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1 - BIBLIOGRAPHIE - Page 17

  • UN GRAND PROJET ...

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    Mes chères Amies et Chers Amis,

    Ce petit message pour vous informer que je me mets en congé du blog et de notre groupe, pour au moins une quinzaine de jours.

    Surtout pas d'inquiétude, je reviendrai.....

    La raison est très claire. Renaud, Adrien et moi avons un grand projet que nous pensons concrétiser d'ici quelques mois (certainement avant l'été. )

    Seulement, pour arriver à mener jusqu'au bout ce beau projet, il me reste pas mal de travail à faire et je crois qu'il en est de même pour Renaud.

    Quelques mots sur ce projet. Nous avons contacté une maison d'édition pour faire imprimer, éditer et distribuer la traduction par Adrien de la biographie de Chuck par Michael Munn, les Grains de sel de Renaud et ma traduction du livre de Charlton Heston : "Beijing Diary", le tout en un seul volume. Nous avons l'accord de la maison d'édition.

    Vous pouvez vous imaginer le travail de relecture, corrections éventuelles, mise en page, illustration avant de déposer notre "Oeuvre", sans compter que je n'ai pas fini la traduction du livre, mais j'approche de la fin.

    Je crois que Renaud a encore un beau Grain à nous offrir. Ensuite, je pense que nous serons fin prêts pour l'édition sans vouloir mettre la charrue avant les boeufs !

    Demain, Adrien vient travailler avec moi sur la mise en page.

    D'ores et déjà, nous aimerions savoir si vous serez intéressés par cette future édition et pour l'acheter.

    Enfin un livre en français concernant Charlton !!!!

    Si le projet aboutit, les livres seront distribués sur les sites marchands habituels (AMAZON - FNAC etc...)

    Je compte sur vous pour que le groupe continue sans moi pendant quelques temps, ce qui ne m'empêchera pas de venir vous faire un petit coucou....

    Votre avis nous intéresse..... Merci et bisous à tout le monde

  • 45 - Mercredi 26 OCTOBRE 8e jour de la visite USIA

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    Vol pour SHANGHAI

    Voyager pour le plaisir (et cette fin de voyage l'est en partie), n'a commencé qu'il y a un peu plus d'un siècle. Avant cela, il n'y avait pas de touristes.  On ne sortait de chez soi que si les Vandales se montraient sur les collines ou si les drakkars vikings s'échouaient sur la plage, avec l'intention de violer et de piller.  Il y avait, bien sûr, ces bourlingueurs qui avaient la bougeotte et qui voulaient découvrir le Nouveau Monde ou conquérir la France, ainsi que quelques aventuriers comme Hérodote et Gibbon... et Marco Polo. A part cela, les gens restaient largement chez eux. 

    Au milieu des années 1900, les Anglais qui pouvaient se le permettre, ainsi que quelques Américains, entreprenaient le "Grand Tour", carnet de croquis à la main, afin de mémoriser les pyramides, le Forum romain et le Grand Canal. Les touristes prévoyaient le luxe, mais s'accommodaient souvent de conditions de vie déplorables. Aujourd'hui, bien sûr, la planète tourne sous nos pieds, tant nous sommes avides de destinations lointaines. 

    Dieu sait que j'ai fait plus que ma part de voyages, presque tous pour gagner ma vie ou assister aux guerres auxquelles on m'a demandé d'aller. Au fil des ans, j'ai enduré les problèmes habituels des voyageurs : l'Odyssée des bagages perdus, ou "Je suis allé à Indianapolis, mais mon sac est allé à Istanbul" ; le Décathlon de la diarrhée durant la plupart des jours passés à plat sur le dos dans un endroit éloigné. Les voyages en avion constituent une catégorie majeure. Aujourd'hui, nous avons gagné le prix de la pire expérience personnelle. 

    Ça semblait être un jeu d'enfant. Un départ à midi, ce qui nous permettait de faire un peu la grasse matinée (je suis encore en train de me remettre du programme de Caine), des bagages faciles à faire, une heure et demie pour Shanghai, où un programme complet d'interviews et de séminaires nous attendait, mais pas plus qu'une bonne journée de travail.
    Mme Xie et Barbara Z. étaient sceptiques. (Bon nom pour une agence de voyage là-bas : "Xie & Z. Le monde à vos pieds.") "Partons un peu plus tôt... on ne sait jamais s'il y aura des complications", ont-elles dit.

    "On ne pourrait pas juste téléphoner ?" Non, ce n'est pas une bonne idée. Nous sommes donc partis tôt pour l'aéroport, dans notre fourgon bleu rempli de sacs, et nous, dans une grande perspective d'imprévus. 
    L'aéroport de Xi'an est petit, avec un modeste parking.  "Vous attendez ici dans la voiture, nous allons vérifier quelque chose", dit Barbara. J'ai remarqué qu'elle n'a pas dit "vous enregistrer",  donc elle était entrain de faire une reconnaissance. Ce n'est pas bon signe. Elle est revenue  vingt minutes après : " Le vol pour Shanghai a trois heures de retard, "

    "OK", ai-je dit, toujours aussi philosophe. "Ça nous laisse le temps de retourner en ville et de prendre un bon déjeuner." Non, non, non... pas possible. L'avion peut en fait arriver à tout moment. Nous devons être prêts. "Eh bien, allons manger un morceau dans le salon de thé de l'aéroport. "Il n'y en avait pas, ni même de distributeurs automatiques. Une heure après, Barbara reviendra avec un morceau de pain beurré et une bière chaude.  Dieu sait où elle les a volés... et il lui pardonnera sûrement. Lydia et moi avons partagé le morceau de pain, la bière et le mince réconfort d'avoir beaucoup à lire. 

    En milieu d'après-midi, les toilettes sont devenues une priorité. Je me suis contenté d'un buisson près de la clôture, mais Lydia, subissant un nouvel exemple de la discrimination de Dieu envers les femmes, a dû trouver des installations à l'intérieur du terminal. Elle est revenue soulagée, mais pleine de ressentiment. "Je n'ai jamais vu de chiottes aussi horribles ", a-t-elle dit. "Non seulement il n'y a pas de papier, mais il n'y a aucun signe qu'il y en ait jamais eu. Et l'odeur étoufferait une hyène."

