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18 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

 

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« Le film le plus difficile que j'aie jamais fait ! »

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SS UNITED STATES (photo Wikipedia)

Ce fut une longue croisière luxueuse, plus semblable à des vacances de millionnaire qu'à un trajet professionnel. Le SS United States était jonché de banderoles et ses passagers étourdis par le champagne millésimé tandis que les Heston voyaient la Statue de la Liberté pour la dernière fois dans les dix prochains mois.

La traversée de l'Atlantique fut paisible, et si Charlton avait pu prévoir le temps très dur à venir, il se serait sans doute délecté de chaque moment de liberté dont il pouvait jouir pour l'instant. L'ambiance de vacances prit cependant fin une fois débarqués à Southampton. Les Heston montèrent dans le train pour Londres et se retrouvèrent assiégés par les journalistes, prévenus par MGM qui avait effectivement organisé une difficile campagne de publicité avant même que les caméras n'aient commencé à tourner à Rome. Même quand Charlton et sa famille arrivèrent au Dorchester Hotel – son hôtel Londonien préféré – il devait encore repousser des questions sur un film qu'il n'avait même pas commencé à faire.

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Dorchester Hotel  (photo Google)

Après d'autres appels de la presse à Londres, il prit l'avion pour Dublin afin d'y rencontrer les journalistes, et ensuite, en route1 pour Rome, ils s'arrêtèrent à Paris pour rencontrer la presse Française. Il se passa presque un mois entier entre leur départ de Londres et leur arrivée en train à Rome.

La Stazione Terminale2 bouillonnait de fans et de journalistes italiens. Quand le train s'arrêta et que Charlton Heston apparut, un cri surgit de la foule : « C'est Moïse ! C'est Moïse ! » un véritable assaut s'ensuivit.

Les Heston furent emmenés dans des Cadillacs qui les attendaient hors de la gare vers la somptueuse villa où ils vivraient dans la splendeur et le luxe pendant les dix prochains mois. Ils eurent sûrement l'impression qu'ils étaient déjà sur le plateau de tournage de Ben-Hur. La villa était étonnamment antique avec son sol en marbre, ses plafonds en arches sculptés de bas-reliefs et ses rangées de fontaines et de statues.

Le lendemain – l'anniversaire de Lydia – ils allèrent au restaurant d'Alfredo où ils étaient allés six ans plus tôt pour la première fois pendant qu'ils étaient en tournée pour le film sur le cirque. Maintenant, il allait apparaître dans le Cirque romain !

Il restait un mois avant le début du tournage, mais Charlton avait déjà du travail à faire. Sa première tâche était d'apprendre à conduire un chariot grâce à l'aide du célèbre cascadeur et réalisateur de films d'action Yakima Canutt. Un an avant que Charlton ne pose un pied sur le plateau de tournage pour le cirque, un millier d'ouvriers avaient commencé à construire l'incroyable arène, qui était à l'époque le plus grand plateau de tournage jamais construit pour un film. Il fut construit sur une carrière de pierre tout au fond des Studios de Cinecitta, où le film devait être tourné, couvrant une surface d'environ 7,2 hectares3. Le directeur artistique Edward Carfagno l'avait dessiné sur le modèle du cirque antique d'Antioche, où se passe la course dans le film.

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Le sol de la piste construite sur une base en pierre, était couvert de 40 000 tonnes de sable blanc importé depuis les plages méditerranéennes. Derrière le plateau se trouvaient des bâtiments pour les loges, des tentes pour le maquillage et une cantine prête à servir 5 000 personnes en 20 minutes.

Une piste d'entraînement spéciale, de la même taille que celle du lieu de tournage, fut créée de sorte que Charlton, son partenaire Stephen Boyd et sept cascadeurs Hollywoodiens puissent passer les 4 à 6 prochaines semaines à s'entraîner pour être auriges.

La course était comme un film en lui-même, avec un script de 35 pages parfaitement distinct du reste du film, préparé par Yakima Canutt, décrivant chaque action et chaque cascade. 70 chevaux venus de Yougoslavie et 8 de Sicile furent importés à Rome pour être dressés par Glenn Randall six mois avant le début du film. Au moment de commencer à travailler avec eux, ils savaient bien mieux ce qu'ils devaient faire que lui-même.

