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13 - LES CINQUANTE CINQ JOURS DE PEKIN , Ou la fin de l’âge d’or d’ HOLLYWOOD ….

 

 

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DANS la filmographie de l’artiste HESTON, une œuvre comme «  les 55 JOURS DE PEKIN » est souvent vue par la critique et même par ses fans comme un film un peu bancal, mal conçu et réalisé dans des conditions difficiles, et du coup, très peu d’amateurs lui trouvent quelque crédit, même si la récente ressortie du film en BLURAY a quelque peu remis les choses en perspective, notamment le soi-disant calvaire de son réalisateur Nicholas RAY, qu’on a tôt fait de considérer comme un auteur martyr injustement sacrifié par le système hollywoodien !

En fait, comme souvent dans le cas d’une production aussi énorme que celle-ci, mettant en œuvre des moyens colossaux pour l’époque et faisant cohabiter pendant plusieurs mois un  groupe d’individus aux égos de la taille d’une pastèque, rien ne peut être aussi simple que les critiques de cinéma veulent bien le dire, et il apparait maintenant, avec le recul du temps, que ce «  FIFTY-FIVE DAYS IN PEKING » est loin d’être une œuvre négligeable, et doit certainement, finalement, beaucoup de son intêret aux conditions délirantes dans lesquelles il a été réalisé !

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Le premier obstacle qui va se dresser presque chronologiquement, sur la route de ce spectacle mammouth imaginé par le producteur filou Sam BRONSTON va en effet être de taille, puisque cet homme, fort du triomphe de son EL CID, et qui n’a qu’une idée en tête au début de l’année 1962 , retrouver son cher ( dans tous les sens du terme) Charlton HESTON , commence ses préparatifs sans aucun vrai scénario, juste un «  pitch » hâtivement proposé par Philip YORDAN , scénariste à ses heures mais surtout «  vendeur » de tout premier ordre ! YORDAN s’est en effet «  fait un nom » dans le métier comme scénariste, sans avoir quasiment jamais rien écrit, vu que sa spécialité est de faire travailler à sa place des auteurs blacklistés et donc peu chers, auxquels il permet d’écrire tout en empochant l’essentiel des dividendes… fort de cette éthique d’une haute valeur morale, il va donc suivre à peu près le même chemin pour «  vendre » le projet à HESTON, sous la forme d’un traquenard agrémenté d’une bonne bouteille du meilleur malt, lors d’un vol MADRID- LOS ANGELES !

Chuck va donc donner son accord de principe, d’autant qu’il admire le deuxième larron également présent sur ce vol, Nicholas RAY himself, qui vient de tourner KING OF KINGS pour BRONSTON avec un certain succès, et se verrait bien retenter un coup semblable avec, en plus, la présence de la mégastar que par ailleurs il apprécie ; autant pour « l’artiste maudit » que certains imaginent, c’est d’un homme d’affaires avisé qu’il s’agit, et il va d’ailleurs négocier un contrat avec BRONSTON d’un million de dollars ( !!!) qui en fera le réalisateur le mieux payé de l’époque !

De quoi traite donc ce fameux «  pitch » qui a tout de suite plu à HESTON, grand amateur d’histoire ? Il y est question de la rebellion , en 1900, de nationalistes chinois, les « BOXERS » contre l’impérialisme européen et américain qui vise à l’époque à prendre le contrôle économique de la CHINE, en profitant de la faiblesse de son impératrice et surtout des divisions au sein de la classe politique dirigeante ; mais autant le décor et les faits historiques seront rapidement bien plantés et apparemment, plutôt véridiques, autant la faiblesse insigne du premier script et des personnages censés y évoluer vont très vite apparaitre comme des obstacles majeurs, HESTON se montrant particulièrement consterné devant la platitude de ses répliques et la façon dont son futur commandant LEWIS est décrit, une sorte d’ ersatz de John WAYNE dans ses pires moments ; mais comme il s’est engagé dans le projet, tout ce qu’il peut espérer faire, c’est limiter la casse en humanisant son personnage et en réécrivant pratiquement tous ses dialogues, à l’instar de sa co-vedette David NIVEN, choisi pour incarner l’ambassadeur britannique Sir Arthur ROBERTSON, et avec qui il aura une excellente relation pendant tout le tournage ! il dira même en substance dans ses mémoires : «  quand un acteur censé jouer finit par écrire ses propres répliques, c’est qu’il y a un souci du côté du scénariste »

