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12 - «  LES TROIS MOUSQUETAIRES  » , ou la rencontre de deux géants…

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Oliver REED (Athos) - Michael YORK (d'Artagnan) - Richard CHAMBERLAIN (Aramis)  - Frank FINLAY (Porthos)

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«  JE n’ai jamais compris pourquoi les français révèrent NAPOLEON, un homme qui a contribué à détruire leur pays, et ignorent complétement RICHELIEU, qui peut être considéré comme le fondateur d’un Etat moderne »…


CES propos, même s’ils manquent de nuances et illustrent une certaine méconnaissance de l’histoire de France, tenus par Charlton HESTON dans son autobiographie, n’en sont pas moins révélateurs de la curiosité intellectuelle et du besoin incessant d’apprendre qui caractérisent le comédien mais aussi l’homme, même s’il a pu souvent se montrer excessif et porter des jugements disons «  arbitraires » sur des sujets qu’il connaissait peu.


Tous les admirateurs de l’artiste savent pertinemment qu’il avait une véritable passion pour les «  grands personnages » de l’histoire, et qu’il avait une nette préférence pour interpréter ces «  géants » plutôt que des personnages contemporains qui l’attiraient moins ; cette fascination a pu être jugée par ses critiques comme une forme d’élitisme méprisant, mais rien n’est plus faux : HESTON souhaita toute sa vie s’améliorer en tant qu’acteur ( ce qu’il fit !), et trouvait justement que jouer des flics ou des shérifs qui avaient déjà été sur-utilisés à l’écran, ne le ferait jamais autant progresser que de tenter d’approcher, « d’investir » des personnages complexes et hors du commun ! d’où son choix de redonner vie à Moïse, Gordon pacha , El Cid , Andrew Jackson, et dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, Armand du Plessis, cardinal duc de Richelieu…

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HESTON avait été au départ, approché par les frères SALKIND, producteurs de renom, pour jouer en fait ATHOS, comte de La Fère, dans une nouvelle adaptation luxueuse et plutôt satirique du chef d’œuvre de DUMAS, le tout pour un cachet vertigineux qui lui fit dire avec humour que « si tous les comédiens étaient rémunérés de la même manière, ils devraient aussi faire de la figuration pour couvrir les frais de production !» Jouer ATHOS ne l’amusait pas plus que ça, et il avait aussi des doutes quand à l’idée de tourner en comédie un ouvrage aussi sérieux et renommé ; c’est quand il apprit que le metteur en scène serait Richard LESTER, qu’il commença à s’intéresser au projet, d’autant plus que l’année 1973 s’annonçait pour lui plutôt calme côté tournages…

(Richard Lester)
Richard LESTER s’était fait en quelques années une réputation, formidable dans le milieu, grâce à son sens de l’humour, sa virtuosité caméra en main et son sens aigu du rythme et du montage, qu’on pourrait rapprocher pour nous Français d’un Jean-Paul RAPPENEAU ; son talent avait su faire des BEATLES des stars de l’écran avec l’excellent «  A HARD DAY’S NIGHT » et il avait su capter le tourbillon du « swinging LONDON » des sixties grâce à PETULIA, un autre grand succès artistique et commercial ; malheureusement, son dernier opus «  THE BED-SITTING ROOM » avait été un four complet jusqu’à ruiner sa maison de production ! il se trouvait donc, comme on dit, dans l’impasse, n’ayant pas tourné depuis quatre ans, et prenait donc très au sérieux la chance à lui donnée par les SALKIND de refaire surface avec un sujet excitant pour lui…


C’est donc LESTER, toujours prompt à développer des idées originales, qui va insister pour garder HESTON dans le casting, malgré son refus de s’engager pour plusieurs mois sur un personnage qui ne l’inspire pas, et n’a selon lui, «  pas grand-chose à jouer » ; quand HESTON lui suggère de lui donner un petit rôle sans forcément passer beaucoup de temps en Espagne, LESTER lui propose alors, fidèle à son approche non conventionnelle, de jouer RICHELIEU, personnage certes central à l’intrigue et disons capital, mais présent dans un nombre restreint de scènes, ce qui convient parfaitement à Chuck ! Celui-ci ne manquera pas de souligner que «  rarement un personnage secondaire à l’écran aura vu son nom autant prononcé dans un film » !

