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ADRIEN - Traducteur de Michael Munn - Page 3

  • 25 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

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    L'Homme Extraordinaire

     

    APRES TANT DE MOIS AU COURS DE LA DERNIERE ANNEE  à travailler dans des endroits aussi éloignés que le Mexique et Rome, ce fut une joie profonde d'enfin tourner un film uniquement en Californie. Le simple fait de faire Le Seigneur de la guerre était suffisant pour le rendre heureux car il s'était passé plus de deux ans depuis qu'il avait mis en branle la préparation de l'adaptation au cinéma de la belle pièce The Lovers de Leslie Stevens.

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    La majorité de ce temps fut consacrée à la conception d'un script, ce que fit John Collier lentement et méticuleusement, mais le plus dur était de trouver un studio pour le soutenir. Universal lui donna enfin le feu vert, mais ils étaient plus intéressés par le fait d'en faire un film aussi spectaculaire que leur permettait leur maigre budget, et ils voulaient une fin bien plus heureuse que celle du script original dans laquelle le personnage d'Heston, un chevalier normand du XIème Siècle, est tué. Ils chargèrent Millard Kaufman de la fin et le vieux copain de télévision en direct d'Heston, Franklin Schaffner, porta la casquette de réalisateur. Charlton travailla étroitement avec Walter Seltzer pour la mise en place de toute la production, mais il préféra ne pas voir son nom apparaître comme coproducteur.

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    La clé pour assurer le succès du film était dans le choix de l'actrice pour incarner la jeune jouvencelle que le Seigneur de la Guerre enlève avant sa nuit de noces, initialement par passion,  menant à un amour étrange et profond entre eux. La jeune Rosemary Forsyth  âgée de vingt ans, un seul film à son actif,  fut choisie. Les seconds rôles furent distribués à Richard Boone, Maurice Evans, Guy Stockwell et Henry Wilcoxon.                                                                                       

     Richard Boone                                                                                                                 Guy Stockwell

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                           Maurice Evans                                                                                                                                         Henry Wilcoxon

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    Rosemary Forsyth

    On tourna le film dans les marais de Marysville pour représenter la Belgique, puis ils retournèrent ensuite à Universal Studios où une tour normande plus vraie que vraie avait été érigée pour les spectaculaires scènes de bataille. C'était alors l'hiver et l'habituel soleil californien avait disparu, le rendant beaucoup plus froid que d'habitude, aidant à donner aux scènes nocturnes un effet remarquablement froid.

    Joe Canutt dirigeait l'équipe secondaire comme il le ferait dans presque tous les films d'Heston, et juste avec une poignée de figurants, il fit des scènes de bataille extrêmement efficaces, quoique loin d'être aussi somptueuses que celles de Le Cid. C'était cependant bien la simplicité que recherchait Heston, même s'il luttait avec la détermination compréhensible d'Universal d'en faire un projet susceptible d'avoir un succès commercial.

    Le tournage se passa relativement sans difficulté, et ce n'est qu'une fois le film dans la boîte que les ennuis commencèrent. Comme cela arriva si souvent avec les films d'Heston, le studio décida de faire sortir le réalisateur du projet et de laisser le montage être supervisé par quelqu'un d'autre. Schaffner avait déjà monté le film comme il le voulait et Heston en était très satisfait, mais Universal fut intraitable et légalement en droit de faire ce qu'ils voulaient du produit fini.

    Le Seigneur de la guerre reste un film exceptionnel, mais un dont Heston fut déçu car son rêve, qui était le même que celui de Seltzer et Schaffner, avait été fracassé.

    « Je trouvais que le montage de Frank était juste comme il fallait, » dit-il, « juste ce dont j'avais besoin, mais alors, juste après que nous sommes rentrés chez nous, le studio refit le montage. Leur montage gâcha un film qui était presque exactement comme l'idée que s'en faisaient ses créateurs. »

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    Le fait qu'un acteur soit toujours sujet aux caprices de tant d'autres est une réalité de la vie qu'accepte Charlton, mais il savait que sur scène, dans le véritable « pays de l'acteur », il pouvait déterminer le succès ou l'échec d'une pièce. Suite à Le Seigneur de la guerre, lui et Lydia firent A Man For All Seasons à Chicago qui s'avéra être un carton pour Charlton. Pour la toute première fois, il sentit la magie qui venait après un spectacle où la salle entière se lève et l'acclame.

    Immédiatement après A Man For All Seasons, il était de nouveau outremer, au Caire et à Londres pour Khartoum. Il a d'abord été réticent avant d'accepter le rôle du général Gordon parce que ça allait encore être un long film à spectacle, mais le scénario écrit par Robert Ardrey était peut-être le meilleur qu'il ait jamais lu, surpassant même L'Extase et l'Agonie.

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    L'EXTASE ET L'AGONIE

    Faisant suite à sa propre suggestion, le rôle de Mahdi fut offert à Laurence Olivier qui accepta, mais Charlton n'était pas content du choix de réalisateur, Basil Dearden.

    Il me dit :  

    « Je pense devoir dire que Khartoum est le seul film que j'ai fait que je considère vraiment bon sans trouver qu'il a été bien réalisé. Il avait vraiment un magnifique script et un producteur très talentueux, Julian Blaustein en plus d'avoir de très bons acteurs, mais peut-être que la clé était la qualité du script. »  

    C'était un rôle exigeant pour Charlton qui devait apprendre à parler avec cette sorte d'accent britannique victorien que devait avoir le général. Il y parvint très bien et fut facilement crédible pour le public anglais. En fait, Gordon de Khartoum reste l'une des meilleures performances d'Heston. C'est un rôle qui le stimula grandement et n'était pas très différent de Moïse ou du Cid ou beaucoup d'autres rôles qu'il avait incarnés en cela que c'était tous des hommes extraordinaires qui touchèrent des millions d'individus par leurs actes. Heston dit :

    « Je crois beaucoup au pouvoir de l'homme extraordinaire pour faire bouger le monde. Gordon était clairement l'un d'entre eux, un homme remarquable avec le genre de fanatisme curieusement simple, presque religieux qui semble faire surface dans l'histoire de l'Angleterre quand elle en a besoin. »

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    KHARTOUM

    Je crois que ce que dit Gordon à propos de l'homme extraordinaire est vrai. Il dit : « J'ai appris à ne jamais avoir peur de la mort mais de toujours avoir peur de l'échec. »

    Khartoum rencontra un grand succès au Royaume-Uni, mais le public américain était bien plus réticent à l'aimer. Cette crainte de l'échec entra dans la vie d'Heston. Le Seigneur de la guerre fut un échec commercial et L'Extase et l'Agonie n'attirait pas grand-monde, mais peut-être que ce qui inquiétait le plus Chuck était la façon dont les films furent reçus par les critiques qui n'étaient pas vraiment chaleureux avec le moindre de ses films alors qu'Heston avait rarement mieux travaillé que dans ces trois films.

    Laissant de côté toute cette expérience dont il fallait tirer des leçons, Charlton se mit à sa nouvelle fonction qui était celle de président de la Screen Actors Guild, une nomination qui démontrait le respect et l'admiration qu'avaient ses pairs pour lui.  

    Des Seabees1 blessés ou mourants et des marines étaient allongés dans leurs lits de camp dans l'hôpital au front tandis que d'autres étaient précipitamment portés sur des civières depuis les hélicoptères directement vers les tentes de chirurgie. Cela aurait presque pu être une scène tirée de MASH, sauf que c'était 1966, avant que le film ou la série soient conçus, et que ce n'était pas la Corée, mais le Vietnam. Charlton se tenait là, les regardait et les écoutait, notant des numéros de téléphone et des adresses, promettant de prévenir des petites amies, des épouses, des pères et des mères quand il serait de retour.

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    Il n'était pas venu avec des danseuses, des chansons à chanter ou des blagues à raconter. Il n'était venu qu'avec sa fierté et l'espoir que sa présence ici, arrangée par l'United Service Organization2, aiderait à leur remonter le moral. De plus, contrairement à des gens comme Bob Hope qui amenèrent de grandes équipes de divertissement, il fut capable de visiter les postes les plus reculés qui ne voyaient normalement rien d'autre que la mort des deux côtés. Quand il revint aux États-Unis, il tint sa promesse faite aux garçons qu'il avait rencontrés et téléphona à plusieurs centaines d'amis et de proches des soldats. Cela prit des jours à Heston de passer les appels, mais il le fit avec joie même si normalement, il détestait parler à des inconnus.

