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  • 14 - LA PLANETE DES SINGES , retour au sommet ( 1ère partie)

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    « Le projet intitulé «  LA PLANETE DES SINGES » est encore dans les limbes ; JACOBS essaie actuellement de réduire le budget à deux millions, ce qui parait risible, il veut aussi engager un réalisateur rompu à la télévision, ce qui me semble aussi être une erreur ; d’un certain côté, ce serait bon pour moi que ce projet se réalise, car c’est justement ce genre de «  script différent » qui m’intéresse … » ( JOURNALS, 3 novembre 65)


    Ces propos tirés des « journals » de l’artiste HESTON illustrent bien la difficulté éprouvée par les artistes pour monter un projet différent de la moyenne, surtout dans le contexte difficile de la crise sans précédent qui toucha HOLLYWOOD au milieu des années 60 ; en effet, l’heure n'est plus aux coûteux films épiques mais à un cinéma plus intimiste destiné à toucher les plus jeunes, et la notion même de «  superstar » commence à perdre beaucoup de son «  appeal » auprès des décideurs ; quant au plus grand studio de l'époque, la FOX, il n’est pas loin de la banqueroute au moment ou le fils de Darryl ZANUCK, Richard, reprend les commandes de la société pour «  faire des affaires » et non du grand art comme l’ambitionnait souvent son moraliste de père !


    Pour mener à bien un grand projet, il faut un inspirateur possédé par son idée fixe, et l’homme cité par HESTON dans ses “Journals”, Arthur P JACOBS est celui-ci ; homme de spectacle, agent artistique et producteur occasionnel, l’homme a pour lui une imagination débordante et une grande capacité de séduction, et surtout il entend réaliser tous ses rêves ; un de ceux-ci remonte à la petite enfance, quand il découvrit le « KING-KONG » de SCHOEDSACK et COOPER ! ébahi devant ce spectacle, il a vu grandir en lui cette obsession de faire un film où les singes seraient les protagonistes principaux, et c’est donc armé de cette conviction brûlante qu’il va littéralement harceler toutes les boîtes de production du moment, pour se voir essuyer un ‘NO’ global de la part de tous les décideurs, souvent assorti d’un commentaire goguenard… IL faut bien dire que l’époque ne se prête absolument pas à l’inventivité, et surtout s’il s’agit de science-fiction, genre considéré avec dédain par les producteurs, tout juste bon pour la série B, et donc pas du tout «  porteur » ce qui fait bien sûr beaucoup rire de nos jours, où la donne a été totalement inversée !

    richard D Zanuck.jpg        (Richard D. ZANNUCK)                 arthur P Jacobs.jpg       (Arthur P. JACOBS)                                  Rod_Serling scenariste de LA PLANETE DES SINGES 1968.jpg

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    JACOBS acquiert en effet , pour une somme moyenne, les droits d’un étrange roman français de Pierre BOULLE, qui vient de faire un triomphe avec LE PONT DE LA RIVIERE KWAI et s’étonne grandement qu’on puisse acheter les droits d’un roman qu’il juge «  inadaptable » mais JACOBS a eu le coup de foudre pour cette épopée où les singes sont les maîtres et les humains leurs esclaves ! armé de ce pitch qu’il juge prometteur, il s’expose donc aux quolibets les plus divers alors qu’il a fourni divers dessins et maquettes pour soutenir sa thèse, et fait appel au remarquable Rod STERLING pour mitonner une «  first draft » qui mette l’eau à la bouche des responsables de studio ; et comme rien n’y fait, il va donc proposer à une grande star de se joindre au projet, sans aucune garantie à proposer, si ce n’est son enthousiasme communicatif !