    Pendant ce temps, l'équipe  Xie & Z., pleine de ressources, travaillait d'arrache-pied de son côté, malgré les difficultés croissantes. L'avion que nous attendions, c'était clair,  n'était pas le vol d'aujourd'hui pour Shanghai, mais celui d'hier. Il y avait un effectif complet de passagers déjà prêt à embarquer. De plus, il y avait des gens dans le terminal qui attendaient là depuis deux jours. Eh bien, la déception alors. Hum... pas nécessairement. La ruse orientale et la ruse diplomatique étaient occupées.

    À 16 heures, Barbara Z. est arrivée dans la voiture, brandissant triomphalement quatre cartes d'embarquement.  "Nous pouvons enregistrer les bagages", a-t-elle dit. Beaucoup de va-et-vient avec les porteurs, une séparation minutieuse des sacs enregistrés et des bagages à main. Tout le monde est de bonne humeur, jusqu'à ce qu'il devienne évident qu'il y a environ huit bagages, pas tous petits, non enregistrés. J'étais le seul homme d'un groupe de quatre personnes ; il est clair que j'étais responsable du transport à la main de presque tous ces bagages.  C'était deux fois plus, mais seulement en deux voyages, avec Xie, Z., ou Lydia à chaque extrémité.  

    D'abord, trouvons un salon VIP, quel que soit le temps que nous devons encore attendre. Non, il n'y a pas de VIP (évidemment faux... dans un pays communiste en particulier, il y aura un VIP). Nous restons debout dans un couloir pendant une demi-heure, jusqu'à ce que Lydia, lors d'une autre visite aux toilettes fétides, remarque un salon VIP indéniable, derrière de discrets rideaux de dentelle. Xie & Z. se jettent dans l'action, en vain.  Ce salon est réservé aux Very Important People (évidemment peu nombreux, puisqu'il est fermé et sombre). Xie et Z. font remarquer que nous avons ici non seulement des VIP, mais aussi des IIP (Incredibly Important People), qui rendent de grands services à la République populaire de Chine et qui ont besoin d'un endroit où s'asseoir. Pas de chance. 

    Après une demi-heure à rester debout dans un coin, serrés autour de nos huit bagages à main, je suis allé aux toilettes pour hommes (mieux vaut le buisson dans le parking).  J'ai remarqué de la lumière et du mouvement dans le VIP interdit et une porte non verrouillée. Nous nous y sommes précipités (deux voyages pour moi avec les bagages à main). À l'intérieur se trouvait un couple affable de VIP chinois certifiés. Un bureaucrate moins affable est apparu, outré par notre intrusion, mais nous sommes passés outre et nous nous sommes effondrés dans de vrais fauteuils.  Il y avait aussi beaucoup de Coca-Cola (bien chauds) derrière le bar. Et des crackers.

    À 22 heures, nous avons été convoqués à la porte d'embarquement, toujours sans aucune information sur l'heure d'atterrissage de l'avion ou sur la possibilité de monter à bord. 
    La liberté d'information n'est pas une priorité dans les différentes républiques populaires. Une autre course désespérée, en deux temps, avec les bagages à main. Pire encore, mon anonymat bienvenu en Chine m'a été arraché. Dans la zone d'embarquement, un groupe d'Allemands et un autre de Chinois-Américains m'attendent. Tous étaient ravis de me reconnaître, tous étaient impatients avec des livres d'autographes, des Instamatics et des caméscopes. C'était une heure difficile. 
    En fin de compte, nous avons embarqué à bord d'un autre Ilyushin, serrant nos bagages à main, et sommes arrivés à Shanghaï à 1 heure du matin, mon planning de travail accompli, mais béatement heureux de nous installer dans une suite extraordinaire au Sheraton Hua Ting. Nous nous sommes effondrés dans un lit d'au moins six mètres carrés, où je me suis tourné et retourné pendant vingt secondes. 

     

     

     

    A SUIVRE⇒

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • 46 - JEUDI 27 OCTOBRE 9ème jour visite USIA Shanghaï

     

     

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    Je ne pense pas avoir déjà dormi dans un si grand lit.  La Grande Catherine aurait facilement pu y mettre trois gardes impériaux.  Je me suis réveillé désorienté, conscient seulement d'une vaste étendue de matelas sous moi.  Comme cela m'arrive parfois (en tout cas à moi), lorsque je voyage trop et que je ne dors pas assez, je ne me souviens plus où je suis. Cela doit être traité avec soin. Il ne faut pas bouger, ni ouvrir plus d'un œil, tant que l'on n'a pas trouvé où l'on est, pour pouvoir faire face à ce qui se passe. (Est-ce qu'il y a des monstres ?)

    Où est-ce que je suis ? Pas à Londres... Non, pas chez nous, imbécile... tu le sais ! Pas même aux États-Unis. C'est incroyable à quel point il peut être difficile de sortir son cerveau du sommeil. Finalement, j'ai compris, j'ai observé que ma femme dormait profondément à quelques mètres de là, au fin fond du lit, je me suis glissé nu à l'extérieur de celui-ci, tout a mon exploration. (Ah, il y a une anecdote à couper le souffle pour le public. Je ne porte jamais de pyjama, même dans les films).

    Cette Suite est bien plus vaste et luxueuse que je ne le pensais hier soir. J'ai été dans certaines à Las Vegas presque aussi grandes, mais d'un glamour répugnant... on ne peut pas dormir à cause des lumières qui se reflètent dans les miroirs au-dessus du lit. Ces chambres sont toutes de superbes exemples de design chinois. À mon avis, beaucoup de ces pièces sont authentiques.

    Au deuxième étage il y a trois chambres, toutes grandes, avec des salles de bains exotiques et jacuzzi. Au rez-de-chaussée se trouvent des halls carrelés, un bureau, un vaste salon, une salle à manger avec une cuisine et une table pouvant accueillir vingt personnes.  Lorsque l'aube s'est éclaircie, j'ai grimpé sur le toit-terrasse (assez grand pour faire atterrir un hélicoptère) et je me suis appuyé sur la balustrade pour regarder le jour se lever sur Shanghai, trente étages plus bas. Eh bien, ai-je pensé, en sentant la chaleur du soleil sur mes épaules... J'ai passé trois jours dans une tente, pour tourner au sommet du mont Sinaï... tout s'équilibre.