    Redevenant un acteur au travail, il refit A Man For All Seasons, cette fois dans le Valley Music Theater de Los Angeles où il fit de nouveau un carton. Cela l'encouragea à courir après le rôle pour le film que Fred Zinnemann préparait.

    Heston dit :  

    «J'avais joué Thomas More deux fois et j'étais très bon dans ce rôle. C'était l'un de mes meilleurs rôles. J'ai fait quelque chose que je n'avais presque jamais fait ni avant ni après, qui fut d'écrire à Freddie Zinnemann et lui demander d'interpréter le rôle dans le film. Il répondit : « Paul Scofield a crée le rôle sur scène et je pense qu'il le mérite, » et je ne pouvais pas le contredire. Paul a été brillant dans ce rôle. »  

    Ironiquement, un an plus tard, c'est Chuck qui sortit le nom de Paul Scofield de l'enveloppe à la cérémonie des Oscars pour le déclarer Meilleur Acteur pour son interprétation de Thomas More. Charlton et Lydia rejouèrent tout de même la pièce à Miami juste un mois après Los Angeles et il fut plus que satisfait du travail qu'il y a accompli.

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    Paul Scofield dans "A MAN FOR ALL SEASONS" (1966)

     

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    Charlton Heston dans "A MAN FOR ALL SEASONS" (1988)

    À l'exception d'un petit rôle dans un film, ce fut la dernière performance professionnelle d'actrice de Lydia. Sa carrière était devenue très irrégulière, mais elle était désormais définitivement finie. « J'ai été si occupée que ma carrière n'a jamais eu le temps de me manquer, » dit-elle. « j'ai adoré faire A Man For All Seasons avec Chuck. C'était merveilleux, mais il n'y avait pas beaucoup d'autres rôles que je voulais jouer. »Sans surprise, son temps était presque entièrement pris à être une mère occupée à élever ses deux enfants, mais elle trouva un passe-temps gratifiant dans la photographie dont elle a réussi à faire une petite carrière.

    Ayant joué le rôle de Thomas More comme il l'avait souhaité, Charlton travailla pendant un temps pour le gouvernement quand le Département d'État l'envoya en Australie, à Rangoun et à Bangkok. Il visita de nombreuses universités, lisant la littérature américaine et australienne, et promouvant généralement les bonnes relations entre l'Amérique et le pays qui l'accueillait.

    Son poste de président de la Screen Actors Guild lui prenant le plus gros de son temps, il trouva quand même un jour pour aller à Washington, lisant Jefferson à Watergate pour soutenir le programme fédéral de soutien aux pauvres et à l'éducation.

    Sur le chemin du retour, il fit un crochet par Detroit pour rendre visite à Russ qui avait eu une série de malaises. Russ eut une nouvelle crise quand il était là, mais Charlton restait optimiste, persuadé que son père serait à Coldwater pour noël. Chuck dit au revoir à son père le lendemain et s'en alla à l'aéroport pour s'envoler vers la Californie. Russ décéda pendant son vol. Ils l'enterrèrent là où il voulait reposer en paix, dans la St Helen adorée de Chuck, au milieu des forêts de pins. La pluie tombait tandis que l'on mettait son père en terre, avant que Charlton n'emmène Fray loin dans la forêt, là où lui et Russ s'étaient un jour promenés.

     

    Il y a longtemps, dans ses années adolescentes, Charlton avait perdu son père, et puis, juste avant de partir en guerre par-delà les mers, il l'avait retrouvé. Même maintenant, même dans la mort, Russ restait son père, et tant qu'il y aurait des bois et un lac à St Helen, Charlton savait qu'il ne perdrait plus jamais son père.

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    1Unité de génie militaire de l'US Navy fondée lors de la Seconde Guerre Mondiale

    2USO, une association à but non lucratif prodiguant des services de soutien moral et de loisir aux soldats américains

  • 24 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

     

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    Les Poux et les Amours de Michel-Ange

     

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    Le gros titre criait à son lectorat « I Pulci di Michelangelo » : « les poux de Michel-Ange » ! et les photos éparpillées sur la première page du Lo Specchio appuyaient leurs propos : des bouteilles vides jonchaient le sol de la villa où les Heston étaient restés durant le tournage de L'extase et l'Agonie, des débris de vaisselle gisaient, des chaises étaient renversées. Il y avait, d'après l'article, des poux partout dans la maison. Ça continuait de parler de l'état dégoûtant dans lequel Charlton Heston et son épouse avaient laissé la villa somptueuse, prouvant que l'homme qui avait incarné Moïse et Jean le Baptiste était, après tout, loin d'être un saint.

    C'était, pour le dire gentiment, un coup monté.

    Lydia fut terriblement blessée par cette histoire scandaleuse. Charlton songea même à poursuivre en justice le journal, mais il trouva le moyen de rire de toute cette affaire. Lydia a expliqué :

     «Un magazine italien était allé dans la maison que nous avions louée, a mis de travers les cadres, balancé les chaises, jeté la nappe de la table dans la salle à manger et prit des photos en disant que c'était comme ça que nous l'avions laissée. C'était entièrement inventé et j'étais prête à y retourner me battre, mais Chuck trouva tout cela drôle !»  

    C'était la toute première fois que le nom d'Heston était lié à quelque chose vaguement scandaleux. Ça l'a toujours empêché de devenir ostensiblement populaire, en ce qui concerne la presse people, car il ne faisait jamais un pas de travers. Un jour Frank Sinatra a dit de Charlton Heston : « Ce garçon Heston doit faire gaffe. S'il ne fait pas attention, il pourrait donner bonne réputation aux acteurs. » Charlton fait un peu preuve d'autodérision à propos de sa propre image :

     « je suis trop ennuyeux, carré et protestant – dans le sens philosophique et non religieux – pour devenir une grande figure populaire ; une célébrité aimée. Je ne suis pas un alcoolique de notoriété publique. Je n'ai eu qu'une seule femme. Mes enfants ne sont pas des fugueurs. Ce n'est pas ce que les gens veulent.

    J'avance sur un chemin bien tracé ce qui n'est pas très intéressant. Les gens ne me trouvent pas de défaut majeur en public alors qu'ils semblent en avoir besoin, pas seulement venant de moi, mais venant de n'importe qui ayant eu du succès ou de l'attention.

    Certaines personnes font des choses stupides parce qu'il ne leur vient pas à l'esprit que leur comportement sera reporté par la presse et la télévision. Je suis tombé dans un schéma de comportement parce que tout ce que je fais ou dis ira dans mon dossier, et je veux avoir un bon dossier. Frank Sinatra et Elizabeth Taylor font souvent la une. Ce n'est juste pas mon style.

    Les acteurs qui sont des figures publiques ont droit à une curieuse indulgence. Ils peuvent boire, battre leurs femme ou divorcer d'avec elle, et on leur pardonnera – ou même, on les appaudira, parce que le public aime voir des gens s'en sortir en faisant des choses qu'eux-mêmes ne peuvent pas faire ou n'osent pas faire. La mort parfaite pour un acteur est celle de Marilyn Monroe, nue sur le sol d'une maison de Beverly Hills dont le loyer n'est pas payé, avec une flacon de somnifères vide et sans amis. Elle décroche le téléphone et personne ne vient.

    Vous voyez, c'est là que vous payez. Il faut assumer les conséquences, et de ce fait, je ne suis pas une bonne personnalité publique.

    Les audiences aiment les stars qui semblent souffrir, qui sont déçues en amour, toujours au bord d'un désastre personnel. Eh bien, je ne suis pas comme ça, et je n'ai pas le goût de détruire mon foyer pour avoir un fan qui me suit

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    En fait, il y avait des raisons bien plus sombres pour expliquer pourquoi le foyer d'Heston était aussi stable. Sa propre enfance marquée par un foyer décomposé lui a laissé des marques, sauf que maintenant, il est le père ayant deux enfants auxquels penser.

     «Si les parents réalisaient combien un divorce brise le cœur des enfants, il n'y aurait probablement pas un taux aussi terrifiant de divorce dans ce pays. J'imagine que parfois, le divorce semble être la seule solution saine pour un couple malheureux. Je pense quand même qu'il est impératif que, d'une manière ou d'une autre, le lien naturel des enfants avec leurs deux parents ne devrait pas être coupé.

