vibrante d’un des plus beaux textes shakespeariens, un débordement de passion et d’idées filmiques que l’on pourrait croire étrangères au « sage » HESTON, un envoûtement mis en scène par l’envoûté lui-même, où les quelques défauts et faiblesses d’un metteur en scène débutant sont compensés largement par sa fascination débordante pour le sujet, c’est le film d’un véritable allumé.

    ET donc, à mon point de vue, l’égal dans un genre différent, du FALSTAFF de WELLES ou de l’également superbe MACBETH de POLANSKI .

    ET accessoirement, un des plus beaux rôles d’un très grand comédien, non ?

     

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    A Cécile...

     

    Un hommage à ce grand film, avec quelques photos sur lesquelles figurent les répliques en français.

    Merci Renaud.

     

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    PREMIERE D'ANTONY AND CLEOPATRA AU CINEMA ASTORIA DE LONDRES LE 2 MARS 1972 (document offert par Michael Munn)

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    En complément de ces excellents GRAINS DE SEL consacrés à ANTONY - CLEOPATRA - JULES CESAR, voici le soundtrack du film " ANTONY AND CLEOPATRA ", musique de John Scott, dont je ne me lasse pas.

     

     

  • 8 - " JULES CESAR " & " ANTOINE ET CLEOPATRE " - Troisième partie"

    ANTOINE ET CLEOPATRE : 2ème partie

     

     

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    BIEN QU’AYANT GLOBALEMENT structuré son film et défini la distribution des rôles principaux, CHUCK bute donc toujours, début 1971 , sur le nerf de la guerre et point de départ crucial de toute entreprise, l’argent…conscient du fait que ses deux derniers films ont été deux « flops », JULIUS CAESAR et aussi le très coûteux HAWAIIANS, tourné sans grande conviction de sa part d’ailleurs, il ne peut plus prétendre attirer producteurs ET distributeurs sur sa seule image de « star » plutôt écornée en ce début mal engagé des années 70 ; c’est donc Peter SNELL, son ami le « boy producer » qui va régler en grande partie le problème !

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    Ayant approché avec succès une société de distribution espagnole, IZARO FILMS, il parvient à les convaincre de mettre la moitié de l’argent nécessaire, en échange de tous les droits sur le territoire espagnol ; habile manœuvre car à l’époque, HESTON est toujours l’éternel CID pour le public ibérique, et le fait de s’engager à utiliser des techniciens et plusieurs comédiens espagnols, dont les fameux Fernando REY et Carmen SEVILLA, vlcsnap-00014.jpgpour le tournage va également jouer en faveur de l’artiste….ce ne sera pas suffisant, puisque CHUCK devra également emprunter à une grosse banque de LOS ANGELES en fournissant de sérieuses garanties, ce qui provoque la fureur de CITRON, l’agent de la star, en des termes qu’on peut imaginer ! «  ce n’est pas comme ça que ça fonctionne, CHUCK, tu n’es pas là pour dépenser ton argent, mais pour le gagner ! » colère, fracas, rien n’y fait, l’obsession de l’acteur pour son projet est telle qu’il se trouve prêt à prendre tous les risques, et n’oublions pas qu’à ce moment précis, il n’est pas sûr du tout que THE OMEGA MAN,qu’il vient de finir, sera un succès !

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    LE « BOOST » final pour la mise en route du projet sera donc la signature d’un accord avec rien moins que la RANK ORGANISATION britannique, qui accepte, à condition de bénéficier de tous les droits de distribution en GRANDE BRETAGNE, d’éponger la dette bancaire contractée par HESTON, ce qui parait une solution lumineuse, mais met en valeur deux choses : 1) l’acteur est sûr de ne gagner quasiment rien sur la distribution du film, les américains ayant déjà montré leur peu d’intêret pour le projet ; 2) HESTON n’est pas vraiment un homme d’affaires…

    En mai 71, après un nouveau sacrifice de taille, puisqu’il va devoir refuser le rôle principal de DELIVRANCE de John BOORMAN, HESTON peut donc s’envoler pour LONDRES et faire enfin ce qu’il aime, c’est-à-dire jouer et répéter, comme au théâtre, pendant deux semaines, dans un hangar vide à COVENT GARDEN ; il y retrouve quelques-uns de ces acteurs britanniques qu’il adore, Eric PORTER (Enobarbus) John CASTLE, qui sera Octave , Julian GLOVER dans le rôle de Proculeius , et bien sûr sa Cléo , qui dés le début, ne le rassure pas vraiment ; très belle mais peu à l’aise face à la caméra, Hildegard ne semble pas capable de «  porter » le personnage, ce qui risque par conséquent de nuire à sa propre interprétation de Marc-Antoine !