    Une heure plus tard, j'étais douché, habillé, je prenais mon petit-déjeuner et j'allais à mon interview. Quand le petit déjeuner de Lydia est arrivé, elle s'est perdue en essayant de trouver la salle à manger. "Comment peuvent-ils se permettre de nous offrir cette suite ?" a-t-elle dit. 
    "Chérie," ai-je dit, "une suite comme celle-ci est donnée plus souvent qu'elle n'est louée. Elle n'a pas été construite pour des gens comme nous. Les chefs d'État sont rarement payés pour visiter un pays. Assure-toi de ne rien casser." 

    L'avion tardif d'hier a ruiné notre programme ; nous n'avons pas pu reprogrammer  le séminaire/projection que nous avions prévu pour cet après-midi. Cela nous a laissé le temps, une fois que j'en ai eu fini avec les journalistes, de visiter le front de mer, qui comptait à l'époque britannique parmi les ports les plus importants du monde, et le Bund, autrefois considéré comme un centre financier important. Nous nous sommes également promenés dans le parc le long de la rivière, où la République populaire a conservé avec ingéniosité le vieux panneau, en anglais : NO DOGS OR CHINESE. J'ai passé un bon moment à ne rien faire et Lydia a bien utilisé ses appareils photo.

    Ce soir, c'était la fin de notre séjour en Chine. Nous l'avons passé dans le confort somptueux de notre suite, au-dessus de cette ville ancienne et de la direction qu'elle a donnée et doit encore donner à l'Histoire.  C'était une belle façon de terminer. J'espère l'avoir mérité. 

    ⌊ Le lendemain, nous avons pris l'avion pour rentrer chez nous, dans un 747 qui a décollé et atterri comme prévu. En montrant mon passeport à l'agent d'immigration, j'ai ressenti le plaisir que j'éprouve toujours à son "Welcome home". Je me demande si ces gars-là savent combien c'est bon à entendre ? Je me suis également senti très bien à propos du voyage en Chine, pour Caine . Pour rien au monde je n'y aurais pensé seul, mais c'était vraiment une offre que je ne pouvais pas refuser. L'idée de jouer cette pièce en Chine avec une distribution chinoise était un défi tellement formidable que je n'aurais jamais pu me regarder me raser si je l'avais esquivé. (" Et cette pièce que vous deviez mettre en scène à Pékin, Chuck... en chinois, c'est ça ?" "Oh", j'ai fini par laisser tomber. Ce film intéressant est apparu à la Fox...) Non, tu dois le faire.

    Je me souviens qu'on nous avait demandé, à Frank Schaffner et à moi, de faire Macbeth à l'âge paléolithique de la télévision en direct. "Absolument !" avons-nous dit. Pourriez-vous le réduire à 90 minutes ? "Pourquoi pas ?" Dix jours de répétition suffisent ? "Je pense que oui. Je l'ai déjà joué avant, à l'université." Bien sûr, on n'avait que vingt-six ans, quand on ne sait rien, mais qu'on est sûr de pouvoir tout faire.  C'est pas grave. Le fait est qu'il y a des moments dans ta vie que tu ne peux pas laisser passer. 

    Ma vie a été façonnée par l'un de ces moments-là. Lorsque Lydia et moi étions à Northwestern avant que je ne parte pour la Seconde Guerre mondiale, toujours sans attaches, mais amoureux (moi du moins), elle m'a dit qu'elle sortait dîner avec un petit ami du lycée et une demi-douzaine d'autres personnes. J'ai accepté cela, à contrecœur, mais ce soir-là, je me suis rendu au restaurant avec un discours préparé, qui s'est évaporé dès que j'ai franchi la porte. Je suis resté là un moment à essayer de me souvenir de mon texte, puis je l'ai prise par la main et lui ai dit : "Tu dois venir avec moi."

    Elle a accepté. Nous nous sommes mariés avant que je parte à l'étranger. À part survivre à la guerre, à laquelle  je n'avais pas grand-chose à voir, ce fut l'action la plus importante de ma vie. 
    Vous pouvez voir pourquoi je crois qu'il faut saisir l'instant présent. Même si Caine avait été un désastre, ça aurait valu la peine d'essayer. En fin de compte, ça a marché. Nous avons beaucoup appris... non seulement sur la mise en scène, pour moi, mais aussi sur la Chine. J'aurais pu faire le tour du pays pendant six mois et en apprendre moins que ce que j'ai fait en deux mois, en travaillant sur place. 
    La pièce a été jouée tout au long de l'hiver.  Ils l'ont reprise pour un engagement réussi à Shanghai, puis l'ont ramenée au PAT, où elle était encore à l'affiche début juin, lorsque les manifestations ont commencé sur la place Tiananmen. J'ai appris il y a quelque temps que nos acteurs s'y étaient rassemblés, portant les vestes que je leur avais offertes avec le logo du Caine dans le dos et portant une pancarte qui disait : "The Caine Mutiny Court-martial". Ce soir-là, l'électricité a été coupée au théâtre, rendant impossible la représentation. Depuis, j'ai reçu une lettre de mon régisseur, maintenant à Singapour, traduite dans un anglais très correct. Mes contacts au Département d'État me déconseillent d'essayer de joindre l'un des Chinois avec qui j'ai travaillé, de peur que cela n'aggrave leur situation. Je suis toujours content d'avoir fait la pièce. Je parie qu'ils le sont aussi.

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    À Shanghai, le dernier jour, nous avons déjeuné dans ce qui correspondrait à la Screen Actors Guild aux États-Unis. Là encore, les acteurs semblaient tout à fait familiers, des artistes de grand talent. La charmante actrice chinoise accompagnée de Chuck fait partie de leurs interprètes les plus en vue et les plus célèbres. Nous avons quitté la Chine le lendemain, avec le sentiment d'avoir vu une grande partie de ce vaste pays, mais avec l'espoir d'y retourner une autre fois pour voir davantage la campagne et les gens. Étrange, belle, ancienne Chine ! Marco Polo, où es-tu maintenant ? 