    Ce qu'on fait avec un enfant a toujours infiniment plus de valeur que les cadeaux matériels. Je ne l'ai jamais oublié. C'est pourquoi je passe autant de temps que possible avec Fray et Holly. J'ai emmené Fray avec moi autant que je le pouvais sur mes lieux de tournage parce que je connais le ravissement que ressent un petit garçon en étant avec son père.

    Fray a vécu sept mois en Espagne la première fois que j'y ai tourné, a appris la langue et quelque chose des gens là-bas. Quand nous sommes retournés à Rome pour tourner L'extase et l'Agonie, Fray eut des réminiscences des dix mois où il avait vécu sur la Voie Appienne durant le tournage de Ben-Hur !

    Un père ne devrait pas avoir à prétendre qu'il est parfait. Il n'a pas à être plein de sagesse. Il doit juste communiquer.»

     Dans une industrie où le nombre de divorces est si important – essayez de compter le nombre de stars qui n'ont jamais divorcé les Heston semblent rester aussi solides que la solide interprétation de Moïse par Heston. Charlton est cependant prompt à faire remarquer que leur mariage n'a rien de si inhabituel.

    « Il serait inutile et loin d'être vrai de prétendre que nous vivons en plein bonheur à chaque minute de la journée. Ce serait impossible pour n'importe qui. Quand on se dispute, il faut apprendre à ne pas penser « oh mon dieu, ça suffit, je ne peux pas continuer comme ça. »

    Il faut apprendre à venir à bout des obstacles et des chocs émotionnels. Il faut comprendre que l'autre personne fait de son mieux et être prêt à trouver des excuses à l'autre autant qu'à soi-même. Cela requiert beaucoup de travail, mais ça peut donner de merveilleux résultats.

    Le mariage réclame beaucoup d'attention, et les gamins qui se marient à 19 ans (comme moi et Lydia) s'imaginent que ce sera une longue lune de miel. Ça ne l'est pas

    Lydia et Charlton ont visiblement appris à être indulgents l'un envers l'autre et à composer avec les excentricités de l'autre. Ils semblent incompatibles sur certains plans mais semblent pourtant avoir trouvé un moyen de faire avec leurs différences, ou alors simplement à les supporter.

    L'une d'elle est quand il faut faire ses bagages, et les Heston doivent souvent les faire. Chuck déteste ça. « je suis tendu quand on est sur le point de partir en voyage, » dit-il, « parce que le simple fait de faire mes bagages m'énerve. » Il laisse à Lydia le soin de tout faire. Elle doit faire avec, tout comme elle doit le faire avec certaines de ses qualités qu'elle n'a pas.

    Elle dit :  

    «Organisation, propreté et ponctualité : il est très précautionneux avec ses papiers, et jamais en retard. Je suis tout le contraire. Rien ne se trouve là où je l'ai mis. Ça ne me dérange pas moi de laisser des trucs par terre, mais ça me dérange que Chuck soit dérangé par mes affaires par terre. Je suis toujours en retard, et quand j'arrive, il a les yeux rivés sur sa montre

     Comment explique-t-elle alors le succès de leur mariage ?

    « Je pense que c'est surtout une affaire de vouloir être marié, » dit-elle. « Je pense qu'il faut trouver un homme qui a vraiment envie de se marier. Tout fonctionne alors très facilement. »

    Le plus gros problème qu'ils avaient peut-être,  était de surmonter la pression sous laquelle ils étaient mis à cause du travail de Chuck.

    Il dit :  

    «Mon travail interfère bien sûr énormément avec ma vie privée, et cela prend du temps que je préférerais passer avec ma femme et mes enfants, mais ils restent compréhensifs. Mon travail est au cœur de ma vie, et ils le comprennent. Nous faisons preuve de cohésion à ce sujet 

    Il a cependant appris à contrôler comment une grande partie de son temps est employé, car son travail consiste rarement seulement à tourner dans des films ou à apparaître sur scène. Cela implique aussi de faire la promotion de son travail ce qui se traduit souvent par des tours du monde avec des arrêts qui ne peuvent pas toujours accueillir sa famille.

    Je pense que je me sens entièrement pris par ma vie publique. Je ne fais donc pas de grandes fêtes quand je suis à la maison parce que je les associe au travail. Quand je suis en tournée pour un film, il y a des réceptions et des fêtes. Si un ami a une première1, j'irai, et il y aura sûrement une fête après cela. Sinon, ce sont des fêtes pour des associations caritatives. Je ne suis pas blasé. Je m'y amuse parfois beaucoup, mais c'est du travail.

    Ce n'était cependant pas seulement le désir de passer le plus de temps possible avec sa famille qui lui faisait éviter toutes les grandes fiestas typiques des stars hollywoodiennes. Il y a un aspect basique de la nature d'Heston qui ne changea pas malgré son image publique.

    Les gens ont du mal à le croire quand il dit :  

    «Je suis quelqu'un de très timide. C'est vrai, mais j'ai été un acteur publique pendant si longtemps, pendant la plus grande partie de ma vie, que je suis arrivé à trouver un moyen de me comporter correctement en public.

    Je suis une personne très secrète, et quand je suis dans la toute petite partie de ma vie encore privée , je ne sors jamais et ne vois jamais de gens que je connais depuis longtemps. Je rencontre de nouvelles personnes avec beaucoup de réticence et de timidité.

    Bien sûr que je donne des interviews. Quand j'ai commencé mon travail d'acteur, j'étais très craintif à l'idée de les faire et je n'étais pas très bon. Maintenant j'ai appris à les faire assez correctement

    Charlton Heston, l'homme secret, l'acteur public (il ne se définit jamais comme une star) est un homme en désaccord avec lui-même, mais a découvert comment combler le fossé entre la part de lui qui est timide et celle qui doit sortir et être acteur. Le petit garçon qui a vécu à St Helen n'a pas changé trop drastiquement, mais le marginal de Chicago a appris à jongler avec les différentes facettes de sa vie en imposant ses propres conditions. Sans plus être un marginal, il s'est construit un château sur un canyon et a érigé une barrière invincible qui empêche quiconque, hormis ses plus proches amis et bien sûr sa famille, de connaître trop bien le véritable Charlton Heston. Cette barrière, comme je le découvris plus tard, est son propre talent d'acteur à projeter à travers une interprétation, même dans les interviews, une personnalité publique qui n'est pas forcément sa personnalité privée.

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    1 En français dans le texte original

  • 23 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

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    L'Extase et l'Agonie

    Charlton regardait un western étonnamment bon dans la salle obscure, Coups de feu dans la Sierra - « étonnamment » car les distributeurs, MGM, ne surent pas vraiment quoi en faire et le jetèrent presque à la poubelle. Pour autant, il fut acclamé et gagna même un prix au Festival international du Film de Venise1.

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    Heston fut surtout impressionné par la direction pleine d'assurance de Sam Peckinpah, le convainquant que c'était là l'homme qu'il lui fallait pour sortir un bon film de son projet encore sans script : Major Dundee2.

    Ce qu'Heston ne pouvait bien sûr pas savoir, c'est que Coups de feu dans la Sierra, malgré un succès qui se fit attendre, resterait le film le plus accompli et le meilleur de Peckinpah. C'était également très différent de Dundee. Le producteur Jerry Bresler et Columbia allaient dépenser de grosses sommes pour Major Dundee tandis que le film précédemment cité avait eu un tout petit budget.

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    Néanmoins, grâce à l'approbation d'Heston, Major Dundee allait être réalisé par Peckinpah. L'enthousiasme était grand parmi tout le monde au début, et Charlton était certain que ce film pourrait bien être le premier à traiter de certains aspects de la guerre de Sécession. Le seul problème était que son idée de base, construite sur un script encore inachevé, ne correspondait pas aux idées que chacun avait pour ce film. Columbia voulait vraiment en faire un  film coûteux de cowboys et d'indiens tandis que Peckinpah l'envisageait comme l'histoire d'un groupe d'hommes dont les circonstances dictent leurs actions violentes. Les graines de La Horde Sauvage germaient déjà dans l'esprit de Peckinpah.

    Se passant durant la guerre de Sécession, Major Dundee s'ouvre sur Heston en Dundee, directeur d'un camp de prisonniers de guerre, qui arrive après une attaque d'Indiens qui ont enlevé des enfants. Il se lance à la poursuite des Indiens dans le but de prouver qu'il peut encore commander, prenant avec lui des prisonniers de la Confédération dont leur propre chef, le capitaine Tyreen, un vieil ennemi à lui. Dundee sait qu'une fois la mission terminée, Tyreen a pour ordre de le tuer.

