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Michael Munn : A biography Charlton Heston - Page 2

  • 33 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

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    «Ça se passe dans les Tetons, montagnes de Wind River et concerne le commerce de la fourrure qui y fleurit pendant une très courte période, à peine une génération. Ces trappeurs (les trappeurs libres, comme on les appelait) étaient sans doute les hommes les plus libres de tous les temps, mais cette liberté leur coûtait cher. Leur vie était rude et dangereuse, en permanence menacée par les éléments, les bêtes sauvages et les Indiens hostiles.

    C'est l'histoire de deux de ces hommes, interprétés par Brian Keith et moi-même, et ça traite d'une partie de leur vie durant une année où le commerce de la fourrure commençait à péricliter. C'est vraiment une histoire de liberté.

    C'est de loin le meilleur rôle que j'ai eu depuis Khartoum. »

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    La Fureur sauvage fut tourné dans le Wyoming et dirigé par un réalisateur dont c'était le premier film, Richard Lang, fils de Fritz Lang. Charlton avait cinquante-six ans, mais été toujours fort et en bonne santé, ce qu'il fallait qu'il soit pour jouer ce film physiquement très exigeant. Il dit :

     

    « J'avais une scène avec Steven Macht, qui joue mon ennemi, Aigle Lourd, à l'apogée du film. C'était un combat féroce, sauvage et nous étions tous les deux couverts de sang et juste épuisés. Nous avions tournés depuis sept heures du matin et c'était maintenant le soir et nous étions déterminés à finir cette séquence.

    Il était sept heures passé, le soleil était bas, et j'étais allongé sur le dos dans la poussière. Steven était sur moi, du sang coulant de son torse et tombant goutte à goutte sur moi. Soudain, je l'ai regardé et lui ai dit : « tu sais, Steve, si nous étions des enfants en train de jouer aux cow-boys et aux Indiens, nos mères nous auraient déjà appelés pour le souper ! »

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    Il ajoute avec ironie, « je veux dire, c'est un moyen ridicule de gagner sa vie ! » Fray était en permanence sur le plateau à travailler en étroite collaboration avec Richard Lang. Charlton semblait savoir que son fils regardait toutes les étapes avec un œil de réalisateur :

     

    « C'est une chose curieuse, mais il a vraiment ce genre d'attitude. Il est très malin mais néanmoins sans expérience. Il a une relation remarquablement pleine de succès avec Richard Lang qui semble aimer avoir Fraser sur le plateau.

    Il reste qu'il me semble toujours très jeune, même si j'imagine que les fils semblent toujours plus jeunes qu'ils ne le sont dans les yeux de leur père, mais à vingt-quatre ans il est jeune. Il est cependant très calme, simple, et a de bonnes compétences de capitanat en lui. Ce serait un bon gars à avoir près de soi quand la maison brûle ou que la voiture tombe en panne au milieu de nulle part. C'est pareil sur un plateau de tournage, et ça le servira bien un jour quand il décidera d'être réalisateur.

    Fraser and Charlton discussing a scene from Mountain Men.

    http://www.agamemnon.com/_pagesAbout/fraser.php

    Je dois dire que je trouve en lui en tant qu'écrivain, des qualités que je trouve également en lui en tant que fils. Il est honnête, appliqué, plein de bonnes intentions et d'empathie. Je le respecte pour cela en tant qu'auteur et je l'aime en tant que fils.»

     

    Faire le film n'a pas toujours été une partie de plaisir, ceci dit. Charlton m'a dit :

    « L'un des problèmes de La Fureur sauvage est que Martin Ransohoff, qui m'avait promis qu'il laisserait Joe Canutt s'occuper des scènes d'action, n'a pas tenu parole et a laissé un réalisateur sans expérience issu de la télé s'en charger. Lang ne savait pas comment s'y prendre. La seule scène qu'ait dirigé Joe Canutt est celle des rapides qui était terrifiante. Ce serait indécent que je me vante de cette scène vu que je ne l'ai pas jouée moi-même. Joe Canutt l'a faite, mais il aurait dû gérer toutes les scènes d'action pour que Lang puisse se concentrer sur les acteurs. Malheureusement, ça ne s'est pas passé comme ça.

    J'ai l'impression qu'il y a eu trop de dépenses dans ce film. C'était un très bon script, mais certains des meilleurs éléments ont été supprimés. »

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    La Fureur sauvage n'a pas réussi à  être à la hauteur des attentes qu'avaient Heston junior et senior. « Tout cinéaste a un bébé qu'il voit détruit, » dit Charlton. « La Fureur sauvage a été le mien. »

    Charlton marchait à grands pas autour du tombeau égyptien, ses fameux genoux épuisés par le voyage, sous un pantalon kaki . Derrière lui suivait Susannah York, les yeux exorbités en admirant d'anciennes reliques jusqu'à maintenant oubliées. La voix d'Heston était pleine d'émerveillement en parlant de sa grande découverte, le tombeau d'une princesse égyptienne.

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    Sauf que ce n'était pas l’Égypte, c'était le studio Lee International de Londres, et Heston et Susannah York tournaient une scène de La Malédiction de la vallée des rois1. Je regardais, en retrait. Quelqu'un m'apprit que le conseiller technique sur le film, un petit homme qui n'arrêtait pas de s'agiter, pouvait vraiment lire les hiéroglyphes couvrant les murs du faux-tombeau à l'intérieur du studio.

    Charlton finit sa scène et s'avança vers moi. C'était la troisième fois que je le rencontrais. Je l'avais vu auparavant pour la promotion de The Actor's Life, et avant cela pendant la tournée pour La Bataille de Midway. Il était bien plus à l'aise avec moi qu'auparavant et me conduisit à sa loge. Avant, j'avais été un journaliste parmi une succession d'intervieweurs, un journaliste qui n'avait plus que trente minutes d'interview. À ces différentes occasions, sa lassitude de devoir répondre à des centaines de questions (dont la plupart avaient déjà été posées) toute la journée était perceptible.

    Or, cette fois, il était plein d'engouement pour son travail actuel, et enclin à en parler :

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    « Je joue un archéologue anglais et on me demande de vieillir de 43 à 61 ans pour les besoins du rôle. Je suppose que je me suis taillé une petite réputation d'être le seul Américain qu'ils laissent jouer un Anglais ! Je dois dire que j'en suis bien content puisque cela me donne des opportunités pour des rôles que l'on ne m'offrirait pas, sinon. C'est également un rôle intéressant parce qu'il y a une période de dix-huit ans qui s'écoule, ce qui est très difficile à atteindre pour un acteur. Pour trente ou quarante ans, il suffit d'enfiler une perruque et une barbe blanche et on est bon, mais rajeunir de dix-huit ans est quelque peu délicat.

    Ce matin, je joue la partie jeune. Il s'agit surtout de mettre un très joli maquillage autour des yeux et de foncer les cheveux grisonnants au niveau des tempes. Pour les parties où je dois être plus vieux, on a creusé les rides déjà présentes mais qui doivent être plus profondes. On a aussi assombri les orbites et mis beaucoup plus de gris dans les cheveux, et ça a l'air satisfaisant.

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    Ça a été compliqué de venir juste après avoir terminé La Fureur sauvage (nous en avons un peu parlé ensemble la dernière fois qu'on s'est vu) et à peine six jours après avoir été plongé jusqu'au cou dans des rivières à castors, une barbe, de longs cheveux roux et des vêtements en cuir sale pour jouer un Américain des montagnes dans les années 1830, je me retrouvais en robe à l'université de Londres à donner un cours d'archéologie. C'était un long chemin à parcourir, bien plus long que celui entre les montagnes du Wyoming et Londres. Le voyage intérieur était le plus long, mais maintenant, j'y suis habitué.

    Ils ont engagé un très bon réalisateur-acteur (qui est en vérité Gallois) appelé Hugh Thomas pour m'aider à travailler mon accent britannique.

    Même pendant le tournage dans le Wyoming, ma femme Lydia m'a dit : « ne devrais-tu pas travailler ton accent britannique ? » Si j'avais dû commencer à travailler mon accent avec un magnétophone aussitôt rentré à la maison encore habillé de peau de daim, je me serais effondré. J'avais un accent différent pour La Fureur sauvage et en essayer un nouveau pendant le tournage aurait gâché les deux films. »

     

    Quand Heston est détendu comme ça, il n'est pas difficile d'obtenir de longues réponses intéressantes (voire même des affirmations) de lui. Il me raconta combien il était impressionné par Mike Newell, le réalisateur du film, surtout étant donné que c'était son premier film. Sachant toute l'autorité qu'il a sur et en dehors du plateau de tournage, je lui ai demandé s'il cherchait à être dirigé, surtout par un petit nouveau comme Mike Newell. Il dit :

     

    « Oh, il faut vouloir être dirigé, même sur la scène qui est la patrie de l'acteur. Je n'ai jamais entendu un acteur dire qu'il n'aimait pas être dirigé. S'il y en a un qui le dit, il est complètement cinglé. On ne peut pas se diriger soi-même.

    Être acteur n'est que de la poudre aux yeux, de toute façon, bien sûr. C'est le moins significatif de tous les arts parce qu'il n'a aucune existence matérielle. On ne peut pas prendre une simple bande de film à part et dire qu'elle est merveilleuse. Il faut la faire tourner parce qu'elle n'existe que dans le temps. On ne peut pas la modifier du tout. Avec un livre, une pièce ou une statue, il y a un objet concret. On peut le modifier. On ne peut pas en dire autant d'une performance d'acteur. On ne peut pas avoir la moindre certitude et on ne peut donc qu'essayer… tout à tâtons. C'est comme essayer d'assembler un objet les yeux fermés. Ce n'est qu'un enchaînement de tentatives et d'échecs, et on ne peut pas l'examiner de trop près au risque que rien ne fonctionne. Pour toutes ces raisons, on a désespérément besoin de quelqu'un pour dire que c'était bien, que ça ne l'était pas, ou qu'on pourrait faire autrement. On a besoin d'avoir le sentiment qu'on peut essayer tout ce que l'on veut, et laisser quelqu'un donner forme et presser la performance, recommencer et ainsi de suite.