Canutt fit débuter Heston avec un équipage relativement docile pour s'entraîner. Il grimpa dans un chariot aux côtés de Charlton qui manœuvrait frénétiquement les rênes tout en essayant de ne pas avoir l'air terrifié. Yak finit par descendre sans un mot du chariot tandis qu'Heston, qui ne savait pas qu'il était maintenant tout seul, parcourait la piste à toute vitesse. Certain que son élève aurige s'en sortirait avec l'antique véhicule, Yak dit à William Wyler qu'Heston n'aurait pas besoin de doublure pour le tournage. Tandis que l'assurance d'Heston aux commandes du char grandissait, Canutt lui donna un équipage moins docile jusqu'à ce qu'enfin, tous les auriges furent prêts à répéter la scène dans le véritable décor.

« écoutez les gars, » dit Yak aux cascadeurs, « faites que ça ait l'air rapide, dangereux et bien, mais laissez Chuck gagner, c'est clair ! »

Quand Charlton exprima ses inquiétudes à l'idée de faire la course face à tous ces cascadeurs expérimentés, Yak lui assura, « ne t'en fais pas. Je te garantis que tu vas gagner. »

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Pendant qu'Heston apprenait à être aurige, William Wyler travaillait frénétiquement sur son script, essayant de le rendre réalisable4 - une grande partie des dialogues était insipide et certaines scènes n'étaient pas encore abouties. Karl Tunberg avait écrit le script original, mais vu tout le travail qu'il y avait à faire dessus, Wyler, à la demande de Sam Zimbalist, fit venir Gore Vidal à Rome pour le réécrire. Wyler n'était cependant pas satisfait et le dramaturge Christopher Fry se retrouva sur le plateau à Rome et resta tout au long du tournage. Ce fut une décision cruciale d'après Heston, qui le mena dans une petite controverse plusieurs mois après la fin du tournage.

Pour ce qui est du tournage en lui-même, il me dit :

« J'étais bien au courant des deux ou trois scènes où Vidal proposa ses versions, et aucune d'elles ne me semblait remarquable. Aucune d'elles ne fut filmée, quoiqu'en dise Vidal.

Si je me souviens bien, ce n'est pas Willy qui suggéra Christopher Fry. C'est Sam Zimbalist, le producteur, qui le suggéra, et dès que Fry arriva, il s'entendit très bien avec Willy, et visiblement, le travail qu'il présenta était en tout point supérieur.

En terme du nombre total de pages, une bonne partie était encore celles de Karl Tunberg qui avait réalisé la version que Willy avait acceptée lorsqu'il avait signé le contrat 6 ou 7 mois plus tôt, mais beaucoup de répliques-clés étaient de Fry.»

Pendant les mois qui suivirent, il partagea son temps entre tourner la scène de la course et le travail avec Wyler auprès de l'équipe de tournage principale. Son premier véritable travail d'acteur pour le film fut sa séquence d'ouverture avec Stephen Boyd interprétant son ami d'enfance Messala. Après avoir répété encore et encore et avoir tourné prise après prise, Charlton commença à penser que, comparé à cela, tourner la scène de la course de char était une partie de plaisir. Wyler avait été strict pour Les Grands Espaces, mais là, il semblait que rien de ce que pouvait faire Charlton pouvait satisfaire Wyler. Il n'avait jamais travaillé, et n'a plus travaillé depuis, avec un réalisateur aussi exigeant.

D'après lui :

 « Travailler pour lui est vraiment épuisant. Il travaille avec obstination sur une idée sous tous les angles envisageables jusqu'à ce qu'il ait ce qu'il veut, semblant parfois n'avoir aucune considération pour les autres personnes impliquées. Avec Willy, il est normal de tourner une scène 10, 15, parfois 20 fois, ce qui peut particulièrement affecter les acteurs dans le sens où ses prises ont tendance à être très, voire trop longues.»

Comme Wyler n'avait toujours pas ce qu'il voulait de cette scène d'amitié, Chuck lui dit : « Willy, je ne vois juste pas ce qu'on peut en tirer de plus, je suis vraiment perdu. »

Wyler lui répondit : « Je sais, mais c'est notre seule chance de montrer que ces deux hommes sont amis. Si le public ne croit pas qu'ils s'aiment, alors le fait qu'ils en arrivent à se détester ne l'intéressera pas. »

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Dans une tentative de mener cette scène à sa fin de façon satisfaisante, Charlton tapa à la machine une longue note à Wyler pour lui soumettre ses idées sur la scène et les personnages. C'était une effroyable erreur. Wyler n'acceptait pas que ses acteurs prennent ce genre d'initiative, et Heston fut dans la liste noire de Wyler les semaines qui suivirent, et il était plus difficile que jamais à satisfaire. Il alla jusqu'à dire à Heston qu'il ne tirait rien de tout le potentiel du personnage. Il était particulièrement sévère envers Heston dans les scènes où il devait faire plus qu'écouter et réagir aux répliques des autres acteurs.

