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  • 13 - LES CINQUANTE CINQ JOURS DE PEKIN , Ou la fin de l’âge d’or d’ HOLLYWOOD ….

     

     

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    DANS la filmographie de l’artiste HESTON, une œuvre comme «  les 55 JOURS DE PEKIN » est souvent vue par la critique et même par ses fans comme un film un peu bancal, mal conçu et réalisé dans des conditions difficiles, et du coup, très peu d’amateurs lui trouvent quelque crédit, même si la récente ressortie du film en BLURAY a quelque peu remis les choses en perspective, notamment le soi-disant calvaire de son réalisateur Nicholas RAY, qu’on a tôt fait de considérer comme un auteur martyr injustement sacrifié par le système hollywoodien !

    En fait, comme souvent dans le cas d’une production aussi énorme que celle-ci, mettant en œuvre des moyens colossaux pour l’époque et faisant cohabiter pendant plusieurs mois un  groupe d’individus aux égos de la taille d’une pastèque, rien ne peut être aussi simple que les critiques de cinéma veulent bien le dire, et il apparait maintenant, avec le recul du temps, que ce «  FIFTY-FIVE DAYS IN PEKING » est loin d’être une œuvre négligeable, et doit certainement, finalement, beaucoup de son intêret aux conditions délirantes dans lesquelles il a été réalisé !

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    Le premier obstacle qui va se dresser presque chronologiquement, sur la route de ce spectacle mammouth imaginé par le producteur filou Sam BRONSTON va en effet être de taille, puisque cet homme, fort du triomphe de son EL CID, et qui n’a qu’une idée en tête au début de l’année 1962 , retrouver son cher ( dans tous les sens du terme) Charlton HESTON , commence ses préparatifs sans aucun vrai scénario, juste un «  pitch » hâtivement proposé par Philip YORDAN , scénariste à ses heures mais surtout «  vendeur » de tout premier ordre ! YORDAN s’est en effet «  fait un nom » dans le métier comme scénariste, sans avoir quasiment jamais rien écrit, vu que sa spécialité est de faire travailler à sa place des auteurs blacklistés et donc peu chers, auxquels il permet d’écrire tout en empochant l’essentiel des dividendes… fort de cette éthique d’une haute valeur morale, il va donc suivre à peu près le même chemin pour «  vendre » le projet à HESTON, sous la forme d’un traquenard agrémenté d’une bonne bouteille du meilleur malt, lors d’un vol MADRID- LOS ANGELES !

    Chuck va donc donner son accord de principe, d’autant qu’il admire le deuxième larron également présent sur ce vol, Nicholas RAY himself, qui vient de tourner KING OF KINGS pour BRONSTON avec un certain succès, et se verrait bien retenter un coup semblable avec, en plus, la présence de la mégastar que par ailleurs il apprécie ; autant pour « l’artiste maudit » que certains imaginent, c’est d’un homme d’affaires avisé qu’il s’agit, et il va d’ailleurs négocier un contrat avec BRONSTON d’un million de dollars ( !!!) qui en fera le réalisateur le mieux payé de l’époque !

    De quoi traite donc ce fameux «  pitch » qui a tout de suite plu à HESTON, grand amateur d’histoire ? Il y est question de la rebellion , en 1900, de nationalistes chinois, les « BOXERS » contre l’impérialisme européen et américain qui vise à l’époque à prendre le contrôle économique de la CHINE, en profitant de la faiblesse de son impératrice et surtout des divisions au sein de la classe politique dirigeante ; mais autant le décor et les faits historiques seront rapidement bien plantés et apparemment, plutôt véridiques, autant la faiblesse insigne du premier script et des personnages censés y évoluer vont très vite apparaitre comme des obstacles majeurs, HESTON se montrant particulièrement consterné devant la platitude de ses répliques et la façon dont son futur commandant LEWIS est décrit, une sorte d’ ersatz de John WAYNE dans ses pires moments ; mais comme il s’est engagé dans le projet, tout ce qu’il peut espérer faire, c’est limiter la casse en humanisant son personnage et en réécrivant pratiquement tous ses dialogues, à l’instar de sa co-vedette David NIVEN, choisi pour incarner l’ambassadeur britannique Sir Arthur ROBERTSON, et avec qui il aura une excellente relation pendant tout le tournage ! il dira même en substance dans ses mémoires : «  quand un acteur censé jouer finit par écrire ses propres répliques, c’est qu’il y a un souci du côté du scénariste »