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    ( Charton HESTON )

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                                                  (Arthur P. JACOBS - Esward G. ROBINSON - Charlton HESTON (test)

    La grande star en question, HESTON himself, se demande justement à ce moment précis s’il en est encore une, car THE WAR LORD a été saboté par UNIVERSAL et son KHARTOUM chéri n’est pas promis à un grand avenir aux USA, il est donc dans une période de doute, sans pour autant être «  out of work » puisqu’il va bientôt tourner COUNTERPOINT, histoire d’un chef d’orchestre un peu fêlé, et qu’il va aussi refuser un western à gros budget qui se révélera un coûteux navet «  THE WAY WEST » .

    Seulement, voilà, tout ça est bel et bon mais ne l'émeut pas trop, alors que le pitch de JACOBS l’amuse et l’excite tout de suite, le voici donc, comme au temps de DUNDEE, prêt à faire le forcing pour imposer ce projet novateur aux obtus qui sont en place, enfin pas tout à fait, car il est toujours celui que WELLES appelait avec malice «  ce bon vieux Chuck fédérateur » c’est-à-dire un garçon courtois et diplomate, qui sait par exemple que son amitié avec ZANUCK junior pourrait bien aider leur petite entreprise…


    «  je suis allé cette après-midi aux studios de la FOX pour répéter une «  test- sequence » pour APES ,je suis pas sûr qu’il faille la faire vu que le film n’est pas encore approuvé par la compagnie, mais bon, j’ai accepté, alors autant la fermer et faire le job ! » ( JOURNALS, 7 mars 66)


    Ces quelques lignes illustrent bien la motivation de HESTON pour le projet, car ce «  test » va s’avérer décisif pour convaincre ZANUCK que, même s’ils sont imparfaits encore, les maquillages de singes proposés vont être convaincants, et non, «  les spectateurs ne rigoleront pas » ce qui est le souci de Dick ; celui-ci sera d’ailleurs un élément moteur du film, puisqu’il va consentir à lui donner le budget d’une grosse production, mais avec toujours une certaine naiveté de sa part ; en effet, APES ne sera toujours pour lui qu’une œuvre de divertissement, un «  big money maker » et les aspects politiques et philosophiques de l’ouvrage vont complétement lui échapper !

    Et comme le dit si bien HESTON à propos des déceptions que peut encaisser un artiste de cinéma devant la dure réalité du business, «  the one who pays the piper calls the tune » ; littéralement : «  c’est celui qui paye les musiciens qui leur dit quels airs ils doivent jouer »


    Donc, c’est bien ZANUCK junior, enfin rassuré quant aux possibilités de APES en tant que divertissement, tout en étant totalement inconscient des sous-entendus philosophiques et politiques dont Michael WILSON a parsemé sa nouvelle mouture du scénario, qui va payer l’orchestre, et faire démarrer le travail de tout ce beau monde à l’été 1967, ce fameux «  summer of love » qui marquera, pour d’autres raisons, la deuxième moitié du 20ème siècle !


    Aspects qui sont d’une importance capitale, pas tellement pour Rod STERLING qui va surtout s’employer à créer le décor et l’atmosphère de cette planète pas comme les autres, mais surtout pour Michael WILSON, écrivain remarquable et plus que soupçonné d’obédience communiste pendant la chasse aux sorcières de 47, auquel JACOBS va laisser les coudées franches pour apporter son grain de sel et donner une portée philosophique au sujet, notamment en écrivant une scène de procès d’anthologie, à laquelle HESTON, toujours fort libéral à l’époque, va parfaitement adhérer !

