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  • 7 - " JULES CESAR " & " ANTOINE ET CLEOPATRE " - Deuxième partie

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    ANTOINE ET CLEOPATRE : 1ère partie 

     

    "ANTONY, ou la solitude de l'artiste HESTON"...

     

    «  Qu’allons nous faire, Enobarbus ? »

    « Penser , et puis mourir… »

    La question que pose la reine Cléopâtre à son conseiller, tout comme sa réponse désabusée et réaliste, après le désastre de la bataille d’ACTIUM, reflètent bien la précision et la vivacité de la langue shakespearienne, et expliquent en grande partie la fascination que le « barde » comme disent les Britanniques, a pu exercer sur l’artiste Charlton HESTON …

    Amoureux du texte et du langage de SHAKESPEARE depuis son enfance, HESTON était aussi bien sûr homme de cinéma, et c’est très tôt dans sa carrière qu’il a su déceler le potentiel cinématographique de cette œuvre, pour lui une des trois plus belles tragédies de l’auteur. Ce potentiel résidait pour lui dans deux aspects, disons « points forts » majeurs :

    La valeur purement dramatique de la pièce, contenant à elle seule tous les grands thèmes shakespeariens : la quête du pouvoir, le combat entre la raison et la passion, l’absurdité de l’existence, la toute-puissance du sentiment amoureux poussé à l’extrême.

    La valeur «  cinégénique » de l’ouvrage, car son action ne se situe pas dans un lieu unique, ou dans un décor sans importance dramatique, mais va des palais égyptiens jusqu'à ROME, pour se poursuivre en GRECE et s’achever dans le mausolée dédié aux pharaons, parfait point de départ pour une création cinématographique…

    C’est donc armé de sa seule conviction que HESTON se lance, début 1970, dans la préparation de ce film, car si ses actions ont remonté dans le milieu hollywoodien du fait de ses récents succès, l’équilibre de ses finances reste fragile, et il ne se sent pas le droit d’engager sa fortune, fût-elle modeste, dans un pari artistique dont sa famille pourrait subir les conséquences ; il est d’ailleurs très clair à ce sujet dans ses « Journals » ; c’est grâce aux encouragements de son épouse Lydia, persuadée qu’il en va de son équilibre, qu’il se lancera finalement  dans un projet que son bon sens et sa prudence naturelle ( traits de caractère peu connus de son personnage) auraient pu lui interdire !

    Le financement du projet, contrairement à ce qu’on aurait pu penser, va en effet être un véritable chemin de croix ; suite au désastre financier de « JULIUS CAESAR » évoqué dans une précédente chronique, personne, absolument personne, n’est chaud pour appuyer un projet encore plus coûteux, si ce n’est le jeune Peter SNELL, qui demande d’ailleurs à HESTON, vu son implication dans JULIUS, s’il ne souhaite pas carrément mettre en scène le film !

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    Peter Snell avec Charlton Heston sur le plateau de "Antony and Cleopatra" ¹

    Réponse catégorique de l’artiste : NO ! Il est vrai qu’il pense exercer déjà assez de contrôle créatif sur un projet pour ne pas avoir en plus à le diriger, mais surtout, sa modestie et son sens des réalités lui suggèrent qu’il n’est pas prêt, et que seuls deux grands « metteurs » peuvent faire le job : Larry OLIVIER et bien sûr Orson WELLES !

    Ces deux amis de longue date restent cependant prudents, et refusent de s’engager tant qu’il n’a pas trouvé la bonne CLEOPATRE… La pièce tournant essentiellement autour de la reine d’EGYPTE, on peut les comprendre aussi…Orson dira même au Chuck lors d’un déjeuner à LONDRES : «  dear boy, si tu n’as pas une «  grande » Cléo, tu ne peux pas faire cette pièce » !