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    La réalisation doit donc commencer pendant l’été 62, dans le cadre somptueux d’un ancien champ de blé, «  LAS MATAS » acheté par BRONSTON pour y planter le décor de sa future «  FALL OF THE ROMAN EMPIRE », ajourné en catastrophe vu le refus catégorique de HESTON de /

    a) accepter un scénario pareil

    b) retravailler avec Sophia LOREN, ce qui confirme sa noble conception du métier, car franchement, quel acteur au monde à part lui n’aurait pas souhaité travailler DEUX FOIS avec Sophia ? quoi qu’il en soit, l’équipe de scénaristes de YORDAN, composée de messieurs GORDON, BARZMAN et HAMER ( et oui, rien moins que l’auteur de NOBLESSE OBLIGE !) va tenter de faire une recherche poussée sur le plan historique, mais sans tout à fait comprendre la démarche des BOXERS, et donc en tombant dans un schématisme bons / méchants parfois puéril, qui fera dire à l’excellent pince-sans rire qu’est NIVEN : «  c’est le western le plus coûteux auquel j’ai pu participer, et sans jamais le savoir ! »

    C’est d’ailleurs au niveau de la révision d’un scénario discutable qu’il faut reconnaitre l’apport important de Nick RAY, qui donc, contrairement à ce qu’ont souvent prétendu à tort les critiques, était parfaitement motivé par le film, car il va apporter sa «  touche « » personnelle en s’attachant au personnage de la petite Theresa, fille d’un collègue du Major tué au combat, avec laquelle celui-ci développera une relation d’abord maladroite, se rapprochant d’elle au fil des évènements, sans qu’on tombe dans le pathos et le convenu ; et ce seront d’ailleurs, les scènes les plus intéressantes à jouer pour Chuck, grâce en grande partie à la direction d’acteurs subtile du cinéaste !

    Un autre ajout important et quasi inévitable dans une «  grosse machine » de ce genre va être l’insertion artificielle d’une romance orageuse au milieu de toute cette pagaille, mettant aux prises une aristocrate russe au passé trouble rejetée par les siens et notre fameux major ( who else ?), ce qui, on s’en doute, sera vu par l’artiste comme un coup bas supplémentaire ; beau joueur, HESTON se met en quête d’une actrice à la sensibilité européenne et propose MOREAU, MERCOURI et d’autres à BRONSTON, lequel va littéralement fondre en larmes devant lui lors d’un déjeuner pour tenter de lui imposer Ava GARDNER, typique femme fatale américaine ! comme le CHUCK a du cœur, il finit par capituler ( n’oublions pas qu’il a droit de regard sur le casting) et ce sera le début d’une relation disons, difficile, avec cette icone hollywoodienne déjà dévorée par le démon de l’alcool et qui va, tranquillement mais sûrement, faire du tournage un enfer.

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    Ava traverse à l’époque une période sentimentalement délicate, mais là ou d’autres se contenteraient de faire le travail sans que leurs problèmes personnels interviennent, cet état va avoir sur son jeu déjà hésitant une influence déplorable : incapable de dire son texte sans fautes, elle oblige les scénaristes à tailler dans ses dialogues, se montre colérique envers ses partenaires, arrive souvent en retard, parfois ivre, fait subir aux scénaristes les pires sarcasmes ( elle dira même à propos de BARZMAN, de confession israélite, qu’il est dommage qu’HITLER ne se soit pas occupé de son cas), bref, provoque un chaos bien supérieur à ce qu’on peut normalement attendre d’une star de l’époque, et SURTOUT, elle déteste Nick RAY .