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    (Mike Wilson)


    « je viens de lire 70 pages du nouveau script de Mike WILSON pour APES, c’est sensationnel, et me parait une nette amélioration par rapport au premier scénario de STERLING ,il faut maintenant que j’aille de l’avant en ce qui concerne les nouveaux personnages qu’il a conçus » ( JOURNALS, 25 janvier 67)


    C’est aussi à ce moment, peu avant le tournage de ce WILL PENNY qui compte tout autant pour lui, que HESTON va jouer à son avantage de son statut de superstar pour imposer à la mise en scène son copain de longue date, Franklin SCHAFFNER, avec lequel il a partagé l’expérience créative mais douloureuse de THE WAR LORD, convaincu qu’il est de l’inventivité et de l’énergie de cet excellent capitaine ; l’avenir lui donnera raison, car SCHAFFNER va se passionner pour le projet, et contribuer à faire de ce «  space opera » qui pourrait rester banal, une véritable réflexion sur l’avenir de l’humanité …


    « Frank et moi avons travaillé ensemble de nombreuses fois et on s’entend bien,ZANUCK lui a donné sa confiance dés le début du tournage, et ne l’a jamais regretté, vu ses énormes capacités créatives et son sens visuel hors du commun » ( cité par Michael MUNN dans sa biographie,1986)


    On voit donc que, malgré les difficultés rencontrées, l’énergie et la complicité combinées de JACOBS et HESTON ont eu raison des réticences plus ou moins légitimes selon lesquelles un tel projet ne tenait pas, et il est également évident que l’un n’aurait rien pu faire sans l’autre ! tout comme il est intéressant, avant de refermer ce premier volet consacré à APES , de citer cette réflexion de l’artiste en marge de ses débats souvent animés avec Herman CITRON, qu’on ne saurait limiter non plus à un rôle d’homme d’affaires uniquement intéressé par le devenir financier de son poulain :


    « Herman pense qu’il n’est pas bon pour moi de «  mendier » pour un projet, et je vois bien son point de vue, il pense que ça ternit mon image de «  vedette très demandée »,mais je me dois d’ avancer avec circonspection sur ce film ;après qu’un acteur ait atteint un certain degré de réussite, il est supposé attendre dans un glorieux isolement que d’humbles scribouillards déposent leurs offres sur le pas de sa porte, et les choses sont différentes quand c’est l’acteur lui-même qui doit déposer humblement ses offres sur le pas de la porte des autres »( JOURNALS, 20 avril 67)

    A Cécile forever

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    A SUIVRE …

     

     

    QUELQUES PHOTOS DES ESSAIS ET MAQUETTES POUR " PLANET OF THE APES "

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    (photos extraites du livre : " LA PLANETE DES SINGES " de Joe FORDHAM et Jeff BOND " 

  • 33 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

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    ... SUITE

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    «Ça se passe dans les Tetons, montagnes de Wind River et concerne le commerce de la fourrure qui y fleurit pendant une très courte période, à peine une génération. Ces trappeurs (les trappeurs libres, comme on les appelait) étaient sans doute les hommes les plus libres de tous les temps, mais cette liberté leur coûtait cher. Leur vie était rude et dangereuse, en permanence menacée par les éléments, les bêtes sauvages et les Indiens hostiles.

    C'est l'histoire de deux de ces hommes, interprétés par Brian Keith et moi-même, et ça traite d'une partie de leur vie durant une année où le commerce de la fourrure commençait à péricliter. C'est vraiment une histoire de liberté.

    C'est de loin le meilleur rôle que j'ai eu depuis Khartoum. »

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    La Fureur sauvage fut tourné dans le Wyoming et dirigé par un réalisateur dont c'était le premier film, Richard Lang, fils de Fritz Lang. Charlton avait cinquante-six ans, mais été toujours fort et en bonne santé, ce qu'il fallait qu'il soit pour jouer ce film physiquement très exigeant. Il dit :

     

    « J'avais une scène avec Steven Macht, qui joue mon ennemi, Aigle Lourd, à l'apogée du film. C'était un combat féroce, sauvage et nous étions tous les deux couverts de sang et juste épuisés. Nous avions tournés depuis sept heures du matin et c'était maintenant le soir et nous étions déterminés à finir cette séquence.