    Encouragé et refroidi en même temps, Chuck va donc partir dans d’épuisants meetings avec diverses ladies susceptibles d’incarner le mythe en question, le tout sans aucun « backing » financier digne du nom, ce qui en dit long sur sa détermination ! on passera donc de l’invraisemblable ( Sophia LOREN, sous prétexte que son mari le producteur PONTI aurait pu mettre un peu d’argent) aux plausibles ( Irene PAPPAS, Glenda JACKSON , et même Ann BANCROFT) avec toujours un refus poli, ce qui le mettra dans tous ses états ! comment en effet peut-on refuser un tel rôle ?

    L’explication tient sans doute dans le fait que le Chuck de l’époque n’était pas très facile avec ses « leading ladies » et que donc il valait mieux ne pas passer six mois avec lui sur un tournage… éternel revers de la médaille, tout comme DOUGLAS, LANCASTER et consorts, Chuck avait la réputation d’un gars très difficile, et cela a joué en sa défaveur …

    En tous cas, voilà notre héros privé d’une co-star pour porter le projet, et amené à se rabattre sur une actrice sud-africaine d’une beauté fulgurante, certes, mais sans vraie expérience cinématographique : Hildegard NEIL, en effet, a beaucoup joué au thêatre, et c’est d’ailleurs là que Chuck l’a d’abord vue. Il va donc arranger une rencontre à LONDRES, prévue pour durer dix minutes et qui va s’étendre sur deux heures , la passion commune des deux acteurs pour le sujet va achever de convaincre HESTON que, non, il ne trouvera pas une meilleure Cléo pour le moment, et c’est maintenant que ça se passe !

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    Hildegard Neil et Charlton Heston au Dorchester Hôtel 5 mars 1971²

    A ce stade du projet, le Chuck se retrouve aussi dans l’obligation de mettre en scène le film lui-même : il connaît parfaitement la pièce, et sait qu’avec un bon directeur de la photo et l’aide de son producteur, il peut mettre à bien le projet, malgré ses compétences modestes question caméra et montage, mais il croit aux vertus du « team work » ce en quoi l’avenir lui donnera, en partie, raison.

    Par contre, le soutien financier des banques et même l’amorce d’une future distribution étant plus qu’aléatoires,  il se voit obligé de tourner en tant qu’acteur pour montrer qu’il est, justement, toujours «  bankable » ! ce sera THE OMEGA MAN, projet qui lui est cher, et le très gros succès de ce futur classique SF ne sera pas pour rien dans la réalisation de son cher ANTONY !

    Son ami Walter SELTZER s’étant prudemment écarté du projet, HESTON va donc investir une grande partie de ses deniers personnels dans l’affaire, car il n’a pas le choix, et comme c’est largement insuffisant, ne percevoir aucun salaire de metteur, ou d’acteur, sur le tournage ; c’est là qu’on réalise à quel point l’artiste, immergé dans une quête aussi importante pour lui, est prêt à quasiment tous les sacrifices, qualité que l’on trouve naturelle chez un homme comme WELLES habitué à ce genre de situation, mais moins chez une « superstar » qui aurait pu s’épargner tout cet effort en se contentant de rester une vedette pour films grand public.

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    Walter Seltzer³

    C’est pourquoi on peut dire qu’il y a, chez Charlton HESTON, un « avant » et un « après » ANTONY, dans le sens ou l’avant correspond à un idéal artistique très affirmé, et l’après, malheureusement, à une période de doute et de déception qui se retrouvera dans son travail, comme dans ses choix humains ou politiques…

    Mais nous n’en sommes pas là, car pour le moment, notre héros, en panne de financement et n’ayant convaincu personne quant à la validité commerciale du «  project » est toujours dans les starting-blocks, contraint d’attendre et espérer ….

     

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    A SUIVRE ….

    A Cécile toujours...