     

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    ET là, on n’est pas loin de la panique, car le départ pour l’Espagne, c’est bientôt….

    CHUCK a alors l’idée, pour pouvoir juger mieux de son jeu en tant que metteur en scène, de demander à Julian GLOVER, brillant jeune shakespearien, de jouer AUSSI le rôle d’Antony en répétitions, pour qu’il puisse mieux lui-même positionner son jeu et corriger ses erreurs ! GLOVER sera brillant dans cet exercice, et permettra à l’équipe de partir plus sereinement vers l’Espagne, ce dont CHUCK lui sera éternellement reconnaissant !

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    L’arrivée sur le sol espagnol, lieu privilégié de bien des tournages américains de la grande époque, s’avère chaotique : LYDIA refuse la résidence que CHUCK avait trouvée pour la famille, ce qui provoquera des frais supplémentaires, les figurants espagnols se montrent lymphatiques et indisciplinés sur les scènes d’action, les acteurs espagnols, malgré leurs déclarations antérieures, n’arrivent pas à dire leur texte en anglais, ce qui amènera à refaire toutes leurs voix en studio plus tard, bref une somme de complications familières à une personnalité comme WELLES, mais globalement étrangères à un acteur habitué à un grand professionnalisme à tous les niveaux...

    A l’énoncé de ces difficultés, on pourrait logiquement penser que le film va comme JULIUS un an avant, s’écrouler avant d’être fini, mais c’est là que HESTON va montrer sa force de caractère !

    IL manque de moyens ? il va limiter les grands plans et les panoramiques coûteux, en créant des décors abordables mais parlants, comme la barge où il rencontre POMPEE ou l’arène de gladiateurs où Antoine se partage l'Empire avec Octave à ROME !

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    Il s’aperçoit dès le début du tournage que le chef-op Rafael PACHECO n’est pas loin de se prendre pour la star du film, cite constamment BUNUEL comme référence et met trois heures à éclairer un plan,  il encaisse, reste courtois, mais lui fait vite comprendre qu’il a aussi travaillé avec Russel METTY, le plus doué et rapide des directeurs de la photo américains, et que c’est son argent qui est en jeu, pas le sien !

    Il n’a pas l’expérience pour diriger les scènes de bataille ? il fait appel à son copain Joe CANUTT, qui va pour un cachet d’ami, s’occuper des combats terrestres et remuer tous ses figurants à sa manière ( rude) ce qui donnera de très bonnes séquences…

    Il n’a pas les fonds pour que la bataille d’ACTIUM soit le sommet voulu ? il va mélanger des plans moyens et rapprochés, filmés sur deux petites galères qui feront illusion de grosse flotte de combat, en compensant le manque de moyens par un montage nerveux, et en ajoutant des »stock-shots » empruntés à BEN-HUR avec l’autorisation du nouveau boss de la MGM, croyant d’ailleurs au début à un « geste de courtoisie » de la part de Kirk KERKORIAN !

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    EN gros, sans doute instruit par le savoir-faire de son ami WELLES, capable de faire beaucoup avec très peu, il va donner à son film un aspect artistique affirmé, mettre en valeur les sentiments plus que l’action, en aucun cas faire un « epic » dont il n’a pas les moyens, et donner en ce qui le concerne, une de ses plus belles interprétations ; désireux de donner du rythme à l’ouvrage, il va aussi procéder à quelques coupes dans le texte, mais sans jamais en trahir l’essence, cette histoire de passion déraisonnable qui contrarie le sens de l’Histoire !

    Au moment ou le tournage touche à peu près à sa fin, CHUCK se trouve rassuré par les bonnes nouvelles venues des States : THE OMEGA MAN est bien le triomphe espéré, parti sur la même lancée que PLANET OF THE APES, et c’est un résultat qu’il accueille avec soulagement, car il signifie qu’il va pouvoir absorber, quoi qu’il arrive, les coûts financiers de sa si belle entreprise…

    Concernant, par contre, le coût artistique et les «  coups au moral » que son énorme travail, son « labour of love » va lui procurer au moment de la sortie de SON film , son bébé , c’est une autre histoire…

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    A SUIVRE …

    A Cécile...