    Celui-ci, qui jusque là avait pris le film à cœur et proposé d’excellentes idées à ses acteurs pour les scènes intimistes ou il excelle, avait gagné la confiance d’HESTON, à tel point que les deux hommes envisageaient le tournage d’une future épopée sur la Croisade des enfants, c’est dire qu’entre eux, le courant passait bien ! hélas, il va beaucoup moins bien passer quand HESTON, furieux de voir son « metteur » traité comme un paillasson par Ava et surtout incapable de la faire rentrer dans le rang suite à ses nombreux retards, va commencer à se demander si RAY, malgré son talent, est bien le bon capitaine pour ce navire à la dérive !

    Cette question, il ne se la posera pas longtemps, hélas pour Nick , car celui-ci, épuisé par les journées de tournage sous un soleil de plomb, sa propre addiction au whisky et les harcèlements constants de « la » GARDNER, va faire une attaque cardiaque foudroyante à laquelle il survivra miraculeusement ! Certains y verront une « maladie diplomatique », en tous cas, son retrait va mettre la compagnie dans la panique la plus complète, car les investissements bancaires concédés par BRONSTON sont tels qu’il est capital de finir cette «  godamm picture ! »

    HESTON va se montrer, dans ces circonstances difficiles, particulièrement efficace pour rattraper les jours de retard accumulés par la production, à tel point qu’on lui décernera sur le plateau le titre de «  meilleur premier assistant non officiel », puisqu’il va proposer d’intégrer l’excellent Guy GREEN, avec qui il vient de réussir «  DIAMOND HEAD » à la mise en scène, tandis qu’Andrew MARTON s’occupe des scènes de combat autour des légations européennes. Dormant au maximum quatre heures par nuit pendant plusieurs semaines, il va cumuler les scènes dialoguées avec les séquences d’action sans jamais faiblir, prenant un peu de repos quand il n’est pas impliqué ( ce qui est rare dans le film) pendant que les deux metteurs en scène travaillent séparément dans des décors différents , la nuit pour l’un, le jour pour l’autre ! un exploit logistique formidable ou il aura pris plus que sa part, sans pour autant perdre de vue que ce film reste bancal, que son scénario même remanié reste faible, et que plus jamais on ne le reprendra à accepter un travail sans un script bien finalisé ! ( en fait, il fera la même erreur deux ans plus tard sur MAJOR DUNDEE, comme quoi…)

    Bien que GARDNER, consciente de ses erreurs , tentera de s’amender en se montrant plus docile avec GREEN qui de toute façon ne se laisse pas faire, HESTON ne lui pardonnera jamais vraiment son comportement lors du tournage, malgré son admiration pour certains aspects du personnage ; il évoquera d’ailleurs avec émotion dans ses «  journals » cette scène nocturne en plein MADRID ou Ava, sérieusement esquintée, se grisera à faire des passes de toréador avec son manteau devant un défilé de voitures et donc d’automobilistes médusés, concluant sa description par ces mots : «  she was absolutely marvelous »

    Malgré les prédictions de nombreux professionnels présents sur le tournage, le film sera plutôt très bien reçu en EUROPE, non par la critique qui va globalement le massacrer mais par un public enthousiaste, et même si la réception aux USA sera moyenne ( «  qui connait dans ce pays la révolte des Boxers ? » dira son ami Kirk DOUGLAS) HESTON va nuancer son jugement impitoyable au début, sur ce qu’il considère comme « un beau sujet historique maltraité par ses auteurs » ; au fil du temps, il va même lui reconnaitre les qualités d’une certaine «  flamboyance », et c’est ce qu’on est tenté de penser aujourd’hui en tant que cinéphile …