     

     

    1 photo Peter Snell et Charlton Heston  http://www.britishlion.com/mobile/peter-snell-producer.shtml

    2 - photo Hildegard Neil et Charlton Heston https://www.google.fr/search?q=hildegard+neil+et++charlton+heston&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=0ahUKEwi4w-zllYzcAhXCNxQKHcMIASYQ_AUICigB&biw=1366&bih=635#imgrc=ZiosxmVmeUNXyM:

    3 - photo Waltez Seltzer : https://www.google.fr/search?biw=1366&bih=586&tbm=isch&sa=1&ei=Y0ZAW6iRLYPbUZbrhPgN&q=walter+seltzer+&oq=walter+seltzer+&gs_l=img.12..0i8i30k1.36338.36338.0.41034.1.1.0.0.0.0.66.66.1.1.0....0...1c.1.64.img..0.1.66....0.VD0_Z0p_7BE#imgrc=ejKOW-ckafx7sM:

     

     

  • 6 - « JULES CESAR » & «  ANTOINE ET CLEOPATRE » Première partie

    publié le 19 juin 2018

    MAJ le 3 juillet 2018

    DEUX « ECHECS » DONT L’ARTISTE SORT GRANDI …

     1 - JULES CESAR

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    A DEUX ANS D’INTERVALLE, CHARLTON HESTON, certainement un des acteurs américains les plus sincèrement passionnés par l’œuvre de SHAKESPEARE, trouve enfin l’opportunité, à l’âge de 46 ans, de réaliser un rêve d’adolescent et de tenter d’exprimer une idée qui lui a toujours été chère, selon laquelle SHAKESPEARE est le plus merveilleux « scénariste  potentiel » pour des projets artistiques à la fois créatifs, et proches du grand public.

    Malheureusement pour lui, le public américain et les financiers d’HOLLYWOOD en général ont visiblement une opinion différente sur ce sujet, car la plupart des projets conçus autour de SHAKESPEARE sur le sol des Etats-Unis ont jusque- là été des fours notoires, ou des productions montées à la va-vite, comme par exemple les tentatives d’Orson WELLES, obligé de faire son OTHELLO en EUROPE avec trois bouts de ficelle et son génie créatif pour compenser un budget de misère…

    C’est donc dans un contexte de méfiance absolue à l’encontre de toute entreprise « shakespearisante » que HESTON, revenu au sommet de sa valeur commerciale grâce au triomphe inattendu de « PLANET OF THE APES », et mû par sa passion plus que par une logique financière, se retrouve impliqué dans deux projets «  à risques » !

    On peut donc imaginer sans peine la tête que dut faire son agent Herman « iceman » CITRON quand CHUCK lui annonça qu’il acceptait la proposition du jeune producteur canadien SNELL de jouer dans son projet JULIUS CAESAR, pour un cachet modeste, en comparaison de son statut de superstar retrouvée…

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    JULIUS CAESAR n’était aucunement une nouveauté pour HESTON, puisqu’il avait déjà joué le rôle de Marc-Antoine dans une production sans gros moyens de David BRADLEY en 1950 ; Marlon BRANDO, avec sa modestie coutumière, avait déclaré, avant de jouer sa propre version du personnage en 1953 sous la direction de MANCIEWIZ, qu’il suffirait de jouer le rôle à l’opposé de l’interprétation d’HESTON pour être «  just right » , on verra plus tard ce qu’on peut penser de ce «  duel à distance »…

    SNELL bénéficiant d’un budget important ( 1,6 million de dollars, quand même) HESTON vit donc dans sa proposition l’occasion de pouvoir enfin faire une digne adaptation de ce qui pour lui, n’était aucunement un chef-d’œuvre de SHAKESPEARE, mais une bonne pièce à gros potentiel cinégénique.

    Sa préférence, on le sait, allait bien sûr à trois splendeurs dont il avait bien l’intention, un jour ou l’autre, d’affronter les pièges : MACBETH, KING LEAR et ANTONY AND CLEOPATRA, sa préférée, que nous évoquerons plus tard…

    Dans la préparation de JULIUS CAESAR, on note dés le début une tendance bien établie chez le HESTON de l’époque, celle de s’impliquer artistiquement au maximum dans la conception de l’ouvrage ; non seulement il est l’acteur principal et celui grâce auquel le film peut se monter ( SNELL a toujours déclaré que le seul moyen pour lui de faire ce film était de lui faire appel) mais il dispose également du droit de choisir les interprètes, et d’approuver ou pas le script, avec possibilité pour lui de couper dans le texte original si nécessaire ! en fait, la seule chose qu’HESTON ne fera pas dans ce projet, c’est de le mettre en scène, et encore….