     

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  • 7 - " JULES CESAR " & " ANTOINE ET CLEOPATRE " - Deuxième partie

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    ANTOINE ET CLEOPATRE : 1ère partie 

     

    "ANTONY, ou la solitude de l'artiste HESTON"...

     

    «  Qu’allons nous faire, Enobarbus ? »

    « Penser , et puis mourir… »

    La question que pose la reine Cléopâtre à son conseiller, tout comme sa réponse désabusée et réaliste, après le désastre de la bataille d’ACTIUM, reflètent bien la précision et la vivacité de la langue shakespearienne, et expliquent en grande partie la fascination que le « barde » comme disent les Britanniques, a pu exercer sur l’artiste Charlton HESTON …

    Amoureux du texte et du langage de SHAKESPEARE depuis son enfance, HESTON était aussi bien sûr homme de cinéma, et c’est très tôt dans sa carrière qu’il a su déceler le potentiel cinématographique de cette œuvre, pour lui une des trois plus belles tragédies de l’auteur. Ce potentiel résidait pour lui dans deux aspects, disons « points forts » majeurs :

    La valeur purement dramatique de la pièce, contenant à elle seule tous les grands thèmes shakespeariens : la quête du pouvoir, le combat entre la raison et la passion, l’absurdité de l’existence, la toute-puissance du sentiment amoureux poussé à l’extrême.

    La valeur «  cinégénique » de l’ouvrage, car son action ne se situe pas dans un lieu unique, ou dans un décor sans importance dramatique, mais va des palais égyptiens jusqu'à ROME, pour se poursuivre en GRECE et s’achever dans le mausolée dédié aux pharaons, parfait point de départ pour une création cinématographique…

    C’est donc armé de sa seule conviction que HESTON se lance, début 1970, dans la préparation de ce film, car si ses actions ont remonté dans le milieu hollywoodien du fait de ses récents succès, l’équilibre de ses finances reste fragile, et il ne se sent pas le droit d’engager sa fortune, fût-elle modeste, dans un pari artistique dont sa famille pourrait subir les conséquences ; il est d’ailleurs très clair à ce sujet dans ses « Journals » ; c’est grâce aux encouragements de son épouse Lydia, persuadée qu’il en va de son équilibre, qu’il se lancera finalement  dans un projet que son bon sens et sa prudence naturelle ( traits de caractère peu connus de son personnage) auraient pu lui interdire !

    Le financement du projet, contrairement à ce qu’on aurait pu penser, va en effet être un véritable chemin de croix ; suite au désastre financier de « JULIUS CAESAR » évoqué dans une précédente chronique, personne, absolument personne, n’est chaud pour appuyer un projet encore plus coûteux, si ce n’est le jeune Peter SNELL, qui demande d’ailleurs à HESTON, vu son implication dans JULIUS, s’il ne souhaite pas carrément mettre en scène le film !

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    Peter Snell avec Charlton Heston sur le plateau de "Antony and Cleopatra" ¹

    Réponse catégorique de l’artiste : NO ! Il est vrai qu’il pense exercer déjà assez de contrôle créatif sur un projet pour ne pas avoir en plus à le diriger, mais surtout, sa modestie et son sens des réalités lui suggèrent qu’il n’est pas prêt, et que seuls deux grands « metteurs » peuvent faire le job : Larry OLIVIER et bien sûr Orson WELLES !

    Ces deux amis de longue date restent cependant prudents, et refusent de s’engager tant qu’il n’a pas trouvé la bonne CLEOPATRE… La pièce tournant essentiellement autour de la reine d’EGYPTE, on peut les comprendre aussi…Orson dira même au Chuck lors d’un déjeuner à LONDRES : «  dear boy, si tu n’as pas une «  grande » Cléo, tu ne peux pas faire cette pièce » !

    Encouragé et refroidi en même temps, Chuck va donc partir dans d’épuisants meetings avec diverses ladies susceptibles d’incarner le mythe en question, le tout sans aucun « backing » financier digne du nom, ce qui en dit long sur sa détermination ! on passera donc de l’invraisemblable ( Sophia LOREN, sous prétexte que son mari le producteur PONTI aurait pu mettre un peu d’argent) aux plausibles ( Irene PAPPAS, Glenda JACKSON , et même Ann BANCROFT) avec toujours un refus poli, ce qui le mettra dans tous ses états ! comment en effet peut-on refuser un tel rôle ?