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     L'histoire avait l'air bien venant de Jerry Bresler, mais quand le script arriva enfin à Coldwater Canyon, Charlton fut atterré par ce qu'il lut. Il explique :

     «L'une des erreurs que j'espère avoir apprise à ne plus faire durant la préparation de Major Dundee est de ne jamais, jamais commencer un tournage sans avoir un script achevé. C'était en partie de la faute d'un auteur très incompétent engagé pour la première fois et qui travailla pendant des mois sans être capable de produire quelque chose ne serait-ce qu'en partie exploitable.

    Cela força le studio à reporter de cinq mois après lesquels ils demandèrent à Sam Peckinpah de l'écrire. Il en prit la charge et fit de son mieux, mais nous n'étions toujours pas prêts quand la deuxième date de début du tournage arriva.»

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     Le tournage de Major Dundee commença enfin en février 1964 à Durango au Mexique avec un script loin d'être satisfaisant. Ils avaient l'intention d'améliorer le script sur le plateau. C'était un procédé qui avait brillamment fonctionné pour Ben-Hur mais lamentablement échoué pour Les 55 Jours de Pékin. Charlton était déterminé à ne plus jamais se retrouver dans une telle situation.

    Quand le tournage commença, il devint clair que ce ne serait pas une partie de plaisir. La pression était énorme pour tout le monde, grossissant au fil du tournage et les rapports sur le plateau devinrent tendus. Heston me dit : « Dundee fut très difficile à faire car Sam Peckinpah était un homme compliqué. C'est un homme extrêmement talentueux et l'on pourrait, selon la définition que l'on donne à ce mot, dire de lui que c'est un génie. Ce n'est cependant pas facile de travailler pour lui. »

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    (Charlton Heston et Sam Peckinpah)

    Heston avait un très grand respect pour Peckinpah et ils travaillèrent généralement plutôt bien ensemble, mais Peckinpah dépassait largement le budget et les gros bonnets de Columbia commencèrent à s'en irriter. Ils resserrèrent les boulons pour qu'il travaille plus vite, mais déterminé à tout faire comme il l'entendait, il continua de travailler à son propre rythme. Mais la pression eut des conséquences néfastes, et un jour, dans le feu de l'action, Heston manqua de très peu d'écraser Packinpah avec son cheval !

    Cela arriva quand Peckinpah dit à Heston de mener sa troupe de cavaliers vers la caméra au trot. Il en fit ainsi, mais Peckinpah cria « coupez ! C'est sacrément trop lent, Chuck, je t'ai dit de les mener au petit galop. » Le sang d'Heston bouillonna, et il éperonna le cheval pour le faire aller au triple galop vers Peckinpah, manquant de peu de l'écraser. « Je les mènerai à n'importe quelle saleté d'allure que tu veux, » cria-t-il, « mais zut, tu as parlé de trot, pas de galop. »

    Heston a une théorie pour expliquer cet étrange comportement qu'avait parfois Peckinpah : « il avait l'étrange besoin de faire que les gens s'énervent contre lui. Il n'avait pas l'impression de vous avoir inclus dans le projet avant de vous avoir énervé, et là, il avait enfin réussi. Je n'ai pas considéré cela comme une victoire. C'était une défaite. »

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    (Charlton Heston "croquant" Richard Harris ) 

    Les difficultés allant croissantes sur Major Dundee, la présence d'Heston était de plus en plus menaçante. Il exerçait toute l'autorité qu'il avait et qu'il gagnait. D'après le réalisateur Andrew V. McLaglen, cela venait surtout du fait qu'il avait joué des personnages comme Moïse ou Ben-Hur, ce qui est discutable, mais paraissait alors évident, et Richard Harris était décidé à ne pas poser genou à terre. Il dit :

     « Heston est le seul qui pourrait être tombé d'une Lune carrée : il est tellement carré qu'on n'a jamais réussi à s'entendre. Le problème avec lui, c'est qu'il pense qu'il n'est pas simplement un acteur engagé comme les autres. Il pense qu'il représente toute la production. Il avait l'habitude de s'asseoir sur le plateau le matin et de nous faire pointer avec un chronomètre.

    J'en ai eu marre, j'ai donc un jour pris un vieux réveil et le mit autour de mon cou en le réglant pour qu'il sonne pile au moment où il arrivait.

    « Je ne trouve pas cela amusant », dit-il. « Eh bien, » répondis-je, « tu sais ce qu'il te reste à faire, n'est-ce pas ? » 

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    (Charlton Heston et Sam Peckinpah)

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    (James Coburn et Charlton Heston)

    Selon Heston, Harris n'était pas le plus professionnel des acteurs, semblant prendre plaisir à être pris de l'une ou l'autre maladie de temps en temps. Bien sûr, Heston juge le reste du monde d'après ses propres critères de professionnalisme qui, d'après de nombreux réalisateurs assistants et producteurs, sont très élevés. Il ne s'en excuse pas.

    Il me dit :

     «Les cris, les caprices, les crises de larmes, les portes claquées et les chaises lancées sont, du moins d'après moi, très contre-productifs, et je ne peux pas les tolérer ni ne pourrai jamais les tolérer. Si ça a l'air impitoyable, c'est parce que je veux que ça le soit.

    Je suis heureux d'entendre que des réalisateurs assistants, des producteurs et les gens avec qui je travaille disent : « Chuck accorde beaucoup d'importance à la ponctualité au travail, » parce que c'est vrai que j'accorde beaucoup d'importance à la ponctualité et au fait de connaître ses répliques. Je suis dans le métier depuis longtemps, et je crois que Spencer Tracy a le mieux défini le travail d'acteur de cinéma que quiconque. Il dit : « arrive à l'heure, connais tes répliques, ne cogne pas dans les meubles et alors tu peux travailler. » 

    Peu importe les problèmes entre Heston et Harris, Heston soutient que, quoique tendue, leur relation de travail n'était en rien conflictuelle. « Richard est un peu un Irlandais professionnel3, » dit-il. « Je l'ai trouvé d'une personnalité erratique et parfois casse-pied, mais on ne s'est absolument jamais querellé. »

    En effet, il semblait préférer l'éviter sur le plateau pour éviter toute confrontation. Il me dit : « Si l'on s'impatiente ou s'énerve avec les gens avec qui on travaille, il n'y a que le travail qui en souffre. Certaines personnes semblent bien se porter avec une certaine dose de drames, de cris et de courses sur le plateau. Ce n'est pas mon cas. Le travail est suffisamment difficile en lui-même. Je ne veux pas voir les gens se disputer. »

    Tandis que la pression montait encore et que le budget montait toujours en flèche, une chose étrange se produisit. Columbia était sur le point de couper les vivres à Peckinpah. Il ne fait aucun doute qu'à l'époque, le statut d'Heston dans l'industrie était bien plus haut que celui de Peckinpah, et rien de ce que pouvait dire Peckinpah aurait pu changer l'avis de Columbia. Charlton s'en mêla donc, et bien qu'il n'avait aucun droit légal sur ce film pour interférer avec la production, il convainquit Columbia de laisser un peu plus de temps à Peckinpah et à son équipe. Un peu plus tard, se sentant coupable d'avoir outrepassé son autorité, il téléphona à Mike Frankovich, le patron de Columbia, pour lui dire qu'il renonçait à ses cachets de 300 000 dollars pour avoir fait faire un compromis au studio que n'aurait jamais approuvé Heston dans des circonstances ordinaires. « C'est un beau geste, Chuck, » lui dit Frankovich, « mais nous ne voulons absolument pas te priver de ton salaire. »

    Il se sentit franchement soulagé de toujours avoir son salaire car il n'y avait pas de partage des profits pour ce film. Herman Citron, cependant, lui apprit que le studio allait réfléchir et accepter son offre. Charlton lui assura que tout allait bien, mais il s'avéra que Citron avait raison. Heston se retrouva à faire l'un des films les plus durs de sa carrière gratuitement.

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    (Sam Peckinpah et Charlton Heston)

    A partir de là, les choses ne firent qu'empirer. Des représentants de Columbia venaient tous les jours sur le plateau de tournage. Il y avait des scènes qu'ils voulaient supprimer du tournage pour gagner du temps et de l'argent. Chaque repas était ponctué de discussions houleuses entre les gros bonnets de Columbia, Peckinpah et Heston, chaque parti défendant son cas. Grâce au soutien d'Heston, Peckinpah réussit à les convaincre de les laisser faire les scènes en question, mais il y eut encore des disputes entre eux tous les soirs à l'hôtel se terminant souvent à deux ou trois heures du matin en devant se lever le lendemain à cinq heures pour travailler.