     

    FIN

     

     

     

     

     

     

     

     

  • HESTON 1969 , de JULIUS CAESAR à THE HAWAIIANS: échecs, projets, espérances…

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    LE 31 décembre 1968 , Charlton HESTON passe le réveillon avec Lydia et ses enfants chez Tom GRIES, qui est devenu un «  proche collaborateur » sinon un ami, et qualifie la soirée de «  plaisante, même si ce n’est pas mon genre de sortie favorite » ; en effet, Chuck est connu pour ne pas raffoler des grandes « parties » du tout Hollywood et préfère quand il est convié, compulser les livres dans les bibliothèques de ses hôtes plutôt que de se mêler à la foule des invités, habitude tenace chez cet «  individualiste proche des autres » que définissait avec humour son ami Arthur MILLER …
    Il va cependant  durant cette soirée ne pas perdre de vue le côté professionnel des choses, puisque Tom GRIES, qui apprécie son jeu et sa personnalité, s’est vu confier par Walter MIRISCH  un projet important à gros budget, dont il espère qu’il lui permettra de devenir le cinéaste reconnu qu’il rêve d’être, même si sa carrière a commencé sur le tard : «  THE HAWAIIANS » d’après le best-seller de James MICHENER .
    Il est intéressant de noter que HESTON et GRIES  renouvellent leur association avec plaisir et beaucoup d’espoir, même si, paradoxalement, leurs deux précédentes collaborations, «  WILL PENNY » et «  NUMBER ONE » ont été deux «  fours » notoires et auraient pu les inciter, surtout l’acteur d’ailleurs, à passer à autre chose ; mais voilà, il se trouve que le HESTON de l’époque attache beaucoup plus d’importance à sa quête artistique qu’au succès commercial, et il ne voit donc aucune raison pour rompre sa relation avec GRIES ; celui-ci lui a offert deux de ses plus beaux rôles,  il lui en est reconnaissant, et l’accord de principe étant acté, le «  Chuck » reçoit le script  le 5 janvier 1969 .

     

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                              NUMBER ONE                                                     TOM GRIES                                               WILL PENNY LE SOLITAIRE 

               Et fidèle à sa tradition de «  perfectionniste compulsif » selon ses propres termes, il commence donc dés le 15 du même mois à harceler GRIES sur tout ce qui ne va pas dedans !
    En effet, le scénario de James R WEBB n’est pas exactement une adaptation du roman de MICHENER, pour la bonne raison qu’elle a déjà été faite par Georges ROY HILL en 1966, avec Richard HARRIS, éternel saboteur de tournages, et Max Von SYDOW ! il se veut plutôt une suite de l’ouvrage, ce que les Anglo-Saxons appellent un «  follow-up », sans trouver vraiment un équilibre entre les épisodes sentimentaux et familiaux inévitables d’une part, et la description  de l’évolution de la société hawaiienne vers 1880  d’autre part ; conscient très tôt du fait « qu’il y a trop de choses à raconter, trop de personnages à développer, plus que la durée du film ne le permet »( Journals, 15 Janvier) HESTON suggère à GRIES  de tailler allégrement dans l’aspect très politique du dernier tiers du script, et de centrer davantage le film sur le personnage de Nyuk Tsin, la jeune Chinoise arrivée à Hawaii sur un bateau « négrier » et qui deviendra la matriarche d’un clan prospère et respecté.

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    (Tina Chen dans le rôle de Nyuk Tsin)

    Constatons en passant que, loin d’être la star mégalomane que certains imaginent à tort, HESTON prouve ici une fois de plus que ce qui compte pour lui, c’est de se mettre au service du sujet abordé pour le plus grand bien du film, même si son rôle s’en trouve en conséquence réduit ; on est là aux antipodes du comportement de beaucoup de ses contemporains, pour lesquels le temps de présence à l’écran doit quasiment être chronométré…Non, lui au contraire, estime que son personnage doit pouvoir s’effacer au profit de la description d’une communauté chinoise qu’il estime plus intéressante ; s’agit-il de sa part d’un éventuel détachement vis-à-vis d’un film qu’il n’entreprend « qu’à moitié convaincu, ce qui est une faute de ma part » ( Journals,17 juillet), l’avenir prochain le démontrera.

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    Whip Hoxworth le Maître des Iles, va s'humaniser.....

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    En attendant ce tournage qui ne l’excite pas spécialement, HESTON se passionne par contre pour le projet JULIUS CAESAR, suggéré pour lui par le jeune «  boy producer » Peter SNELL, et dont on peut dire qu’il est le principal responsable, ayant eu voix au chapitre sur pratiquement tous les aspects hormis la réalisation ! Il est effectivement dans son élément sur ce tournage, en plein «  actor’s country » plein d’espoir, convaincu du moins au début que ce sera un grand film shakespearien, pour se rendre compte très vite que tout ça ne tourne pas rond : le refus de WELLES de jouer Brutus, son remplacement par le catastrophique Jason ROBARDS, la mollesse relative de Stuart BURGE à la mise en scène vont être pour lui une source de frustration difficile à évacuer : «  the movie was ok, but ok is not enough for Shakespeare ! »

    Ce qui ne l’empêchera pas , tout à son idéal artistique, de se lancer sur l’instigation de SNELL, sur le projet «  ANTONY AND CLEOPATRA » encore plus fou et grandiose, en partie parce que sa prestation dans le rôle d’Antony lui a plu ( et ce n’est pas souvent ) et surtout parce qu’il porte en lui une véritable vénération pour cette pièce admirable depuis sa jeunesse ; l’insuccès commercial de JULIUS ne sera d’ailleurs pas  un frein à son entreprise, même s’il s’inquiète avec quelque justification de son avenir..