    À chaque fois que je joue quelqu'un, qu'importe qu'il ait existé ou non, j'aime d'abord trouver à quoi il ressemblait, les vêtements qu'il porte, sa voix, sa façon de marcher. Je ne peux pas trouver l'intérieur d'un personnage si je n'en connais pas l'extérieur. D'autres acteurs m'ont dit « je dois d'abord trouver l'intérieur » ce qui m'a l'air plausible. Ça m'aide cependant à trouver sa personnalité si j'ai des éléments auxquels me rattacher, comme le genre d'uniforme militaire qu'il porte, le genre de bottes. Ces bottes sont en vérité très vieilles. Ce sont mes bottes de tir. Elles ont au moins dix-huit ans, et je les porte parce qu'elles sont très confortables et quand on se rend en Égypte, il y a des rochers à escalader, et je les ai aussi choisies parce qu'elles passent bien avec le rôle. J'ai regardé beaucoup de photos d'archéologues et étudié les vêtements qu'ils portaient. Quand mon choix s'est porté sur ces bottes, ça m'a donné quelque chose sur quoi me baser, et je porterai les mêmes bottes quand il retournera dans le désert en homme  plus âgé, mais je ne porterai plus de short parce qu'il est censé avoir soixante-et-un ans. »

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    Le film en lui-même suivait le scénario traditionnel de ces vieux films de momie. La princesse qu'ils avaient découverte se réincarne en fille d'Heston, jouée par Stephanie Zimbalist, la fille d'Efrem Zimbalist Junior et vedette de la télévision dans Les Enquêtes de Remington Steele2.

    Toute l'équipe et tous les techniciens tenaient évidemment Heston en grande estime, et la jeune Stephanie était vraiment en adoration devant lui.

     

    « J'adore travailler avec Heston. Il va être impeccable dans ce film. Je me souviens quand j'avais douze ans, j'ai vu Ben-Hur, c'est l'un des deux meilleurs films que j'ai jamais vu, et j'ai eu le gros béguin pour Charlton Heston.

    Il joue un personnage dans celui-là, pas comme un rôle masculin principal dont il a l'habitude. Il est très audacieux, il n'a pas peur d'être trop gros, et je l'admire pour cela. C'est aussi un homme gentil. Tous les bons acteurs ne sont pas nécessairement gentils.

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    J'en apprends beaucoup rien qu'en l'observant, tout comme en écoutant les questions qu'il pose qui ne me seraient jamais venues à l'esprit, comme où est le bas du cadre parce qu'il a une lampe-torche et que c'est sous le cadre, personne ne la verra. De petites choses aussi simples ne me seraient jamais venues à l'esprit. Bien sûr, il est dans le métier depuis bien plus longtemps que moi. »

     

    J'ai fait une autre visite au studio une semaine plus tard  et j'ai trouvé Heston jouant le personnage plus âgé. Tout le maquillage dont il avait parlé était là et il était en quelque sorte voûté par l'âge, lui donnant un air un peu fatigué très efficace. Il m'a dit qu'il avait gagné tellement d'argent avec ses films précédents qu'il pourrait prendre sa retraite dès maintenant s'il le voulait.

    « Alors pourquoi ne pas le faire ? » lui demandé-je.

    « parce qu'être acteur, c'est ma vie, » me répondit-il.

    Il m'a également dit combien il avait hâte de retourner en Égypte. « Je n'y suis plus allé depuis le tournage de Khartoum, » dit-il, « et j'ai hâte d'y retourner. C'est un pays remarquable, et avec ce scénario, on ne pouvait pas jouer les scènes sans y être. »

    Pendant environ un mois, l'équipe de La Malédiction de la vallée des rois travailla là-bas, en partie dans le mondialement célèbre musée du Caire, mais surtout dans la chaleur caniculaire de la vallée des Rois. Pour me faire une idée de combien il faisait chaud, il me dit bien plus tard : « la température montait jusqu'à 55 degrés, et quand, pour prendre dans ses mains une fourchette, il faut d'abord la refroidir dans l'eau pour pouvoir tourner, alors on peut dire qu'il fait chaud ! »

    Le Meilleur Parcours de Train Électrique

    Il avait cinquante-six ans, pourtant il continuait de courir une heure tous les matins, jouait toujours au tennis et courait toujours après les meilleurs rôles que pouvait lui offrir le théâtre. En 1979, il était de retour dans la robe de Thomas More pour un nouveau succès retentissant de A Man for all Seasons de Robert Bolt. Pour lui, revenir à des pièces comme celle-ci ou Macbeth était une progression. Il devait améliorer sa performance à chaque fois qu'il la donnait, il pouvait mesurer ses progrès en tant qu'acteur en rejouant ces personnages. Il cherchait encore à devenir l'acteur qu'il pensait ne pas être encore devenu. D'après lui, il doit repousser ses limites, même s'il ne savait pas encore ce qu'étaient ces limites tout simplement parce qu'il ne les avait pas atteintes. Il imagine que si ou quand il y arrivera, il sera temps d'arrêter, mais étant le perfectionniste qu'il a toujours été, il ne sera jamais satisfait, et il le sait.

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    En 1980, il continuait d'élargir encore son horizon, cette fois en incarnant un personnage qui avait déjà été fait des millions de fois : Sherlock Holmes. La pièce à Ahmanson était Crucifer of Blood. Son succès mena à une offre qu'Heston estime plutôt radicale. Il dit :

    " Ils voulaient que je fasse Crucifer of Blood à la télévision. J'aimais le rôle, mais ne c'était pas le genre de truc qui marcherait en tant que film (du moins, je ne le croyais pas). Donc quand l'offre de télévision arriva, j'ai demandé : « combien de jours ? » Ils ont répondu : « 21. » « Seulement 21 ? » ai-je demandé. Le film que j'ai fait, le plus court de ma carrière,  était La Soif du mal avec Orson Welles qui est un type plutôt malin, et il nous a fallu 39 jours. Je leur ai dit que je ne pouvais pas tirer le meilleur de moi-même en 21 jours ; pas autant que si je le pouvais, disons, en 46 jours.

     

    Par ailleurs, aux états-Unis, moins en Angleterre, il y a ce sentiment que le public ne va pas regarder des acteurs dans une pièce de théâtre à la télévision, quand ils peuvent les voir sur leurs écrans, dans une série. En un sens, ça a l'air ridicule. Un de mes films doit être à la télévision quelque part, tous les soirs de la semaine.

    Je continue de gagner ma vie en faisant des films, et je fais partie du groupe des chanceux qui maîtrise avec qui on travaille, comment, etc. Je ne vais pas vraiment prendre le risque de perdre tout cela, même si c'est pour jouer Sherlock Holmes."

     

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    A SUIVRE...

    1The Awakening

    2Remington Steele

  • 32 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

     

    ... SUITE

     

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    Se donner la peine d'élargir son répertoire

    Heston a une telle stature qu'on l'approche très souvent pour l'engager pour un script avant même d'avoir un réalisateur ou les autres acteurs.

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    C'est ce qui se passa pour La Loi de la haine3 pour Twentieth Century-Fox. C'était un western sur un hors-la-loi à la poursuite du marshal à la retraite qui l'avait emprisonné. Heston fut pris pour jouer le marshal, et il espérait qu'ils prendraient Sean Connery comme partenaire à l'affiche et Jack Smight, qui avait travaillé avec Heston sur La Bataille de Midway et 747 en péril, à la réalisation. Walter Seltzer s'occupait de la mise en place de La Loi de la haine, donc Charlton tendit à s'accommoder de ses choix, qui furent finalement James Coburn pour jouer le hors-la-loi et Andrew V. MacLaglen. C'était ironique du fait qu'il y avait quelques années de cela, Heston avait rejeté La Route de l'Ouest4 en grande partie parce qu'il n'avait pas été impressionné par le travail de MacLaglen sur Les Prairies de l'honneur5, ce qui est surprenant en soi puisque c'est sûrement l'un des meilleurs films sur la guerre de Sécession depuis La Conquête du courage6. Cela montre que même Charlton Heston n'est pas toujours bon juge en matière de film. 

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    Il trouva finalement que McLaglen était un réalisateur très compétent même s'il manquait quelque peu de patience avec Coburn qui tendait à être un acteur plus introspectif qu'Heston. Coburn aimait remettre en question chaque point du script jusqu'à ce qu'il ait le sentiment que c'était crédible, ce qui fit perdre un précieux temps sur le plateau, ce qui agaça naturellement Heston.

    Andrew V. McLaglen

    Andrew V. MacLaglen

    Bien sûr, Heston n'était pas le genre d'acteur à rester impassible quand un autre acteur débarquait avec une interprétation d'une scène ou d'une ligne de dialogue différente de celle du réalisateur (ou bien celle de l'auteur ou même la sienne). Il est même arrivé qu'il se dispute de temps en temps avec un réalisateur, mais c'était généralement le réalisateur qui avait le dernier mot. Cependant, quand Barbara Hershey, qui jouait sa fille dans La Loi de la haine, arriva avec une nouvelle interprétation pour la réaction qu'elle devrait avoir dans une scène, Heston se mit du côté de McLaglen et il y eut des heures de discussions et de débats avant d'avoir la scène dans la boîte.