    On imagine donc, dans ce contexte de totale suprématie d’une personne sur un projet aussi important, la somme de jalousies et d’inimitiés diverses que la situation a pu très vite provoquer, jouant d’ailleurs un rôle non négligeable dans son « semi-échec » final !

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    Les affaires commencent en fait plutôt bien, car le casting défini par HESTON (surtout) et SNELL ( un peu) parait au début parfaitement adapté au projet : le grand GIELGUD doit jouer Jules, Richard JOHNSON sera Cassius, Richard CHAMBERLAIN Octave, Robert VAUGHN Casca , et surtout, Orson WELLES doit jouer Brutus, rôle capital s’il en est…

    Le seul « hic » et de taille, c’est le metteur en scène.

    SNELL , faute de pouvoir engager OLIVIER qui fait la sourde oreille, s’est rabattu sur Stuart BURGE, un" director" de théatre, dont l’expérience filmique est des plus modestes, si ce n’est une adaptation d’OTHELLO en 65, dont on murmure que c’est surtout OLIVIER qui l’a dirigée…les choses s’engagent donc plutôt mal, car à part HESTON, qui accepte ce choix, tous les autres acteurs ne font aucune confiance à BURGE, et pensent que c’est davantage CHUCK qui tire les ficelles ! à commencer par Orson, très remonté dès le début contre BURGE qu’il juge «  nul » ( toujours en finesse, le grand WELLES) et fait très vite comprendre à la compagnie que soit on vire BURGE, soit c’est lui qui s’en va.

    A la stupeur de tous, et contre toute logique artistique, c’est lui qui s’en va.

    Le projet se trouve alors privé d’un moteur essentiel, car non seulement il perd un comédien de poids ( dans tous les sens du terme) mais il perd aussi celui qui aurait pu être son metteur en scène, car il s’était proposé pour remplacer BURGE !

    On peut donc considérer, en toute objectivité, que si HESTON avait, contre l’avis de SNELL, opté pour conserver WELLES dans l’équipe, le film aurait eu l’allure, l’éclat et aussi les défauts que BURGE, malgré ses qualités, ne pouvait aucunement apporter.

    C’est un peu ce que l’on peut reprocher à HESTON à cette époque, non pas son implication artistique, qui est férocement sincère de bout en bout, mais peut-être sa tendance à jouer la sécurité et se contenter de « metteurs » parfois un peu ternes, comme le furent DEARDEN ou NELSON quelques années avant BURGE … 

    L’aspect bancal et insatisfaisant de cette situation va, dés lors, scinder le groupe en deux factions, celle qui fait confiance à HESTON , notamment JOHNSON et GIELGUD qui sont ses amis, et celle qui dés le début semble se réjouir du four en prévision, VAUGHN,CHAMBERLAIN, et surtout le nouveau venu , Jason ROBARDS !

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    Formidable comédien contemporain et acteur de thêatre renommé, ROBARDS est pourtant à peu près aussi adapté au rôle de Brutus que Sylvester STALLONE le serait à celui du roi LEAR ; incapable de monter à cheval, mal à l’aise en armure, visiblement infoutu de donner quelque substance à ce qui est le plus beau personnage de la pièce, il passe complétement à côté du rôle, entraînant dans sa morosité les autres américains de la bande ( dont VAUGHN qui ne cessera de se gausser de la superstar HESTON) et surtout, plombant toutes les scènes ou il apparaît, c’est-à-dire la moitié de la pièce... même HESTON, peu connu pour dire du mal de ses collègues, ne pourra s’empêcher d’écrire à son sujet : «  Je dois dire que j’ai rarement vu un bon acteur jouer aussi mal dans un bon rôle que Jason en Brutus ; il semble n’avoir aucun vrai sens de la langue, ses mots tombent de sa bouche, soit totalement verbeux, soit totalement plats » ((journals,1970) ; il faut dire que Robards ne s'était pas donné la peine de lire la pièce avant le tournage, ce qui ne pouvait certainement pas l'aider à capter son personnage! Pour l'aider à s'en sortir, Johnson prit sur lui de lui consacrer quelques séances de "prose Shakespearienne, sans trop de succès, cependant"

