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22 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

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.../... SUITE

Des Boxers et des Baptistes

Juste avant de partir pour Madrid, Heston reçut une offre spontanée de la part de George Stevens pour jouer Jean le Baptiste dans La Plus Grand Histoire jamais contée1. Il se dit d'abord qu'il n'avait pas envie de jouer un autre prophète ou de faire un autre film épique. Il y avait cependant plusieurs raisons d'être attiré : il serait entièrement tourné en Amérique ; c'était juste une apparition et il n'aurait donc pas à porter tout le film ; et on ne disait pas ‘non‘ au réalisateur George Stevens sans d'abord y réfléchir sérieusement.

Après avoir pesé le pour et le contre, il accepta la proposition de Stevens. Quand je lui ai demandé ce qui l'avait décidé, il me répondit :

 « J'ai avant tout accepté pour pouvoir travailler avec Stevens. C'était aussi un très bon rôle. Je pense que de tous les rôles, à part Jésus — et Jésus est vraiment injouable —, le Baptiste était vraiment le meilleur. Tout ce joli discours à propos de montagnes qui seront mises à bas".

 Heston aime les dialogues consistants, et même s'il ne jouerait pas longtemps – c'est le seul film où il meurt avant l'entracte – le dialogue était superbe.

Malheureusement, il n'y avait toujours pas de script pour Les 55 Jours de Pékin. « Comment peut-on défendre Pékin sans dialogue ? » demanda Heston. Soudain, avant même d'arriver en Espagne, les chances de succès de Pékin avaient l'air vraiment faibles. À son grand désarroi, on lui apprit qu'Ava Gardner serait sa partenaire à l'écran. Il ne pouvait absolument pas l'imaginer comtesse russe et fit un scandale. Commença alors une recherche désespérée pour trouver une remplaçante, mais quand Heston arriva en Espagne, le problème semblait presque insoluble. Les distributeurs2 européens dirent qu'ils voulaient Gardner dans le film. Heston voulait Melina Mercouri. La lutte continua pendant des semaines jusqu'à ce qu'Heston, qui devait donner son approbation, céda et les laissa donner le rôle à qui ils voulaient, à savoir Ava Gardner.

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 Le script restait cependant inutilisable bien que la production soit de première classe. Les costumes étaient beaux et le fabuleux décor de Pékin était génial. Heston était ravi de son autre partenaire à l'affiche, David Niven dans le rôle de l'ambassadeur britannique.

Charlton trouva extrèmement difficile d'être chaleureux avec Ava Gardner. Quand elle s'en prit au script et à son rôle, il se retrouva curieusement à défendre un script qu'il savait ne pas être bon. Nick Ray semblait cependant avoir un don pour l'apaiser, surtout sur le tournage où s'affichait un sentiment d'insécurité surprenant3.

Tandis que le tournage progressait à une cadence très lente, Heston et Niven se retrouvèrent réduits à devoir inventer une grande partie de leurs dialogues pour compenser la trivialité des répliques qu'on leur avait fournies. Charlton réussit finalement à les convaincre d'embaucher Ben Barzman pour réécrire ce que Philip Yordan et Bernard Gordon avaient déjà écrit. Le vrai point noir restait Gardner. Elle commença à disparaître, insistant sur le fait qu'elle était trop malade pour travailler, et quand elle travaillait, elle arrivait toujours en retard. Nick Ray en vint à la conclusion inévitable qu'il avait fait une grosse erreur et commença à réduire ses apparitions, donnant parfois certaines de ses répliques-clés à d'autres acteurs. Il fut également décidé de tuer son personnage bien avant la fin du film.

( interview de Chuck durant le tournage de "LES 55 JOURS DE PEKIN" )

L'énorme pression exercée sur Ray qui devait faire avec le tempérament de Gardner tout en devant gérer une si gigantesque production lui fit payer le prix fort. Il fit un arrêt cardiaque et dut se retirer du film tout à la fois. Il survécut heureusement après son hospitalisation mais n'a plus jamais travaillé. La direction du film fut assurée par Andrew Marton dont la responsabilité de départ était de réaliser les scènes avec la deuxième équipe du film. Guy Green, grâce à l'insistance d'Heston, vint également aider, réalisant les scènes majeures restantes, permettant à Marton de se concentrer sur les scènes de combat. De ce fait, les meilleures scènes du film sont celles d'action tandis que tout le reste tombe complètement à plat.