    Très au courant de l'autorité qu'avait Heston sur le plateau (parfois au grand dam des autres acteurs), McLaglen me dit :

    « J'aime beaucoup Heston, en tant qu'homme et qu'acteur. Il travaille très dur. Maintenant, je connais quelques acteurs qui diront qu'il est tatillon sur le plateau. Eh bien, je pense que ça vient des rôles qu'il a joués. Je veux dire, bien sûr qu'il a eu du succès dans de longs films comme Ben-Hur et Les Dix Commandements, mais c'est un homme bien et je l'aime bien. Je l'aime en tant qu'acteur, et ça a été très agréable de travailler avec lui. »

    La Loi de la haine, qui n'a rencontré qu'un succès modéré, reste le film d'Heston avec le plus de violence explicite, beaucoup d'effusions de sang comme Peckinpah en a le secret. En effet, McLaglen m'a dit qu'il était tellement gore que quand il fut censuré pour la télévision, ils finirent avec un film tellement court que McLaglen et son monteur durent retourner en salle de montage et réinsérer quelques prises moins sanguinolentes,  le rallonger de nouveau.

    Heston s'est toujours vanté qu'il pouvait dormir n'importe quand, n'importe où. Il a un métabolisme qui s'éteint presque simplement sur demande. Ce n'était pas un don qui profitait vraiment aux autres, mais ça l'a certainement aidé à supporter les sessions de maquillage de deux heures pour lui faire ressembler au roi Henri VIII pour son apparition dans Le Prince et le pauvre.

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    Le maquillage de Richelieu ne prenait pas autant de temps, même s'il se souvenait avoir passé environ deux heures à être grimé en vieux Moïse il y a de cela des années. Il a toujours aimé devoir trouver le bon visage pour chaque personnage mais il était facilement ennuyé par la tâche quotidienne d'être maquillé, donc il dormait pendant ce temps.

    Malgré la brièveté de son rôle d'Henry, il s'est donné beaucoup de mal pour trouver la bonne apparence. Il dit :

    «La création du maquillage est la première chose que je fais dans tout nouveau projet. J'essaye beaucoup de nez postiches, de perruques et de fausses-barbes. Mon maquilleur est Siegfried Geike et je pense qu'il est le meilleur au monde. Je commence vraiment à rentrer dans le personnage quand j'en suis à cette étape avec Ziggy : créer le maquillage.

    Quand j'ai joué Henry VIII, j'ai utilisé quelque chose qui ressemblait à un accent britannique moderne, mais certains soupçonnent qu'Henry ne parlait pas vraiment comme les Anglais actuels. Par ailleurs, personne ne sait vraiment comment il parlait.»

    Il était également très content d'avoir la chance de jouer en extérieur, sous la direction de Richard Fleischer, en Angleterre à Penshurst où Henry s'est vraiment rendu. S'imprégnant de l'atmosphère historique, Charlton fut capable de revivre quelques jours de la vie d'un vieux gros roi.

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    À ce moment-là, Chuck avait décidé de réduire le nombre de films qu'il faisait. Il avait fait des films presque sans interruption durant ces dernières années, et quand il ne réussit pas  à décrocher le rôle de MacArthur  qu'il voulait tant (C'est Gregory Peck qui le joua), il en vint à la conclusion qu'il était surexposé dans trop de films. Le seul autre film qu'il fit cette année-là fut donc Sauvez le Neptune1, l'histoire d'un sous-marin échoué au fond de l'océan.

    Pour se préparer à ce rôle, il réussit à avoir l'autorisation de passer du temps sur un sous-marin nucléaire pendant qu'il tirait de fausses torpilles sur des vaisseaux en surface.

    Le film était réalisé par David Greene qui avait signé des films aussi banals que Godspell et Madame Sin. Son problème majeur était qu'il choisissait ou qu'il avait été choisi pour des sujets sans intérêt, et Sauvez le Neptune, un film « événement » supérieur, lui laissa la liberté d'y exprimer son propre style et d'en faire un succès commercial. Il a clairement impressionné Heston. Ce dernier avait l'habitude de se tenir hors-caméra pour que les acteurs en gros plan puissent lui parler, tandis que beaucoup d'autres acteurs laissaient ce genre de travail à leurs doublures. Or, quand Heston devait parler à un personnage hors-champs, il insistait pour dire qu'il pouvait le faire sans acteur hors-champs ; Greene le remarqua et vit comment cela affectait sa performance.

     

    « Chuck, je sais que tu essayes juste d'être aussi efficace que possible, mais ça ne veut pas dire que c'est créatif. Le faire avec justesse, ce n'est pas bien faire. Pourquoi ne pas mettre quelques acteurs hors-champs pour que tu leur donnes tes répliques ? »

    Heston accepta, et il dût reconnaître après quelques prises que Greene avait raison.

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    Sauvez le Neptune, sorti en 1977, rencontra du succès et donna à Heston la possibilité de travailler plus sa performance qu'avec les autres films catastrophes de chez Universal. La trame de fond était plus petite, mais la tension et le drame de cette opération de secours presque impossible en firent le meilleur film d'Heston de cette décennie.

    Au début de 1977, il fit enfin une pièce qu'il préparait depuis un an, Le Long voyage vers la nuit2 d'Eugene O'Neill. Charlton considère cette pièce plutôt sombre basée sur la relation complexe qu'entretient Eugene lui-même avec sa propre famille comme la meilleure pièce américaine jamais écrite. Il l'avait vue lors de sa première mondiale et il sut qu'il devait impérativement la faire. Ce n'est pas qu'il voulait que les autres l'aiment dedans. C'était juste une pièce qu'il devait jouer, et Robert Fryer voulait qu'il la joue au Ahmanson Theater où il commençait à se sentir comme à la maison.

    Fryer réussit à obtenir les services de Deborah Kerr, mais à un certain prix pour Heston. Elle insistait pour être la première actrice inscrite sur l'affiche. Il la voulait en tant qu'épouse et était prêt à n'apparaître qu'en deuxième. À son grand contentement, Bruce Dern prit le rôle de Jamie qui avait hérité de sa mère la dépendance à la drogue. Au fil de la pièce, la mère plonge dans la folie, et le fils brûle de haine et de frustration envers sa famille, tout particulièrement le père tyrannique, mesquin et insensible joué par Heston.

    C'était un gros défi pour Heston. « C'est quelque chose de vraiment intimidant pour moi, » dit-il. « Je pense qu'un acteur doit se donner la peine d'élargir un peu son répertoire. Si on ne joue que des rôles que l'on est absolument sûr de réussir, notre répertoire ne fait que rétrécir jusqu'au moment où l'on se retrouve à ne jouer qu'un seul rôle, et je pense que c'est une grosse erreur. »

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    À cette époque, il avait lui-même élargi ses horizons, faisant la promotion du travail d'acteur. Il était coprésident du Center Theater Group qui comprenait le Ahmanson Theater, et il était toujours président de l'AFI (American Film Institute) et membre du National Council of the Arts.

    Cette année-là, il avait également remporté King of the Hill, le tournoi de tennis, avec son partenaire de jeu Martin Shafer, mais il prit moins de contrats pour le cinéma. Non pas qu'il n'était plus réclamé : les demandes n'arrêtaient pas, comme celle pour le rôle principal de La Guerre des abîmes3 que, comme beaucoup d'autres, il rejeta. « Je suis l'un des sept ou huit chanceux qui peut encore rejeter un film, » dit-il à l'époque. « je fais le meilleur de ce qui m'est proposé. »

    C'est en 1976 que je rencontrais pour la première fois Heston, lors d'une petite tournée de promotion pour La Bataille de Midway. En fait, il passa une grande partie de cette année-là à faire le tour du monde pour faire la promotion de ce film qui devint l'un des films ayant fait la plus grosse recette de l'année, battu au box-office seulement par La Malediction4 que, ironiquement, il avait décliné.

    À la maison, les choses se passaient bien plus en douceur que les quelques années précédentes. Les pressions énormes qui s'étaient amassées sur lui, ou qu'il alimentait lui-même, avaient eu des conséquences sur sa vie privée, mais il s'accrocha à ce qu'il avait, et vers la fin de 1977, c'était un homme plus qu'heureux. C'était en grande partie parce que ses enfants s'avérèrent n'avoir aucune vocation à devenir acteurs. Il dit :

    «Dieu merci, parce que c'est un moyen très triste de gagner sa vie. Je m'en suis bien sorti mais ils voient bien que ma situation est loin d'être typique. Il y a plus de 35 000 membres dans la Screen Actors' Guild, et soixante-quinze pour cent d'entre eux gagnent moins que le salaire minimum.

    Fraser étudie l'écriture créative – un moyen également horrible de gagner sa vie. Holly, qui a maintenant quinze ans, est encore à l'école. Elle ne veut pas entrer dans le show-business. C'est une fille intelligente

    Cependant, peut-être que ce qui soulageait vraiment Charlton dans sa vie était que les migraines de Lydia avaient enfin cessé. Il n'y a pas si longtemps de cela, un de mes collègues, Ken Ferguson, lui demanda comment elle avait soigné ses migraines. Elle lui répondit : « j'ai simplement arrêté de prendre tous les médicaments qui étaient censés calmer la douleur. »

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    De la chaîne de Wind River à la Vallée des Rois

     

    « Charlton Heston est un trou du cul pompeux, et il est nul dans le rôle de Ben-Hur. » C'est ce que Bette Davis affirma publiquement, mais elle a dit bien pire d'autres acteurs. Lors de la cinquantième cérémonie des Oscars en 1978, c'est Bette Davis qui tendit à Charlton le Jean Hersholt Humanitarian Award en reconnaissance de sa contribution pour la communauté cinématographique. Miss Davis cita ses deux visites des troupes au Vietnam, ses voyages transatlantiques pour le State Department's Cultural Presentation Program, son travail auprès du President's Council on Youth Opportunities ainsi que ses six mandats en tant que président de la SAG.