    Privée d’un atout crucial, la compagnie va se rabattre sur trois éléments importants pour, disons, sauver les meubles, à savoir GIELGUD (impérial en César, mais on ne pouvait en attendre moins) JOHNSON,( réellement formidable pour camper le noir et amer Cassius) , et surtout un CHUCK totalement inspiré en Marc-Antoine, pour ce que lui-même définit comme un rôle facile, un de ceux qui, si on les loupe, doit vous donner envie d’arrêter SHAKESPEARE !

    Facile ou pas, il faut admettre que la prestation hestonienne dans le rôle est excellente, et que son interprétation du fameux monologue devant la dépouille mortelle de César est digne d’éloge ; tout y est : la fourberie du politicien, le coté manipulateur, et en même temps la colère et l’émotion sincère, portés par une voix puissante et expressive, musicale et grondante, bien plus shakespearienne, finalement, que la version maniérée et pseudo-moderne de BRANDO, qui, sur ce coup –là, a manqué le coche !

    Après un tournage difficile en Espagne, du fait du manque de moyens pour la bataille finale bien réglée par Joe CANUTT à qui CHUCK a fait appel, le film se termine sans accroc à LONDRES, pour être montré en ANGLETERRE en juillet 70, et faire un tel flop critique et public qu’il ne sera quasiment pas distribué en EUROPE, et très peu aux USA ou de toute façon, aucun film shakespearien ne fait recette en général.. Beaucoup d’efforts pour un résultat décevant, mais comme nous le savons, cela n’empêchera pas HESTON et SNELL de repartir très vite sur un projet analogue, dont nous reparlerons bientôt.

    Pourtant, malgré les défauts et les manques que l’on peut constater dans ce film, très sévèrement critiqué par HESTON himself, on y trouve des qualités qui n’en font certainement pas, comme on a pu l’écrire, «  le pire film shakespearien de tous les temps » ! je ne saurais souscrire à ce point de vue, car, malgré tout, on y perçoit la passion et l’engagement d’une personne pour son projet, il est seulement regrettable qu’il ait été presque le seul, à y croire vraiment.

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    A CECILE, bien sûr...

  • 11 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

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    ...SUITE

    Les films de jeunesse

     8 ans avant de décrocher son Oscar, Charlton Heston était pris entre deux mondes. D'un côté, il y avait la scène à New-York où il pensait que n'importe quel acteur devait être – la scène, comme il le disait souvent, est « le pays de l'acteur » après tout, et le théâtre semblait ancré à jamais à New-York. D'un autre côté, il y avait Hollywood, les films et beaucoup plus d'argent – et la chance de devenir un acteur de renommée internationale. Il était déterminé à ne pas trahir la scène pour le grand écran mais il aspirait aussi à ce que l'écran avait à offrir, à savoir du travail, probablement plus de sécurité, et - s'il était vraiment chanceux – la célébrité, ou au moins du respect et de l'estime1 .

    La seule solution semblait être de garder un pied-à-terre à New York et d'avoir un appartement à Los Angeles. Au moins, ils pouvaient s'offrir un logement meilleur que celui sans eau chaude dans la "Cuisine de l'Enfer"², et ils s'achetèrent donc un appartement "plus classe" à New York en 1952. Ils ne le virent cependant pas beaucoup cette année-là - Heston étant toujours occupé à Hollywood. 