Charlton ne s'était jamais autant senti sous pression auparavant, et il lutta durement pour satisfaire son réalisateur. Il finit par réaliser que Wyler le faisait exprès, le poussant quasiment à donner ce qui s'avérera être la performance de sa vie. En fait, Wyler étonna Heston une fois, après la scène dans la prison quand Ben-Hur supplie Messala de libérer sa famille. Son interprétation fut si bonne que l'équipe de tournage applaudit spontanément – et Wyler se joignit à eux. Wyler ne lâchait cependant jamais ses acteurs, encore moins Heston qui, après tout, portait tout le film sur ses épaules. Si son travail était mauvais, tout le film s'écroulerait.

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Après une journée absolument harassante, Wyler avoua à Heston : « j'aimerais vraiment être un gars gentil sur le plateau, mais je ne pourrais pas faire un bon film de cette manière. » Heston réalisa alors que, bien sûr, si quelqu'un était sous pression, c'était Wyler. Heston dit :

 « La pression sur lui pendant le tournage était tellement énorme. Il avait tellement de bandes de films que lui et la seconde équipe sur la course de chars avaient filmées, qu'il se sentait totalement dépassé et ne prenait pas le temps de les regarder. Bien sûr, il finit par prendre le temps de regarder les « quotidiennes », et rien que cela prenait des heures et des heures. Il n'y  avait aucune raison de rester là à les visionner.  Il faut savoir être créatif.»

C'était presque un soulagement de retourner auprès de la deuxième équipe pour continuer à filmer la scène de course de char. Wyler laissa Canutt enregistrer toutes les prises majeures de la scène, ne s'impliquant que pour les gros plans sur Heston et Boyd, transformant la course non pas seulement en un spectacle, mais en un conflit entre deux hommes. Dans les faits, la majeure partie de la course est constituée de ces gros plans de deux acteurs frénétiques et terrifiés.

La seule scène digne d'attention de la course dans Ben-Hur que Charlton n'ait pas faite lui-même fut le fameux saut au-dessus des chars démolis. Elle fut faite par le fils de Canutt, Joe. La cascade fut méticuleusement préparée, mais comme la plupart des cascades, impossible de savoir si ça allait marcher avant d'avoir essayé. Une petite rampe cachée fut placée pour que le chariot décolle. Yak ordonna fermement à son fils qu'au moment du saut, il se tienne à la rampe non pas devant, mais loin derrière avec les mains éloignées l'une de l'autre, sinon il était probable qu'il serait éjecté vers le haut et probablement sa mort.

Joe sauta dans le char et parcourut la piste tandis que Yakima était assis derrière la caméra. Tandis que son fils approchait de l'épave, le cœur de Yak faillit s'arrêter. Il vit que les mains de Joe étaient proches l'une de l'autre sur la rambarde avant. Les chevaux sautèrent, le char frappa la rampe et décolla. Joe s'envola dans les airs, tournoya comme une crêpe et s'écrasa au sol. Il survécut miraculeusement.

Bouleversé par l'accident presque fatal de son fils, mais ravi de ce qu'il avait enregistré, Canutt filma quelques plans rapprochés d'Heston remontant dans le char et coupa la prise de Joe de sorte qu'Heston ait l'air d'avoir été retourné mais pas éjecté, réussissant tant bien que mal à remonter dans le char encore à pleine vitesse et gagne la course.

 (j'ai fait quelques captures d'écran de cette fameuse chute qui faillit coûter la vie à Joe Canutt  suivie de la reprise de la course par Charlton Heston)

Une fois la course enfin achevée, Heston commença à travailler sur une toute nouvelle partie du film, incluant une nouvelle équipe secondaire, cette fois dirigée par Andrew Marton dont le travail était de tourner les séquences d'esclaves sur la galère et la bataille navale.