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    "Academy Awards: 50th Annual," Charlton Heston et Bette Davis (Jean Hersholt Award)

    En agitant son Oscar dans les airs, elle le saisit par le bras et le contempla avec adoration dans les yeux. Il aurait pu ne jamais savoir combien son avis sur lui était cinglant, mais Heston était suffisamment blindé pour ne pas se laisser atteindre par si peu. C'est son blindage, dit-il, qui l'a aidé à ne pas tenir compte des commentaires nuls que les critiques lui réservaient parfois.

    Cependant, miss Davis n'est pas la première à le décrire comme « pompeux ». Peut-être qu'il l'est, mais j'ai le sentiment que cela vient plus de sa timidité à masquer qu'autre chose. Comme il l'a déjà dit, il se considère « ennuyeux et carré ». Il ne fait pas les gros titres, et de ce fait, il est très respecté dans le monde du cinéma. Un chargé de publicité m'a raconté comment, durant un trajet vers l'aéroport d'Heathrow, il n'a pas pipé mot. Ce n'est pas étonnant venant d'Heston, timide avec les inconnus, incapable de jouer un personnage à chaque fois pour faire plaisir aux autres.

    C'est un homme aux nombreux talents. C'est aussi un fervent dessinateur et passe le plus clair de son temps libre sur les plateaux à faire des portraits de ses camarades artistes et les techniciens. Il y a quelques années, il y avait même eu une exposition de ses tableaux à New-York, Londres et Glasgow.

    C'est également (même s'il déteste le faire) un auteur très talentueux. Il autorisa la publication en 1978 de ses journaux intimes remontant jusqu'en 1956, ne révélant pas seulement ses sentiments intimes et une personnalité méconnue, mais également un don pour l'agencement des mots. Les journaux, publiés sous le titre The Actor's Life, offrit un aperçu du quotidien de la création d'un film ainsi que sa vie privée, bien que beaucoup de ses instants les plus intimes, comme le divorce de ses parents, n'y furent pas inclus. C'était une étude fascinante de la perception qu'a un homme de lui-même, de sa vie et de son travail, mais cela couvre à peine vingt ans de sa vie.

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    Je soupçonne que la publication de ses livres était en fait un subterfuge pour repousser les éditeurs qui le pressaient à rédiger son autobiographie (qui ne sera probablement jamais écrite). On lui demanda une fois de rédiger un millier de mots pour la pochette de disque de la bande-son d'Antoine et Cléopâtre. Il réussit au bout de deux semaines à écrire 750 mots. Il n'acheva jamais le travail et la pochette fut publiée sans le texte d'Heston.

    « On pourrait à peine compter le millier d'ingénieuses excuses que je trouvais pour repousser le moment d'écrire, » dit-il. « Je préférerais jouer le premier acte de Macbeth que d'écrire un millier de mots. »

    Ses journaux devinrent plutôt célèbres pour les remarques peu flatteuses qu'il avait faites sur certaines de ses partenaires féminines à l'écran. « C'était, » dit-il, « parce qu'elles n'étaient pas écrites pour être lues par qui que ce soit d'autre que moi. »

    C'est pendant qu'Heston était à Londres pour faire la promotion de The Actor's Life qu'il m'a dit qu'il était sur le point de faire un film écrit par son fils titré Wind River. « Heureusement, il l'a écrit et vendu avant de venir m'en parler. »

    Ce n'est pas surprenant que Fraser se soit finalement tourné vers le cinéma comme moyen d'expression par l'écriture puis plus tard par la production. Bien que Charlton ait fait de son mieux, et avec succès, pour éloigner Fray de la carrière d'acteur, il l'autorisa tout de même à travailler sur certains de ses films. Par exemple, Fray était le second assistant de Canutt sur Antoine et Cléopâtre. Évidemment, son goût pour le cinéma était profondément ancré.

    Fray m'a expliqué comment il en était arrivé à la rédaction de Wind River, qui fut plus tard changé en La Fureur sauvage1 :

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    « Je n'ai pas spécialement essayé d'éviter de rentrer dans l'industrie du cinéma, mais je n'ai pas cherché à y entrer non plus. J'avais d'autres passions et je suis toujours passionné de biologie marine et d'océanologie, mais je me suis retrouvé dans l'industrie du cinéma il y a quelques années quand deux de mes associés, Martin Shafer et Andrew Scheinman, sont venus à moi et lurent une esquisse de roman que j'écrivais qui s'appelait Wind River. Ils dirent alors : « tu sais, on pense que tu devrais écrire un script et nous pourrions en faire un film. » et c'est ce qu'ils ont fait.»

    Avec l'aide de Martin Ransohoff, Ils attirèrent l'attention de Columbia avant de proposer le film à Heston senior. Charlton raconte :

    «Je savais qu'il était en train d'écrire un script. Il n'a pas essayé de le cacher mais il n'a pas non plus cherché à me le faire lire. Il ne me l'a pas montré et je n'ai jamais demandé à lire quoi que ce soit qu'il ne me demandait pas de lire. On ne demande jamais à un auteur de lire ce qu'il écrit. Si ils veulent que vous lisiez, ils vous le demanderont.

    Le rôle est tellement clairement fait pour moi que je suppose qu'il l'a en fait écrit exprès pour moi. Éthiquement parlant, il a bien fait de ne pas me soumettre le script et de me laisser à l'écart tant qu'il ne l'avait pas vendu, et je comprends sa démarche et l'admire pour cela.

    Plus tard, j'ai appris qu'il l'avait vendu et que le studio voulait que j'y jette un œil. Je dois dire que quand je l'ai ouvert, j'avais quelques appréhensions. Je me suis dit « et si jamais je n'aime pas ? » et je dois avouer que je me suis dit que si ça ne se faisait pas du tout, je devais le faire quand même pour Fraser, pour le lancer. C'était cependant un excellent rôle qu'il m'avait écrit

    A SUIVRE...

     

     

     

     

     

    3The Last Hard Men

    4The Way West

    5Shenandoah

    6The Red Badge of Courage

    1The Mountain Men

    1Gray Lady Down

    2Long Journey into Night

    3Raise the Titanic

    4The Omen

  • 31 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

     

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    ...SUITE

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    Charlton avait encore du travail à côté de celui d'acteur et se retrouva de nouveau impliqué dans la politique du cinéma quand il fut élu pour rejoindre de nouveau la SAG, cette fois avec Dennis Weaver comme président. Il avait même été tenté une fois de se présenter au Sénat américain quand un groupe de démocrates avait promis de le soutenir, mais comme il le disait souvent, « très franchement, je préférerais jouer un sénateur plutôt que d'en être un. Et puis, j'ai déjà été président des États-unis quand j'ai joué Andrew Jackson et Thomas Jefferson ! »

    Avec tant d'allers et retours, surtout à Washington, la vie sur sa crête était désagréablement agitée, mais au moins, les migraines de Lydia étaient maintenant moins sévères, et Holly était bien enracinée à Westlake High School et prenait des cours de ballet. Elle lui dit assez fermement que la danse était bien plus dure que le travail d'acteur. « Tu as juste à apprendre tes répliques et monter et descendre d'un cheval, » lui dit-elle.

    Aux environs de noël 1973, Charlton emmena Lydia à Paris pour la première mondiale de Les Trois Mousquetaires et découvrit sur place que Richard Lester avait divisé le film en deux ; le second étant Les Quatre Mousquetaires.

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    (Charlton et Lydia à Paris pour la Première de "LES 3 MOUSQUETAIRES") et Charlton Heston dans le rôle de Richelieu.

    Retournant à la maison pour noël, ils s'arrêtèrent quelques jours à Londres où ils allèrent voir un portrait de Richelieu accroché à la National Gallery. Lydia l'observa avec finesse. « Il souffrait de migraines, » dit-elle.

    Richelieu fut son seul rôle au cinéma cette année-là, son temps étant pris par tant d'autres choses, et ça le démangeait de retourner devant une caméra. C'était une période difficile pour l'industrie du cinéma. Peu de films étaient faits et la tendance allait contre les cinéphiles, mais Charlton était toujours demandé, et Universal lui mettait la pression pour qu'il soit la tête d'affiche d'un film qu'ils promettaient renversant… presque littéralement.

     

    Des désastres pleins de succès

     

    Il n'était pas dupe, et peu importe ce qu'Universal et le réalisateur Mark Robson avaient dit, il n'allait pas tourner une fin alternative pour Tremblement de terre. Il leur a dit qu'il voulait que son personnage meurt à la fin et comme cela avait été convenu au départ, c'est la fin qu'il allait tourner.

    C'était ce genre de film. L'un de ces films que Chuck avait fait en manquant clairement d'enthousiasme pour le rôle ou le sujet : Les Singes II, Les Hawaïens et maintenant Tremblement de terre. Il savait qu'il le faisait surtout pour l'argent grâce à Universal qui acceptait de le payer en pourcentage des gains, et Universal comptait clairement faire de ce film une mine d'or.

    Les films-catastrophes étaient en vogue. Irvin Allen avait ouvert le pas avec L'aventure du Poséidon même si on pouvait remonter un peu plus loin avec Airport1 ou même Alerte à la bombe. Le principe de base de tous ces films était plus ou moins le même, avec une grande variété de personnages de feuilleton joués par de grands noms du cinéma, tous pris dans une série d'événements horribles.