    L'idée de déménager à Hollywood ne réjouissait pas beaucoup Lydia. Elle était inquiète à propos du changement de style de vie et ne voulait pas sacrifier leur propre monde privé pour une vie clinquante et sans vie privée à Hollywood3. Elle raconte : « au début, je détestais Hollywood mais maintenant, je réalise que la moitié de cette haine venait de mon propre sentiment d'insécurité. Face à l'insécurité, on a tendance à rejeter un lieu et à dire que c'est un lieu horrible. En gagnant plus de confiance en moi, je me suis rendu compte que je ne détestais pas cet endroit tant que ça. » La plus grande partie de ses inquiétudes se calma quand elle devint amie avec la femme de Walter Seltzer, Lickey. Les Heston et les Seltzer sont restés des amis proches depuis cette époque.

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    Paramount était zélé quand il s'agissait de promouvoir Charlton Heston en tant qu'acteur de rôle héroïque et prépara une série de westerns pour lui dont le premier serait Le Fils de Géronimo4. Il jouait un homme blanc élevé par les Sioux dont la loyauté est déchirée entre les peaux-rouges et les hommes blancs. Si ça ne lui offrait pas vraiment un rôle exigeant, ça lui apportait une expérience professionnelle bienvenue en tant qu'acteur de cinéma. Il était surveillé par le regard vigilant du réalisateur Georges Marshall qui, même s'il n'était pas de la même trempe que John Ford, était une valeur sûre pour faire un western bourré d'action, et il amena l'équipe de tournage et les acteurs dans les belles Black Hills du Dakota du Sud pour tourner Le Fils de Géronimo.

    Le printemps de cette année-là, en 1952, les Heston firent un tour en Europe, une initiative de Paramount qui voulait qu'ils fassent la promotion du film de De Mille. Ils allèrent à Londres et découvrirent le Dorchester Hotel sous le charme duquel ils tombèrent et où ils célébrèrent leur huitième anniversaire de mariage. Ils étaient à Rome quelques semaines plus tard, découvrant pour la première fois les merveilles de la Ville Éternelle, parmi lesquelles le restaurant d'Alfredo où ils célébrèrent l'anniversaire de Lydia.

    Ils n'auraient jamais cru à ce moment-là qu'ils reviendraient à Rome, chez Alfredo, seulement quelques années plus tard pour l'un des rôles les plus prestigieux de Charlton Heston.

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    De retour à Hollywood, Heston accepta une offre de King Vidor : être l'acteur principal au côté de Jennifer Jones dans La Furie du désir5 à la Twentieth Century-Fox. Vidor coproduisit et réalisa cette œuvre torride dans les marais du Sud. Vidor remplit le film de sexualité à travers la délicieuse Miss Jones, qui jouait une jeune fille qui décide de se venger quand Charlton Heston la plaque pour épouser une fille riche. Ceci dit, il n'est intéressé que par son argent, et espère pouvoir avoir droit aux terres de sa famille. Vidor avait auparavant dirigé le torride Duel au soleil6 et inclus dans son film beaucoup d'éléments mal vus qui firent de ce grand western un si gros succès. Quand Jones inonde les terres d'Heston, il se venge en la violant, réveillant étrangement leur relation amoureuse. Heston n'est pas tant héroïque que fier et sournois, bien assorti avec la super-sirène  Jones, créant une atmosphère électrique.

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    Lydia tournait également dans des films. En 1952, elle apparut avec Gene Barry dans Le Vol du secret de l'atome7, réalisé par Jerry Hopper. Pendant ce temps, Charlton Heston sentit qu'il était temps de « refaire son passeport pour le « pays des acteurs » et alla aux Bermudes pour jouer Macbeth. La pièce était dirigée par l'acteur Burgess Meredith qui venait de réaliser le film L'Homme de la tour Eiffel8 et un certain nombre d'autres pièces. Heston trouva sa direction « pleine d'imagination » et adora ce rôle qu'il décrivit comme « tueur d'homme. » En effet, à part Marc-Antoine peut-être, Macbeth est le rôle Shakespearien préféré de Charlton, voire même son rôle préféré tout court. En jouant Macbeth, il a cependant été témoin de la malédiction redoutée supposée frapper à chaque fois que cette pièce est jouée. Il y eut surtout cette fois où un motard le percuta, mais ses blessures n'étaient pas suffisantes pour l'empêcher de jouer. En fait, il n'a jamais été absent à une représentation ou une journée de travail de sa vie, que ce soit pour mauvaise santé ou pour une quelconque autre raison. Il n'aurait pas laissé quelque chose comme un coup de mou l'empêcher de travailler.