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    C’est un film fondé contrairement à ce qui a été dit, sur une base historique sérieuse et documentée, et ceux qui disent le contraire ne sont pas forcément les mieux informés sur ce soulèvement crucial pour la CHINE, car il préfigure la future révolution populaire ; on peut lui reprocher un point de vue européen au détriment de l’objectivité, mais n’en va-t-il pas de même dans le cas de productions asiatiques mettant en scène des Européens ? il est donc un peu facile de le juger sur des critères de réflexion d’aujourd’hui ;on peut par contre en déplorer les «  trous » scénaristiques, la gestion par-dessus la jambe de la relation amoureuse très mal développée, mais on peut aussi en admirer la mise en scène ,ou parfois on retrouve des fulgurances typiques d’un RAY «  at his best », la magie des décors, la somptuosité de sa photographie et ces moments savoureux entre d’excellents acteurs dans des styles différents, HESTON,NIVEN, IRELAND en sergent bougon un peu «  fordien » et Harry ANDREWS qui campe un prêtre truculent, en apprécier sans honte le faste, le glamour et la sentimentalité débordante de ce qui reste, après tout, un des derniers films marquants de cet âge d’or d’HOLLYWOOD, cette époque ou on fabriquait du rêve en suant sang et eau sans le confort des ordinateurs pour faire le travail à la place de figurants et de techniciens besogneux, cette époque pleine de magie et d’excès aussi, ou les stars qui brillaient au firmament faisaient plus que mériter leur place.

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    A ma chère CECILE, qui adorait particulièrement la scène finale, ou THERESA retrouve son major …

    «  come, take my hand »

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    " COME, TAKE MY HAND "...

    En mémoire de Cécile que je n'oublie pas,  qui a contribué au blog avec Renaud.


    Cher Renaud, j'ajoute également cette video de l'interview de Charlton, durant une pause lors du tournage des 55 JOURS DE PEKIN.

     

     

  • 32 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

     

    ... SUITE

     

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    Se donner la peine d'élargir son répertoire

    Heston a une telle stature qu'on l'approche très souvent pour l'engager pour un script avant même d'avoir un réalisateur ou les autres acteurs.

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    C'est ce qui se passa pour La Loi de la haine3 pour Twentieth Century-Fox. C'était un western sur un hors-la-loi à la poursuite du marshal à la retraite qui l'avait emprisonné. Heston fut pris pour jouer le marshal, et il espérait qu'ils prendraient Sean Connery comme partenaire à l'affiche et Jack Smight, qui avait travaillé avec Heston sur La Bataille de Midway et 747 en péril, à la réalisation. Walter Seltzer s'occupait de la mise en place de La Loi de la haine, donc Charlton tendit à s'accommoder de ses choix, qui furent finalement James Coburn pour jouer le hors-la-loi et Andrew V. MacLaglen. C'était ironique du fait qu'il y avait quelques années de cela, Heston avait rejeté La Route de l'Ouest4 en grande partie parce qu'il n'avait pas été impressionné par le travail de MacLaglen sur Les Prairies de l'honneur5, ce qui est surprenant en soi puisque c'est sûrement l'un des meilleurs films sur la guerre de Sécession depuis La Conquête du courage6. Cela montre que même Charlton Heston n'est pas toujours bon juge en matière de film. 

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    Il trouva finalement que McLaglen était un réalisateur très compétent même s'il manquait quelque peu de patience avec Coburn qui tendait à être un acteur plus introspectif qu'Heston. Coburn aimait remettre en question chaque point du script jusqu'à ce qu'il ait le sentiment que c'était crédible, ce qui fit perdre un précieux temps sur le plateau, ce qui agaça naturellement Heston.

    Andrew V. McLaglen

    Andrew V. MacLaglen

    Bien sûr, Heston n'était pas le genre d'acteur à rester impassible quand un autre acteur débarquait avec une interprétation d'une scène ou d'une ligne de dialogue différente de celle du réalisateur (ou bien celle de l'auteur ou même la sienne). Il est même arrivé qu'il se dispute de temps en temps avec un réalisateur, mais c'était généralement le réalisateur qui avait le dernier mot. Cependant, quand Barbara Hershey, qui jouait sa fille dans La Loi de la haine, arriva avec une nouvelle interprétation pour la réaction qu'elle devrait avoir dans une scène, Heston se mit du côté de McLaglen et il y eut des heures de discussions et de débats avant d'avoir la scène dans la boîte.