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    (Charlton Heston dans "ALERTE A LA BOMBE")

    Heston appelait ces films « des films multi-risques ».

    Tremblement de terre dit tout dans le titre, et celui-ci utilisait un nouveau procédé appelé Sensurround qui faisait que le public se sentait comme dans un véritable tremblement de terre. Le casting se vantait de comprendre Victoria Principal, Lorne Green, Geneviève Bujold, George Kennedy, Richard Roundtree et Ava Gardner, mais Heston était en haut de l'affiche.

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    (Charlton Heston et Ava Gardner dans "TREMBLEMENT DE TERRE")

    À chaque fois qu'il faisait un film, il essayait toujours de s'accrocher à quoi que ce soit qui pouvait donner de l'importance ou du sens au film. L'histoire lui semblait quand même improbable, ce qui expliquait pourquoi il préférait mourir à la fin pour donner un peu de crédibilité au film. La catastrophe en lui-même, le tremblement de terre, était cependant quelque chose de concevable en Californie.

    Selon Charlton, « J'ai le sentiment que les images que montre le film pourraient un jour toucher Los Angeles. Nous n'avons plus eu de graves tremblements de terre à Los Angeles ou même en Californie depuis celui de 1933 à Long Beach, ou celui de San Francisco en 1906. Il y a eu quelques petites secousses sérieuses, mais ce n'était rien comparé à ces deux-là. » A part ça, Charlton n'avait pas grand-chose à dire du film, sinon qu'il avait eu la fin qu'il voulait et que ce fut un succès planétaire.

    Avant même d'avoir fini ce film, Universal l'embaucha pour tourner la suite de Airport : 747 en péril. Il accepta en se disant que c'était le genre de rôle qui lui permettait de gagner de l'argent pour jouer les rôles qu'il voulait vraiment faire. Donc, aussitôt après avoir terminé Tremblement de terre, il partit en avion pour Washington pour commencer la suite d'Airport où l'on trouvait tout et n'importe quoi, d'Helen Reddy en nonne chanteuse à Linda Blair en passagère ayant le mal des transports. Heston était le pilote, et comme pour Alerte à la bombe, il prit le temps d'utiliser un simulateur de vol, cette fois un simulateur de 747. « Je me suis écrasé plusieurs fois avec, » admit-il.

    Une grande partie du crédit du succès du film, comme il l'admettait bien volontiers, revient à Joe Canutt et son incroyable travail sur les cascades. On a utilisé un vrai Jumbo Jet pour toutes les séquences, et Canutt fit lui-même les séquences où le personnage d'Heston passe d'un hélicoptère en mouvement au Jumbo Jet endommagé mais encore en vol, bien que des maquettes aient été également utilisées dans cette scène.

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    (Charlton Heston et Karen Black dans "747 en péril)

    Les compétences d'Heston en tant qu'acteur n'étaient pas vraiment mises à l'épreuve dans des films comme Tremblement de terre ou 747 en péril. Il explique :

    «La plupart des rôles au cinéma sont plus ou moins des apports chimiques. Le public a besoin de quelqu'un à identifier et dont il peut se dire : « il va faire quelque chose pour régler tout ça. » Comme les gens me connaissent dans des rôles autoritaires, il n'y a pas de mal à me voir comme une personne qui prend en main un incendie.

    Cela vient en partie de la réputation que je traîne. Peu importe combien un acteur peut être versatile ou combien il essaye d'élargir son répertoire, il doit faire avec sa réputation. La mienne a été taillée par Moïse, Le Cid, Michel-Ange, sans parler d'un ou deux présidents. Si on a besoin d'une course de char, un plafond peint ou la mer Rouge coupée en deux, c'est à moi qu'on pense.

     Donc dans ces films il n’est pas nécessaire d’expliquer que mon personnage sera responsable. Il n’est pas nécessaire de prendre le temps d’expliquer cela à l’auditoire. C’est intégré.»

    Il fut visiblement bouleversé quand Fray lui a parlé au téléphone, et quand Charlton a relayé l'information à la mère de Fray, Lydia se sentit désespéremment impuissante, et espéra simplement qu'il réussirait à rentrer à la maison. Fray leur avait téléphoné pour leur raconter le drame de la veille. Plusieurs années plus tard, Fray me raconta ce qu'il s'était passé.

    « Je travaillais comme apprenti sur un radeau en tant que guide touristique fluvial. J'étais à l'arrière du radeau avec une dizaine de personnes à bord et le chef d'équipage était aux commandes. Nous avons frappé une vague extraordinaire et le radeau s'est renversé. Nous étions tous piégés en-dessous, j'ai réussi à m'en sortir et à nager jusqu'à la rive et trouver de l'aide, mais quelques personnes se sont noyées. Ce fut un accident épouvantable et tragique. Ça montre que les contrées sauvages peuvent être très dangereuses

    C'est à cette époque (bien que cet accident n'ait rien à voir avec cette résolution) qu'il décida de passer de l'étude de la biologie marine à San Diego, à la littérature à l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA). Charlton le prévint que vivre de sa plume n'était pas plus simple que de vivre d'une carrière d'acteur, mais Fray était alors attiré par l'industrie du cinéma qu'il étudia également à l'UCLA, et grâce à son talent d'auteur tant pour la fiction que pour l'écriture non-fictive, ce n'était plus qu'un question de temps avant qu'il ne se mette à écrire un scénario.

    Avec deux films-catastrophes faits, Heston sentit qu'il était temps de retourner au vrai travail d'acteur et répondit à la demande de Robert Fryer pour faire Macbeth au Ahmanson durant les premiers mois de l'année 1975. Fryer proposa que Peter Wood du British National Theatre fasse la mise en scène, et Heston alla donc à Londres pour rencontrer Wood et sa lady Macbeth, Vanessa Redgrave. Wood et Heston travaillèrent ensemble sur le raccourcissement de la pièce, et Charlton était profondément inspiré par l'harmonie dans laquelle ils travaillèrent. Vanessa, cependant, pensait que les mots du Barde d'Avon1 ne devaient pas être modifiés du tout, et Wood, sentant que la principale crainte de l'actrice était que la star de cinéma ne modifiât son rôle à son avantage, la rassura en lui disant qu'il n'était pas du tout question de cela, ce à quoi elle répondit chaleureusement. Elle n'aimait cependant toujours pas l'idée de modifier quoi que ce soit dans le texte.

    L'estime que lui portait Heston en tant qu'actrice et que professionnelle était grande. Il me dit : « politiquement, Vanessa Redgrave ferait passer Jane Fonda pour Herbert Hoover, mais elle vient au travail à l'heure, et c'est une actrice foutrement brillante. J'ai le plus grand respect pour elle en tant qu'artiste et collègue même si, bien sûr, je ne suis pas d'accord avec sa politique. » Leur relation était si chaleureuse qu'elle et son amant, Franco Nero, ainsi que ses enfants, passèrent Noël avec les Heston dans leur refuge de Coldwater.

    Charlton Heston and Vanessa Redgrave in 'Macbeth.'

    (Charlton Heston et Vanessa Redgrave dans  " Macbeth ")

    Malgré toutes les attentes, quand la pièce s'ouvrit, les critiques furent aussi cruels avec cette pièce qu'ils l'avaient été avec l'Antoine et Cléopâtre d'Heston. Cela n'affecta cependant pas le public qui vint avec enthousiasme, et on commençait à songer à amener la pièce à Londres pour l'été de 1976. Cela ne se fit cependant pas, ce qui déçut Charlton qui tenait passionnément à se produire sur la scène londonienne.

    Il ne pouvait pas savoir à l'époque, mais ce n'était qu'une question de temps.

    Charlton Heston playing tennis, Mercer Street, Wellington

    (Mercer Street, Wellington - 30 juin 1966, Charlton dans son sport préféré : le tennis)

    Le tennis a toujours été une sorte d'obsession pour Charlton. Au début, il jouait surtout pour s'amuser, mais tandis que son statut de célébrité grandissait, il s'impliqua de plus en plus dans des tournois spéciaux. Au printemps de 1975, il alla en Afrique du Sud pour participer au tournoi de Johannesbourg pour la Black Tennis Foundation. Il participa à de nombreux matchs de célébrités, entre autre pour le King of the Hill et un autre afin de réunir des fonds pour la recherche contre les dystrophies musculaires. Il jouait généralement ce genre de matchs avec l'ami de Fray, Martin Shafer qui, d'ici quelques années, allait beaucoup aider à porter à l'écran le premier scénario de Fray.

    Ce qu'aimait vraiment faire Charlton était d'inviter des tennismans professionnels à jouer sur son cour privé. Il se targuait en disant : « J'ai probablement joué contre plus de grands tennismans professionnels que n'importe quel autre joueur nul sur cette planète. » Une blague circulait dans la famille : « Quand il mourra et frappera aux portes du Paradis, si le diable lui frappe à l'épaule et lui dit : « que diriez-vous d'une partie de tennis ? » il irait ! »

     

    Le tennis était ce qu'aimait faire Charlton pour s'amuser. Il n'a jamais considéré son travail d'acteur comme amusant. C'est un dur labeur, dit-il. Mais il était heureux de montrer ses talents au tennis pour de justes causes, et celle de Johannesbourg lui semblait en valoir la peine car c'était le premier tournoi de tennis majeur dans l'histoire de cette ville sans ségrégation raciale. 