    L’explication tient sans doute dans le fait que le Chuck de l’époque n’était pas très facile avec ses « leading ladies » et que donc il valait mieux ne pas passer six mois avec lui sur un tournage… éternel revers de la médaille, tout comme DOUGLAS, LANCASTER et consorts, Chuck avait la réputation d’un gars très difficile, et cela a joué en sa défaveur …

    En tous cas, voilà notre héros privé d’une co-star pour porter le projet, et amené à se rabattre sur une actrice sud-africaine d’une beauté fulgurante, certes, mais sans vraie expérience cinématographique : Hildegard NEIL, en effet, a beaucoup joué au thêatre, et c’est d’ailleurs là que Chuck l’a d’abord vue. Il va donc arranger une rencontre à LONDRES, prévue pour durer dix minutes et qui va s’étendre sur deux heures , la passion commune des deux acteurs pour le sujet va achever de convaincre HESTON que, non, il ne trouvera pas une meilleure Cléo pour le moment, et c’est maintenant que ça se passe !

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    Hildegard Neil et Charlton Heston au Dorchester Hôtel 5 mars 1971²

    A ce stade du projet, le Chuck se retrouve aussi dans l’obligation de mettre en scène le film lui-même : il connaît parfaitement la pièce, et sait qu’avec un bon directeur de la photo et l’aide de son producteur, il peut mettre à bien le projet, malgré ses compétences modestes question caméra et montage, mais il croit aux vertus du « team work » ce en quoi l’avenir lui donnera, en partie, raison.

    Par contre, le soutien financier des banques et même l’amorce d’une future distribution étant plus qu’aléatoires,  il se voit obligé de tourner en tant qu’acteur pour montrer qu’il est, justement, toujours «  bankable » ! ce sera THE OMEGA MAN, projet qui lui est cher, et le très gros succès de ce futur classique SF ne sera pas pour rien dans la réalisation de son cher ANTONY !

    Son ami Walter SELTZER s’étant prudemment écarté du projet, HESTON va donc investir une grande partie de ses deniers personnels dans l’affaire, car il n’a pas le choix, et comme c’est largement insuffisant, ne percevoir aucun salaire de metteur, ou d’acteur, sur le tournage ; c’est là qu’on réalise à quel point l’artiste, immergé dans une quête aussi importante pour lui, est prêt à quasiment tous les sacrifices, qualité que l’on trouve naturelle chez un homme comme WELLES habitué à ce genre de situation, mais moins chez une « superstar » qui aurait pu s’épargner tout cet effort en se contentant de rester une vedette pour films grand public.

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    Walter Seltzer³

    C’est pourquoi on peut dire qu’il y a, chez Charlton HESTON, un « avant » et un « après » ANTONY, dans le sens ou l’avant correspond à un idéal artistique très affirmé, et l’après, malheureusement, à une période de doute et de déception qui se retrouvera dans son travail, comme dans ses choix humains ou politiques…

    Mais nous n’en sommes pas là, car pour le moment, notre héros, en panne de financement et n’ayant convaincu personne quant à la validité commerciale du «  project » est toujours dans les starting-blocks, contraint d’attendre et espérer ….

     

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    A SUIVRE ….

    A Cécile toujours...

     

     

    1 photo Peter Snell et Charlton Heston  http://www.britishlion.com/mobile/peter-snell-producer.shtml

    2 - photo Hildegard Neil et Charlton Heston https://www.google.fr/search?q=hildegard+neil+et++charlton+heston&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=0ahUKEwi4w-zllYzcAhXCNxQKHcMIASYQ_AUICigB&biw=1366&bih=635#imgrc=ZiosxmVmeUNXyM:

    3 - photo Waltez Seltzer : https://www.google.fr/search?biw=1366&bih=586&tbm=isch&sa=1&ei=Y0ZAW6iRLYPbUZbrhPgN&q=walter+seltzer+&oq=walter+seltzer+&gs_l=img.12..0i8i30k1.36338.36338.0.41034.1.1.0.0.0.0.66.66.1.1.0....0...1c.1.64.img..0.1.66....0.VD0_Z0p_7BE#imgrc=ejKOW-ckafx7sM:

     

     

  • 6 - « JULES CESAR » & «  ANTOINE ET CLEOPATRE » Première partie

    publié le 19 juin 2018

    MAJ le 3 juillet 2018

    DEUX « ECHECS » DONT L’ARTISTE SORT GRANDI …

     1 - JULES CESAR

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    A DEUX ANS D’INTERVALLE, CHARLTON HESTON, certainement un des acteurs américains les plus sincèrement passionnés par l’œuvre de SHAKESPEARE, trouve enfin l’opportunité, à l’âge de 46 ans, de réaliser un rêve d’adolescent et de tenter d’exprimer une idée qui lui a toujours été chère, selon laquelle SHAKESPEARE est le plus merveilleux « scénariste  potentiel » pour des projets artistiques à la fois créatifs, et proches du grand public.

    Malheureusement pour lui, le public américain et les financiers d’HOLLYWOOD en général ont visiblement une opinion différente sur ce sujet, car la plupart des projets conçus autour de SHAKESPEARE sur le sol des Etats-Unis ont jusque- là été des fours notoires, ou des productions montées à la va-vite, comme par exemple les tentatives d’Orson WELLES, obligé de faire son OTHELLO en EUROPE avec trois bouts de ficelle et son génie créatif pour compenser un budget de misère…

    C’est donc dans un contexte de méfiance absolue à l’encontre de toute entreprise « shakespearisante » que HESTON, revenu au sommet de sa valeur commerciale grâce au triomphe inattendu de « PLANET OF THE APES », et mû par sa passion plus que par une logique financière, se retrouve impliqué dans deux projets «  à risques » !

    On peut donc imaginer sans peine la tête que dut faire son agent Herman « iceman » CITRON quand CHUCK lui annonça qu’il acceptait la proposition du jeune producteur canadien SNELL de jouer dans son projet JULIUS CAESAR, pour un cachet modeste, en comparaison de son statut de superstar retrouvée…

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    JULIUS CAESAR n’était aucunement une nouveauté pour HESTON, puisqu’il avait déjà joué le rôle de Marc-Antoine dans une production sans gros moyens de David BRADLEY en 1950 ; Marlon BRANDO, avec sa modestie coutumière, avait déclaré, avant de jouer sa propre version du personnage en 1953 sous la direction de MANCIEWIZ, qu’il suffirait de jouer le rôle à l’opposé de l’interprétation d’HESTON pour être «  just right » , on verra plus tard ce qu’on peut penser de ce «  duel à distance »…

    SNELL bénéficiant d’un budget important ( 1,6 million de dollars, quand même) HESTON vit donc dans sa proposition l’occasion de pouvoir enfin faire une digne adaptation de ce qui pour lui, n’était aucunement un chef-d’œuvre de SHAKESPEARE, mais une bonne pièce à gros potentiel cinégénique.

    Sa préférence, on le sait, allait bien sûr à trois splendeurs dont il avait bien l’intention, un jour ou l’autre, d’affronter les pièges : MACBETH, KING LEAR et ANTONY AND CLEOPATRA, sa préférée, que nous évoquerons plus tard…

    Dans la préparation de JULIUS CAESAR, on note dés le début une tendance bien établie chez le HESTON de l’époque, celle de s’impliquer artistiquement au maximum dans la conception de l’ouvrage ; non seulement il est l’acteur principal et celui grâce auquel le film peut se monter ( SNELL a toujours déclaré que le seul moyen pour lui de faire ce film était de lui faire appel) mais il dispose également du droit de choisir les interprètes, et d’approuver ou pas le script, avec possibilité pour lui de couper dans le texte original si nécessaire ! en fait, la seule chose qu’HESTON ne fera pas dans ce projet, c’est de le mettre en scène, et encore….

    On imagine donc, dans ce contexte de totale suprématie d’une personne sur un projet aussi important, la somme de jalousies et d’inimitiés diverses que la situation a pu très vite provoquer, jouant d’ailleurs un rôle non négligeable dans son « semi-échec » final !

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    Les affaires commencent en fait plutôt bien, car le casting défini par HESTON (surtout) et SNELL ( un peu) parait au début parfaitement adapté au projet : le grand GIELGUD doit jouer Jules, Richard JOHNSON sera Cassius, Richard CHAMBERLAIN Octave, Robert VAUGHN Casca , et surtout, Orson WELLES doit jouer Brutus, rôle capital s’il en est…

    Le seul « hic » et de taille, c’est le metteur en scène.