La première scène d'Heston dans cette partie du tournage était jouée dans la villa romaine de Quintus Arrius, joué par Jack Hawkins. La villa était une splendide construction, rehaussée de 5 fontaines alimentées par presque 15 kilomètres5 de tuyaux. Il lui fut simple de travailler avec Hawkins qui, dans cette scène, adopte Ben-Hur et le prend pour fils. Il y avait beaucoup de choses dans la vie de Charlton ainsi que dans l'élocution pleine d'émotion d'Hawkins qui rendirent ses réactions au discours d'Arrius sincères et convaincantes.

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Tourner la scène des galères fut le travail le plus difficile qu'Heston ait accompli jusque là. Le plateau était confiné et la chaleur insoutenable. Son dos lui faisait mal quand lui et les autres figurants devaient effectuer des séries éreintantes de changement de vitesse.

Pour les scène de galère en extérieur, on creusa un lac artificiel avant d'y placer deux galères grandeur-nature. Les plans d'ensemble de la batailles furent également filmés sur le lac en utilisant des galères miniatures convaincantes.

Vers la fin du tournage, en automne 1958, Sam Zimbalist mourut brutalement d'un arrêt cardiaque. William Wyler prit en charge toute la production et fut généreusement payé pour cela. Il valait chaque pièce qu'il reçut. Peu de temps après la mort de Zimbalist, la nouvelle parvint que Tyrone Power était mort sur le tournage de Salomon et la Reine de Saba6 en Espagne. Charlton fut vivement secoué et commença à s'inquiéter de sa propre condition physique. Le fait est qu'il était éreinté.

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D'après ses propres mots :

«Je crois que Ben-Hur est le film le plus difficile que j'aie jamais fait, tout simplement parce que c'est celui sur lequel j'ai travaillé le plus longtemps. On commence à voir que l'on s'épuise. On a tourné pendant 9 mois, et ce n'était pas comme le Cléopâtre de Burton et Taylor où ils restent là assis. Nous tournions tous les jours, 10 à 12 heures par jour, six jours par semaine – parfois sept – et j'étais dans l'équipe principale et l'équipe secondaire. Quand je ne travaillais pas pour Wyler dans l'équipe principale, je pilotais un char ou ramais sur une galère. Je ne plaisante pas en disant que je travaillais tous les jours, toute la journée. Et vers la fin, disons vers le septième mois, j'en étais sincèrement arrivé au point où, tandis que l'on me conduisait en limousine au travail, je m'allongeais sur la banquette arrière en me disant : « Voyons, si je meurs ou que je me casse la jambe, pourraient-ils finir le film ? Je me demande comment ils tourneraient mes scènes. Ils pourraient utiliser une doublure qu'il faudrait encadrer dans son travail7. Et puis ils n'ont pas vraiment besoin de moi pour cette autre scène. » Quand j'achevais enfin une scène dont ils avaient absolument besoin, je me disais : « Mon Dieu, faites qu'ils terminent le film, s'il-vous-plaît. »

Je crois que c'est le seul film de ma carrière à la fin duquel je sentis non seulement mon énergie physique, mais mon énergie créative commencer à s'épuiser.

Je dirais – et j'ai entendu Olivier le dire, et je n'ai pas peur de répéter quoi que ce soit avec lequel Laurence Olivier est d'accord – qu'un ingrédient très important pour un acteur à succès, et sûrement aussi un réalisateur à succès, c'est l'énergie physique et une bonne santé, car on n'a pas simplement besoin d'être présent, mais d'être au mieux de sa forme. Si on n'est pas au sommet de sa forme, on ne peut pas faire un bon travail, il faut donc bien dormir la nuit – Je peux dormir n'importe où, dans une limousine, une chaise de maquillage, le dossier d'un break, malgré le bruit des micros ou sur une falaise – pour ne pas m'épuiser, et être présent et en bonne santé. Ça n'a peut-être pas l'air très glamour ni très inspirant, mais croyez-moi, ça compte.»

Enfin, en janvier 1959, il en avait fini avec ce film. Il dit alors

«Neuf mois est une durée exceptionnelle pour le tournage d'un seul film. J'avoue que j'étais soulagé que cela soit fini. C'est comme l'alpinisme, c'est dur quand on y est, mais ça laisse un sentiment d'accomplissement. Je ne serai cependant pas satisfait avant d'avoir vu la version finale du film

Quand il vit le film achevé, il fut ravi, et se dit que finalement, ça valait tout le sang et la sueur qu'il cracha sur le sable italien. S'ensuivit une fabuleuse série de premières8, notamment une Première Royal au Empire Theatre au Leicester Square de Londres. Les critiques américaines aimèrent sans doute le film, mais les journaux londoniens l'acclamèrent.