    Très au courant de l'autorité qu'avait Heston sur le plateau (parfois au grand dam des autres acteurs), McLaglen me dit :

    « J'aime beaucoup Heston, en tant qu'homme et qu'acteur. Il travaille très dur. Maintenant, je connais quelques acteurs qui diront qu'il est tatillon sur le plateau. Eh bien, je pense que ça vient des rôles qu'il a joués. Je veux dire, bien sûr qu'il a eu du succès dans de longs films comme Ben-Hur et Les Dix Commandements, mais c'est un homme bien et je l'aime bien. Je l'aime en tant qu'acteur, et ça a été très agréable de travailler avec lui. »

    La Loi de la haine, qui n'a rencontré qu'un succès modéré, reste le film d'Heston avec le plus de violence explicite, beaucoup d'effusions de sang comme Peckinpah en a le secret. En effet, McLaglen m'a dit qu'il était tellement gore que quand il fut censuré pour la télévision, ils finirent avec un film tellement court que McLaglen et son monteur durent retourner en salle de montage et réinsérer quelques prises moins sanguinolentes,  le rallonger de nouveau.

    Heston s'est toujours vanté qu'il pouvait dormir n'importe quand, n'importe où. Il a un métabolisme qui s'éteint presque simplement sur demande. Ce n'était pas un don qui profitait vraiment aux autres, mais ça l'a certainement aidé à supporter les sessions de maquillage de deux heures pour lui faire ressembler au roi Henri VIII pour son apparition dans Le Prince et le pauvre.

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    Le maquillage de Richelieu ne prenait pas autant de temps, même s'il se souvenait avoir passé environ deux heures à être grimé en vieux Moïse il y a de cela des années. Il a toujours aimé devoir trouver le bon visage pour chaque personnage mais il était facilement ennuyé par la tâche quotidienne d'être maquillé, donc il dormait pendant ce temps.

    Malgré la brièveté de son rôle d'Henry, il s'est donné beaucoup de mal pour trouver la bonne apparence. Il dit :

    «La création du maquillage est la première chose que je fais dans tout nouveau projet. J'essaye beaucoup de nez postiches, de perruques et de fausses-barbes. Mon maquilleur est Siegfried Geike et je pense qu'il est le meilleur au monde. Je commence vraiment à rentrer dans le personnage quand j'en suis à cette étape avec Ziggy : créer le maquillage.

    Quand j'ai joué Henry VIII, j'ai utilisé quelque chose qui ressemblait à un accent britannique moderne, mais certains soupçonnent qu'Henry ne parlait pas vraiment comme les Anglais actuels. Par ailleurs, personne ne sait vraiment comment il parlait.»

    Il était également très content d'avoir la chance de jouer en extérieur, sous la direction de Richard Fleischer, en Angleterre à Penshurst où Henry s'est vraiment rendu. S'imprégnant de l'atmosphère historique, Charlton fut capable de revivre quelques jours de la vie d'un vieux gros roi.

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    À ce moment-là, Chuck avait décidé de réduire le nombre de films qu'il faisait. Il avait fait des films presque sans interruption durant ces dernières années, et quand il ne réussit pas  à décrocher le rôle de MacArthur  qu'il voulait tant (C'est Gregory Peck qui le joua), il en vint à la conclusion qu'il était surexposé dans trop de films. Le seul autre film qu'il fit cette année-là fut donc Sauvez le Neptune1, l'histoire d'un sous-marin échoué au fond de l'océan.

    Pour se préparer à ce rôle, il réussit à avoir l'autorisation de passer du temps sur un sous-marin nucléaire pendant qu'il tirait de fausses torpilles sur des vaisseaux en surface.

    Le film était réalisé par David Greene qui avait signé des films aussi banals que Godspell et Madame Sin. Son problème majeur était qu'il choisissait ou qu'il avait été choisi pour des sujets sans intérêt, et Sauvez le Neptune, un film « événement » supérieur, lui laissa la liberté d'y exprimer son propre style et d'en faire un succès commercial. Il a clairement impressionné Heston. Ce dernier avait l'habitude de se tenir hors-caméra pour que les acteurs en gros plan puissent lui parler, tandis que beaucoup d'autres acteurs laissaient ce genre de travail à leurs doublures. Or, quand Heston devait parler à un personnage hors-champs, il insistait pour dire qu'il pouvait le faire sans acteur hors-champs ; Greene le remarqua et vit comment cela affectait sa performance.