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                                                                                                (Charlton Heston et Peter Snell) photo :

    http://www.britishlion.com/mobile/peter-snell-producer.shtml


    «  Dans cette ville, (Hollywood) il semblerait que les décideurs soient plus enclins à chercher à faire des affaires qu’à chercher à faire des films ; je suis allé chez MGM discuter mon maquillage pour THE HAWAIIANS avec Bill TUTTLE, chef de ce département, et c’était déprimant de constater que pas une caméra ne tournait dans le studio ! si BEN-HUR fait un profit sur sa ressortie ce été, ça servira à payer la note d’électricité d’un studio vide » (Journals,21 mars). Propos bien amers mais tout à fait réalistes : le «  studio system » est en effet en train de mourir de sa( pas très) belle mort, et les nouveaux réalisateurs comme HOPPER,COPPOLA,LUCAS et SPIELBERG se profilent à l’horizon, celui d’un cinéma volontiers intimiste favorisant les nouveaux (jeunes) visages, et HESTON, tout en admettant que les temps doivent changer, se demande déja comme beaucoup de vétérans ayant commencé leur carrière dans les années 50, quelle pourra bien être sa place dans ce « nouvel Hollywood » …
    Avec son très gros budget, son sujet historique très fouillé et la présence de Chuck comme «  valeur marchande » le projet MIRISCH de THE HAWAIIANS semble en effet appartenir à un autre cinéma, une autre époque ; l’équipe technique est de premier ordre, avec les excellents Lucien BALLARD pour la photographie et Henri MANCINI pour la musique, le cadre d’Hawaii splendidement approprié au succès du métrage, mais quelque chose ne «  fonctionne » pas, et c’est bien le manque d’enthousiasme du Chuck sur le plateau ; pourtant, le personnage qu’il incarne, ce Whip Hoxworth capitaine de navire et disons le quasiment trafiquant d’esclaves d’origine chinoise, à la fois antipathique et capable de revirements au fil de l’histoire quant à sa manière de vivre, est tout à fait taillé pour lui, qui adore les caractères impossibles de « machos » apparemment irrécupérables ! Il avait parfaitement réussi son « King » Rowland dans le très bon «  DIAMOND HEAD «  en 1962, film situé également à Hawaii d’ailleurs, mais dans cet opus, il ne trouve selon ses propres termes «  pas grand-chose à jouer » sans doute parce que le couple chinois formé par MAKO et Tina CHEN lui parait infiniment plus intéressant que celui quelque peu artificiel, qu’il forme avec Géraldine CHAPLIN en épouse névrosée un peu tête à claques il faut bien le dire ; son personnage va néanmoins s’affirmer dans la dernière partie du film ,ou il interprète un Hoxworth vieillissant qui peu à peu s’humanise, et dont les rapports avec l’excellente Tina CHEN sont empreints de finesse et de complicité… 

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                                                    Mako                                                                                Tina Chen
    On peut même ajouter que toute la dernière partie, qui privilégie cette relation et propose également un incendie spectaculaire du bazar d’Honolulu, ressemble enfin à du très bon GRIES, même si assez peu charitablement, HESTON considérera que : «  Tom était un peu dépassé par l’ampleur du budget, et n’avait pas l’autorité nécessaire pour mener le bateau au port » 
    Petite pique qui relève peut-être de la frustration de s’être lui-même embarqué sur ce frêle esquif, en tous cas GRIES lui-même, dont il conservera l’amitié, n’hésitera pas à dire :
    «  J’ai été passablement ennuyé par la manière dont Chuck a abordé et le film ,et le rôle ; il était tout à la préparation de son Antony à l’époque, et franchement, il avait cela en tête beaucoup plus que THE HAWAIIANS »
    Il est bien connu que lorsque l’acteur principal et le metteur en scène d’un film tombent d’accord au moins sur une chose, c’est-à-dire que l’autre n’était pas à son meilleur niveau sur le tournage, le résultat final est rarement probant, et THE HAWAIIANS, qui aurait pu être un grand film dans d’autres conditions, n’est au bout du compte qu’un bon film d’aventures, bien réalisé certes, mais  plutôt bancal parce qu’un peu « éparpillé », sans véritable ligne directrice ; HESTON écrira à son sujet, peu après le tournage :
    « J’ai enfin fini ce film, dont je reconnais la valeur, même s’il s’est trouvé en sandwich entre deux projets  moins commerciaux qui me tenaient à cœur. Savoir s’il marchera est toute la question, mais j’ai appris à essayer de ne pas y répondre, du moins à ce stade ; je peux dire qu’il me parait maintenant plus réussi que je le pensais au départ, plusieurs des performances sont meilleures que je croyais, notamment les deux rôles chinois principaux. Tina et MAKO sont excellents, ainsi que Géraldine et Alec (Mac COWEN) ; je pense être ok, mais je n’en ai pas encore vu assez pour l’affirmer »
    On peut ressentir une forme de modestie dans ces propos, et aussi une façon de s’effacer un peu, comme si l’Artiste était conscient qu’il n’a pas livré loin s’en faut sa meilleure performance, et le fait qu’il ait ouvertement critiqué son travail ensuite est tout à son honneur ; quoi qu’il en soit, quand le film sortira en juillet 1970 ( et en France au printemps 71) sous le titre «  LE MAITRE DES ILES »  il ne sera pas le succès que son gros budget laissait espérer, ne faisant que 2 millions et demi de dollars au box-office américain ( selon le biographe Mark ELIOT) et ne rapportant que le quart de la somme qui lui aurait permis de rentrer dans ses frais, un nouveau «  flop » hélas, qui en suit deux autres, NUMBER ONE et JULIUS CAESAR .

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    Charlton Heston et Géraldine Chaplin

    Cela commence à faire beaucoup pour un homme qui, pas loin de la cinquantaine, constate que le nom HESTON n’est plus une garantie de succès automatique, et que ces échecs risquent de porter préjudice à ce projet ANTONY qui lui tient tant à cœur…
    « Il est important pour un acteur de ne pas être associé à trop de gros échecs ( big losers)  car si vous êtes la star d’un film qui fait un énorme bide, ça devient vraiment serré ( your collar gets tight) et les banquiers commencent à dire : «  ah oui, c’est le gars qui a joué dans ce film qui n’a pas fait un rond »
    Voilà donc dans quel état d’esprit se trouve l’Artiste en cette fin d’année 1969, conscient que, pour la première fois de sa carrière, il n’a été satisfait par aucun de ses films, ni commercialement, ni surtout artistiquement, et c’est à ce niveau qu’il mesure son échec ; auparavant, le résultat très mitigé de KHARTOUM ou de THE WAR LORD avait pu le blesser, mais une forme de compensation se trouvait dans sa certitude d’avoir contribué à deux beaux films , or là, ce n’est pas le cas ! 