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    Heureusement, Charlton était rarement malade, et quand il l'était, c'était rarement plus grave qu'un rhume. Il restait en bonne santé grâce à un entraînement régulier, un match de tennis par jour, et si la grippe le frappait pendant qu'il travaillait, ça avait tendance à l'énerver et à le mettre de mauvaise humeur. Il ne supportait pas d'être interrompu dans son travail par quoi que ce soit, il vivait et travaillait avec beaucoup d'exigence pour tout, lui donnant la réputation d'être une des personnalités les plus professionnelles du milieu [du cinéma]. Cependant, tandis que certains louaient son attitude, d'autres prenaient la vie avec plus de légèreté et échouaient à correspondre à des exigences qu'il n'imposait pas seulement à lui-même, mais qu'il espérait voir respectées également chez les autres. Des problèmes similaires se reproduiront un peu plus tard dans sa carrière, mais à ses tout débuts, Charlton Heston était connu pour être à cheval sur le professionnalisme.

     

    Dans l'ensemble, en 1952, Charlton Heston n'était pas le genre d'acteur recherché avec enthousiasme par les grands studios comme garantie de faire un carton pour leurs plus prestigieuses et plus ambitieuses productions. De ce fait, il n'y avait pas grand-chose d'autre à choisir que des mélodrames ou des films d'action mais il ne pouvait pas se satisfaire d'être à peine plus qu'un homme de tête apportant une alchimie au film. Il était à la recherche de quelque chose de plus difficile pour lui en tant qu'acteur et trouva une mine d'or quand Fox le reprit dans ses studios pour incarner son premier rôle historique pour un film – Andrew Jackson dans Le Général Invincible, inspiré du beau roman d'Irving Stone.

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     A SUIVRE...

     

     

    (Lydia Clarke Heston avec Gene Barry dans "ATOMIC CITY" 1952)

      

    Le texte dit « respect and recognition », respect et reconnaissance [de la qualité de son travail]

    Hell's Kitchen, Clinton, ou encore Midtown West sont les différents noms qu'on donne à un quartier de l'arrondissement de Manhattan à New-York. Différentes étymologies ont été proposées, mais il suffit de retenir que le quartier avait la réputation d'être malfamé et dangereux.

    Le texte original dit « the open-book razzamatazz of tinsel town », difficile à traduire.

    « open-book » = qui ne laisse pas place à la vie privée

    « razzamatazz » = une mise en scène impressionnante

    « tinsel town » (orthographe moderne tinseltown) = (jargon) Hollywood

    The Savage 

    5 Ruby Gentry

    Duel in the Sun 

    The Atomic City

    The man on the Eiffel Tower

  • 10 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

    Publié le 20 juin 2018

    MAJ le 3 juillet 2018

    Deuxième Partie

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    Meilleur acteur

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    Depuis 1927, les stars du cinéma, les techniciens, les scénaristes, les réalisateurs, les compositeurs, les directeurs artistiques, les acteurs pour un second rôle, les producteurs et autres employés et artistes du monde du cinéma s'offraient l'expérience annuel d'entendre si leur nom allait être dit pendant la cérémonie des Oscars. Pour les nominés, cela peut être difficile, parfois humiliant, mais souvent bon pour l'ego. Par contre, pour tous ceux qui gagnent, à quelques rares exceptions, c'est un moment de gloire suprême que celui où ils reçoivent la statuette en or plaqué de 35 centimètres1. Cette dernière est la récompense ultime en cinéma, offerte aux artistes par leurs pairs et généralement convoitée par tous ceux qui n'ont jamais travaillé dans l'industrie du cinéma.

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    Le simple fait d'être nominé est une inestimable distinction, mais en recevoir un est un triomphe incomparable. Chaque nominé a rêvé de ce triomphe ; c'est pourquoi ils viennent toujours avec un discours... juste au cas où.