     

    « Chuck, je sais que tu essayes juste d'être aussi efficace que possible, mais ça ne veut pas dire que c'est créatif. Le faire avec justesse, ce n'est pas bien faire. Pourquoi ne pas mettre quelques acteurs hors-champs pour que tu leur donnes tes répliques ? »

    Heston accepta, et il dût reconnaître après quelques prises que Greene avait raison.

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    Sauvez le Neptune, sorti en 1977, rencontra du succès et donna à Heston la possibilité de travailler plus sa performance qu'avec les autres films catastrophes de chez Universal. La trame de fond était plus petite, mais la tension et le drame de cette opération de secours presque impossible en firent le meilleur film d'Heston de cette décennie.

    Au début de 1977, il fit enfin une pièce qu'il préparait depuis un an, Le Long voyage vers la nuit2 d'Eugene O'Neill. Charlton considère cette pièce plutôt sombre basée sur la relation complexe qu'entretient Eugene lui-même avec sa propre famille comme la meilleure pièce américaine jamais écrite. Il l'avait vue lors de sa première mondiale et il sut qu'il devait impérativement la faire. Ce n'est pas qu'il voulait que les autres l'aiment dedans. C'était juste une pièce qu'il devait jouer, et Robert Fryer voulait qu'il la joue au Ahmanson Theater où il commençait à se sentir comme à la maison.

    Fryer réussit à obtenir les services de Deborah Kerr, mais à un certain prix pour Heston. Elle insistait pour être la première actrice inscrite sur l'affiche. Il la voulait en tant qu'épouse et était prêt à n'apparaître qu'en deuxième. À son grand contentement, Bruce Dern prit le rôle de Jamie qui avait hérité de sa mère la dépendance à la drogue. Au fil de la pièce, la mère plonge dans la folie, et le fils brûle de haine et de frustration envers sa famille, tout particulièrement le père tyrannique, mesquin et insensible joué par Heston.

    C'était un gros défi pour Heston. « C'est quelque chose de vraiment intimidant pour moi, » dit-il. « Je pense qu'un acteur doit se donner la peine d'élargir un peu son répertoire. Si on ne joue que des rôles que l'on est absolument sûr de réussir, notre répertoire ne fait que rétrécir jusqu'au moment où l'on se retrouve à ne jouer qu'un seul rôle, et je pense que c'est une grosse erreur. »

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    https://www.google.fr/search?q=ahmanson+theater+long+day's+journey+into+night)++charlton+heston+deborah+kerr&tbm=isch&source=univ&sa=X&ved=2ahUKEwjluKqI_dbiAhVLzYUKHQLKA4wQsAR6BAgAEAE&biw=1242&bih=563

    À cette époque, il avait lui-même élargi ses horizons, faisant la promotion du travail d'acteur. Il était coprésident du Center Theater Group qui comprenait le Ahmanson Theater, et il était toujours président de l'AFI (American Film Institute) et membre du National Council of the Arts.

    Cette année-là, il avait également remporté King of the Hill, le tournoi de tennis, avec son partenaire de jeu Martin Shafer, mais il prit moins de contrats pour le cinéma. Non pas qu'il n'était plus réclamé : les demandes n'arrêtaient pas, comme celle pour le rôle principal de La Guerre des abîmes3 que, comme beaucoup d'autres, il rejeta. « Je suis l'un des sept ou huit chanceux qui peut encore rejeter un film, » dit-il à l'époque. « je fais le meilleur de ce qui m'est proposé. »

    C'est en 1976 que je rencontrais pour la première fois Heston, lors d'une petite tournée de promotion pour La Bataille de Midway. En fait, il passa une grande partie de cette année-là à faire le tour du monde pour faire la promotion de ce film qui devint l'un des films ayant fait la plus grosse recette de l'année, battu au box-office seulement par La Malediction4 que, ironiquement, il avait décliné.