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    (George Gordon dans KHARTOUM - Chrysagon de la Cruz dans LE SEIGNEUR DE LA GUERRE - Robert Neville dans OMEGA MAN)


    Homme intelligent et combatif, il va tout faire pour trouver la parade et rechercher la réussite dans ces deux domaines, et il obtiendra sa récompense l’année suivante avec THE OMEGA MAN, qui le comblera sur les deux plans, et surtout ANTONY, même si celui-ci  sera surtout un accomplissement artistique …
     Un nouvel épisode du parcours chaotique et passionnant d’un homme décidemment peu ordinaire !
    Pour mes chères amies Hestoniennes, qui je pense se reconnaitront…

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  • HESTON 1966 , du VIETNAM à « COUNTERPOINT »

    CONFERENCE DE PRESSE A TOKYO (1966)

    (Charlton Heston Co F 2nd Batt Jan 20th 1966)

    S’Il est un personnage dans la carrière de Charlton HESTON que l’on évoque rarement, mais qui a eu dans l’ombre une influence considérable sur sa carrière, c’est bien son agent, le redouté «  Iceman » Herman CITRON …


    En effet, le célèbre agent artistique s’était occupé de gérer les affaires de l’acteur depuis ses débuts, et celui-ci lui était reconnaissant d’avoir eu foi en lui, même lorsque le succès n’était pas encore au rendez-vous.


    Persuadé que son poulain avait toutes les qualités pour devenir une superstar, CITRON avait su patienter, et le temps lui avait donné raison, THE TEN COMMANDMENTS et BEN-HUR ayant propulsé l’acteur au sommet du box-office, ce qui est a priori le but que recherche tout agent digne de ce nom.


    Pour CITRON, un «  working actor » avait effectivement pour vocation de… travailler, et pour lui la somme d’argent gagnée par ses clients avait plus de valeur que la beauté des dialogues d’un script ; « si vous voulez faire de l’art, enseignez donc la littérature anglaise à l’UCLA » était une de ses formules, ce qui en disait long sur ses priorités.


    Loin d’en prendre ombrage, vu que le bon sens de l’agent avait plus que contribué à sa fortune, HESTON considérait que les deux hommes étaient parvenus à un parfait équilibre dans leur relation, puisqu’ils avaient tous les deux le «  final say », l’un quant à l’acceptation d’un rôle, et l’autre quant aux clauses de signature des contrats, et donc tout le monde s’y retrouvait !


    Néanmoins, cette belle harmonie commença à quelque peu s’estomper quand, à la suite de plusieurs semi-échecs de l’artiste, notamment THE WAR LORD et THE AGONY AND THE ECSTASY, dont l’insuccès avait particulièrement énervé l’agent, CITRON se mit en tête de ne proposer à HESTON que des « deals » sur des projets sans risques, et pas forcément ce qui correspondait à ses goûts du moment !


    Et donc, début 1966, HESTON, après avoir refusé divers projets ( dont HAWAII, LADY L et le futur THE WAY WEST) décide de retourner à ses premières amours, le théâtre, pour jouer sur les planches à Los Angeles A MAN FOR ALL SEASONS,  belle pièce de Robert BOLT, dont le personnage principal, Thomas MORE, va le fasciner au point de le filmer plus tard pour la télévision.

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    (Charlton dans le rôle de Thomas More - A man for all seasons)


    Succès artistique et financier, A MAN FOR ALL SEASONS rassurera quelque peu le comédien, très atteint par ses récents échecs ( il comparera le double « flop » de  WAR LORD et  KHARTOUM      à «  deux coups de pied dans les parties nobles ! ») au point d’avoir envie de s’arrêter un peu de tourner, de s’occuper d’autre chose…


    Il se passe justement à l’époque quelque chose de beaucoup plus grave que les éventuels choix de carrière d’un acteur, car la guerre du VIETNAM fait rage, et le président démocrate JOHNSON s’est mis en tête d’en finir avec ce qu’il appelle «  l’invasion communiste dans le Sud-Est asiatique » ; dans l’optique d’une possible réélection, il fait donc le forcing pour «  vendre » aux médias sa conception du conflit en question, alors que le public américain est de plus en plus réticent à l’idée de voir sa belle jeunesse être enrôlée et sacrifiée dans une guerre qu’il ne comprend pas !

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    Les prises de position des grandes stars d’HOLLYWOOD, dont l’influence sur le grand public est tout sauf minime, vont donc vu l’importance du conflit, avoir une certaine résonance, on s’en doute ! Certains, comme Kirk DOUGLAS, Gregory PECK, Paul NEWMAN ou Henry FONDA vont prendre parti sans équivoque contre la poursuite du conflit, considérant que les enfants de l’Amérique n’ont pas à se faire tuer pour un régime sud-vietnamien pourri ; on verra même Jane FONDA, fille du célèbre acteur, poser pour LIFE devant la carcasse d’un B52 abattu par le Vietcong !


    Mais l’aile conservatrice d’HOLLYWOOD va elle aussi s’exprimer, Bob HOPE sera le premier à se rendre sur les lieux pour encourager les troupes en proposant son show, James STEWART aura des mots très durs pour « les planqués et les lâches qui refusent de se battre pour leur pays » et John WAYNE, bien sûr, éternel fanfaron des campagnes anti-communistes, va aller jusqu’à réaliser et produire THE GREEN BERETS, « œuvre » tout à la gloire de l’armée américaine, qui provoquera un tollé mondial pour son parti-pris et disons-le franchement, la bêtise sans bornes de son propos.