Green sembla réussir à faire réagir Gardner et elle fut plus professionnelle. Il put bientôt recaler ses scènes. À partir de là, Heston travailla frénétiquement avec à la fois l'équipe principale et l'équipe secondaire, nuit et jour pendant une semaine. Ce fut une expérience déprimante. Heston était venu dans l'espoir de trouver un film historique intéressant et finit par travailler comme un forcené juste pour terminer le film de la façon la plus efficace et la plus professionnelle possible. Il savait cependant que même le plus talentueux des monteurs ne pourrait pas sauver le film dans le montage final.

Au moins lui restait-il Jean le Baptiste pour espérer.

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 Page, en Arizona, doit sûrement être le lieu le plus désolé dans lequel il ait travaillé depuis le Sinaï. George Stevens avait réservé une zone dans le désert derrière le Barrage de Glen Canyon, au milieu de rochers et d'arroyos4 qui serait noyée aussitôt La Plus Grande Histoire jamais contée terminée.

Au moins cette fois Chuck pouvait-il aller dormir chez lui. Il se réveillait vers cinq heures du matin pour prendre l'avion qui l'emmenait au camp de base du film fait de cabanes en aluminium. À la fin de la journée, on le ramenait en vitesse au sein de sa famille, déterminé à ne plus partir travailler au-delà des mers avant longtemps.

Son premier jour de tournage n'avait vraiment pas une cadence aussi frénétique que le tournage de Pékin. À un moment, Stevens semblait avoir disparu après une courte prise. Heston le vit alors 35 mètres5 plus loin assis sur un rocher, plongé dans ses pensées. Personne n'osa l'approcher. Il resta ainsi pendant trois heures, puis revint et refit la prise. Il était presque impossible de dire ce qu'il avait fait de différent cette fois, mais Heston sut au moins que Stevens n'allait rien mettre dans le film avant d'avoir la certitude qu'il n'y avait pas de meilleur moyen de le filmer.

Charlton se retrouva à passer beaucoup de temps dans le fleuve Colorado à baptiser des gens. Ils commencèrent à tourner à l'automne 1962 et ils y étaient encore quand l'hiver arriva.

Heston restait plongé jusqu'à la taille dans l'eau glacée pendant des heures, priant pour le repentir des païens et baptisant enfin Max Von Sydow qui donna le plus beau portrait jamais fait du Sauveur.

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Charlton me dit :

 « Baptiser Max fut une expérience douloureuse. C'est un homme charmant et un incroyable acteur, et j'ai adoré jouer cette scène avec lui, mais nous la tournâmes dans le fleuve Colorado en novembre, et cette satanée eau était à 5 degrés. C'est froid 

Je me tenais là jusqu'à la taille toute la journée à tremper les gens. Nous avons sollicité beaucoup de gens de la région pour jouer les baptisés, et George filma plutôt lentement et méticuleusement. Ils attendaient souvent toute la journée pour être baptisés et ils avaient hâte d'apparaître dans la scène.

C'était agréable de les voir quand leur tour arrivait enfin. Ils faisaient un pas dans l'eau et l'on pouvait voir sur leurs visages ce qui, je crois, a passé pour une expression d'extase spirituelle ! Et quand je les plongeais effectivement, ils en ressortaient à moitié inconscients. Je dis alors à George : « George, si le Jourdain6 avait été aussi froid que le fleuve Colorado, le christianisme n'aurait jamais vu le jour ! »

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 Il y avait des traces dans la neige ; des traces d'enfants, et celles de luges derrière la maison sur la colline où Charlton en avait également fait étant petit. St Helen était l'endroit où il fallait être pour Noël pour que Charlton puisse se promener avec Lydia à travers les bois pour admirer le paysage hivernal, même si tous les cadeaux avaient été laissés à Coldwater.

John Collier avait envoyé la suite de The Lovers à la cabane de St Helen. Cela faisait grand plaisir à Charlton de se vautrer dans ses souvenirs d'enfance et la lecture de haute qualité que lui prodiguait Collier. Naquit en lui le sentiment que The Lovers pourrait être un film mémorable.

En retournant au rôle de Jean le Baptiste, il se retrouva soudain dans une drôle de situation : George Stevens lui demandant de diriger le tournage d'une seule scène dans laquelle les hommes d'Hérode viennent arrêter le Baptiste.

« Mais qu'est-ce que tu veux que je fasse, George ? » demanda Chuck, un peu ahuri.

« Ce que tu veux, » lui répondit Stevens.