    D'un autre côté, Il avait l'impression que la SAG ne méritait plus qu'il y consacre encore du temps. Le problème venait sans doute plus de lui que de l'union des acteurs. Il n'était pas d'accord avec leur politique, et pour lui, tout cela devenait une perte de temps. Il les abandonna donc pour de bon et  redevint de nouveau un composant chimique, cette fois pour La Bataille de Midway². C'était l'un de ces longs films de guerre incluant toutes les célébrités, du même genre que Le Jour le plus long et Tora ! Tora ! Tora ! Mais même si c'était un film de guerre, c'était encore un de ces films multi-risques pour Universal. Ils semblaient croire que  Charlton Heston était un porte-bonheur pour ces films à gros budgets.

    Une grande partie du film a été tourné sur le Lexington, le seul porte-avion américain restant de la Seconde Guerre Mondiale, et le studio utilisa de nouveau leur gadget Sensurround pour simuler le grondement de la coque qui explose. Le film a rapporté beaucoup d'argent, et Universal empressa aussitôt Heston à jouer dans Un Tueur dans la foule³. Ils étaient déterminés à tirer tout l'argent qu'ils pouvaient tirer d'Heston et des films de ce genre.

    (Porte-avions SS LEXINGTON)

    Cette fois, c'était l'histoire d'un sniper tirant à l'aveuglette sur une foule dans un stade de foot et Heston était le policier essayant de raisonner le sniper avant que les balles ne commencent vraiment à filer. Quand ça se produit, la foule panique dans une séquence effrayante qui semble maintenant d'autant plus horriblement vraie depuis que la télévision nous a montré le véritable drame de mai 1985 quand la panique envahit une foule de fans de football dans le Heysel Stadium de Bruxelles où 38 personnes moururent.

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    (Charlton Heston et John Cassavetes dans " UN TUEUR DANS LA FOULE ")

    Bien qu'Heston n'eut pas grand-chose à faire dans le film – il passa en effet des semaines entières à attendre d'être appelé sur le plateau durant la production – c'était un très bon film, dirigé d'une main de maître par Larry Peerce, mais ce ne fut pas un succès commercial, ce qui a dû stupéfier autant Universal qu'Heston. Le succès des films catastrophes arrivait à sa fin.

     

    A SUIVRE...

     

     

    1Un surnom donné à Shakespeare

     1 Airport 

    2Midway 

    ³Two Minute Warning

  • 30 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

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    Mari et Père

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    Charlton et Lydia étaient un phénomène rare à Hollywood. En mars 1972, ils célébrèrent leur vingt-huitième anniversaire de mariage. Le fait que leur mariage ait survécu si longtemps était presque un mystère. C'était un point que Charlton détournait avec beaucoup d'humour. « Il faut avoir une certaine dose de tolérance mutuelle et un engagement basique envers le mariage, » expliquait-il avant d'ajouter : « ce qui est vraiment essentiel, c'est d'être un superbe mari, et il se trouve que je suis un superbe mari ! »

    Mais comme ils l'avaient déjà dit, leur mariage n'a pas toujours été une longue lune de miel, et au début des années 70, les Heston traversaient clairement une crise qui mit leur relation à l'épreuve comme jamais, et c'était les migraines de Lydia. Ils étaient comme pris dans un cycle infernal. Les migraines créaient des tensions dans le foyer qui ajoutait du stress ne faisant qu'aggraver les migraines. Les choses en arrivèrent à un effrayant seuil critique quand Charlton et Lydia eurent une énorme dispute. Pour se calmer, Charlton alla faire du jogging, mais la situation n'était pas calmée. Lydia annonça qu'elle partait à Honolulu pour écrire une pièce.

    « eh bien, tu veux que je t'accompagne ? » demanda Charlton.

    « Non, » répondit-elle.

    Elle passa les quelques jours qui suivirent seule à Honolulu jusqu'à ce que, incapable de le supporter plus longtemps, Charlton, Holly et Fray la rejoignirent pour être à ses côtés. Elle et Chuck se réconcilièrent et restèrent au luxuriant Royal Hawaiian Hotel pendant quelques jours.

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    (Royal Hawaiian Hotel)

    photo : https://www.historichotels.org/hotels-resorts/the-royal-hawaiian-a-luxury-collection-resort

    La crise prit fin pendant quelques jours, mais les migraines continuelles et les tensions étaient toujours là. Au bout d'un an seulement, ils semblèrent de nouveau sur le point de se séparer, mais à la dernière minute, ils en arrivèrent à l'inévitable conclusion qu'ils ne pouvaient pas vivre l'un sans l'autre.

    Tout en étant une période de crise pour la famille Heston, c'était aussi une période de croissance de plusieurs façons. Fray était maintenant un adolescent grand et maigre, et Holly une brillante jeune fille de onze ans aux portes de la puberté. Elle était également un peu farceuse. Charlton a une histoire sur elle qu'il adore :

     

    «Quand elle avait huit ans, elle a réussi une fois à avoir mon autographe parmi un groupe d'enfants sans que je m'en rende compte, et ça l'a ravie au plus haut point. Il y avait toute cette foule d'enfants et j'essayais de la traverser, vous savez, et Holly est venue et m'a tendu un truc à signer. Après cela, elle me l'a montré dans la voiture en jubilant.»

     

    Fray, qui avait maintenant dix-sept ans, devenait vraiment un enfant de la forêt, comme l'avait été son père. Cela venait beaucoup de Chuck qui s'assura que Fray sache monter à cheval à partir de l'âge de huit ans. Il l'emmenait également dans le désert et lui apprit à tirer, et quand l'occasion se présenta plus tard, ils allèrent ensemble avec Joe Canutt à la chasse au sanglier. Charlton encouragea aussi son fils à jouer au tennis, mais c'était la vie extérieure qui captivait vraiment Fray. En recherche d'aventure, il devint très indépendant. Il me dit :

     

    «Quand j'avais dix-sept, j'avais un truck, et j'avais coutume d'aller à travers toute l'Amérique. J'allais en Alaska et en Idaho le week-end, et au Mexique le vendredi soir. J'ai conduit ce truck partout. J'adorais faire ça et je le faisais avec très peu de moyens à l'époque. Je me suis beaucoup amusé, et je pense aussi que j'ai beaucoup appris de choses sur le pays

     

    Quand à savoir comment il a réussi à rester proche de son père sans passer par la période rebelle de l'adolescence, il dit :

     

    «Ca s'explique plus par mon père que par moi. C'était un père strict, mais pas austère. Il était aimant, et ma mère aussi a joué un grand rôle dans les bonnes relations que nous entretenons encore parce qu'elle m'a toujours traité avec respect, amour et admiration, et je leur ai rendu ce qu'ils m'ont donné. C'est une situation très simple d'échange de bon procédé.

    Quand j'aurai mes propres enfants, je pense que je les enverrai chez mes parents jusqu'à ce qu'ils deviennent adultes et les récupérer ! Je suis sûr qu'ils feraient un meilleur boulot que celui que je pourrais faire.»

     

    Charlton était gaga de sa fille et le fait qu'elle soit adoptée ne faisait aucune différence pour lui ou pour Lydia. Pour lui, c'est sa petite, et tout comme il le fit  pour que Fray aime sa vie d'homme, il s'assura qu'Holly devienne une parfaite jeune fille. Lydia, cependant, pense que parfois, il est allé trop loin. Elle raconte :

     

    «Vous savez, Chuck a appris à Fraser à jouer au tennis pour toujours avoir quelqu'un avec qui jouer, mais il pensait qu'Holly ne devait pas apprendre à jouer. Je lui ai dit : « c'est ridicule, bien sûr qu'elle devrait apprendre aussi. » Donc elle apprit. mais il ne la laisse pas jouer. Vous savez pourquoi ? Il est le président international de la Société de Prévention des Joueuses de tennis ! »

     

    Une chose qui lui fit plaisir à propos de ses enfants, est qu'ils n'ont jamais montré le moindre signe de vouloir devenir acteurs professionnels. Il savait de par sa propre expérience personnelle et douloureuse que ça pouvait être un moyen pénible de gagner de l'argent, et dès qu'il est appelé à aller parler à des corps étudiants à propos de l'art d'être acteur, il fait de son mieux pour dissuader chacun d'eux d'envisager une carrière d'acteur.

    A en juger  par le succès qu'il eut en tant qu'acteur, cela peut paraître difficile à comprendre, mais très jeune, Holly comprit les sentiments de son père. Comme elle le dit un jour à un journaliste qui ne comprenait pas pourquoi elle ne voulait pas devenir un star de cinéma quand elle serait grande : « Mon père connaît beaucoup d'acteurs qui sont sans travail. »

     

    « Je préférerais jouer un sénateur qu'en être un ! »

     

    C'était son anniversaire, son quarante-neuvième anniversaire. Pendant un moment, tous ceux sur le plateau de Soleil vert à MGM Studios s'arrêtèrent de travailler tandis qu'un grand gâteau glacé fut apporté sur un chariot. Il était décoré avec une image en glaçage d'Heston en Moïse tenant les tablettes des dix commandements.

    Tout le monde, y compris le réalisateur Richard Fleischer, chanta « Joyeux Anniversaire ! » quelques semaines seulement avant que le célèbre père de Fleischer, Max, le seul producteur de films d'animation à avoir sérieusement concurrencé Disney, ne décéde et que les bureaux soient fermés pendant une journée. Mais pour l'instant, la bonne humeur et la frivolité régnaient, alors même que le travail recommençait, bien que Richard Fleischer ne laissa pas l'atmosphère généralement joyeuse se mettre en travers du travail : faire ce qu'Heston espérait voir devenir un autre thriller futuriste innovant.