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La réalisation doit donc commencer pendant l’été 62, dans le cadre somptueux d’un ancien champ de blé, «  LAS MATAS » acheté par BRONSTON pour y planter le décor de sa future «  FALL OF THE ROMAN EMPIRE », ajourné en catastrophe vu le refus catégorique de HESTON de /

a) accepter un scénario pareil

b) retravailler avec Sophia LOREN, ce qui confirme sa noble conception du métier, car franchement, quel acteur au monde à part lui n’aurait pas souhaité travailler DEUX FOIS avec Sophia ? quoi qu’il en soit, l’équipe de scénaristes de YORDAN, composée de messieurs GORDON, BARZMAN et HAMER ( et oui, rien moins que l’auteur de NOBLESSE OBLIGE !) va tenter de faire une recherche poussée sur le plan historique, mais sans tout à fait comprendre la démarche des BOXERS, et donc en tombant dans un schématisme bons / méchants parfois puéril, qui fera dire à l’excellent pince-sans rire qu’est NIVEN : «  c’est le western le plus coûteux auquel j’ai pu participer, et sans jamais le savoir ! »

C’est d’ailleurs au niveau de la révision d’un scénario discutable qu’il faut reconnaitre l’apport important de Nick RAY, qui donc, contrairement à ce qu’ont souvent prétendu à tort les critiques, était parfaitement motivé par le film, car il va apporter sa «  touche « » personnelle en s’attachant au personnage de la petite Theresa, fille d’un collègue du Major tué au combat, avec laquelle celui-ci développera une relation d’abord maladroite, se rapprochant d’elle au fil des évènements, sans qu’on tombe dans le pathos et le convenu ; et ce seront d’ailleurs, les scènes les plus intéressantes à jouer pour Chuck, grâce en grande partie à la direction d’acteurs subtile du cinéaste !

Un autre ajout important et quasi inévitable dans une «  grosse machine » de ce genre va être l’insertion artificielle d’une romance orageuse au milieu de toute cette pagaille, mettant aux prises une aristocrate russe au passé trouble rejetée par les siens et notre fameux major ( who else ?), ce qui, on s’en doute, sera vu par l’artiste comme un coup bas supplémentaire ; beau joueur, HESTON se met en quête d’une actrice à la sensibilité européenne et propose MOREAU, MERCOURI et d’autres à BRONSTON, lequel va littéralement fondre en larmes devant lui lors d’un déjeuner pour tenter de lui imposer Ava GARDNER, typique femme fatale américaine ! comme le CHUCK a du cœur, il finit par capituler ( n’oublions pas qu’il a droit de regard sur le casting) et ce sera le début d’une relation disons, difficile, avec cette icone hollywoodienne déjà dévorée par le démon de l’alcool et qui va, tranquillement mais sûrement, faire du tournage un enfer.

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Ava traverse à l’époque une période sentimentalement délicate, mais là ou d’autres se contenteraient de faire le travail sans que leurs problèmes personnels interviennent, cet état va avoir sur son jeu déjà hésitant une influence déplorable : incapable de dire son texte sans fautes, elle oblige les scénaristes à tailler dans ses dialogues, se montre colérique envers ses partenaires, arrive souvent en retard, parfois ivre, fait subir aux scénaristes les pires sarcasmes ( elle dira même à propos de BARZMAN, de confession israélite, qu’il est dommage qu’HITLER ne se soit pas occupé de son cas), bref, provoque un chaos bien supérieur à ce qu’on peut normalement attendre d’une star de l’époque, et SURTOUT, elle déteste Nick RAY .