    Il était sept heures passé, le soleil était bas, et j'étais allongé sur le dos dans la poussière. Steven était sur moi, du sang coulant de son torse et tombant goutte à goutte sur moi. Soudain, je l'ai regardé et lui ai dit : « tu sais, Steve, si nous étions des enfants en train de jouer aux cow-boys et aux Indiens, nos mères nous auraient déjà appelés pour le souper ! »

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    Il ajoute avec ironie, « je veux dire, c'est un moyen ridicule de gagner sa vie ! » Fray était en permanence sur le plateau à travailler en étroite collaboration avec Richard Lang. Charlton semblait savoir que son fils regardait toutes les étapes avec un œil de réalisateur :

     

    « C'est une chose curieuse, mais il a vraiment ce genre d'attitude. Il est très malin mais néanmoins sans expérience. Il a une relation remarquablement pleine de succès avec Richard Lang qui semble aimer avoir Fraser sur le plateau.

    Il reste qu'il me semble toujours très jeune, même si j'imagine que les fils semblent toujours plus jeunes qu'ils ne le sont dans les yeux de leur père, mais à vingt-quatre ans il est jeune. Il est cependant très calme, simple, et a de bonnes compétences de capitanat en lui. Ce serait un bon gars à avoir près de soi quand la maison brûle ou que la voiture tombe en panne au milieu de nulle part. C'est pareil sur un plateau de tournage, et ça le servira bien un jour quand il décidera d'être réalisateur.

    Fraser and Charlton discussing a scene from Mountain Men.

    http://www.agamemnon.com/_pagesAbout/fraser.php

    Je dois dire que je trouve en lui en tant qu'écrivain, des qualités que je trouve également en lui en tant que fils. Il est honnête, appliqué, plein de bonnes intentions et d'empathie. Je le respecte pour cela en tant qu'auteur et je l'aime en tant que fils.»

     

    Faire le film n'a pas toujours été une partie de plaisir, ceci dit. Charlton m'a dit :

    « L'un des problèmes de La Fureur sauvage est que Martin Ransohoff, qui m'avait promis qu'il laisserait Joe Canutt s'occuper des scènes d'action, n'a pas tenu parole et a laissé un réalisateur sans expérience issu de la télé s'en charger. Lang ne savait pas comment s'y prendre. La seule scène qu'ait dirigé Joe Canutt est celle des rapides qui était terrifiante. Ce serait indécent que je me vante de cette scène vu que je ne l'ai pas jouée moi-même. Joe Canutt l'a faite, mais il aurait dû gérer toutes les scènes d'action pour que Lang puisse se concentrer sur les acteurs. Malheureusement, ça ne s'est pas passé comme ça.

    J'ai l'impression qu'il y a eu trop de dépenses dans ce film. C'était un très bon script, mais certains des meilleurs éléments ont été supprimés. »

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    La Fureur sauvage n'a pas réussi à  être à la hauteur des attentes qu'avaient Heston junior et senior. « Tout cinéaste a un bébé qu'il voit détruit, » dit Charlton. « La Fureur sauvage a été le mien. »

    Charlton marchait à grands pas autour du tombeau égyptien, ses fameux genoux épuisés par le voyage, sous un pantalon kaki . Derrière lui suivait Susannah York, les yeux exorbités en admirant d'anciennes reliques jusqu'à maintenant oubliées. La voix d'Heston était pleine d'émerveillement en parlant de sa grande découverte, le tombeau d'une princesse égyptienne.

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    Sauf que ce n'était pas l’Égypte, c'était le studio Lee International de Londres, et Heston et Susannah York tournaient une scène de La Malédiction de la vallée des rois1. Je regardais, en retrait. Quelqu'un m'apprit que le conseiller technique sur le film, un petit homme qui n'arrêtait pas de s'agiter, pouvait vraiment lire les hiéroglyphes couvrant les murs du faux-tombeau à l'intérieur du studio.

