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11 - NUMBER ONE, ou HESTON en « anti-héros »

MAJ le 31 mars 2019 

MAJ le 23 mars 2019 

 

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S’il fallait rechercher dans la filmographie de Charlton HESTON un “ bon” film qui n’a quasiment été vu par personne et dont même certains de ses admirateurs ignorent jusqu’à l’existence, on pourrait sans trop s’avancer citer « NUMBER ONE » , production qui ne fut que très peu montrée aux USA et dont la distribution européenne fut pratiquement inexistante, comme pour rappeler à ceux qui feignent de l’ignorer que HESTON ne se contenta jamais, même au sommet de sa gloire, du statut de superstar et fut, à l’instar d’un PECK ou d’un LANCASTER, un artiste inspiré toujours prêt, du moins à ce stade de sa carrière, à prendre les risques qui s’imposaient.

En effet , peu de temps après s’être engagé dans le projet de « PLANET OF THE APES » alors que la plupart des studios avaient trouvé l’idée de «  singes parlants » totalement ridicule et surtout invendable, HESTON remet sur le tapis un projet intitulé au départ «  PRO » soutenu par son ami Walter SELTZER, dont le thème était la fin de carrière d’un footballeur vedette de la NFL dont le parcours jusqu’ici glorieux se trouve compromis par des blessures diverses et surtout son incapacité à s’adapter au monde moderne ; conscient que ce sujet ne risquait d’intéresser qu’une clientèle américaine, et que donc le manque d’impact d’un tel projet sur l’EUROPE ou l’ASIE allait jouer en sa défaveur, les deux hommes décident donc de proposer l’idée, le « treatment » à la nouvelle équipe de UNITED ARTISTS qui vient de se mettre en place et recherche justement des «  peu coûteux » !

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La belle affaire, se disent-ils, et ils ont partiellement raison, car David et Arnold PICKER, superviseurs de tous les projets chez ARTISTS, voient d’un bon œil qu’une star oscarisée accepte de travailler pour eux pour un salaire modeste et un pourcentage sur les profits qui parait plutôt aléatoire…l’agent «  iceman » CITRON va bien sûr s’inquiéter que son poulain tente l’aventure, tout comme il s’était opposé au western WILL PENNY réalisé l’année précédente par Tom GRIES, dont il craignait l’inexpérience ; on peut donc imaginer la tête du cher homme quand SELTZER lui annonce que GRIES mettra aussi en scène l’histoire du footballeur déchu…

Concernant le choix du « metteur », les versions différent, car même si HESTON avait eu le courage de tenter l’expérience GRIES pour WILL PENNY, il n’avait surtout pas eu le choix, car en tant qu’auteur du scénario, GRIES ne voulait pas le vendre s’il ne mettait pas en scène ! pour NUMBER ONE, le cas est différent, car il n’est nullement auteur du scénario, et dans ses « journals » le comédien évoque clairement son envie d’utiliser les talents supérieurs d’un HUSTON et même d’un STEVENS, sans intéresser aucun des deux, et c’est contre mauvaise fortune bon cœur qu’il a fini par marcher avec GRIES ….

Dans ses mêmes « journals » passionnants à plus d’un titre quand on veut comprendre comment se fabrique ou pas un film, il évoque aussi une industrie hollywoodienne en plein chaos, ou la moitié des lieux de tournage et autres «  sound stages » sont quasiment laissés à l’abandon par manque d’activité et chômage technique ; «  la ressortie de BEN-HUR va surtout aider la MGM à payer la note d’électricité de studios désespérément vides », note-t’il pendant l’été 68 ….

C’est donc dans un climat morose et peu dynamique, à une époque ou HOLLYWOOD traverse une crise sans précédent, accentuée par le flop de comédies musicales ou films de guerre hors de prix ( MISTER DOOLITLE, STAR, TORA TORA TORA) que ce petit film UA va se construire, dans l’indifférence générale, il faut bien le dire !

HESTON, toujours très professionnel dans ses choix et ses recherches, va se lancer dans la préparation du film avec deux objectifs : en savoir autant que possible sur le football américain ( souvenir de jeunesse pas forcément grandiose puisqu’il s’est cassé le nez lors d’un match)et surtout parvenir à une condition physique acceptable pour rivaliser avec les vrais pros ( du moins à l’écran) et donc être crédible pour le public !

Ainsi que l’explique son biographe Marc ELIOT, le comédien possède à l’époque le corps certes musclé d’un joueur de tennis de bon niveau, mais pas du tout le torse et les épaules d’un joueur moyen de la NFL, va falloir travailler ! et voilà notre héros obligé de suivre un training à la LANCASTER, mais sans avoir forcément l’aisance naturelle requise ; qu’importe, il va apprendre, travailler, écouter, lancer le ballon, plaquer, le tout deux heures par jour cinq jours par semaine pendant deux mois, sans jamais se plaindre, devenir proche de l’équipe des NEW ORLEANS SAINTS engagés pour le tournage et qui ne tariront pas d’éloges sur la simplicité de la star et sa volonté farouche… de ne pas être ridicule ! ET il ne le sera pas, grâce à cette préparation difficile, et aussi l’aide du comédien Bruce DERN appelé à jouer un second rôle important, qui va carrément lui apprendre à courir pour éliminer son surpoids, obsession de l’acteur à l’époque, non par narcissisme, mais par besoin de préserver une apparence correcte pour les fans qui le font vivre !