    À la maison, les choses se passaient bien plus en douceur que les quelques années précédentes. Les pressions énormes qui s'étaient amassées sur lui, ou qu'il alimentait lui-même, avaient eu des conséquences sur sa vie privée, mais il s'accrocha à ce qu'il avait, et vers la fin de 1977, c'était un homme plus qu'heureux. C'était en grande partie parce que ses enfants s'avérèrent n'avoir aucune vocation à devenir acteurs. Il dit :

    «Dieu merci, parce que c'est un moyen très triste de gagner sa vie. Je m'en suis bien sorti mais ils voient bien que ma situation est loin d'être typique. Il y a plus de 35 000 membres dans la Screen Actors' Guild, et soixante-quinze pour cent d'entre eux gagnent moins que le salaire minimum.

    Fraser étudie l'écriture créative – un moyen également horrible de gagner sa vie. Holly, qui a maintenant quinze ans, est encore à l'école. Elle ne veut pas entrer dans le show-business. C'est une fille intelligente

    Cependant, peut-être que ce qui soulageait vraiment Charlton dans sa vie était que les migraines de Lydia avaient enfin cessé. Il n'y a pas si longtemps de cela, un de mes collègues, Ken Ferguson, lui demanda comment elle avait soigné ses migraines. Elle lui répondit : « j'ai simplement arrêté de prendre tous les médicaments qui étaient censés calmer la douleur. »

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    De la chaîne de Wind River à la Vallée des Rois

     

    « Charlton Heston est un trou du cul pompeux, et il est nul dans le rôle de Ben-Hur. » C'est ce que Bette Davis affirma publiquement, mais elle a dit bien pire d'autres acteurs. Lors de la cinquantième cérémonie des Oscars en 1978, c'est Bette Davis qui tendit à Charlton le Jean Hersholt Humanitarian Award en reconnaissance de sa contribution pour la communauté cinématographique. Miss Davis cita ses deux visites des troupes au Vietnam, ses voyages transatlantiques pour le State Department's Cultural Presentation Program, son travail auprès du President's Council on Youth Opportunities ainsi que ses six mandats en tant que président de la SAG.

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    "Academy Awards: 50th Annual," Charlton Heston et Bette Davis (Jean Hersholt Award)

    En agitant son Oscar dans les airs, elle le saisit par le bras et le contempla avec adoration dans les yeux. Il aurait pu ne jamais savoir combien son avis sur lui était cinglant, mais Heston était suffisamment blindé pour ne pas se laisser atteindre par si peu. C'est son blindage, dit-il, qui l'a aidé à ne pas tenir compte des commentaires nuls que les critiques lui réservaient parfois.

    Cependant, miss Davis n'est pas la première à le décrire comme « pompeux ». Peut-être qu'il l'est, mais j'ai le sentiment que cela vient plus de sa timidité à masquer qu'autre chose. Comme il l'a déjà dit, il se considère « ennuyeux et carré ». Il ne fait pas les gros titres, et de ce fait, il est très respecté dans le monde du cinéma. Un chargé de publicité m'a raconté comment, durant un trajet vers l'aéroport d'Heathrow, il n'a pas pipé mot. Ce n'est pas étonnant venant d'Heston, timide avec les inconnus, incapable de jouer un personnage à chaque fois pour faire plaisir aux autres.

    C'est un homme aux nombreux talents. C'est aussi un fervent dessinateur et passe le plus clair de son temps libre sur les plateaux à faire des portraits de ses camarades artistes et les techniciens. Il y a quelques années, il y avait même eu une exposition de ses tableaux à New-York, Londres et Glasgow.

    C'est également (même s'il déteste le faire) un auteur très talentueux. Il autorisa la publication en 1978 de ses journaux intimes remontant jusqu'en 1956, ne révélant pas seulement ses sentiments intimes et une personnalité méconnue, mais également un don pour l'agencement des mots. Les journaux, publiés sous le titre The Actor's Life, offrit un aperçu du quotidien de la création d'un film ainsi que sa vie privée, bien que beaucoup de ses instants les plus intimes, comme le divorce de ses parents, n'y furent pas inclus. C'était une étude fascinante de la perception qu'a un homme de lui-même, de sa vie et de son travail, mais cela couvre à peine vingt ans de sa vie.