    SNELL , faute de pouvoir engager OLIVIER qui fait la sourde oreille, s’est rabattu sur Stuart BURGE, un" director" de théatre, dont l’expérience filmique est des plus modestes, si ce n’est une adaptation d’OTHELLO en 65, dont on murmure que c’est surtout OLIVIER qui l’a dirigée…les choses s’engagent donc plutôt mal, car à part HESTON, qui accepte ce choix, tous les autres acteurs ne font aucune confiance à BURGE, et pensent que c’est davantage CHUCK qui tire les ficelles ! à commencer par Orson, très remonté dès le début contre BURGE qu’il juge «  nul » ( toujours en finesse, le grand WELLES) et fait très vite comprendre à la compagnie que soit on vire BURGE, soit c’est lui qui s’en va.

    A la stupeur de tous, et contre toute logique artistique, c’est lui qui s’en va.

    Le projet se trouve alors privé d’un moteur essentiel, car non seulement il perd un comédien de poids ( dans tous les sens du terme) mais il perd aussi celui qui aurait pu être son metteur en scène, car il s’était proposé pour remplacer BURGE !

    On peut donc considérer, en toute objectivité, que si HESTON avait, contre l’avis de SNELL, opté pour conserver WELLES dans l’équipe, le film aurait eu l’allure, l’éclat et aussi les défauts que BURGE, malgré ses qualités, ne pouvait aucunement apporter.

    C’est un peu ce que l’on peut reprocher à HESTON à cette époque, non pas son implication artistique, qui est férocement sincère de bout en bout, mais peut-être sa tendance à jouer la sécurité et se contenter de « metteurs » parfois un peu ternes, comme le furent DEARDEN ou NELSON quelques années avant BURGE … 

    L’aspect bancal et insatisfaisant de cette situation va, dés lors, scinder le groupe en deux factions, celle qui fait confiance à HESTON , notamment JOHNSON et GIELGUD qui sont ses amis, et celle qui dés le début semble se réjouir du four en prévision, VAUGHN,CHAMBERLAIN, et surtout le nouveau venu , Jason ROBARDS !

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    Formidable comédien contemporain et acteur de thêatre renommé, ROBARDS est pourtant à peu près aussi adapté au rôle de Brutus que Sylvester STALLONE le serait à celui du roi LEAR ; incapable de monter à cheval, mal à l’aise en armure, visiblement infoutu de donner quelque substance à ce qui est le plus beau personnage de la pièce, il passe complétement à côté du rôle, entraînant dans sa morosité les autres américains de la bande ( dont VAUGHN qui ne cessera de se gausser de la superstar HESTON) et surtout, plombant toutes les scènes ou il apparaît, c’est-à-dire la moitié de la pièce... même HESTON, peu connu pour dire du mal de ses collègues, ne pourra s’empêcher d’écrire à son sujet : «  Je dois dire que j’ai rarement vu un bon acteur jouer aussi mal dans un bon rôle que Jason en Brutus ; il semble n’avoir aucun vrai sens de la langue, ses mots tombent de sa bouche, soit totalement verbeux, soit totalement plats » ((journals,1970) ; il faut dire que Robards ne s'était pas donné la peine de lire la pièce avant le tournage, ce qui ne pouvait certainement pas l'aider à capter son personnage! Pour l'aider à s'en sortir, Johnson prit sur lui de lui consacrer quelques séances de "prose Shakespearienne, sans trop de succès, cependant"

    Privée d’un atout crucial, la compagnie va se rabattre sur trois éléments importants pour, disons, sauver les meubles, à savoir GIELGUD (impérial en César, mais on ne pouvait en attendre moins) JOHNSON,( réellement formidable pour camper le noir et amer Cassius) , et surtout un CHUCK totalement inspiré en Marc-Antoine, pour ce que lui-même définit comme un rôle facile, un de ceux qui, si on les loupe, doit vous donner envie d’arrêter SHAKESPEARE !

    Facile ou pas, il faut admettre que la prestation hestonienne dans le rôle est excellente, et que son interprétation du fameux monologue devant la dépouille mortelle de César est digne d’éloge ; tout y est : la fourberie du politicien, le coté manipulateur, et en même temps la colère et l’émotion sincère, portés par une voix puissante et expressive, musicale et grondante, bien plus shakespearienne, finalement, que la version maniérée et pseudo-moderne de BRANDO, qui, sur ce coup –là, a manqué le coche !