    Charlton finit sa scène et s'avança vers moi. C'était la troisième fois que je le rencontrais. Je l'avais vu auparavant pour la promotion de The Actor's Life, et avant cela pendant la tournée pour La Bataille de Midway. Il était bien plus à l'aise avec moi qu'auparavant et me conduisit à sa loge. Avant, j'avais été un journaliste parmi une succession d'intervieweurs, un journaliste qui n'avait plus que trente minutes d'interview. À ces différentes occasions, sa lassitude de devoir répondre à des centaines de questions (dont la plupart avaient déjà été posées) toute la journée était perceptible.

    Or, cette fois, il était plein d'engouement pour son travail actuel, et enclin à en parler :

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    « Je joue un archéologue anglais et on me demande de vieillir de 43 à 61 ans pour les besoins du rôle. Je suppose que je me suis taillé une petite réputation d'être le seul Américain qu'ils laissent jouer un Anglais ! Je dois dire que j'en suis bien content puisque cela me donne des opportunités pour des rôles que l'on ne m'offrirait pas, sinon. C'est également un rôle intéressant parce qu'il y a une période de dix-huit ans qui s'écoule, ce qui est très difficile à atteindre pour un acteur. Pour trente ou quarante ans, il suffit d'enfiler une perruque et une barbe blanche et on est bon, mais rajeunir de dix-huit ans est quelque peu délicat.

    Ce matin, je joue la partie jeune. Il s'agit surtout de mettre un très joli maquillage autour des yeux et de foncer les cheveux grisonnants au niveau des tempes. Pour les parties où je dois être plus vieux, on a creusé les rides déjà présentes mais qui doivent être plus profondes. On a aussi assombri les orbites et mis beaucoup plus de gris dans les cheveux, et ça a l'air satisfaisant.

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    Ça a été compliqué de venir juste après avoir terminé La Fureur sauvage (nous en avons un peu parlé ensemble la dernière fois qu'on s'est vu) et à peine six jours après avoir été plongé jusqu'au cou dans des rivières à castors, une barbe, de longs cheveux roux et des vêtements en cuir sale pour jouer un Américain des montagnes dans les années 1830, je me retrouvais en robe à l'université de Londres à donner un cours d'archéologie. C'était un long chemin à parcourir, bien plus long que celui entre les montagnes du Wyoming et Londres. Le voyage intérieur était le plus long, mais maintenant, j'y suis habitué.

    Ils ont engagé un très bon réalisateur-acteur (qui est en vérité Gallois) appelé Hugh Thomas pour m'aider à travailler mon accent britannique.

    Même pendant le tournage dans le Wyoming, ma femme Lydia m'a dit : « ne devrais-tu pas travailler ton accent britannique ? » Si j'avais dû commencer à travailler mon accent avec un magnétophone aussitôt rentré à la maison encore habillé de peau de daim, je me serais effondré. J'avais un accent différent pour La Fureur sauvage et en essayer un nouveau pendant le tournage aurait gâché les deux films. »

     

    Quand Heston est détendu comme ça, il n'est pas difficile d'obtenir de longues réponses intéressantes (voire même des affirmations) de lui. Il me raconta combien il était impressionné par Mike Newell, le réalisateur du film, surtout étant donné que c'était son premier film. Sachant toute l'autorité qu'il a sur et en dehors du plateau de tournage, je lui ai demandé s'il cherchait à être dirigé, surtout par un petit nouveau comme Mike Newell. Il dit :

     

    « Oh, il faut vouloir être dirigé, même sur la scène qui est la patrie de l'acteur. Je n'ai jamais entendu un acteur dire qu'il n'aimait pas être dirigé. S'il y en a un qui le dit, il est complètement cinglé. On ne peut pas se diriger soi-même.

