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" LE CID " (extrait de "les alliances brisées") de J.L. Leutrat

Jean-Louis Leutrat est né le  et mort le  à Paris1.

Agrégé de lettres modernes, il exerce d'abord comme professeur dans un lycée de Grenoble, avant d'enseigner la littérature, puis le cinéma, à l'université de Lyon 22. Spécialisé dans l'esthétique du cinéma, il a présidé l'université de la Sorbonne nouvelle entre 1996 et 2001.

Indépendamment de ses livres sur le cinéma, il est également l'auteur de l'un des tout premiers ouvrages consacrés à l'œuvre de Julien Gracq, en 19663.

Il a collaboré aux revues ArtseptTrafic et Positif.

Jean-Louis Leutrat - Babelio

SOURCE : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Louis_Leutrat

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Ce film a regardé notre enfance et, le regardant aujourd'hui, qu'y voyons-nous ? De belles images qui ont précisément accompagné notre enfance, des histoires d'honneur et de fidélité, des êtres purs et entiers, des pros­crits capables de rassembler des foules, des combats loyaux, des actes de traîtrise, un cavalier de légende che­vauchant le long de la mer, à la limite de l'eau et de la terre, plus grand si possible mort que vivant, des dames attendant à leur haute fenêtre, des monarques faibles, des amitiés solides comme le roc, des paysages grandioses, des scènes de foules pleines de bruit et de fureur, et toujours ces mouvements de grue ascendants pour inspirer le senti­ment du sublime en prenant de la hauteur. Nous recon­naissons de telles images comme de vieilles amies, où Alexandre Nevski côtoie Viva Zapata et où la fin de Nosferatu, fantôme de la nuit, avec le cavalier noir s'éloignant sur le rivage, apparaît comme l'inversion de la conclusion du Cid. Qu'avons-nous vu d'autre ? Quelques bons acteurs (Charlton Heston, Geneviève Page), les autres plutôt médiocres, quand ils ne sont pas mauvais. Michel Mardore a pu parler de la " platitude " de Raf Vallone et écrire de Sophia Loren,  "Qu'elle soit figée dans le hiératisme de la douleur et d'un palais, ou surprise dans la familiarité du bonheur et d'une grange, à la ville comme en rase cam­pagne, cette Chimène fait tom­ber certains pans du film comme une mayonnaise ratée "(Cahiers du cinéma n° 128, p. 50). Le visage de l'actrice est littérale­ment englué dans le make-up, les yeux allongés et les lèvres épaissies . Et quoi encore ? Quelques bonnes scènes d'action (un tournoi notamment), fruit plus que probable du savoir-faire de Yakima Canutt, mais le coût du film ingénument exposé dans presque chaque plan, une quin­zaine de minutes supplémentaires à l'époque des versions " intégrales ", sans oublier le son Dolby stéréo offert en prime.. . Le charme opère parfois, mais moins souvent que par le passé. Le film a, comme on dit, vieilli, et il peut se voir comme un document sur l'art de la coiffure (masculine aussi bien que féminine) dans ce début des années soixante. On peut se demander si, près de trente ans après, Roger Tailleur aurait écrit à son propos un article aussi manifestement généreux que celui qu'il publia dans Positif (n° 45, p. 45) sous le titre • Fidèle à Castro•.

Il serait toutefois injuste de méconnaître quelques-unes des qualités que comporte le Cid. Le générique est com­posé de dessins imitant le fusain (signés Maciek Piotrowski) et résumant quelques moments importants du film. L'un de ces dessins reste assez longtemps à l'image, celui qui annonce la rencontre par le Cid du lépreux Lazare, au pied de trois croix.

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Cette scène se trouve presque à la fin de la première partie , avant l'entracte. L'insistance sur le dessin renvoyant à cette scène tient plus au thème de la croix qu'à l'empla­cement de cet épisode dans l'économie générale du récit. Le film s'ouvre quasiment sur une statue en bois du Christ criblée de flèches, que le Cid brise d'un revers de la main. A la fin du film, c'est le Cid lui­ même qui est percé d'une flèche dont il cassera le bois. La destinée chris­tique du personnage est d'emblée indiquée . Elle conduit de l'image le montrant portant litté­ralement sa croix à celle de sa • résurrec­tion •, après qu'il a choisi de mourir pour sauver l'Espagne et son Dieu . La croix (l'objet de culte mais aussi celle que dessi­nent les épées) s'oppose, bien-enten­ du, au croissant musul­man que l' intégriste Ben Youssouf tente d'imposer au monde grâce à ses légions obscures et à leurs ornements barbares.