Certains d'entre eux allaient ainsi :

c'est l'épopée ultime… réfléchissez à tout ce que vous attendez d'un film, ce sera dans Ben-Hur. Il a aussi quelque chose que vous n'avez jamais vu auparavant. La course de char est la scène la plus palpitante depuis la naissance de l'image mouvante… Une chose m'inquiète : Comment diable quelqu'un pourrait-il un jour surpasser Ben-Hur ? (Daily Herald)

Fabuleux ! … Vous serez ému aux larmes. Vous nerfs seront tendus au point de crier. Vous allez vous émerveiller. Un film puissant qui amène courageusement, puissamment, honorablement et avec bon goût une histoire du Christ à l'écran… Vous ne regardez pas un film. Vous en faites l'expérience – le plus grand accomplissement possible pour un film. (Daily Mirror)

Ben-Hur force à se lever pour applaudir. Est-ce qu'un autre film dépassera un jour un si superbe engouement ? Je ne crois pas. (Evening News)

D'autres revues étaient truffées de compliments de ce genre : « une superbe histoire magnifiquement racontée » (Daily Telegraph) ; « Il marquera l'histoire du cinéma » (The Times) ; « un phénomène cinématographique » (Daily Express) ; « jamais les instants les plus émouvants de l'histoire humaine n'ont été racontés d'une manière plus émouvante » (The Star) ; « le récit a un enthousiasme inspiré, une étrange magie » (People).

Peut-être que le News of the World résume au mieux en écrivant : « un chef-d’œuvre – c'est Ben-Hur. Il faut le voir. »

Charlton était à New-York, chancelant sous le poids de The Tumbler, et prenant plaisir à être dirigé par Laurence Olivier, mais souffrant face à la réception critique et commerciale de la pièce, quand Bill Blowitz lui téléphona.

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« Chuck, je viens de l'apprendre : tu es nominé aux Oscars pour Ben-Hur. »

« Bon, Bill, dit Charlton, c'est vachement bien. »

Et cela le fut encore plus durant la grande soirée où Susan Hayward lut à voix haute son nom comme Meilleur Acteur de l'année. Heston embrassa Lydia et se fraya un chemin jusqu'à la scène, luttant contre une soudaine peur de la scène. Il arriva, dégoulinant de sueur, pour récupérer la statuette, et remercia William Wyler, MGM, Yakima Canutt, les membres de l'Académie et Christopher Fry. Il ne le sut pas tout de suite, mais la simple mention de Fry à la cérémonie des Oscars fit bondir sur leurs machines à écrire le président et le comité du syndicat des scénaristes américains9 pour protester contre10 l'audace d'Heston.

Ce qu'il se passa, c'est que le syndicat des auteurs, dont ne faisait pas partie Christopher Fry, refusa de laisser Fry apparaître dans les crédits de Ben-Hur, ce qui fit que seul le nom de Karl Tunberg apparut. Le scénario reçut une nomination, mais l'Académie, reconnaissant le refus du syndicat d'accorder le moindre crédit à Fry, ne vota pas pour le scénario de Ben-Hur. Cela n'empêcha cependant pas le film de décrocher l'Oscar du Meilleur Réalisateur et du Meilleur Film, ramassant au total onze Oscars, plus qu'aucun autre film avant ou depuis11.

Les journaux firent couler pas mal d'encre grâce à la lettre de protestation du syndicat que reçut Heston, la publiant ainsi que sa réponse. Heston y était en effet insensible et refusait légitimement de s'excuser. Il me dit ainsi :

 «D'après moi et d'après Wyler, c'était une écœurante injustice de nier le crédit de Fry, et c'est clairement la seule raison pour laquelle Ben-Hur n'a pas décroché les douze Oscars pour lesquels il était nominé. Le seul qu'il ne gagna pas est celui du meilleur scénario, et il est de notoriété publique parmi l'Académie que Fry n'avait reçu aucun crédit, et c'est pour cela qu'ils ne voulurent pas voter pour Karl Tunberg

Mais le plus important pour Charlton est qu'il en est sorti avec un Oscar à la main, une récompense qui, depuis quelques temps, tend à être dénigrée par certains. Pour Heston, cependant, c'était un moment auquel il aspirait, où l'on reconnaissait ses qualités d'acteur. Quand je lui ai demandé ce que cet Oscar signifiait pour lui, il me répondit :

« quelque chose d'énorme ! Quelque chose de vraiment énorme ! Évidemment, ça signifie beaucoup d'argent, mais je pense que la raison pour laquelle les Oscars sont particulièrement importants pour les gens de l'industrie du cinéma, c'est qu'ils représentent l'opinion de leurs pairs.