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    Charlton HESTON, personnage toujours « humaniste »à l’époque sur le plan politique, est quant à lui très mesuré dans sa vision du conflit ; «  toute guerre est cruelle et immorale, et celle-ci pas moins qu’une autre » écrira t-il dans ses «  journals ») mais d’un autre côté, en tant qu’ancien vétéran d’une guerre mondiale, il se sent solidaire de ceux qui combattent au Vietnam, et va donc accepter l’offre de la Maison Blanche «  de soutenir le moral des troupes américaines sur le terrain » ; s’il le fait, ce n’est pas parce qu’il approuve le régime en place, contrairement à WAYNE et à d’autres, mais parce qu’il ressent le devoir moral de «  voir les choses par lui-même » !
    Il écrira même dix ans plus tard, ce qui résume finalement sa position sur le sujet :
    «  Je sais que tout le monde a son opinion sur la guerre du Vietnam, surtout d’ailleurs ceux qui n’y ont jamais mis les pieds , du genre « c’était une guerre stupide, et nous n’aurions jamais dû la faire » ; je pense pour ma part que nous aurions dû mieux la mener, et plus vite, tuer beaucoup moins de gens et nous faire beaucoup moins d’ennemis, chez nous comme à l’étranger » ( Journals, 1978)


    Voici donc le héros de BEN-HUR, véritable icône pour nombre de jeunes américains, amené à vivre pendant deux semaines à leurs côtés, partageant leurs angoisses, leurs peurs et leurs doutes, et aussi leur quotidien, une expérience qu’il jugera « bouleversante », et bien qu’il ne leur ait pas apporté «  un lot de jolies filles et des chansons comme Bob HOPE » il jugera utile d’avoir pu converser avec un grand nombre de ces garçons «  perdus dans une guerre qu’ils ne comprennent pas toujours » et mettra un point d’honneur à appeler au téléphone dès son retour, grâce aux responsables de la Fox, toutes les familles de chacun des soldats ( environ 500 personnes !) qui lui auront confié leurs coordonnées …

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    C’est d’ailleurs dans son comportement lors de ce voyage, qu’il renouvellera deux ans plus tard, que certaines des contradictions du personnage HESTON apparaissent clairement : Il n’est pas un homme politique, ni un propagandiste que l’on déplace comme un pion sur l’échiquier politique, juste un être humain qui ne se sent pas le droit de laisser tomber ses concitoyens, et son opinion personnelle sur le conflit, il préfèrera la garder pour lui et ne l’étalera pas dans les médias .


    Retournant chez lui dans le confort de sa villa de Coldwater Canyon , il mettra beaucoup de temps à passer à autre chose, persuadé que ce conflit est bien plus complexe qu’on veut bien le dire dans la presse et à la télévision :


    « Je suis concerné par la guerre du Vietnam comme n’importe qui d’autre, mais pas forcément pour en tirer les mêmes conclusions ; je n’ai pas trouvé de solution, et je n’y suis pas allé pour en trouver une, et d’ailleurs il n’y a aucune solution facile, pour ce qui est une question de morale, pas de domination impérialiste » 


    En cette fin d’année 1966, après le triomphe de A MAN FOR ALL SEASONS au théâtre, HESTON se retrouve réélu à la présidence de la SAG ( SCREEN ACTORS GULD) position importante pour lui car elle lui permet de continuer à combattre pour les droits d’une profession qu’il juge par définition «  précaire, car l’emploi y est sans cesse en danger du fait des changements qui se produisent régulièrement dans cette industrie, et il est de mon devoir dans ma position d’aider au mieux tous ceux qui n’ont pas eu ma chance » ( Journals,1967)


    Lui en effet a beaucoup de chance, notamment celle de voir arriver sur le pas de sa porte beaucoup de scripts que seule une minorité de «  happy few » comme lui a l’occasion de lire ou de refuser ; peu excité depuis quelques temps par ce qu’on lui propose, il va néanmoins accepter un rôle dans COUNTERPOINT , un projet qui surfe sur la vague des «  films de guerre à message » autour de la seconde guerre mondiale ; en fait, il va l’accepter surtout parce que CITRON insiste, et prétend que son rôle de chef d’orchestre est un «  oscar material », en gros une chance pour lui d’être nominé !

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    Comment « Iceman » CITRON en est arrivé à penser qu’il y avait dans ce rôle le «  matériel » pour une nomination aux Oscars constitue à ce jour un mystère, car ce personnage central de «  COUNTERPOINT » (terme qui signifie dans le langage musical «  superposition de lignes mélodiques différentes) parait quand même bien ingrat et insuffisamment construit pour pouvoir prétendre à tant d’honneurs !

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    En effet, ce Lionel EVANS que HESTON , toujours intéressé par les caractères excentriques, s’apprête à jouer, n’est pas très attirant sur le papier : mégalomane imbu de sa personne, égoïste et orgueilleux, essentiellement concerné par sa musique, il ne déborde pas de sensibilité ni de compassion envers ses prochains, menant son orchestre d’une main de fer et ne faisant aucune concession à qui que ce soit ; en l’occurrence, même pas à un général allemand mélomane qui, l’ayant capturé lui et ses musiciens lors de la bataille des Ardennes, lui demande de se produire pour lui en concert privé ! point de départ tout à fait amusant et quasi onirique vu le contexte guerrier, que HESTON trouve d’ailleurs «  intéressant, avec quelques lignes de dialogue provocantes »


    Il va donc s’atteler à la tâche avec le professionnalisme qu’on lui connait, notamment pour passer un obstacle redoutable : il n’est pas musicien du tout, avoue «  chanter comme une casserole », et s’il reste mélomane et porté sur la musique classique, c’est autre chose de prendre la baguette et prétendre diriger 50 musiciens ! L’apparence, il la prend rapidement en charge car ça, il sait comment faire : à lui la tenue adéquate, le port de tête altier, le brushing à la KARAJAN, mais pour le reste, la crédibilité, il va s’apercevoir que c’est bien plus dur encore que de conduire un attelage de chars, et les leçons de Léo DAMIANI, chef d’orchestre à la MGM, vont lui être plus qu’utiles…
    Maitrisant à peu près, du moins en apparence, quelques mesures de BEETHOVEN, de BRAHMS et même de WAGNER, il va finir par faire tout à fait illusion dans cette position de «  conductor » et les séquences du début et de la fin du film avec orchestre seront il est vrai parfaitement réussies.