 
Beaucoup a été dit sur ce choix inattendu de faire jouer par un américain un rôle aussi typiquement européen, et certains se sont gaussés de cette star américaine tentant de recréer un personnage aussi étranger à sa propre culture ; en effet, quel besoin avait donc LESTER d’employer HESTON, alors qu’il faisait jouer le rôle du Roi par CASSEL ( excellent au demeurant) et aurait pu employer un autre «  frenchie » pour jouer le cardinal ! disons que ce besoin de LESTER allait parfaitement de soi avec la fantaisie, l’impertinence et l’humour passablement déjanté qui caractérisent son cinéma ; de même que DUMAS n’avait cure de «  faire des enfants à l’histoire si ce sont de beaux enfants », LESTER fera donc à son tour de charmants bambins à DUMAS, dans une adaptation de Mc Donald FRASER absolument délirante, ou tous les personnages font preuve tour à tour de bouffonnerie et parfois de stupidité, servis par des comédiens anglo-saxons jouant parfaitement le jeu de la satire et de la comédie !


Tous ?


Tous, sauf un ,évidemment, on aura facilement deviné qui…


Car si HESTON, loin d’être l’insupportable Wasp coincé et rigide que ses détracteurs imaginent, adore la comédie et souhaite au départ rentrer à fond dans la danse de la parodie, il se voit sur ce coup opposer un veto catégorique à ce niveau par LESTER himself ! pourquoi ? Et bien justement, parce que RICHELIEU étant à priori le « méchant » de l’histoire, il n’y a selon le metteur aucune raison de l’aborder sous l’angle de la comédie, mais bien lieu d’en faire, au contraire, cette éminence impitoyable, sans autre scrupule que la défense de l’Etat à tout prix, et dans ce but, RICHELIEU doit être « un antagoniste crédible »,donc exit la tentation du pastiche, il sera joué « straight » et en sera donc, par contraste avec tous les joyeux bretteurs insouciants qui peuplent l’ouvrage, d’autant plus inquiétant !

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Marché conclu entre les deux hommes, qui vont s’amuser comme des fous pendant le tournage, même si les dix jours prévus au départ vont se transformer assez rapidement en quatre semaines, ce que la star accepte de bon cœur ; il échappe ainsi à une situation difficile avec Lydia, son épouse avec laquelle il a failli rompre pour de bon peu de temps avant, et surtout, il vit une expérience de tournage inoubliable, avec une équipe de comédiens de haut niveau !


Tous ( ou presque) sont en admiration devant cette icone hollywoodienne, son charisme et son talent, et Michael YORK lui-même, dans une interview de 2002 pour le DVD sorti cette année-là, ne tarit pas d’éloges sur le personnage HESTON, tout comme son complice FINLAY ( PORTHOS), parlant même de sa troupe de «  jeunes parvenus britanniques confrontés à ce qui se fait de mieux » avec beaucoup de tendresse et d’humour.

 

Le seul de la troupe à ne pas avoir trop tenu compte de la «  gravitas » de la mégastar semble être, et on comprend pourquoi vu son caractère d’éternel trublion, l’ami Oliver REED, qui a justement hérité du rôle d’ATHOS auquel il apportera une profondeur inoubliable ; dès le premier soir, à peine arrivé à l’hôtel, HESTON se verra apostrophé par REED d’un « hey, Chuck ! » retentissant depuis le bar de l’établissement, à l’issue de quoi ils se livreront à une puissante session alcoolique dont REED sortira comme à l’accoutumée, vainqueur, et HESTON particulièrement amoindri, au point qu’il avouera souhaiter «  ne plus jamais être confronté à un acteur britannique dans un bar ! »


L’amusement est une chose et le travail en est une autre, et il faut bien dire qu’à ce niveau, le «  Chuck » sait toujours se faire respecter ; ayant pris la mesure d’un personnage qu’il considère comme « le seul à montrer une réelle intelligence, tous les autres sont des idiots » ( toujours dans la nuance, notre héros…) il va s’employer à faire ressortir toutes ses qualités, pas seulement sa duplicité et sa rouerie, mais aussi son sens aigu du devoir et son respect de l’Etat auquel il voue toute son énergie ; un peu trop grand pour le rôle, il compense ce handicap par une subtile claudication qui l’ « humanise », tout en usant avec talent de sa subtile diction mélodieuse, ou chaque mot semble ciselé et pesé, héritage de son récent vécu théâtral ( il vient de jouer THE CRUCIBLE de MILLER ) et de sa fameuse présence physique naturelle, fort inquiétante effectivement dans ses scènes.


La plupart du temps confronté à Jean-Pierre CASSEL dans le rôle du Roi et surtout à Christopher LEE, excellent ROCHEFORT, il prend un plaisir certain à ces échanges savoureux, et sera particulièrement impressionné par Faye DUNAWAY, qui compose une Milady haineuse et impitoyable ; on voit à quel point le casting conçu et défendu bec et ongles par LESTER porte ses fruits, contribuant tout autant que le choix des décors et des costumes parfaitement délirant, à la réussite totale de cet opus !