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    Je soupçonne que la publication de ses livres était en fait un subterfuge pour repousser les éditeurs qui le pressaient à rédiger son autobiographie (qui ne sera probablement jamais écrite). On lui demanda une fois de rédiger un millier de mots pour la pochette de disque de la bande-son d'Antoine et Cléopâtre. Il réussit au bout de deux semaines à écrire 750 mots. Il n'acheva jamais le travail et la pochette fut publiée sans le texte d'Heston.

    « On pourrait à peine compter le millier d'ingénieuses excuses que je trouvais pour repousser le moment d'écrire, » dit-il. « Je préférerais jouer le premier acte de Macbeth que d'écrire un millier de mots. »

    Ses journaux devinrent plutôt célèbres pour les remarques peu flatteuses qu'il avait faites sur certaines de ses partenaires féminines à l'écran. « C'était, » dit-il, « parce qu'elles n'étaient pas écrites pour être lues par qui que ce soit d'autre que moi. »

    C'est pendant qu'Heston était à Londres pour faire la promotion de The Actor's Life qu'il m'a dit qu'il était sur le point de faire un film écrit par son fils titré Wind River. « Heureusement, il l'a écrit et vendu avant de venir m'en parler. »

    Ce n'est pas surprenant que Fraser se soit finalement tourné vers le cinéma comme moyen d'expression par l'écriture puis plus tard par la production. Bien que Charlton ait fait de son mieux, et avec succès, pour éloigner Fray de la carrière d'acteur, il l'autorisa tout de même à travailler sur certains de ses films. Par exemple, Fray était le second assistant de Canutt sur Antoine et Cléopâtre. Évidemment, son goût pour le cinéma était profondément ancré.

    Fray m'a expliqué comment il en était arrivé à la rédaction de Wind River, qui fut plus tard changé en La Fureur sauvage1 :

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    « Je n'ai pas spécialement essayé d'éviter de rentrer dans l'industrie du cinéma, mais je n'ai pas cherché à y entrer non plus. J'avais d'autres passions et je suis toujours passionné de biologie marine et d'océanologie, mais je me suis retrouvé dans l'industrie du cinéma il y a quelques années quand deux de mes associés, Martin Shafer et Andrew Scheinman, sont venus à moi et lurent une esquisse de roman que j'écrivais qui s'appelait Wind River. Ils dirent alors : « tu sais, on pense que tu devrais écrire un script et nous pourrions en faire un film. » et c'est ce qu'ils ont fait.»

    Avec l'aide de Martin Ransohoff, Ils attirèrent l'attention de Columbia avant de proposer le film à Heston senior. Charlton raconte :

    «Je savais qu'il était en train d'écrire un script. Il n'a pas essayé de le cacher mais il n'a pas non plus cherché à me le faire lire. Il ne me l'a pas montré et je n'ai jamais demandé à lire quoi que ce soit qu'il ne me demandait pas de lire. On ne demande jamais à un auteur de lire ce qu'il écrit. Si ils veulent que vous lisiez, ils vous le demanderont.

    Le rôle est tellement clairement fait pour moi que je suppose qu'il l'a en fait écrit exprès pour moi. Éthiquement parlant, il a bien fait de ne pas me soumettre le script et de me laisser à l'écart tant qu'il ne l'avait pas vendu, et je comprends sa démarche et l'admire pour cela.

    Plus tard, j'ai appris qu'il l'avait vendu et que le studio voulait que j'y jette un œil. Je dois dire que quand je l'ai ouvert, j'avais quelques appréhensions. Je me suis dit « et si jamais je n'aime pas ? » et je dois avouer que je me suis dit que si ça ne se faisait pas du tout, je devais le faire quand même pour Fraser, pour le lancer. C'était cependant un excellent rôle qu'il m'avait écrit

    A SUIVRE...

     

     

     

     

     

    3The Last Hard Men

    4The Way West

    5Shenandoah

    6The Red Badge of Courage

    1The Mountain Men

    1Gray Lady Down

    2Long Journey into Night

    3Raise the Titanic

    4The Omen