     

    Pour la première fois depuis Les dix Commandements, Charlton faisait un film avec Edward G. Robinson, devenu un homme de 79 ans frêle et, même si beaucoup l'ignoraient, mourant. Lui, cependant, savait qu'il mourait du cancer, et pourtant, il ne rata pas une seule journée de tournage. Ironiquement, comme Heston s'en rendit tristement compte après, la dernière scène que fit Robinson était la scène de sa mort dans laquelle il est doucement endormi volontairement en regardant des films montrant combien le monde était beau auparavant. Il savait, bien qu'il ne l'ait jamais avoué, que ce serait le dernier travail qu'il accomplirait en tant qu'acteur.

    Soleil vert était un film efficace et terrifiant, et tout comme les Singes et Le Survivant, le succès fut immédiat. Il était de nouveau prêt à retourner au pays de l'acteur. Il se tenait dans l'aile du Ahmanson Theater à Los Angeles, l'un des plus prestigieux de tous les théâtres américains. Broadway n'était plus le but suprême du théâtre américain, mais juste être de nouveau dans un théâtre, peu importe où, après six longues années loin de la scène, c'était l'exaltation dont avait besoin Chuck et qui lui avait manqué. Il y avait encore cette petite peur de la scène, ce moment de tension mêlé d'excitation juste avant de monter sur scène, et il savait qu'il serait bon dans cette pièce, The Crucible, et il savait également que c'était une pièce contemporaine, la seconde pour lui avec A Man for All Seasons. Ils jouèrent même le soir de noël, tant le succès fut au rendez-vous pour la pièce qui était complète presque tous les soirs pendant les cinq semaines où elle fut jouée. Se terminant triomphalement dans la deuxième semaine de 1973, il se prépara à réciter quelques paroles de Thomas Jefferson.

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    photo :  https://www.centertheatregroup.org/about/timeline/1967-1977/

    Le discours était pour le jour de l'investiture du président Richard Nixon à Washington. Il soutint Nixon, ce qui était étrange puisqu'il avait jusque là toujours voté pour le parti démocrate, mais cette fois-là, il se sentit forcé de voter républicain et resta républicain depuis. À cause de son soutien et de son talent, il se retrouva à participer à un concert au Kennedy Center lisant Jefferson sur une musique dont il souhaitait vraiment qu'elle ne soit pas  là.

    De nouveau, Heston fut bien vite de retour à Washington, cette fois pour représenter l'American film Institute, et pendant qu'il y était, il eut l'opportunité de jouer en double au tennis avec le sénateur Edward Kennedy. Charlton et son partenaire, le sénateur Tunny, se firent écrasés par Kennedy et son partenaire, mais ce qui était vraiment important était d'organiser l'ouverture de la salle de cinéma de l'American Film Institute ainsi que de renforcer la position de l'AFI.

    Il y avait également un dîner de remise de l'AFI Life Achievement Award pour John Ford à Los Angeles que Charlton aida à organiser et accueillir. Le président Nixon y était et remit également à John Ford la Medal of Freedom. Charlton était très fier en tant que membre de l'AFI d'avoir le privilège de présenter le nouveau président des États-Unis ce soir-là.

    Avec tout ce travail qui lui prenait du temps, et si peu pour être acteur, il y avait de nouvelles tensions sur la famille qui semblèrent se manifester sous la forme des migraines de Lydia. Elle dut finalement être hospitalisée. Les médecins virent alors que sa glande thyroïde était enflée. Charlton eut heureusement assez de temps pour rester à Los Angeles et la soutenir pendant sa guérison. Il espérait qu'avec cette opération qui aurait dû être faite bien plus tôt, les terribles problèmes dont Lydia avait souffert allaient disparaître.

    Le jour où il la ramena à la maison, il dut de nouveau la laisser ce qui ne fut pas facile car le simple fait qu'il parte la bouleversait terriblement. Il avait cependant un autre engagement qui l'attendait en Espagne pour jouer le cardinal Richelieu dans Les Trois Mousquetaires de Richard Lester.

    Au départ, Lester voulait Heston pour jouer Athos dans cette version comique du roman de Dumas. Il fallait tourner en Espagne, et comme Athos a un rôle assez faible mais est pourtant nécessaire dans beaucoup de scènes, Chuck n'était pas du tout motivé à passer l'été en Espagne sans grand rôle à jouer. Il proposa donc à Lester de lui donner une apparition à faire, et Lester proposa  Richelieu, sur lequel Charlton réagit, surtout quand Lester lui dit qu'il n'avait besoin de travailler que dix jours.

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    Heston aima jouer ce rôle, surtout parce qu'il signifiait qu'il devrait se cacher encore derrière une autre barbe et un faux-nez. Il avait toujours aimé créer le visage d'autres hommes à partir du sien. Il trouva également que Richelieu était un personnage fascinant à jouer. Il dit :

     

    « Le film était une interprétation sardonique de l'époque et des personnages. En fait tous les mousquetaires sont des crétins empotés tout comme le roi, ce qui est historiquement vrai.

    J'ai alors dit à Richard : « à quel point veux-tu que je sois comique? » Et Richard répondit « pas du tout. Tu dois jouer Richelieu comme si nous faisions un film biographique sur lui. Il doit être un antagoniste parfaitement crédible. »

    Je l'ai donc joué ainsi, droit, et bien que dans le roman de Dumas, il est un des grands méchants, il était en vérité l'un des hommes les plus talentueux de l'histoire de France. Il était certainement le seul homme avec une réelle intelligence ou des compétences dans le film.

    Il y a eu une phrase que j'ai lue dans une des biographies de Richelieu qui m'a tellement impressionné que j'ai demandé à Richard de l'intégrer. Quelqu'un lui dit : " ça doit être horrible d'avoir autant d'ennemis, " et Richelieu répond " moi ? Je n'ai pas d'ennemis. La France a des ennemis.

     

    Durant le tournage, Lydia vint pour être à ses côtés, faible mais heureuse d'être avec son mari. Quand chuck en a eu terminé avec le film, ils allèrent en Allemagne quelques semaines pour prendre des vacances, mais pendant qu'ils étaient là-bas, la tante de Lydia, Belle Clarke, est décédée, provoquant un choc dont n'avait pas vraiment besoin une Lydia déjà affaiblie. Ensuite, à peine quelques semaines plus tard, le père de Lydia décéda.

    Ils s'envolèrent pour Two Rivers pour l'enterrement, Lydia dans une chaise roulante à cause de problèmes de dos. Ils furent rejoints là-bas par Fray qui était parti pour une de ses aventures. Il avait dans l'idée de devenir biologiste marin, et passait une grande partie du temps hors de la maison, un état de fait difficile à supporter pour Lydia. C'était beaucoup plus difficile pour elle que pour Charlton de laisser leur garçon quitter le nid, et elle trouva cela tout aussi difficile de tenir,  juste une semaine après la mort de son père, quand Fray est parti à San Diego s'inscrire à la UCSD1  pour étudier la biologie marine.

     

    A SUIVRE...

     

    1University of California San Diego

  • 29 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

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    Quatrième Partie

     La bienvenue du héros

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    La neige de Londres n'était pas celle craquante, frissonnante, accueillante qui tombait à St Helen. Elle tournoyait à la sortie du Queen's Theater au cœur de Londres, humide, pénétrante et misérable, mais n'aurait pas pu suffire à saper le bonheur de la presse impatiente de Fleet Street qui s'avançait pour accueillir l'homme sortant de la voiture comme une sorte de héros conquérant. Charlton Heston était venu en ville, créant ainsi un grand émoi. 

    Non pas qu'être à Londres, sa capitale européenne favorite, soit quelque chose de nouveau, mais cette fois – en février 1985 – il était venu réaliser un vieux rêve : se produire sur une scène londonienne. Il était acteur professionnel depuis quarante ans, avait remporté un Oscar du Meilleur Acteur, avait reçu un autre Oscar spécial1, gagné tellement d'argent qu'il n'aurait plus jamais besoin de travailler, mais n'avait encore jamais accompli ce qu'il considérait être le sommet de toute carrière d'acteur. Il expliqua : « je pense que pour tout acteur qui joue en anglais, tant qu'il n'a pas joué en Angleterre, il n'a en fait encore jamais joué. » Après quatre décennies, il était enfin sur le point de le faire, vraiment le faire. Il était venu avec une grande troupe d'acteurs tous américains et la brillante pièce d'Herman Wouk, The Caine Mutiny Court-Martial qu'il mettait en scène en plus d'y jouer le capitaine Queeg.

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    PHOTOS : https://www.collectors.com/entertainment-item/caine-mutiny-court-martial-playbill-charlton-heston-queens/2508786621438883408

    Lors de la conférence de presse du Queen's Theater, il se retrouva encerclé de tous côtés par des journalistes et des photographes. Ca n'avait bien sûr rien de nouveau. Il savait comment gérer ce genre de situation. Mais cette fois, son plaisir et son enthousiasme d'être en Angleterre rendirent plus agréable et plus simple son exposé des raisons pour lesquelles il voulait jouer en Angleterre, jouer cette pièce en particulier, la mettre en scène et pour son choix de  l'acteur anglais Ben Cross, la star de Les Chariots de feu.