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(Jean-Pierre Cassel : Louis XIII)

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(Christopher Lee : Rochefort)


A la fin du tournage, Chuck note d’ailleurs dans ses «  journals » la phrase suivante :


« pour résumer, maintenant que c’est terminé, je serais fort surpris que cette production ne marche pas ; le script est magnifique, tous les acteurs sont bons, et LESTER est encore meilleur, j’ai un très bon feeling sur ce film, vraiment »


Venant d’un artiste qui avoue avec humour s’être souvent trompé sur ses prévisions quand au succès de ses films, le compliment pourrait augurer donc d’un futur échec, mais il n’en sera rien : le film sera un triomphe lors de sa première parisienne, et fera un tabac dans toute l’Europe , avec un début timide aux USA, très vite compensé par un bouche à oreille plus que positif, qui en fera la meilleure recette d’un film européen pour l’année 73, ce qui n’est pas rien !


TOUT est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes ? pas tout à fait, car une légère «  crapulerie » s’est quand même immiscée dans ce tableau idyllique ; en effet, peu de temps après la fin du tournage, constatant qu’ils disposaient d’un métrage de longue durée ( ce qu’ils savaient depuis le départ) les frères SALKIND vont, à la surprise des comédiens impliqués, scinder le film en deux parties pour sortir la première époque fin 73 et la deuxième l’année suivante, choix certes courageux dans le cas où le premier film aurait fait un flop rendant inutile la sortie du deuxième, mais particulièrement contestable vis-à-vis des acteurs prévenus au dernier moment !


La colère de certains ( LEE, DUNAWAY, WARD) sera telle qu’ils refuseront d’entendre parler des brothers SALKIND pendant de longues années, d’autres préfereront adopter une position plus « diplomatique » notamment YORK, et surtout REED et HESTON , qui retravailleront même avec eux plus tard pour THE PRINCE AND THE PAUPER, avec un succès moindre cependant…

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(Rachel Welch : Madame Bonassieu - Geraldine Chaplin : Reine d'Autriche - Faye Donoway : Milady)


AH, les éternelles errances et magouilles du show-biz ! mais comme en tant que spectateurs, nous en ignorons la plupart des mécanismes, contentons-nous d’apprécier pour l’éternité ce petit chef d’œuvre d’humour et de fantaisie, ou la création de RICHELIEU par l’artiste reste une de ses grandes performances des années 70 !

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A MA CECILE, mon éternelle script-girl...

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Commentaires

  • Encore une fois bravo Renaud et merci pour tous ces renseignements précieux et enrichissants concernant la carrière de Chuck. Ce grain de sel est d autant plus intéressant que je n ai pas vu ce film

    Bisous cher maître en Hestoniens.

  • Je suis presque d'accord avec Charlton en ce qui concerne Napoléon. Je crois que c'est Decaux, l'historien qui a dit "la France a survécu malgré Napoléon". Pour Richelieu, je crois qu'il gouvernait avec la reine, le roi étant plutôt effacé ? Je ne connais pas trop, mais je sais que longtemps on a douté que Louis XIV était bien le fils de Louis XIII, et ce n'est que assez récemment que des tests ADN on montré que Louis XVI est le descendant de Henri IV, donc le doute est levé.
    J'ai vu le film, Chuck y est parfait. Parfait en tant que personnage sournois et sérieux au milieu d'une bande délibérément voulue farfelue. Je me suis bien amusée. Merci Renaud de nous dévoiler des petits secrets "behind the scène". J'espère quand même que Chuck a eu le salaire promis, il le mérite, c'est lui qui relève tout le film.

  • Fantastique Grain de Sel !!! Charlton, est celui qui à le mieux interprété le Cardinal de Richelieu (celui du roman). Charlton lui-même disait qu'il n'avait pas la taille du Cardinal. Peu importe. Son physique en imposait, et delà, montre la grandeur, la puissance, l'intelligence et le magnétisme de Richelieu. J'étudie le Cardinal depuis 1993, cet homme me passionne.
    Quant aux autres acteurs c'est un régal de les voire prendre plaisirs à jouer leur personnage. Je me lasse jamais de regarder les deux films.
    Petite parenthèse: Richelieu n'a pas gouverné avec la reine. Louis XIII à gouverné la France avec son ministre principal, le Cardinal de Richelieu.
    Bien à vous. Lauryss

  • Superbe article !!! Je suis en accord parfois au sujet du premier paragraphe concernant Napoléon. Merci de tout cœur de cette pensée au sujet d'Armand-Jean. Bien à vous. Lauryss.

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