Heston me dit : « c'était un sentiment grisant d'avoir George Stevens disant « je dois vraiment retourner sur le plateau. Tu diriges la scène. » Dieu sait si c'était une scène simple. »

En ayant enfin terminé avec son travail sur La Plus Grande Histoire jamais contée, il était libre de se concentrer un peu plus pour donner forme à son projet préféré. Walter Selzter le convainquit que The Lovers ne serait pas un titre qui attirerait les studios. Il proposa à la place : Le Seigneur de la guerre7. Heston et Selzter firent le tour de tous les studios majeurs avec leurs droits d'adaptation du script. Charlton n'avait pas autant travaillé à mettre en place sa propre production depuis La Guerre Privée du Major Benson, bien que son nom n'apparut pas ailleurs dans les crédits que dans la section des acteurs.

Pendant ce temps, d'autres affaires continuaient à prendre du temps dans les pensées et les actions d'Heston. Le producteur Julian Blaustein le voulait pour interpréter le général Gordon dans Khartoum, mais Heston était certain de ne pas vouloir – et même de ne pas avoir besoin – d'une autre super production pour le moment.

Il fut également impliqué dans une marche pour les droits civiques qui fit passer son excursion précédente à Oklahoma pour un événement presque insignifiant. Il marchait cette fois en compagnie d'un grand nombre d'acteurs, musiciens et autres artistes qui s'étaient appelés eux-mêmes « The Art Group ». Avec tant de rôles héroïques à son actif, il semblait naturel qu'Heston soit le président du groupe. Leur idée était de manifester à Washington sur le National Mall devant le Lincoln Memorial où seraient faits les discours.

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C'était étonnant de voir Charlton dans cette situation car dans une situation normale, il s'opposait à toute forme d'action groupée, mais cette fois, il était l'un d'une centaine de noms célèbres comme Paul Newman, Harry Belafonte, Burt Lancaster, Marlon Brando, James Garner et Sidney Poitier.

En tant que président, Heston s'opposa aux nombreux efforts faits pour transformer la Marche en un meeting extrême militant. Certains voulaient s'enchaîner au Thomas Jefferson Memorial sur la Pennsylvania Avenue. Charlton fut clair à ce sujet. « Nous vivons dans un pays où nous avons le droit de faire ce genre de choses, leur dit-il, et si je viens, nous le ferons comme les livres stipulent. » Arrivé le grand jour, en été 1963, il y avait presque un quart de million de personnes réunies sur le National Mall comme les enfants d'Israël dans Les Dix Commandements, sauf que cette fois, l'homme qui avait joué Moïse était perdu quelque part parmi eux. De vibrants discours furent donnés au Lincoln Memorial -le plus émouvant de tous étant celui de Martin Luther King, « I have a dream… »

Quand la manifestation prit fin et que les gens commencèrent à rentrer chez eux, Charlton passa devant le monument à Thomas Jefferson, et sentit que ce président hors du commun aurait approuvé cette manifestation. Cinq mois plus tard, le Civil Rights Act de 1964 était accepté par le Congrès suite à cette journée.

Il était tout à fait approprié que le prochain rôle d'Heston serait de jouer Thomas Jefferson en personne dans la pièce télévisée The Patriots qui ne fut pas diffusée en direct puisque l'Âge d'Or de la télévision était maintenant passé.

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https://www.filmaffinity.com/en/filmimages.php?movie_id=988235

(nous pouvons constater une petite erreur sur cette affiche, le prénom de Charlton est orthographié "charleton")

L'idée de faire Le Seigneur de la guerre était toujours dans l'air, et tandis qu'arrivait l'automne, le projet ne semblait pas avoir plus avancé. Heston avait remarqué que les films qui vous tiennent le plus à cœur sont aussi les plus minutieusement difficiles à mettre en place. Il put cependant se consoler grâce au fait que Les 55 Jours de Pékin, malgré sa banalité, s'en sortait plutôt bien au niveau du box-office même si ce n'était pas un aussi franc succès que Le Cid. Il ne pouvait pas s'empêcher de se sentir responsable de ce que Pékin avait fini par devenir et, qu'il s'en soit rendu compte ou non, il aurait été meilleur et aurait eu plus intérêt à jouer dans La Chute de l'Empire romain, s'il avait dû choisir entre les deux films de Bronston.

1The Greatest Story Ever Told

2Ceux qui s'occupent de la commercialisation du film une fois celui-ci terminé

3Vu les conditions dans lesquelles elle a été retenue et comment Charlton Heston a essayé de la dégager du film, je ne sais pas si l'on peut vraiment s'étonner de ce qui est décrit dans ce paragraphe.