    Comme Charlton l'expliqua, « Avec cette pièce, on a deux auriges appelés Ben pour le prix d'un seul : Ben-Hur et Ben Cross ! »

    Même avant que The Caine Mutiny Court-Martial soit joué devant le public anglais, Charlton Heston apparaissait partout sur les médias, invité dans toutes les émissions de télé, donnant des interviews à la radio et quelques-unes à la presse, tant la demande de communiquer avec le public anglais à cette star presque légendaire du cinéma était grande. Ça faisait longtemps qu'Heston n'avait pas fait une telle sensation à Londres. L'âge n'avait pas affaibli sa stature ou son image : il avait soixante-deux ans, mais toujours, comme le décrivit un journal, « le plus charpenté des enfants d'Hollywood. »

    Le succès de la pièce dépendait cependant de plus de paramètres que sa seule image de marque, alors que lui dépendait du succès de la pièce. C'était de loin son projet le plus personnel et le plus important depuis le tournage d'Antoine et Cléopâtre quatorze ans plus tôt.

    Le temps avait soigné les blessures dont il avait souffert à cause de ce film, et s'il croyait vraiment en ce qu'avait dit Gordon de Khartoum (que sa seule peur était celle d'échouer), alors il était encore plus déterminé à ce que The Caine Mutiny Court-Martial ne connaisse pas le même sort que son cher Antoine et Cléopâtre avait subi plus d'une décennie plus tôt.

    Le traumatisme d'Antoine

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    Durant tout le temps du tournage d'Antoine et Cléopâtre, Lydia fut ravagée par les migraines de plus en plus fréquentes. Les expliquer n'était pas si simple, mais tous deux supposèrent que la pression en faisant ce film cet été-là devait les stresser tous les deux plus que d'ordinaire.

    Lydia dut certainement vivre des moments d'inquiétude durant ces huit semaines en Espagne. Elle dit : « Charlton était si occupé par Antoine et Cléopâtre entre son travail de réalisateur et celui d'acteur. Normalement, il est très prudent, et c'est un épéiste expérimenté, mais j'ai vu quand il est rentré à la maison après une des scènes de bataille que ses mains étaient pleines d'entailles. Bien sûr, je m'inquiéte quand il fait des choses dangereuses, et bien sûr que des accidents peuvent arriver, mais on n'y pense pas. »

    Espérant que les maux de tête diminueraient une fois de retour à Coldwater Canyon, Charlton avait hâte de rentrer pour travailler sur le montage dans sa propre salle de projection en compagnie d'Eric Boyd-Perkins. Les maux de tête ne cessèrent cependant pas, et la frustration d'Heston grandissait au fil des jours où il attendait qu'arrivent les bobines de film.

    Elles arrivèrent enfin et Heston et Boyd-Perkins s'enfermèrent pendant plus d'un mois pour monter les prises et en faire un film entier, et les migraines de Lydia continuaient toujours. C'était une course contre la montre pour Heston qui travaillait d'arrache-pied pour que le film soit doublé et mis en musique à temps,  avant le London Opening où Antoine et Cléopâtre aurait sa Première en mars 1972. Il dut cependant laisser la fin du montage à Peter Snell, ayant un engagement à tenir avec MGM pour jouer dans leur film Alerte à la bombe2. Il dut également mettre fin à son règne en tant que président de la SAG tant il était pressé par le temps. Aussitôt après sa démission, ceci dit, il se retrouva élu à la American Film Institute.

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    Pour jouer le pilote de Alerte à la bombe, il fit de son mieux pour avoir l'air convainquant en s'entraînant dans un simulateur d'avion. Le film n'en exigeait pas tant, simplement de paraître pouvoir piloter un avion. Ce n'était pas vraiment le rôle de plus exigeant de sa carrière. Il dit : « Je me glissais tous les jours dans la cabine du pilote et volais sans destination au trentième étage. Quand j'étais chanceux, le réalisateur John Guillermin me laissait dix minutes pour aller aux toilettes avant la pause déjeuner. Hormis ça j'étais sanglé dans le cockpit. Les seuls muscles que je pouvais utiliser ici étaient mes cordes vocales ! »

    Les censeurs australiens, sans qu'on sache vraiment pourquoi, eurent le sentiment que le film pourrait encourager le détournement d'avions et interdirent le film. Quand Chuck eut vent de la controverse, il dit : « je ne vois pas en quoi le film est polémique sauf pour ceux qui détournent des avions, qui sont une toute petite minorité dans notre société. Personne n'ira jamais soutenir que le détournement d'avion est une bonne chose. Notre terroriste rencontre une fin brutale et bien méritée. Ce film n'encouragera jamais personne à détourner des avions. »

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    Malgré son interdiction en Australie, le film eut un grand succès, et malgré le fait qu'Heston apparaisse en fait dans relativement peu de scènes, il en tira les bénéfices financiers plus que bienvenus, surtout après avoir mis tant d'argent dans Antoine.

    Avec Alerte à la bombe dans la boîte, Heston s'envola pour Londres pour la première mondiale d'Antoine et Cléopâtre à l'Astoria le 2 mars. Il commença la journée avec une course matinale de 5 kilomètres3 dans Hyde Park. Plus tard dans la matinée, il fit une apparition en public au Selfridges sur Oxford Street où il fut assailli par des milliers de fans.

    La première elle-même était menacée par une vague de coupures de courant qui touchait alors le pays. Un générateur de secours était à disposition, mais heureusement, il n'y eut pas de coupures cette nuit-là, et le premier film réalisé par Heston fut diffusé sur le Cinérama de l'Astoria. Les critiques ne furent cependant pas impressionnés. D'après le Daily Express, « la tragédie et la passion… disparaissent devant vos yeux… la faute pour cette interprétation malheureuse est à mettre sur les larges épaules de Charlton Heston. »

    Les autres journaux étaient plus ou moins d'accord, même si le Guardian concède : « Quant à Heston en tant qu'acteur, c'est une autre histoire. Voilà une interprétation solide et parfaitement adéquat d'Antoine. »

    Heston fut foudroyé en lisant les critiques, et on ne s'explique pas pourquoi les critiques furent si cinglants. La seule vraie faiblesse du film est Hildegard Neil, et cela donna raison à Orson Welles qui disait que la pièce ne pourrait jamais rencontrer du succès sans une grande Cléopâtre. À part ça, le film est magnifiquement cadré, bien rythmé et dans l'ensemble bien joué par presque tous les acteurs. Heston était également superbe en Antoine.

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    Après sa diffusion à West End, Antoine et Cléopâtre disparut et ne sortit pas. En Amérique, il ne fut montré qu'une seul fois dans un petit cinéma d'art et d'essai, et c'était une version abrégée. Rempli d'amertume, Heston alla en Norvège pour faire L'Appel de la forêt et vit que lui et le réalisateur britannique Ken Annakin étaient tombés sur une bande d'amateurs. La vraie vedette du film était un chien, mais les producteurs de différentes nationalités n'avaient même pas obtenu les services d'un chien entièrement entraîné, ce qui ralentit naturellement la production. Ils trouvèrent finalement un excellent chien, mais L'Appel de la forêt devint le cauchemar d'Heston. Parlez-lui de ce film, comme j'ai déjà entendu quelqu'un le faire, et il vous répondra très probablement comme il le fit alors :

    «J'aurais préféré que vous ne parliez pas de ce film. Ça a été sans conteste le pire film de ma carrière. Je n'ose même pas demander pardon pour le script, parce que si l'on n'est pas capable de faire un bon film à partir du meilleur roman de Jack London, c'est qu'on a vraiment tout foiré

    Quand je lui en ai parlé, j'ai dû admettre que je n'avais vraiment pas trouvé le film si mauvais que cela. Il me répondit :

    «Évidemment, il m'a déçu parce que le roman de Jack London était juste incroyable. Nous aurions dû tourner en Alaska, dans le Klondike, et puis j'ai le sentiment que nous aurions pu en faire beaucoup plus. Plus de temps aurait dû être consacré au travail avec les chiens. Le film fut fait alors que nous étions pressés par le temps. Croyez-le ou non, c'était une coproduction germano-italo-anglo-hispano-norvégienne, ce qui signifie bien sûr qu'il fallait des citoyens de chacun de ces pays pour jouer un rôle, signifiant que j'étais le seul acteur qui n'allait pas être doublé. Cela mena à quelques complications.

    Bien sûr que le plus gros du film a bien fonctionné, mais j'aurais espéré que ce soit mieux que ça ne l'a été.

     

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    Je me suis toujours bien entendu avec les chiens. J'ai presque toujours eu des bergers, et j'aimais beaucoup le chien. C'était un bon chien. Il resta avec moi une bonne partie du temps dans l'hôtel à Oslo, mais j'ai trouvé que la Norvège était un pays un peu morne

    Talonnant Antoine, tout cela aurait pu être un coup rude à son moral, mais il n'a jamais été le genre d'acteur à juste s'asseoir et à attendre que les scripts arrivent à lui. Il joue presque toujours un rôle crucial dans la mise en place de ses films, et il essayait depuis quelques temps d'en faire un, tiré d'un livre qu'il avait lu en 1968 titré Soleil vert4. MGM le prit finalement comme prétexte pour avoir un film avec Heston pour suivre le succès phénoménal de Alerte à la bombe. C'était une histoire futuriste sur comment l'augmentation de la population et les réserves limitées de nourriture mènent au chaos. On y produit une nourriture synthétique, et un policier, joué par Heston, découvre que cette substance est préparée à partir de cadavres humains. Elle s'appelle Soleil vert5, et en temps voulu, Soleil vert devint le titre du film. Cela avait clairement l'air du genre de film susceptible d'aider à effacer le traumatisme de l'échec d'Antoine et Cléopâtre.

     

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    1 Le prix humanitaire Jean Hersholt, en 1978

    2 Skyjacked

    3 3 miles

    4 Make room ! Make room ! La traduction française est arrivée en 1974, après la sortie du film avec Charlton Heston

    5 La traduction officielle en français de « soylent green », une compression de « soja » et « lentille » en anglais