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Le Cid tient obs­tinément à l'union dans la trinité qu'il essaie de restaurer chaque fois qu'elle est enta­mée : maintenir l'alliance avec les Maures sous l'égide du roi, éviter que les deux fils du monarque chrétien ne se déchi­rent et ne divisent la terre d'Espagne, pré­server l'amour de Chimène malgré le meurtre de son père... Il ne cesse de vouloir reconstituer l'harmonie rompue du cercle, aussi bien dans sa vie privée que dans le domaine de la cité. Aussi Anthony Mann a-t-il accordé tout son intérêt à cette figure circulaire, achevée ou ébauchée, en l'inscri­vant dans certains thèmes (l'encerclement), dans le décor (l'arc de cercle devant le monastère où Chimène trouve refuge - une croix figure au centre de cet hémicycle -, la baie au pied de Valence), dans des objets (la couronne), ou par sa mise en scène. Dès le début, dans la maison du père de Chimène, un double mouve­ment tournant est indiqué, qui sera repris plusieurs fois dans le film et dans lequel on peut voir l'effort de refermer le cercle : un personnage descend de la gauche vers la droite un escalier en courbe, visible dans le fond du champ, tandis que la caméra effectue un mouvement tournant de la droite vers la gauche, derrière l'arc de cercle que dessinent au  premier plan les piliers qui sont au bas de cet escalier. Toutes les scènes au cours desquelles Rodrigue et Chimène sont à l'unisson offrent cette figure : soit quand ils sont réunis dans une pièce ronde d'où ils entendent la rumeur du procès pour trahison intenté au Cid (immédiatement après la gifle donnée au père de Rodrigue, les cadrages basculent, disant la brisure du cercle), soit dans la grange où ils viennent de vivre leur nuit d'amour quand la caméra, après avoir cadré l'ouverture d'une fenêtre, effectue un mouvement tournant jusqu'à la porte. Rodrigue tenant dans ses bras Chimène et leurs deux filles (des jumelles, elles sont identiques), c'est la trinité domestique constituée, la formule finale criée par le roi Alfonso lui-même : " Pour Dieu,le Cid et  l'Espagne!

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c'est l'accomplisse­ment du destin public du Cid à tra­vers une conception quasi mystique de l'Etat (cette visée politique hallucinée, le désir éperdu de l'unité du territoire national rapprochent le personnage d'un Lincoln ou d'un Ivan le Terrible tels que les ont décrits John Ford et Eisenstein). LàLe Cid réussit tout à fait, c'est donc dans la description d'une société domi­née par ce que Michel Foucault appelle une symbo­lique du sang , parce qu'y prédominent la valeur des lignages, la forme politique du souverain et les systèmes d'alliance pour la préservation des­quels le Cid transforme sa per­sonne en un rempart aussi solide que les murailles des châteaux forts de Castille.

LE CID (EL CID)

Sophia Loren (Chimène), Rat Vallone (comte Drdonez), Geneviève Page (l'infante), Herbert Lam (Ben Youssouf), Gary Raymond (Sanche), Michael Horden (Don Diègue), Ralph Truman (le roi Ferdinand), Douglas Wilmer (l'émir Moutamin), Frank Thring (Al Kadir).

Etats-Unis-Italie-Espagne (1961).

3 h 05. Réal. : Anthony Mann.

Scén. :Dieggo Fabbri, Frederick M. Franck, Basilio Fanchina, Philip Yordan.

Dir. photo. : Robert Krasker (70 mm, cou/.).

Dir. art. :Veniere Colosanti, John Moore.

Son : Vern Field, Gordon K. Mac Callum, Jack Solomar.

Mont. : Robert Lawrence, Renzo Lucidi. (Remixage Dolby stéréo : sous la dir. de Claude Lerouge, Studio SIS, avril 1991.)

Mus. : Carlo Savina, Miklos Rozsa.

 

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