    Faire Major Dundee fut parfois douloureux et même dangereux. Plus tôt pendant la production, Heston était tombé de cheval et s'était blessé au coude. Le docteur lui dit de se reposer deux semaines. « plutôt mourir, » répondit Heston. « je retourne sur le plateau demain. » Il cacha son bras sous le sarape4 qu'il portait dans certaines scènes, certain que Peckinpah ne devinerait rien et commencerait à filmer.

    C'était un péché d'orgueil de la part d'Heston. Comme il me le dit : « Je n'ai jamais raté un seul jour de travail ou même une journée de répétition et j'en suis très fier, à vrai dire. »

    Vers la fin du tournage, à la manière d'un vrai héros, Chuck insista pour faire lui-même ce que les cascadeurs appellent le « cossack drag »5 : un classique des films de cowboy où le cascadeur est traîné sur le sol avec un pied coincé dans l'étrier. Pour cette scène, cependant, il fallait que ce soit dans une rivière. Heston mena sa monture dans l'eau, laissant son pied rester coincé dans l'étrier. C'était un numéro pouvant potentiellement devenir dangereux à tout moment qui ne fut pas vraiment couronné de succès. Comme il me le dit : « Il y avait des gens autour de moi et l'un d'eux tira le cheval hors de l'eau. Si le cheval s'était enfui, j'imagine que j'aurai été dans de sales draps. »

    Il fut soulagé quand s'acheva toute cette entreprise. Tout cela avait été horrible. Aujourd'hui, c'est non sans un humour sardonique qu'il le voit comme une prouesse d'endurance et du survie.

     «Si vous demandez à quelqu'un qui traverse des endroits difficiles, je suis sûr qu'il vous dira qu'il s'en dégage un certain plaisir d'y avoir survécu. On tend à dire : « souviens-toi comment c'était pour Dundee là-bas au Mexique et cette satanée rivière quand nous ne pouvions pas manger et qu'il y avait de la peau de chèvre sur la viande ! » mais on l'exprime avec un sentiment de plaisir, et on se dit : « ils ne m'ont pas encore eu cette fois ! 

    C'est un peu un jeu horrible. Le meilleur moyen de survivre est de se dire : « ok, enfoiré, tu veux que je revienne à sept heures du matin ? je viendrai à sept heures. Tu crois que je ne peux pas refaire une prise ? Je ferai une autre prise. Tu veux que je me change et que j'enlève mon maquillage ? Très bien, j'y vais et j'enlève le maquillage et la barbe. » Il y a aussi ce sentiment de défi.»

     

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    Une fois le film terminé, Columbia  le prit à Peckinpah et beaucoup des scènes pour lesquelles Peckinpah et Charlton s'étaient battus,  furent enlevées. Quand Charlton vit enfin le film achevé, il fut consterné. Peckinpah était persuadé que si on lui avait laissé les mains libres jusqu'au bout, il aurait pu faire le film qu'ils avaient tous espéré. Heston n'était pas d'accord.

    «Je ne suis pas certain que même si Sam avait été autorisé à monter le film comme il l'entendait, Dundee aurait été le film qu'il avait en tête. Cela aurait été sûrement meilleur que le film auquel nous avons eu droit, mais il était constamment sujet à controverse – la manière de tourner autant que ce que nous devions tourner. Je dois concéder au studio que le film présentait des défauts. Le problème, c'est qu'ils ont essayé de le monter de sorte à le rendre plus simple et classique et je pense qu'ils n'ont pas non plus réussi à en faire le film qu'ils voulaient.

    Et nous avions tous un film différent en tête. J'étais surtout intéressé par le fait de faire un film sur la guerre de Sécession. Il aurait montré la force et la flexibilité qui a permis aux États-Unis de survivre au traumatisme sanglant. Ce n'est pas un bon film sur aucun plan.»  

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    Il arpenta les pistes où il mena son char vers la victoire dans le grand cirque de Rome six ans plus tôt. Même comparé à Major Dundee, Ben-Hur restait le film le plus éprouvant de sa carrière. Le voilà à Rome, à peine un mois après avoir fini son film pour Peckinpah, prêt à jouer Michel-Ange dans L'Extase et l'Agonie.

    Il put à peine passer quatre semaines à Coldwater pour se remettre des mois passés au Mexique et se préparer pour les mois à venir à Rome. Il tenait tant à passer plus de temps à Coldwater, alors que faisait-il là ?

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    (Charlton - Michelangelo dans "L'Extase et l'Agonie")

    Dès le moment où il lut le scénario de L'Extase et l'Agonie adapté par Philip Dunne du roman d'Irving Stone, il sut que c'était sûrement le meilleur script qu'il ait jamais lu. L'offre de jouer dedans venait de Twentieth Century-Fox qui semblait prêt à dépenser des millions dans le projet malgré le désastre qui venait de les frapper avec Cléopâtre.

    Cette photo dégageait une grande classe. Il espérait qu'ils pourraient avoir Fred Zinnemann à la réalisation et peut-être Laurence Olivier pour jouer le Pape. Il se plongea tout de suite dans des recherches sur l'homme qui avait peint la chapelle Sixtine.

    Il lui devint cependant rapidement évident que ce ne serait pas vraiment dans les documents écrits qu'il trouverait le Michel-Ange qu'il voulait dépeindre. Il le trouverait dans ses statues comme celles de Moïse ou de David.

    Quand Heston arriva à Rome pour le tournage, le réalisateur n'était pas Zinnemann mais Carol Reed, et au lieu d'Olivier dans le rôle du pape, ils avaient Rex Harrison.

    Interpréter Michel-Ange devint très vite l'un des travaux d'acteur les plus extraordinaires et les plus gratifiants de la carrière d'Heston. Le maquillage de Charlton n'était là que pour que son nez ait l'air encore plus cassé qu'il ne l'était déjà. Pour cela, il mettait un petit peu de caoutchouc dans ses narines et ajoutait un peu de peinture. Avec une barbe taillée de près et une coupe de cheveux typiquement florentine, il ressemblait beaucoup aux portrait qu'on a encore de Michel-Ange.

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    (Michelangelo)

    Il continua à lire des lettres et des biographies en essayant de ne pas se laisser aller à la paresse dans la luxueuse villa qu'on lui offrit le temps du tournage, mais ce qui eut vraiment un effet sur lui fut de grimper sur l’échafaudage que le Vatican accepta gracieusement de laisser bâtir dans la chapelle Sixtine, et imaginer là les tourments et les craintes dont souffrit Michel-Ange à chacun de ses coups de pinceau pour finir la peinture la plus grandiose du monde en quatre atroces années de travail.

    Durant son temps libre, il marchait dans les rues sans âge que Michel-Ange avait un jour arpentées, et retournait voir les statues encore et encore. Avant même que les caméras ne tournent, Charlton Heston s'était autant approprié le personnage de Michel-Ange que de n'importe quel personnage qu'il avait auparavant interprété.

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    Évidemment, il était complètement impossible de filmer dans l'authentique chapelle Sixtine, ce qui fait qu'on construisit une réplique complète dans les studios de Rome. Bien sûr, Heston n'a pas peint lui-même le plafond. Ce fut fait en photographiant méticuleusement tout le plafond par morceaux et en les imprimant grandeur nature sur leur plateau de tournage. Ils furent capables de couvrir de grandes sections de la peinture avec des panneaux jusqu'à ce que tout le plafond soit en place dans toute sa glorieuse, douloureuse, extatique splendeur.

    Après l'agonie de faire Major Dundee et Les 55 Jours de Pékin, ce travail était une pure extase, mais Heston eut l'impression que Reed était trop souvent trop gentil, ne le poussant pas vers les limites qu'il aurait dû essayer d'atteindre. Il n'était pas non plus facile de travailler avec Rex Harrison dont le tempérament pouvait donner la migraine, mais rien n'aurait pu empêcher d'adorer cette expérience de cinéma unique.

    Les critiques ne partagèrent pas son enthousiasme. Ils descendirent le film, et ce fut également un échec commercial, ce qui le stupéfia. Il avait l'impression de ne jamais avoir aussi bien joué dans aucun autre film et avait l'impression d'être vraiment entré dans la peau de Michel-Ange, mais sa partenaire à l'affiche, Diane Cilento, est critique vis-à-vis de son interprétation.