4Mot emprunté de l'espagnol. Désigne « en diverses régions tropicales [un] chenal ordinairement à sec, transformé en cours d'eau temporaire après une averse. » (www.larousse.fr)

540 yards

6Le fleuve où Jésus a été baptisé

7The War Lord

Commentaires

  • Ja'ime bien les réflexions de Micheal Munn et ce qu'il a écrit ici . En lisant le mépris de Charlton pour Ava , on peut être sûre et le tournage frénétique des 55 DAYS AT PEKING , on peut être sûre qu'il n'y a pas le temps pour des liaisons . Comme même soyons honnête qu'il serait étrange d'avoir du mépris pour quelqu'un et ensuite en tomber amoureux. Finalememt j'ai bien aimé Ava cas son rôle et selon moi elle est plausible en russe en même temps j'imagine les heures de maquillagesqui a dû y avoir. Ava Garder a révélé à un de ses biographes que Charlton avait un journal de bord où il écrivait tous les retards et absences de celle ci et son mauvais comportement et puis par la suite elle révèlera que Charlton s'était beaucoup mieux comporté sur le tournage de EARTHQUAKE . " les annecdoctes sur THE GREATEST STORY EVER TOLD sont très croustillantes et amusantes. Je ne fut pas étonné que Chuck voulait dormir tous les soirs chez lui et dés la fin de journée où on le ramenait en vitesse chez sa famille " encore une fois quel acteurs ferait ça ? Moi aussi je ferai de même. C'est très bien de tourner à l'étranger mais qua'd on est séparé de sa famille et de son chez soi c'est compliqué et puis Chuck ne voulait pas rester seul en Europe. D'ailleurs il aurait refuser de jouer dans THE OMEN juste parce qu'il ne voulait pas tourner en Europe en étant seul et en plus en hiver .

  • Chère Clarisse, j'apprécie votre fidélité au blog. Oui, Charlton notait, lors des tournages, la ponctualité des uns et des autres, mais surtout de ses partenaires féminines. Bon, dans le livre de Michael, il déclare aussi, que plus tard il a été plus indulgent, comprenant qu'il y avait beaucoup plus d'exigences sur la présentation, la tenue, le maquillage des actrices que pour les acteurs. Je pense que parfois, Chuck était un "psycho-rigide" et ne devait pas toujours être facile, car très exigeant. Nous lui pardonnons parce que nous l'aimons, et c'est tellement plus plausible qu'il ait été un homme "normal" plutôt que l'être exceptionnel et parfait que parfois, nous autres hestoniennes, avons tendance à croire qu'il était. Autre chose, le fait qu'il n'ait pas supporté les caprices d'Ava, ne veut pas dire que dans la vie, il ne soit pas tombé amoureux d'elle ou qu'il y ait eu une aventure entre eux. Nous ne le saurons jamais, mais je pense que plus d'une actrice a dû vouloir séduire le bel homme qu'il était, c'est humain. En résumé, nous pouvons aussi constater, que les retards de ses partenaires féminines auront été un gros souci pour lui, même si plus tard il leur a trouvé des excuses. Bonne reprise de vos cours aujourd'hui.

  • Merci ,pour ce superbe texte ,truffée d'anecdotes ..je ne savais pas que notre Chuck et la belle ava était a couteau tirer ... C'est toujours très enrichissante de lire tes textes ma chère amie ....encore merci de m'avoir appris que Chuck rêvait de faire le seigneur de la guerre , un de mes préférée je dois bien l'avouer avec the Omega Man ... Pleins de bisous Hestonnien ton amie rose

  • Toujours un plaisir de te lire chère Rose et merci pour ta fidélité au blog.
    Je suis heureuse d'avoir cette possibilité de publier le livre de Michael Munn, traduit en français par mon petit-fils Adrien.
    Nous apprenons beaucoup de choses en effet, sur l'homme, sur l'acteur et nous comprenons pourquoi il a eu tant d'influence à Hollywood. Les semaines à venir, nous allons apprendre encore d'autres choses et anecdotes.
    Dommage que le livre de Michael s'arrête à 1986 et qu'il ne veuille pas publier une suite.
    Belle journée à toi et bisous hestoniens très sincères.

  • Merci Adrien, grâce à vous nous en apprenons tellement sur notre Homme !
    Je suis de l'avis de France, Chuck devait être très exigeant et donc pas toujours facile à vivre, et sur les tournages, qu'il le veuille ou non, il y a eu le syndrome de la star (lui) qui a voulu imposer plus ou moins ses idées !

    Dommage qu'il n'ai pas fait "La chute de l'empire romain", nous l'aurions revu auprès de Sophia Loren et de Stephen Boyd;

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