    Être acteur n'est que de la poudre aux yeux, de toute façon, bien sûr. C'est le moins significatif de tous les arts parce qu'il n'a aucune existence matérielle. On ne peut pas prendre une simple bande de film à part et dire qu'elle est merveilleuse. Il faut la faire tourner parce qu'elle n'existe que dans le temps. On ne peut pas la modifier du tout. Avec un livre, une pièce ou une statue, il y a un objet concret. On peut le modifier. On ne peut pas en dire autant d'une performance d'acteur. On ne peut pas avoir la moindre certitude et on ne peut donc qu'essayer… tout à tâtons. C'est comme essayer d'assembler un objet les yeux fermés. Ce n'est qu'un enchaînement de tentatives et d'échecs, et on ne peut pas l'examiner de trop près au risque que rien ne fonctionne. Pour toutes ces raisons, on a désespérément besoin de quelqu'un pour dire que c'était bien, que ça ne l'était pas, ou qu'on pourrait faire autrement. On a besoin d'avoir le sentiment qu'on peut essayer tout ce que l'on veut, et laisser quelqu'un donner forme et presser la performance, recommencer et ainsi de suite.

    À chaque fois que je joue quelqu'un, qu'importe qu'il ait existé ou non, j'aime d'abord trouver à quoi il ressemblait, les vêtements qu'il porte, sa voix, sa façon de marcher. Je ne peux pas trouver l'intérieur d'un personnage si je n'en connais pas l'extérieur. D'autres acteurs m'ont dit « je dois d'abord trouver l'intérieur » ce qui m'a l'air plausible. Ça m'aide cependant à trouver sa personnalité si j'ai des éléments auxquels me rattacher, comme le genre d'uniforme militaire qu'il porte, le genre de bottes. Ces bottes sont en vérité très vieilles. Ce sont mes bottes de tir. Elles ont au moins dix-huit ans, et je les porte parce qu'elles sont très confortables et quand on se rend en Égypte, il y a des rochers à escalader, et je les ai aussi choisies parce qu'elles passent bien avec le rôle. J'ai regardé beaucoup de photos d'archéologues et étudié les vêtements qu'ils portaient. Quand mon choix s'est porté sur ces bottes, ça m'a donné quelque chose sur quoi me baser, et je porterai les mêmes bottes quand il retournera dans le désert en homme  plus âgé, mais je ne porterai plus de short parce qu'il est censé avoir soixante-et-un ans. »

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    Le film en lui-même suivait le scénario traditionnel de ces vieux films de momie. La princesse qu'ils avaient découverte se réincarne en fille d'Heston, jouée par Stephanie Zimbalist, la fille d'Efrem Zimbalist Junior et vedette de la télévision dans Les Enquêtes de Remington Steele2.

    Toute l'équipe et tous les techniciens tenaient évidemment Heston en grande estime, et la jeune Stephanie était vraiment en adoration devant lui.

     

    « J'adore travailler avec Heston. Il va être impeccable dans ce film. Je me souviens quand j'avais douze ans, j'ai vu Ben-Hur, c'est l'un des deux meilleurs films que j'ai jamais vu, et j'ai eu le gros béguin pour Charlton Heston.

    Il joue un personnage dans celui-là, pas comme un rôle masculin principal dont il a l'habitude. Il est très audacieux, il n'a pas peur d'être trop gros, et je l'admire pour cela. C'est aussi un homme gentil. Tous les bons acteurs ne sont pas nécessairement gentils.

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    J'en apprends beaucoup rien qu'en l'observant, tout comme en écoutant les questions qu'il pose qui ne me seraient jamais venues à l'esprit, comme où est le bas du cadre parce qu'il a une lampe-torche et que c'est sous le cadre, personne ne la verra. De petites choses aussi simples ne me seraient jamais venues à l'esprit. Bien sûr, il est dans le métier depuis bien plus longtemps que moi. »

     

    J'ai fait une autre visite au studio une semaine plus tard  et j'ai trouvé Heston jouant le personnage plus âgé. Tout le maquillage dont il avait parlé était là et il était en quelque sorte voûté par l'âge, lui donnant un air un peu fatigué très efficace. Il m'a dit qu'il avait gagné tellement d'argent avec ses films précédents qu'il pourrait prendre sa retraite dès maintenant s'il le voulait.