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    « Il refusa de croire en l'un des cas les mieux documentés d'homosexualité de l'histoire, » me dit-elle. « C'était juste une vaste plaisanterie car il n'allait pas le jouer de la sorte. »

    elle trouvait également hilarant de jouer avec lui. « C'était vraiment drôle car il était tellement gigantesque que quand nous étions tous les deux à l'image, je lui arrivais au nombril… j'ai donc dû porter ces énormes bottes pour compenser ! »

    Au sujet de l'échec du film, elle dit : « c'était juste un film bizarre : un de ces longs trucs épiques, et tout le monde savait que ce serait vraiment Charlton Heston, Rex Harrison, moi et quelques autres personnes à Rome en train de peindre la chapelle Sixtine. Et ce n'était pas vraiment le plus grand scénario du monde ! »

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    1La Mostra de Venise

    2Major Dundee

    3« Professionnal Irishman » dans le texte d'origine. « an Irishman », en anglais, en plus de désigner quelqu'un ayant des origines irlandaises, est emprunt de nombreux clichés. Une définition proposée par le Urban Dictionary :

    « un homme capable d'encore boire quand ses autres camarades de beuverie se sont déjà évanouis à cause de l'alcool. Il reste également toujours loyal jusqu'à la fin et est toujours là pour ses camarades. Si vous en rencontrez un dans un bar, assurez-vous de lui offrir une pinte car il aura quelques histoires à vous glacer le sang ! »

    https://www.urbandictionary.com/define.php?term=Irishman

    4Pièce de tissu ornementale colorée que l'on trouve en Amérique Centrale.

    5Litt. « le traîné cosaque »

  • 22 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

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    .../... SUITE

    Des Boxers et des Baptistes

    Juste avant de partir pour Madrid, Heston reçut une offre spontanée de la part de George Stevens pour jouer Jean le Baptiste dans La Plus Grand Histoire jamais contée1. Il se dit d'abord qu'il n'avait pas envie de jouer un autre prophète ou de faire un autre film épique. Il y avait cependant plusieurs raisons d'être attiré : il serait entièrement tourné en Amérique ; c'était juste une apparition et il n'aurait donc pas à porter tout le film ; et on ne disait pas ‘non‘ au réalisateur George Stevens sans d'abord y réfléchir sérieusement.

    Après avoir pesé le pour et le contre, il accepta la proposition de Stevens. Quand je lui ai demandé ce qui l'avait décidé, il me répondit :

     « J'ai avant tout accepté pour pouvoir travailler avec Stevens. C'était aussi un très bon rôle. Je pense que de tous les rôles, à part Jésus — et Jésus est vraiment injouable —, le Baptiste était vraiment le meilleur. Tout ce joli discours à propos de montagnes qui seront mises à bas".

     Heston aime les dialogues consistants, et même s'il ne jouerait pas longtemps – c'est le seul film où il meurt avant l'entracte – le dialogue était superbe.

    Malheureusement, il n'y avait toujours pas de script pour Les 55 Jours de Pékin. « Comment peut-on défendre Pékin sans dialogue ? » demanda Heston. Soudain, avant même d'arriver en Espagne, les chances de succès de Pékin avaient l'air vraiment faibles. À son grand désarroi, on lui apprit qu'Ava Gardner serait sa partenaire à l'écran. Il ne pouvait absolument pas l'imaginer comtesse russe et fit un scandale. Commença alors une recherche désespérée pour trouver une remplaçante, mais quand Heston arriva en Espagne, le problème semblait presque insoluble. Les distributeurs2 européens dirent qu'ils voulaient Gardner dans le film. Heston voulait Melina Mercouri. La lutte continua pendant des semaines jusqu'à ce qu'Heston, qui devait donner son approbation, céda et les laissa donner le rôle à qui ils voulaient, à savoir Ava Gardner.

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     Le script restait cependant inutilisable bien que la production soit de première classe. Les costumes étaient beaux et le fabuleux décor de Pékin était génial. Heston était ravi de son autre partenaire à l'affiche, David Niven dans le rôle de l'ambassadeur britannique.

    Charlton trouva extrèmement difficile d'être chaleureux avec Ava Gardner. Quand elle s'en prit au script et à son rôle, il se retrouva curieusement à défendre un script qu'il savait ne pas être bon. Nick Ray semblait cependant avoir un don pour l'apaiser, surtout sur le tournage où s'affichait un sentiment d'insécurité surprenant3.

    Tandis que le tournage progressait à une cadence très lente, Heston et Niven se retrouvèrent réduits à devoir inventer une grande partie de leurs dialogues pour compenser la trivialité des répliques qu'on leur avait fournies. Charlton réussit finalement à les convaincre d'embaucher Ben Barzman pour réécrire ce que Philip Yordan et Bernard Gordon avaient déjà écrit. Le vrai point noir restait Gardner. Elle commença à disparaître, insistant sur le fait qu'elle était trop malade pour travailler, et quand elle travaillait, elle arrivait toujours en retard. Nick Ray en vint à la conclusion inévitable qu'il avait fait une grosse erreur et commença à réduire ses apparitions, donnant parfois certaines de ses répliques-clés à d'autres acteurs. Il fut également décidé de tuer son personnage bien avant la fin du film.

    ( interview de Chuck durant le tournage de "LES 55 JOURS DE PEKIN" )

    L'énorme pression exercée sur Ray qui devait faire avec le tempérament de Gardner tout en devant gérer une si gigantesque production lui fit payer le prix fort. Il fit un arrêt cardiaque et dut se retirer du film tout à la fois. Il survécut heureusement après son hospitalisation mais n'a plus jamais travaillé. La direction du film fut assurée par Andrew Marton dont la responsabilité de départ était de réaliser les scènes avec la deuxième équipe du film. Guy Green, grâce à l'insistance d'Heston, vint également aider, réalisant les scènes majeures restantes, permettant à Marton de se concentrer sur les scènes de combat. De ce fait, les meilleures scènes du film sont celles d'action tandis que tout le reste tombe complètement à plat.

    Green sembla réussir à faire réagir Gardner et elle fut plus professionnelle. Il put bientôt recaler ses scènes. À partir de là, Heston travailla frénétiquement avec à la fois l'équipe principale et l'équipe secondaire, nuit et jour pendant une semaine. Ce fut une expérience déprimante. Heston était venu dans l'espoir de trouver un film historique intéressant et finit par travailler comme un forcené juste pour terminer le film de la façon la plus efficace et la plus professionnelle possible. Il savait cependant que même le plus talentueux des monteurs ne pourrait pas sauver le film dans le montage final.

    Au moins lui restait-il Jean le Baptiste pour espérer.

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     Page, en Arizona, doit sûrement être le lieu le plus désolé dans lequel il ait travaillé depuis le Sinaï. George Stevens avait réservé une zone dans le désert derrière le Barrage de Glen Canyon, au milieu de rochers et d'arroyos4 qui serait noyée aussitôt La Plus Grande Histoire jamais contée terminée.

    Au moins cette fois Chuck pouvait-il aller dormir chez lui. Il se réveillait vers cinq heures du matin pour prendre l'avion qui l'emmenait au camp de base du film fait de cabanes en aluminium. À la fin de la journée, on le ramenait en vitesse au sein de sa famille, déterminé à ne plus partir travailler au-delà des mers avant longtemps.

    Son premier jour de tournage n'avait vraiment pas une cadence aussi frénétique que le tournage de Pékin. À un moment, Stevens semblait avoir disparu après une courte prise. Heston le vit alors 35 mètres5 plus loin assis sur un rocher, plongé dans ses pensées. Personne n'osa l'approcher. Il resta ainsi pendant trois heures, puis revint et refit la prise. Il était presque impossible de dire ce qu'il avait fait de différent cette fois, mais Heston sut au moins que Stevens n'allait rien mettre dans le film avant d'avoir la certitude qu'il n'y avait pas de meilleur moyen de le filmer.

    Charlton se retrouva à passer beaucoup de temps dans le fleuve Colorado à baptiser des gens. Ils commencèrent à tourner à l'automne 1962 et ils y étaient encore quand l'hiver arriva.

    Heston restait plongé jusqu'à la taille dans l'eau glacée pendant des heures, priant pour le repentir des païens et baptisant enfin Max Von Sydow qui donna le plus beau portrait jamais fait du Sauveur.