    Là où les choses vont se compliquer, ce que les critiques ne manqueront pas de souligner, c’est que ce personnage antipathique, de par l’imprécision des dialogues et aussi du scénario, n’est pas bien dessiné et finalement contradictoire ; comment ce EVANS, qui va passer la moitié du métrage à refuser tout compromis avec l’ennemi, peut-il faire volteface, et surtout pourquoi finit-il par s’intéresser à la survie de ses musiciens qu’il semble négliger la quasi-totalité du film ? Comment ce même personnage peut-il compatir à la détresse des membres de l’orchestre et en venir à presque se sacrifier pour eux, alors que son égo démesuré est sa principale préoccupation pendant une heure trente ?


    Autant de trous scénaristiques dont HESTON n’est nullement responsable, et il faut bien reconnaitre que la prestance, la diction exemplaire et les mouvements de mâchoire ô combien volontaires et typiques de l’artiste quand il s’agit d’exprimer sa colère, font tout à fait mouche, et ce malgré les facilités d’écriture du duo LEE/OLIANSKY, dont le scénario fut, en plus, revu avant le tournage au grand dam du » metteur »Ralph NELSON !

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    (Ralph Nelson)


    Ce NELSON est en effet tout sauf un enfant de chœur dans le milieu du spectacle : ancien acteur, puis technicien et responsable de spectacles à BROADWAY, il a à son actif de nombreuses dramatiques pour la télévision, ce qui lui a permis de travailler avec HESTON à ses débuts ; de plus , il a mis en scène quelques bons films, dont REQUIEM FOR A HEAVYWEIGHT, remarquable film sur la boxe avec Anthony QUINN, le plaidoyer anti-raciste LILLIES OF THE FIELD avec Sid POITIER qui lui a valu un Oscar , et récemment l’intéressant western DUEL AT DIABLO, ou il a réussi l’exploit de rendre James GARNER expressif, c’est dire qu’il a du métier !


    Et ce libéral de cœur qu’est NELSON, persuadé qu’il va réaliser un film «  anti-guerre » ou l’Art dans toute sa beauté se voit affronter la folie militaire pour finalement l’emporter ( du moins, c’est son idée) découvre consterné que l’ouvrage va tourner en fait autour d’un combat de coqs certes de haut niveau, mais très éloigné de la symbolique initiale…


    Il va néanmoins accuser le coup,( «  je savais que j’aurais à combattre pour que ce film, à défaut d’être réussi, soit au moins regardable », dira t’il à son sujet) et se concentrer sur ce qu’il fait le mieux, c’est-à-dire pas les scènes d’action pour lesquelles il n’éprouve aucun intérêt, mais les nombreux moments d’affrontement entre HESTON – EVANS et Maximilian SCHELL – général SCHILLER .

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    (Anton Diffrin)                                       (Maximilien Schell)


    SCHELL , «  un acteur intéressant » dira HESTON, est encore tout auréolé de son Oscar du meilleur acteur pour JUDGMENT IN NUREMBERG ou il était excellent, mais ne se souhaite pas, comme son collègue Anton DIFFRING , éternel abonné aux rôles de nazis imbuvables, se retrouver dans le costume du méchant de service ; le film étant américain, il a de gros doutes sur la manière dont l’Allemand peut être présenté à l’écran ; il va donc accentuer le charme, la vivacité et la force de caractère de son personnage, n’en faisant pas un nazi mélomane de plus, mais un homme que la guerre dépasse et qui veut conserver encore un peu d’humanité, même si son orgueil reste très marqué ; composition habile, qui s’accorde bien avec celle qu’ HESTON va fignoler pour «  son chef d’orchestre » ; déterminé et visiblement parfaitement conscient de ce que SCHELL, rusé renard, a transformé dans son personnage initial, il va prendre grand plaisir à cette partie de «  ping-pong verbal » comme il le dira lui-même plus tard.

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    Malgré la lourdeur de certains dialogues, ces deux-là vont donc s’entendre comme larrons en foire, à la fois sur l’écran et en dehors ; on peut même dire que l’intérêt principal de l’ouvrage réside dans leur confrontation, beaucoup plus que dans le triangle amoureux HESTON/NIELSEN/HAYES plaqué un peu laborieusement sur l’intrigue, sans doute pour donner un peu plus d’humanité au personnage d’EVANS.

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    (le trio HESTON, HAYES, NIELSEN)
    Avec le recul du temps, en comparant COUNTERPOINT à deux autres films de guerre de l’époque, le CASTLE KEEP ( UN CHATEAU EN ENFER) de Sidney POLLACK et le DIRTY DOZEN ( LES DOUZE SALOPARDS) de Robert ALDRICH, on constate que, du fait du manque de conviction de NELSON, COUNTERPOINT( affublé en France du grotesque titre «  LA SYMPHONIE DES HEROS !») ne possède ni l’étrangeté et le point de vue philosophique de l’un, ni la violence très rythmée et l’amertume cynique de l’autre.


    Mais les trois films ayant des défauts et chacun ayant pas mal vieilli ce qui est compréhensible, il est un aspect ou COUNTERPOINT l’emporte sans discussion, c’est dans la qualité de l’interprétation, car on a là deux comédiens au sommet de leur art, certes un brin cabotins, mais qui arrivent, par leur seul plaisir de jouer, à nous faire avaler toutes les invraisemblances et incohérences du scénario, et ce n’est pas rien !

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    Tourné assez rapidement entre novembre 66 et janvier 67, le film ne sera pas un grand succès commercial et sera plus ou moins snobé par la critique. Mais il aura eu le mérite de faire reprendre le chemin des studios à l’artiste, qui aura donc connu une année en demi-teinte, marquée par l’expérience du Vietnam et le décès de son père, une année qui l’aura vu grandir, sans diminuer sa soif d’aventures .


    Et c’est tant mieux pour lui , car une certaine planète l’attend…


    Pour France.
    Joyeux anniversaire, et affectueuses pensées.

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