Celui-ci, qui jusque là avait pris le film à cœur et proposé d’excellentes idées à ses acteurs pour les scènes intimistes ou il excelle, avait gagné la confiance d’HESTON, à tel point que les deux hommes envisageaient le tournage d’une future épopée sur la Croisade des enfants, c’est dire qu’entre eux, le courant passait bien ! hélas, il va beaucoup moins bien passer quand HESTON, furieux de voir son « metteur » traité comme un paillasson par Ava et surtout incapable de la faire rentrer dans le rang suite à ses nombreux retards, va commencer à se demander si RAY, malgré son talent, est bien le bon capitaine pour ce navire à la dérive !

Cette question, il ne se la posera pas longtemps, hélas pour Nick , car celui-ci, épuisé par les journées de tournage sous un soleil de plomb, sa propre addiction au whisky et les harcèlements constants de « la » GARDNER, va faire une attaque cardiaque foudroyante à laquelle il survivra miraculeusement ! Certains y verront une « maladie diplomatique », en tous cas, son retrait va mettre la compagnie dans la panique la plus complète, car les investissements bancaires concédés par BRONSTON sont tels qu’il est capital de finir cette «  godamm picture ! »

HESTON va se montrer, dans ces circonstances difficiles, particulièrement efficace pour rattraper les jours de retard accumulés par la production, à tel point qu’on lui décernera sur le plateau le titre de «  meilleur premier assistant non officiel », puisqu’il va proposer d’intégrer l’excellent Guy GREEN, avec qui il vient de réussir «  DIAMOND HEAD » à la mise en scène, tandis qu’Andrew MARTON s’occupe des scènes de combat autour des légations européennes. Dormant au maximum quatre heures par nuit pendant plusieurs semaines, il va cumuler les scènes dialoguées avec les séquences d’action sans jamais faiblir, prenant un peu de repos quand il n’est pas impliqué ( ce qui est rare dans le film) pendant que les deux metteurs en scène travaillent séparément dans des décors différents , la nuit pour l’un, le jour pour l’autre ! un exploit logistique formidable ou il aura pris plus que sa part, sans pour autant perdre de vue que ce film reste bancal, que son scénario même remanié reste faible, et que plus jamais on ne le reprendra à accepter un travail sans un script bien finalisé ! ( en fait, il fera la même erreur deux ans plus tard sur MAJOR DUNDEE, comme quoi…)

Bien que GARDNER, consciente de ses erreurs , tentera de s’amender en se montrant plus docile avec GREEN qui de toute façon ne se laisse pas faire, HESTON ne lui pardonnera jamais vraiment son comportement lors du tournage, malgré son admiration pour certains aspects du personnage ; il évoquera d’ailleurs avec émotion dans ses «  journals » cette scène nocturne en plein MADRID ou Ava, sérieusement esquintée, se grisera à faire des passes de toréador avec son manteau devant un défilé de voitures et donc d’automobilistes médusés, concluant sa description par ces mots : «  she was absolutely marvelous »

Malgré les prédictions de nombreux professionnels présents sur le tournage, le film sera plutôt très bien reçu en EUROPE, non par la critique qui va globalement le massacrer mais par un public enthousiaste, et même si la réception aux USA sera moyenne ( «  qui connait dans ce pays la révolte des Boxers ? » dira son ami Kirk DOUGLAS) HESTON va nuancer son jugement impitoyable au début, sur ce qu’il considère comme « un beau sujet historique maltraité par ses auteurs » ; au fil du temps, il va même lui reconnaitre les qualités d’une certaine «  flamboyance », et c’est ce qu’on est tenté de penser aujourd’hui en tant que cinéphile …