LE tournage, réduit contractuellement à quatre semaines, peut donc commencer sans trop de soucis, sauf que le comédien va se retrouver confronté à un de ses démons intérieurs : maintenant qu’il a saisi l’apparence ( outer se) du personnage et son background social, comment définir le vrai caractère ,le «  inner se »de ce CATLAN qu’il avoue dans ses « journals » tout simplement «  ne pas comprendre » !

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BRUCE DERN

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En effet, il a déjà joué des personnages habités, ou névrosés, ou antipathiques, c’est même une de ses caractéristiques, mais ce CATLAN, obsédé par lui-même, réclamant l’attention de son épouse alors qu’il ne s’intéresse pas à son travail, tentant une liaison avec une femme plus jeune pour oublier qu’il prend lui-même de l’âge, refusant toute réinsertion même honorable, lui échappe, il ne le comprend pas, et surtout, il ne l’aime pas vraiment ; or, il dira lui-même souvent, pour bien jouer un personnage, il faut l’apprécier un minimum ; il va donc tenter de se l’approprier, mais sans réussir totalement à l’incarner, du moins selon ses critères élevés…

UN autre souci, celui-là lié à une dualité typiquement « hestonienne » va aussi faire jour, c’est le sens à donner à « son » film, doit-on se contenter d’une approche documentaire expliquant au public ce qu’est la vie d’un sportif pro américain, ou doit-on se servir de l’histoire comme pour symboliser les défauts d’une société américaine fondée sur le pouvoir de l’argent et qui laisse impitoyablement sur le carreau tous ses « losers », même magnifiques ?

HESTON, qui est à l’époque dans le clan des libéraux, est loin d’ignorer les tares et les vices Du système en question, mais contrairement à un LANCASTER qui au même moment produit avec THE SWIMMER une dénonciation féroce de l’ « american way of life », ne souhaitera pas aller aussi loin, car s’il tente de comprendre le cas de cet individu qui s’isole peu à peu du milieu qui l’a nourri, il n’est pas à l’aise avec la notion de «  loser » qu’il perçoit comme dangereuse et débilitante, c’est trop pour lui, et il va tout faire pour que le film reste un constat amer, sans pour autant remettre en cause le système qui a construit CATLAN ; d’ailleurs, Elia KAZAN, intrigué par ses choix du moment, et voyant en lui un pessimiste qui finalement n’existe pas vraiment, se verra opposer un refus cinglant quand il lui proposera le premier rôle de son nouveau film, «L’ARRANGEMENT », ce qui n’est pas étonnant «  it’s a loser’s story, with a loser for protagonist » !

 

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               (avec Jessica Walter)                                                                                    (avec Diana  Muldaur)

 Cependant, même si on touche avec ce film les limites de l’engagement social et sociétal de la star, on ne peut qu’admirer l’aisance avec laquelle il pose le personnage de CATLAN, et ce dès le début du film, sans utiliser les effets qui lui ont servi si bien jusque là ; tour à tour violent et buté, doux et compréhensif, capable, et c’est un peu une nouveauté, de parfaitement ciseler son jeu dans les nombreuses scènes avec ses deux excellentes partenaires féminines, Jessica WALTER et surtout Diana MULDAUR, physiquement crédible dans les scènes de match comme dans les dialogues avec le cynique Bruce DERN, il n’est pas loin du sans-faute, dans la droite lignée de WILL PENNY, ou il fut tout aussi remarquable en héros westernien vieilli et vulnérable, ce qui est aussi le cas ici. C’est un grand rôle, indubitablement !

Ce que l’on peut reprocher au film, ce n’est pas tant le jeu des acteurs, ou la construction logique et implacable d’un scénario qui pourrait s’intituler «  la chute d’un héros » mais plutôt la mise en scène finalement souvent statique et mollassonne de GRIES, qui ne laisse pas, et c’est dommage, le film s’envoler sur la fin, et ne met pas assez en valeur un dénouement pourtant bouleversant ; quand CATLAN git, blessé au sol après ce qui aura été le match de trop, on pourrait espérer une réalisation qui soit digne du tragique de la situation, mais GRIES s’y refuse en se concentrant sur le visage dépité de l’épouse ( WALTER) et un panoramique arrière assez convenu, on ne peut que rêver à ce qu’un HUSTON ou un WYLER auraient su faire d’un tel matériau !

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Ces réserves étant faites, on ne peut que louer l’artiste et ses collaborateurs d’avoir cru en cette histoire finalement dérangeante et originale, à une époque ou le cinéma américain n’en avait plus que pour les films de jeunes à la EASY RIDER ou les polars cyniques à la BULLIT ; et franchement, si les films précités ont bien mieux fonctionné au box-office du moment, il est amusant de constater à quel point ils nous paraissent aujourd’hui souvent datés et lourdingues, là ou justement, des « petits films » comme NUMBER ONE et THE SWIMMER, pour n’en citer que deux, ont gardé toute leur pertinence et leur force émotionnelle…

A CECILE …

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Commentaires

  • Je n ai pas vu ce film, merci cher Renaud pour ce beau et intéressant document., partage d un jeu de Chuck inhabituel. Il y paraît très humain et la relation que vous en faites, cher ami Renaud, m'a émue.....
    J y ai retrouvé aussi la grande conscience professionnelle de Chuck.
    Bises Renaud.

  • Chère Christiane, j'ai reporté ici, votre commentaire FB, destiné à Renaud. Bisous.

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