    C'est en se préparant de la sorte, avec de telles idées, de telles attentes et de telles espoirs que Charlton Heston s'est retrouvé, en 1960, assis au milieu de ce somptueux public, écoutant la liste interminable de nominés dans chaque catégorie, suivie par le paroxystique nom du gagnant. Il a essayé de ne pas s'emporter, mais cela avait été six semaines pleines de suspense depuis que son agent publicitaire Bill Blowitz l'avait appelé pour lui annoncer qu'il était nominé comme Meilleur Acteur pour Ben-Hur. C'était déjà une grande émotion de savoir qu'il était nominé et il savait qu'il avait donné le meilleur de lui-même dans ce long film de trois heures et demi. Il s'était cependant forcé à ne pas croire qu'il pourrait réellement gagner l'Oscar. Il essaya de ne pas le désirer ardemment2.

    Le voilà assis, sa main moite serrée dans celle de Lydia. La nuit avait été glorieuse pour Ben-Hur, nominé dans 12 catégories. Il se sentit quelque peu agité par la fierté à chaque fois que ceux impliqués dans le tournage de ce film se retrouvèrent à se frayer un chemin jusqu'à la scène pour recevoir le petit bonhomme doré. Ben-Hur domina la cérémonie des Oscars de 1960, et Chuck vit un sourire rayonnant de joie aux lèvres du réalisateur William Wyler en entendant le titre de sa super-production être le nom dans l'enveloppe du vainqueur presque à chaque fois.

    Oscar des meilleurs effets visuels : A. Arnold Gillespie et Robert McDonald ; effets sonores, Milo Lory – Ben-Hur.

    Oscar du meilleur mixage de son : Franklin E. Milton – Ben-Hur.

    Oscar du meilleur montage : Ralph E. Winters and John D. Dunning – Ben-Hur.

    Oscar de la meilleure création de costumes d'un film en couleur : Elizabeth Haffenden – Ben-Hur.

    Oscar de la meilleure photographie (couleur) : Robert L. Surtees – Ben-Hur.

    Oscar de la meilleure direction artistique : William A. Horning et Edward Carfagno ; Fabrication des décors par Hugh Hunt – Ben-Hur.

    Oscar de la meilleure musique de film dramatique ou comique : Miklós Rózsa3Ben-Hur.

    Oscar du meilleur acteur dans un second rôle : Hugh Griffith – Ben-Hur.

    Ce fut une déception que Ben-Hur n'ait pas reçu l'Oscar du meilleur scénario adapté pour lequel il avait été nominé4, et aucune actrice ne fut nominé pour Ben-Hur. L'Oscar de la meilleure actrice dans un rôle secondaire revint à Shelley Winters pour Le Journal d'Anne Frank5 et celui de la meilleure actrice à Simone Signoret pour Les Chemins de la haute ville6.

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    Susan Hayward, avec qui Heston avait travaillé quelques années plus tôt dans un film appelé Le Général invisible7 et qui était une de ses amies, monta sur scène, serrant l'enveloppe où se trouvait la carte avec le nom d'un acteur dessus. En ouvrant l'enveloppe, elle retira la carte, peut-être y eut-il quelque chose sur son visage qui trahit le secret avant qu'elle ne lise le nom, mais soudain, Heston eut le sentiment que le nom qu'elle allait lire serait le sien.

    Elle annonça le vainqueur.

    « Le meilleur acteur est Charlton Heston pour Ben-Hur. »

     

    A SUIVRE...

    1 13 pouces et demi dans le texte original

    2 Le texte dit « He tried not to hunger for it », signifiant littéralement « il essaya de ne pas en être affamé ».

    « Miklos Rozsa » dans le texte original.

    Le texte original dit simplement « Best Screenplay » (meilleur scénario), sans préciser si c'est le scénario original ou adapté. Nous rétablissons donc la distinction pour la traduction.

    5 The Diary of Anne Frank

    6 Room at the Top

    The President's Lady