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C’est un film fondé contrairement à ce qui a été dit, sur une base historique sérieuse et documentée, et ceux qui disent le contraire ne sont pas forcément les mieux informés sur ce soulèvement crucial pour la CHINE, car il préfigure la future révolution populaire ; on peut lui reprocher un point de vue européen au détriment de l’objectivité, mais n’en va-t-il pas de même dans le cas de productions asiatiques mettant en scène des Européens ? il est donc un peu facile de le juger sur des critères de réflexion d’aujourd’hui ;on peut par contre en déplorer les «  trous » scénaristiques, la gestion par-dessus la jambe de la relation amoureuse très mal développée, mais on peut aussi en admirer la mise en scène ,ou parfois on retrouve des fulgurances typiques d’un RAY «  at his best », la magie des décors, la somptuosité de sa photographie et ces moments savoureux entre d’excellents acteurs dans des styles différents, HESTON,NIVEN, IRELAND en sergent bougon un peu «  fordien » et Harry ANDREWS qui campe un prêtre truculent, en apprécier sans honte le faste, le glamour et la sentimentalité débordante de ce qui reste, après tout, un des derniers films marquants de cet âge d’or d’HOLLYWOOD, cette époque ou on fabriquait du rêve en suant sang et eau sans le confort des ordinateurs pour faire le travail à la place de figurants et de techniciens besogneux, cette époque pleine de magie et d’excès aussi, ou les stars qui brillaient au firmament faisaient plus que mériter leur place.

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A ma chère CECILE, qui adorait particulièrement la scène finale, ou THERESA retrouve son major …

«  come, take my hand »

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" COME, TAKE MY HAND "...

En mémoire de Cécile que je n'oublie pas,  qui a contribué au blog avec Renaud.


Cher Renaud, j'ajoute également cette video de l'interview de Charlton, durant une pause lors du tournage des 55 JOURS DE PEKIN.

 

 

Commentaires

  • et bien bravo...Quel magnifique grain de sel...
    ce film a pas été de tout repos...
    vous êtes un peu dur avec Ava...
    je ne suis pas objective j'adore cette femme...
    j'ai beaucoup aimé ce film..
    merci Renaud...
    YOU ARE THE BEST

  • Merci Sylvia pour ton commentaire, ça m'encourage car je crois n'avoir jamais autant bossé sur un_grain"; concernant AVA,je comprends ton affection pour elle et je l'aime beaucoup moi-même( notamment ds le sublime "nuit de l'iguane", mais ce que je rapporte sur le tournage de PEKING est tiré de sources solides et malheureusement ne la montre pas sous son meilleur jour, c tout ce que j'ai souligné et ça n'enlève rien à sa beauté ni à sa flamboyance, que je signale aussi.
    Je t'embrasse, merci pour ton soutien.

  • Merci Renaud, ce grain de sel est génial

    J'ai toujours aimé ce film, basé sur des faits historiques relativement récents et réels, contrairement à Ben Hur qui est un roman et au Cid dont la réalité historique est assez floue. Le problème du scénario a été chose assez courante à Hollywood je crois, mais là j'apprends que Chuck s'est royalement débrouillé avec ses répliques. Malgré tout ce qui s'est passé dans les coulisses, Ava est magnifique quoique un peu abimée déjà par l'alcool. Pour terminer sur une note d'humour, voilà la question qui m'a toujours tarauder au sujet de ce film :"La baronne Yvanoff et le Major Lewis ont-ils réussi à régler le problème de cette petite chambre unique à l'hôtel ? Le Major est-il resté ou pas ?". Ce n'est bien sûr pas the Question, mais bon...

  • Je prends le risque, mais j'ai toujours apprécié ce film comme tout ce qui touche à Chuck; donc ne suis pas objectif !
    De plus n'y ayant pas cherché un document historique, mon goût pour le grand spectacle a pris le dessus avec la beauté du Technicolor.
    La photo en 65 mm. est resplendissante, soutenue par la composition musicale à laquelle les six pistes magnétiques apportent toujours une résonance émouvante ou brillante selon le cas.
    Enfin, pour être bref, j'évoquerai bien sûr le fameux "com, take my hand" que la petite Thérèsa espère, et que le Major nous fait attendre dans les dernières secondes. Prenant un courage aussi fort que pour aller à la bataille, Lewis s'incline, et devient ainsi un homme et plus seulement un soldat !
    Je me souviens avoir dit en 1963 : ah si ces moyens techniques avaient existés à l'époque de Autant en emporte le vent, ou bien si David Selznick avait pu réaliser les 55 jours...quel chef d'oeuvre nous aurions là !

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