    Après un tournage difficile en Espagne, du fait du manque de moyens pour la bataille finale bien réglée par Joe CANUTT à qui CHUCK a fait appel, le film se termine sans accroc à LONDRES, pour être montré en ANGLETERRE en juillet 70, et faire un tel flop critique et public qu’il ne sera quasiment pas distribué en EUROPE, et très peu aux USA ou de toute façon, aucun film shakespearien ne fait recette en général.. Beaucoup d’efforts pour un résultat décevant, mais comme nous le savons, cela n’empêchera pas HESTON et SNELL de repartir très vite sur un projet analogue, dont nous reparlerons bientôt.

    Pourtant, malgré les défauts et les manques que l’on peut constater dans ce film, très sévèrement critiqué par HESTON himself, on y trouve des qualités qui n’en font certainement pas, comme on a pu l’écrire, «  le pire film shakespearien de tous les temps » ! je ne saurais souscrire à ce point de vue, car, malgré tout, on y perçoit la passion et l’engagement d’une personne pour son projet, il est seulement regrettable qu’il ait été presque le seul, à y croire vraiment.

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    A CECILE, bien sûr...

  • 5 - CHARLTON HESTON , UNE MORALE AU CINEMA . par Renaud

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    DIX ANS, jour pour jour après le décès d’une des dernières « icones » de la grande époque du cinéma hollywoodien, il est difficile de ne pas être surpris, en tous cas dérouté, par le manque de respect et l’oubli poli qui caractérisent l’attitude des médias, du milieu du cinéma et la vision du grand public , à l’encontre d’un homme dont la carrière artistique reste considérable.

    NOUS parlons en effet ici d’un comédien d’une stature et d’une aura comparables à celles des plus grands, qui a œuvré avec les meilleurs metteurs en scène, travaillé sans recherche de bénéfice pour le bien de la communauté des acteurs à la tête de la SAG ( screen actor’s guild) et d’une manière générale, donné à l’ensemble de son travail au cinéma une cohérence et une MORALE, au sens noble du terme, qui mériteraient, à tout le moins, le respect et l’approbation de ses contemporains ….

    OR, le moins qu’on puisse dire, sans entrer dans les détails des formes de rejet dont il a été victime depuis une vingtaine d’années, c’est que la « communauté » du cinéma continue à ignorer l’acteur et le personnage public HESTON de manière définitive, et qu’il y a peu de chances que des voix s’élèvent pour protester contre cet ostracisme, que l’on célèbre ou pas le dixième anniversaire de sa mort ; il se peut même que, dans un nouvel amalgame spectaculaire, certains profitent des récents et dramatiques évènements survenus aux USA pour discréditer un peu plus l’homme en le tenant pour responsable indirect de ces crimes…

    TOUT est en effet possible dans un monde où, malgré l’omniprésence des média, la mémoire et le respect des faits semblent perdre toute valeur ; et c’est pourquoi il nous parait utile, particulièrement aujourd’hui, de rappeler à ceux qui tendraient à l’oublier, que HESTON, loin d’être un fanatique maniaque des armes à feu, était avant tout un humaniste, un « homme de conscience », parfaitement informé du pouvoir de persuasion du cinéma, et qu’il avait à ce niveau un sens aigu de ses responsabilités, pas seulement en tant qu’artiste, mais aussi en tant que citoyen !

    Voué par sa culture, son amour de l’histoire et sa passion pour les grands personnages à tenir un certain type de rôles à l’écran, HESTON a pu sembler, contrairement à certains de ses contemporains, se tenir à l’écart du monde réel et de ses préoccupations, mais cette réduction, pratique pour ses détracteurs, ne résiste pas à l’examen ; pour quelques rôles à caractère biblique ou assimilé, comme BEN-HUR ou LES DIX COMMANDEMENTS, il a surtout cherché à construire des personnages en accord avec son éthique et sa morale,qui impliquaient avant tout une ligne de conduite généreuse, le respect des autres et de leurs différences, une admiration certaine pour une « élite » artistique et politique, une inquiétude profonde pour le devenir de l’humanité, et surtout, la plus grande prudence quant à la violence et ses mécanismes !