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    Charlton me dit :

     « Baptiser Max fut une expérience douloureuse. C'est un homme charmant et un incroyable acteur, et j'ai adoré jouer cette scène avec lui, mais nous la tournâmes dans le fleuve Colorado en novembre, et cette satanée eau était à 5 degrés. C'est froid 

    Je me tenais là jusqu'à la taille toute la journée à tremper les gens. Nous avons sollicité beaucoup de gens de la région pour jouer les baptisés, et George filma plutôt lentement et méticuleusement. Ils attendaient souvent toute la journée pour être baptisés et ils avaient hâte d'apparaître dans la scène.

    C'était agréable de les voir quand leur tour arrivait enfin. Ils faisaient un pas dans l'eau et l'on pouvait voir sur leurs visages ce qui, je crois, a passé pour une expression d'extase spirituelle ! Et quand je les plongeais effectivement, ils en ressortaient à moitié inconscients. Je dis alors à George : « George, si le Jourdain6 avait été aussi froid que le fleuve Colorado, le christianisme n'aurait jamais vu le jour ! »

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     Il y avait des traces dans la neige ; des traces d'enfants, et celles de luges derrière la maison sur la colline où Charlton en avait également fait étant petit. St Helen était l'endroit où il fallait être pour Noël pour que Charlton puisse se promener avec Lydia à travers les bois pour admirer le paysage hivernal, même si tous les cadeaux avaient été laissés à Coldwater.

    John Collier avait envoyé la suite de The Lovers à la cabane de St Helen. Cela faisait grand plaisir à Charlton de se vautrer dans ses souvenirs d'enfance et la lecture de haute qualité que lui prodiguait Collier. Naquit en lui le sentiment que The Lovers pourrait être un film mémorable.

    En retournant au rôle de Jean le Baptiste, il se retrouva soudain dans une drôle de situation : George Stevens lui demandant de diriger le tournage d'une seule scène dans laquelle les hommes d'Hérode viennent arrêter le Baptiste.

    « Mais qu'est-ce que tu veux que je fasse, George ? » demanda Chuck, un peu ahuri.

    « Ce que tu veux, » lui répondit Stevens.

    Heston me dit : « c'était un sentiment grisant d'avoir George Stevens disant « je dois vraiment retourner sur le plateau. Tu diriges la scène. » Dieu sait si c'était une scène simple. »

    En ayant enfin terminé avec son travail sur La Plus Grande Histoire jamais contée, il était libre de se concentrer un peu plus pour donner forme à son projet préféré. Walter Selzter le convainquit que The Lovers ne serait pas un titre qui attirerait les studios. Il proposa à la place : Le Seigneur de la guerre7. Heston et Selzter firent le tour de tous les studios majeurs avec leurs droits d'adaptation du script. Charlton n'avait pas autant travaillé à mettre en place sa propre production depuis La Guerre Privée du Major Benson, bien que son nom n'apparut pas ailleurs dans les crédits que dans la section des acteurs.

    Pendant ce temps, d'autres affaires continuaient à prendre du temps dans les pensées et les actions d'Heston. Le producteur Julian Blaustein le voulait pour interpréter le général Gordon dans Khartoum, mais Heston était certain de ne pas vouloir – et même de ne pas avoir besoin – d'une autre super production pour le moment.

    Il fut également impliqué dans une marche pour les droits civiques qui fit passer son excursion précédente à Oklahoma pour un événement presque insignifiant. Il marchait cette fois en compagnie d'un grand nombre d'acteurs, musiciens et autres artistes qui s'étaient appelés eux-mêmes « The Art Group ». Avec tant de rôles héroïques à son actif, il semblait naturel qu'Heston soit le président du groupe. Leur idée était de manifester à Washington sur le National Mall devant le Lincoln Memorial où seraient faits les discours.

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    C'était étonnant de voir Charlton dans cette situation car dans une situation normale, il s'opposait à toute forme d'action groupée, mais cette fois, il était l'un d'une centaine de noms célèbres comme Paul Newman, Harry Belafonte, Burt Lancaster, Marlon Brando, James Garner et Sidney Poitier.

    En tant que président, Heston s'opposa aux nombreux efforts faits pour transformer la Marche en un meeting extrême militant. Certains voulaient s'enchaîner au Thomas Jefferson Memorial sur la Pennsylvania Avenue. Charlton fut clair à ce sujet. « Nous vivons dans un pays où nous avons le droit de faire ce genre de choses, leur dit-il, et si je viens, nous le ferons comme les livres stipulent. » Arrivé le grand jour, en été 1963, il y avait presque un quart de million de personnes réunies sur le National Mall comme les enfants d'Israël dans Les Dix Commandements, sauf que cette fois, l'homme qui avait joué Moïse était perdu quelque part parmi eux. De vibrants discours furent donnés au Lincoln Memorial -le plus émouvant de tous étant celui de Martin Luther King, « I have a dream… »

    Quand la manifestation prit fin et que les gens commencèrent à rentrer chez eux, Charlton passa devant le monument à Thomas Jefferson, et sentit que ce président hors du commun aurait approuvé cette manifestation. Cinq mois plus tard, le Civil Rights Act de 1964 était accepté par le Congrès suite à cette journée.

    Il était tout à fait approprié que le prochain rôle d'Heston serait de jouer Thomas Jefferson en personne dans la pièce télévisée The Patriots qui ne fut pas diffusée en direct puisque l'Âge d'Or de la télévision était maintenant passé.

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    https://www.filmaffinity.com/en/filmimages.php?movie_id=988235

    (nous pouvons constater une petite erreur sur cette affiche, le prénom de Charlton est orthographié "charleton")

    L'idée de faire Le Seigneur de la guerre était toujours dans l'air, et tandis qu'arrivait l'automne, le projet ne semblait pas avoir plus avancé. Heston avait remarqué que les films qui vous tiennent le plus à cœur sont aussi les plus minutieusement difficiles à mettre en place. Il put cependant se consoler grâce au fait que Les 55 Jours de Pékin, malgré sa banalité, s'en sortait plutôt bien au niveau du box-office même si ce n'était pas un aussi franc succès que Le Cid. Il ne pouvait pas s'empêcher de se sentir responsable de ce que Pékin avait fini par devenir et, qu'il s'en soit rendu compte ou non, il aurait été meilleur et aurait eu plus intérêt à jouer dans La Chute de l'Empire romain, s'il avait dû choisir entre les deux films de Bronston.

    1The Greatest Story Ever Told

    2Ceux qui s'occupent de la commercialisation du film une fois celui-ci terminé

    3Vu les conditions dans lesquelles elle a été retenue et comment Charlton Heston a essayé de la dégager du film, je ne sais pas si l'on peut vraiment s'étonner de ce qui est décrit dans ce paragraphe.

    4Mot emprunté de l'espagnol. Désigne « en diverses régions tropicales [un] chenal ordinairement à sec, transformé en cours d'eau temporaire après une averse. » (www.larousse.fr)

    540 yards

    6Le fleuve où Jésus a été baptisé

    7The War Lord

  • 21 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

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    Une Grave Erreur de jugement

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    LUI ET D'AUTRES FAISAIENT LE PIQUET, PORTANT UN PANNEAU pour faire savoir aux habitants de Oklahoma City qu'il déplorait pour sa part, la ségrégation entre les noirs et les blancs dans les restaurants de la ville. Cela avait été une décision soudaine suite à la suggestion de son ami Jolly West de se joindre aux manifestations devant les restaurants de la ville. Après tout, c'était censé être des vacances en compagnie d'une douzaine d'amis et de membres de sa famille. Ils étaient partis une semaine plus tôt, se rejoignant à St-Helen pour aller à Two Rivers avant de continuer vers l'Ouest dans un convoi de voitures et de camions.

    La simple idée que l'homme qui avait joué Moïse s'affichait avec une pancarte en faveur des noirs suffisait à ameuter un troupeau de journalistes sur les lieux. C'était un événement très pacifique. Peut-être les racistes furent-ils troublés d'avoir Moïse face à eux en train de leur dire de se repentir. Le peuple noir formulait avec ferveur leurs remerciements, et Charlton Heston, simplement en portant une pancarte, était devenu une sorte de héros du quotidien.