    « Alors pourquoi ne pas le faire ? » lui demandé-je.

    « parce qu'être acteur, c'est ma vie, » me répondit-il.

    Il m'a également dit combien il avait hâte de retourner en Égypte. « Je n'y suis plus allé depuis le tournage de Khartoum, » dit-il, « et j'ai hâte d'y retourner. C'est un pays remarquable, et avec ce scénario, on ne pouvait pas jouer les scènes sans y être. »

    Pendant environ un mois, l'équipe de La Malédiction de la vallée des rois travailla là-bas, en partie dans le mondialement célèbre musée du Caire, mais surtout dans la chaleur caniculaire de la vallée des Rois. Pour me faire une idée de combien il faisait chaud, il me dit bien plus tard : « la température montait jusqu'à 55 degrés, et quand, pour prendre dans ses mains une fourchette, il faut d'abord la refroidir dans l'eau pour pouvoir tourner, alors on peut dire qu'il fait chaud ! »

    Le Meilleur Parcours de Train Électrique

    Il avait cinquante-six ans, pourtant il continuait de courir une heure tous les matins, jouait toujours au tennis et courait toujours après les meilleurs rôles que pouvait lui offrir le théâtre. En 1979, il était de retour dans la robe de Thomas More pour un nouveau succès retentissant de A Man for all Seasons de Robert Bolt. Pour lui, revenir à des pièces comme celle-ci ou Macbeth était une progression. Il devait améliorer sa performance à chaque fois qu'il la donnait, il pouvait mesurer ses progrès en tant qu'acteur en rejouant ces personnages. Il cherchait encore à devenir l'acteur qu'il pensait ne pas être encore devenu. D'après lui, il doit repousser ses limites, même s'il ne savait pas encore ce qu'étaient ces limites tout simplement parce qu'il ne les avait pas atteintes. Il imagine que si ou quand il y arrivera, il sera temps d'arrêter, mais étant le perfectionniste qu'il a toujours été, il ne sera jamais satisfait, et il le sait.

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    En 1980, il continuait d'élargir encore son horizon, cette fois en incarnant un personnage qui avait déjà été fait des millions de fois : Sherlock Holmes. La pièce à Ahmanson était Crucifer of Blood. Son succès mena à une offre qu'Heston estime plutôt radicale. Il dit :

    " Ils voulaient que je fasse Crucifer of Blood à la télévision. J'aimais le rôle, mais ne c'était pas le genre de truc qui marcherait en tant que film (du moins, je ne le croyais pas). Donc quand l'offre de télévision arriva, j'ai demandé : « combien de jours ? » Ils ont répondu : « 21. » « Seulement 21 ? » ai-je demandé. Le film que j'ai fait, le plus court de ma carrière,  était La Soif du mal avec Orson Welles qui est un type plutôt malin, et il nous a fallu 39 jours. Je leur ai dit que je ne pouvais pas tirer le meilleur de moi-même en 21 jours ; pas autant que si je le pouvais, disons, en 46 jours.

     

    Par ailleurs, aux états-Unis, moins en Angleterre, il y a ce sentiment que le public ne va pas regarder des acteurs dans une pièce de théâtre à la télévision, quand ils peuvent les voir sur leurs écrans, dans une série. En un sens, ça a l'air ridicule. Un de mes films doit être à la télévision quelque part, tous les soirs de la semaine.

    Je continue de gagner ma vie en faisant des films, et je fais partie du groupe des chanceux qui maîtrise avec qui on travaille, comment, etc. Je ne vais pas vraiment prendre le risque de perdre tout cela, même si c'est pour jouer Sherlock Holmes."

     

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    A SUIVRE...

    1The Awakening

    2Remington Steele