     

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    QUAND, dans les années 70, le cinéma américain sombrait justement, dans la célébration de l’auto-défense et une fascination nauséabonde pour la violence expéditive et l’auto-défense, HESTON refusait ce type de rôles, pour lesquels ses contemporains MC QUEEN, EASTWOOD et surtout BRONSON sont devenus illustres, sans que leur image actuelle en soit pour autant ternie, curieusement d’ailleurs ! tandis que l’inspecteur HARRY et BULLIT remplissaient les salles, lui n’acceptait quasiment aucun rôle de flic redresseur de tort, à part celui du policier THORN dans SOYLENT GREEN, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il ne donne pas une image vertueuse de sa corporation : corrompu, cynique et prêt à tout pour survivre, il ne retrouve son humanité que dans la mise à bien d’une enquête ou la collusion entre la police et l’état est révélée au grand jour …et on sait à quel point HESTON tenait à ce rôle ! dans le même ordre d’idée, pour en rester à la science-fiction, comment ne pas prendre en compte sa vision désabusée de l’avenir de l’Homme, quand il choisit d’interpréter avec ambiguité le survivant ancré dans son habitat social de THE OMEGA MAN ou le cynique misanthrope TAYLOR de PLANET OF THE APES, se moquant du pathétique désir de gloire de ses collégues astronautes ainsi que du petit drapeau américain « planté » sur le sol de la planète qu’ils croient avoir découverte !

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    ET les exemples abondent, qui contredisent, tout au long de sa carrière, cette idée préconçue que HESTON n’aurait été qu’un clone de John WAYNE, portant haut et fort les valeurs de son pays sans se poser de questions…si cela avait été le cas, il n’aurait pas refusé le rôle de TRAVIS dans ALAMO, ou celui de CUSTER quelques années plus tard ! il n’aurait pas non plus accepté de jouer ce Major DUNDEE obsédé par la guerre et incapable de construire une relation amoureuse, et encore moins celui de Charles GORDON, l’homme qui abolit l’esclavage au SOUDAN et combattit les armées de l’Islamisme avec une badine sous le bras pour toute arme….

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    Ne trouve t’on pas dans les exemples cités la preuve évidente d’une cohérence de pensée et d’une vision sceptique de la violence et des moyens qu’elle emploie ? dans le même ordre d’idées, la vision que HESTON avait des droits de l’homme et du respect des différentes communautés aux USA se retrouve au cinéma, dans son interprétation, risquée pour l’époque, de l’obtus et antipathique KING ROWLANDS dans le méconnu DIAMOND HEAD ou, à un niveau plus extrême encore, du capitaine trafiquant de main-d’œuvre asiatique dans MASTER OF THE ISLANDS de GRIES !

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    IL nous semble que, tout au long de sa carrière, en dehors du fait qu’il ait pu faire des choix artistiques osés reflétant son audace et sa volonté de ne pas s’en tenir à une formule payante, HESTON a toujours pris soin de choisir des sujets véhiculant des valeurs qu’il trouvait honorables…pour nous, en dépit des égarements que nous constatons vers la fin de sa vie, il apparait comme une logique dans son comportement d’artiste et il n’y a pas grande différence entre le policier de TOUCH OF EVIL, ce mexicain conscient de l’âpreté de son métier, et le Thomas MORE de A MAN FOR ALL SEASONS, cet humaniste au service de la libre pensée prêt à se sacrifier pour que le droit individuel puisse s’exprimer malgré la pression du pouvoir, royal ou autre…

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    OUI, il s’agit bien du même homme, animé des mêmes idéaux, et globalement persuadé que le libre-arbitre de l’individu doit avoir préséance sur la collectivisation de la pensée et la mainmise des appareils, d’état ou autres …bien sûr, on peut en rester par facilité à l’image « rassurante » d’un homme borné et défendant des valeurs obsolétes, mais l’examen de son travail et des pièces maitresses de son œuvre laisse à penser qu’il n’a jamais été cela, bien au contraire.

    ET donc, dix ans après sa mort, sachant que les média ne sauraient se pencher avec objectivité sur un personnage aussi complexe, il nous a paru souhaitable d’opérer cette « mise au point », par respect pour sa mémoire, et, qu’on le veuille ou non, la ligne de conduite d’un authentique moraliste.

    signature_5.gif      ... A Cécile 

     

     

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