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    L'histoire circula sur tous les médias du pays et le nom d'Heston se fit remarquer. Cela commençait à trop ressembler à un coup de publicité, au grand désarroi d'Heston et il se retrouva à donner des interviews à ce sujet en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, tant la presse voulait s'approprier cet incident. Ce fut un soulagement de pouvoir reprendre la route, et quand ils passèrent la frontière avec la Californie, ils se mirent tous à chanter : « Californie, me voilà !1 »

    Il était de retour à la maison pour la première fois depuis qu'il était parti tourner Le Cid. Il n'y resta cependant pas longtemps. Il partait deux semaines plus tard pour Berlin à la demande du Département d'État2 pour qu'il se rende au festival de Berlin en tant que délégué officiel. Il commençait à avoir l'impression que la maison dont il avait si longtemps rêvé devenait plutôt un lieu de vacances entre ses balades transatlantiques qui devenaient de plus en plus fréquentes.

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    Charlton au festival du film à Berlin en 1961 pour Ben Hur

    C'était un moment capital pour être à Berlin. C'était également déprimant. La tension entre l'Ouest et l'Est était exacerbée dans la capitale allemande. En visitant le secteur Est, il ne fut pas impressionné par ce qu'il voyait de la vie communiste. Il ne subissait aucune restriction de circulation grâce à son passeport diplomatique mais il fut soulagé de retourner dans le secteur Ouest. Quelques jours plus tard, le mur de Berlin était dressé et le gouffre entre l'Ouest et l'Est élargi.

    Laissant enfin Berlin derrière eux, Charlton et Lydia s'envolèrent directement pour Chicago dans la maison où sa mère, Lilla, vivait encore et où le jeune marginal de St-Helen fit ses premiers pas en tant qu'acteur.

    Il étaient maintenant quatre : Charlton, Lydia, Fray et maintenant la petite Holly. Depuis la naissance de Fray six ans auparavant, Lydia n'avait pas réussi à concevoir et ils décidèrent d'adopter3. Avant Le Cid, Charlton et Lydia avaient subi plusieurs entretiens avec le bureau des adoptions. Il furent enfin autorisés à amener leur nouvelle fille chez eux à l'été 1961. Elle était née le 1er août. Elle avait tout juste seize jours.

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    Avec la famille au complet, Charlton prit conscience plus que jamais auparavant,  de l'instinct familial qu'il avait en lui. Une bonne partie venait des souvenirs amères de la période traumatisante où Russ et Lilla divorçaient et où le petit Charlton fut jeté dans la ville où il devait faire face à la fois à la peur de son nouvel environnement et le futur sans son papa. Cependant, peut-être cela venait-il plus que tout, du sentiment de sécurité qu'il ressentait dans les murs de sa propre maison et la sécurité financière qu'il avait là.

    Il n'avait quand même pas beaucoup le temps d'en profiter. Peu de temps après, il était de retour en Europe pour jouer Le Pigeon qui sauva Rome4. C'était une comédie militaire réalisée, produite et écrite par Melville Shavelson pour Paramount. Ils prévoyaient au départ de faire tout le film en Italie, mais quand ils apprirent la répugnance d'Heston de passer plus de temps loin de chez lui que nécessaire, ils s'organisèrent autrement, tournant d'abord ce dont ils avaient besoin en Italie avant de retourner à Hollywood pour tourner les scènes en intérieur.

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    Désormais Charlton semblait naturellement méfiant à l'égard de ses partenaires féminines et quand il rencontra Elsa Martinelli, une beauté italienne qui était à l'affiche avec lui pour le film, il se rendit compte tout de suite que son anglais allait poser problème, mais ce qui lui hérissa vraiment le poil, c'est quand elle commença à arriver en retard. Finalement, frustré par la difficulté qu'il sentait qu'elle avait avec ses répliques, il prit les choses en main pour l'aider dans son interprétation. C'était la première fois qu'il intervenait dans le travail d'un autre acteur.

    Il finit le film à temps pour fêter leur premier noël tous ensemble à Coldwater, et l'on perpétua une tradition vieille de quelques années en prenant un sapin abattu sur les terres de Charlton dans le Michigan, chez eux.

    Il avait plusieurs projets sur le feu pour la nouvelle année. Il signa pour Les 55 Jours de Pékin5 pour Samuel Bronston, et Le seigneur d'Hawaï6, un film contemporain. Il acheta également les droits pour une pièce qu'on lui avait déjà proposée mais qu'il n'avait pas pu faire : The Lovers. C'était l'histoire d'un chevalier normand prenant pour maîtresse la fiancée d'un autre homme. Heston sentit que cela pouvait faire un bon film, donc il acheta les droits d'adaptation cinématographique, annonçant que ce serait un film intimiste avec un petit budget. Avec le soutien de Walter Seltzer qui produisait désormais des films au lieu d'en faire la promotion, il partit à la recherche de quelqu'un capable de réécrire la pièce de Leslie Stevens pour en faire un excellent script. L'homme qu'ils trouvèrent fut John Collier, un excellent auteur, quoiqu'au tempérament bien trempé qui offrit plusieurs mois plus tard le genre de script de haute-qualité qu'ils avaient envisagé.

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    Pendant ce temps, Charlton se rendit à Hawaï pour Le Seigneur d'Hawaï que le réalisateur Guy Green prévoyait de filmer sur l'île de Kauai où, d'après ce qu'on disait, le temps est toujours radieux. Au lieu de cela, il plut presque en permanence.

    À cause de ses expériences antérieures, il commença à travailler avec Yvette Mimieux avec réticence, se méfiant du moindre changement d'humeur pouvant advenir. Rien de ce genre ne se produisit : Mimieux s'avéra très professionnelle. La météo fit des ravages sur le programme prévu. La monotonie était cependant brisée par quelques visites de la famille.

    Le film fut achevé à Los Angeles, mais Charlton fut de nouveau sur la route en direction de Madrid pour Les 55 Jours de Pekin sous la direction de Nicholas Ray. Comment il s'est permis de s'impliquer dans cette entreprise désastreuse reste  un mystère qui doit encore lui échapper.

    Tout avait commencé avec Samuel Bronston et Anthony Mann le suppliant pratiquement de jouer le rôle fictif d'un général romain dans l'épopée historique qu'ils avaient prévue, La Chute de l'Empire Romain7. Les concepteurs de décors de Bronston étaient déjà occupés à préparer une incroyable réplique grandeur-nature en trois dimensions du Forum Romain dans les plaines de Las Matas. Herman Citron avait hâte qu'il fasse ce film, mais Charlton n'était tout simplement pas satisfait par le script à moitié fini qu'ils lui présentèrent. Il survola cependant les documents de recherches qui allaient avec.

    Il réfléchit à l'idée pendant plusieurs semaines, mais son mécontentement vis-à-vis de Le Cid finit par le convaincre de rester à l'écart. Presque exactement au moment où il leur donna un non définitif, Nick entra en scène sur ordre de Bronston avec une présentation de 55 Jours de Pékin, l'histoire de la révolte des Boxers en Chine. C'était là une période de l'histoire que Charlton n'avait pas encore explorée et il fut aussitôt intrigué par l'idée,  même s'il n'y avait pas encore de script terminé. Il avait également envie de travailler avec Ray, un réalisateur honnête et sensible. Il venait de faire Le Roi des Rois8, l'histoire du Christ, pour Bronston. Visiblement, Heston n'avait pas vu Le Roi des Rois, un film biblique respectable mais bien inférieur à Le Cid. Si Charlton l'avait vu, il aurait reconnu que le flair de Mann pour les drames historiques et le spectacle était supérieur à celui de Ray. C'était une terrible erreur de jugement que d'accepter de faire le film de Boxers, ne basant sa décision que sur les antécédents de réalisateur de Ray.

    Dès qu'Heston dit oui à Pékin, Bronston ordonna à ses scénographes de transformer le forum romain à moitié fini en un Pékin de la fin du XIXème Siècle. Charlton aurait vraiment dû choisir le film sur l'empire romain. Il ne s'avéra pas seulement qu'il fut meilleur que Pékin, mais il aurait été bien moins compliqué à faire. Il n'avait cependant aucun moyen à l'époque de prévoir la catastrophe qui arriverait à tous ceux impliqués dans les 55 Jours de Pékin.

     

    A SUIVRE...

     

    1« California, here I come… ! » dans le texte original. « California, here I come » est une chanson composée en 1921 pour le musical Bombo.

    2L'équivalent de notre ministère des Affaires étrangères

    3Le texte original fait porter la responsabilité à la mère. Nous choisissons de le rendre dans la traduction sans pour autant cautionner.

    4The Pigeon that took Rome

    555 Days at Peking

    6Diamond Head

    7The Fall of the Roman Empire

    8King of Kings