Les autres récompenses sont distribuées par des jurys ou des critiques et c'est très agréable de les recevoir, mais l'avis de gens qui font le même métier est ce qu'on veut le plus, et c'est ce qu'est l'Oscar.»

Et c'est là ce qu'avait Charlton Heston.

 

1En français dans le texte original

2En Italien dans le texte original. Désigne la gare de Rome-Termini.

3« 18 acres » dans le texte original

4« shootable » dans le texte original, un mot non-officiel mais simple à comprendre pour les Anglais.

5« 9 miles » dans le texte original

6Solomon and Sheba

7« They could use a double, sort of over the shoulder »

8En français dans le texte original

9Writers guild of America

10« aganst » dans le texte original, probablement une faute de frappe.

11Il partage désormais le trône avec deux autres films comptabilisant eux aussi onze Oscars : Titanic (1998) et Le Seigneur des Anneaux : Le Retour du roi (2004)

Commentaires

  • En terminant la traduction d Adrien ,je suis sous le charme ....
    Ce texte, très intéressant et alerte, fourmille de détails passionnants sur Charlton ,pris dans le tournage de ce film phénomène que fut Ben Hur ....
    Le côté extraordinaire, le travail fourni ,les qualités exceptionnelles de ce tournage sont fort bien décrites et incitent à l émerveillement ....
    Un grand bravo et un immense merci à Adrien ....

  • Merci chère Christiane d'être la première lectrice de cette suite.... Vos compliments iront droit au coeur d'Adrien.
    Oui, le tournage de ce film est insensé et en lisant tout cela, nous comprenons mieux le jeu de Charlton Heston, tout ce qu'il a mis dans son personnage au point qu'il est devenu, avec beaucoup de souffrances, Judah Ben Hur. C'est bouleversant.
    Bisous à vous et merci pour mon Adrien.

  • Ben Hur ! Nous voilà dans le " Saint des Saints" !
    Merci Adrien, je revois certaines scènes en lisant votre super traduction !

    Quelle émotion, le tournage fut difficile, le film fut grandiose et là je dirais : "vraiment, la fin justifie les moyens" !!

  • Encore un très bon travail de traduction, qui met en valeur ce que Michael a voulu exprimer dans son chapitre, à savoir l"incroyable énergie, la créativité artistique et l'Amour du cinéma que ces "epics" de l'époque pouvaient représenter...

  • On ressent très bien l'impatience, la volonté de bien faire, l'extrême professionnalisme de Heston, et cela l'amène parfois à un de ses "dérapages" habituels, comme de dire que leur travail acharné sur"Ben", c'était autre chose que rester assis six mois comme Burton et Taylor sur"Cléopâtre"..mais sa mauvaise foi devient presque sympathique! Et on sait très bien que Burton bossait dur, juste différemment!
    Super Adrien, continue comme ça!

  • Superbe traduction de votre petit fils , depuis le début j'attendais ce passage , c'est la 11ème fois que je le relis depuis vendredi , je p'ai lu 11 fois symboliquement en faisant référence aux 11 oscars de BEN HUR , puis j'arrivais à la onzième lecture plus je comprenais que ce film méritait chaque statuette . Pour mes parents ce film était vraiment beau et on sens en regardant ce film , l'effort accompli par les acteurs et par l'équipe de tournage . Les 11 lauréats méritaient leur statuettes .j'ai jiste un regret c'est de savoir que le 12eme oscar du meilleur scénario fut attribué que par défaut à Room at the top car Ben Hur avait la meilleur histoire . Ce que j'aime beaucoup dans ce livres c'est les paroles qui y sont rapportés notamment ceux de Charlton, celui ci s'est donné corps et âme pour ce film et à la fin il a été bien récompenser. Quand à l'exigence et la sévérité de Wyler face à ses acteurs , Hesron n'était pas le seul , il est à ce jour le réalisateur ayant fait tourné 8 futur acteurs oscarisé, d'ailleurs j'avais vu une interview de lui où il disait qu'avant chaque tournage il garantissait à chacun de ses acteurs la récompense suprême .

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