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  • 27 - Charlton HESTON et le Western (3ème partie)

    En dépit des efforts consentis par toute l’équipe de «  THE BIG COUNTRY »pour en faire un western de qualité supérieure, la déception sera hélas au rendez-vous pour le film, tant sur le plan commercial que critique, puisque l’ensemble de cette « élite » va fustiger la longueur de l’ouvrage et son parti pris pacifiste et «  pseudo-philosophique » ; habitué au succès, WYLER va pourtant rebondir très vite sur le projet «  BEN-HUR » déjà bien avancé, dans un esprit encore plus réfléchi et humaniste que le précédent ouvrage, ce qui confirme à quel point ce type de metteur en scène n’accorde aucune importance à ce qu’on peut bien penser de son œuvre !

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    Il est notoirement connu des admirateurs de l’acteur HESTON que c’est sans nul doute sa prestation dans «  THE BIG COUNTRY » qui va amener WYLER à lui proposer, après bien des hésitations, le rôle de Judah, lequel va donc passer sous le nez de pratiquement toutes les stars du moment, de Rock HUDSON à BRANDO sans oublier LANCASTER et surtout DOUGLAS, qui aura beaucoup de mal à se remettre d’avoir été jugé «  trop vieux » pour le rôle !

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    « BEN-HUR » va donc être le triomphe que l’on sait, et c’est à partir de sa nouvelle position de star incontestée que HESTON va pouvoir se lancer dans des projets ambitieux et souvent coûteux, lesquels vont contribuer à lui donner une image de «  star de films historiques » et l’éloigner par conséquent des genres plus classiques ou il a moins la sensation d’apprendre de nouvelles choses, et le Western en fait partie ; il se peut qu’à l’époque, sans pour autant avoir la grosse tête, le comédien ait systématiquement refusé beaucoup de rôles qui selon lui manquaient d’ampleur ; citons parmi ceux-ci «  ADVISE AND CONSENT » de PREMINGER et «  THE SINGER NOT THE SONG » de Roy BAKER, deux films ou il aurait eu à jouer des personnages à tendance homosexuelle,( ce qui ne l’attirait pas du tout) et surtout «  THE ALAMO » énorme pièce montée de John WAYNE, qu’il décide de ne pas faire, a priori parce qu’il n’a aucune envie d’être dirigé par un autre acteur, mais surtout parce que les opinions très tranchées à droite du roi du Western ne lui conviennent pas du tout, en tous cas à ce moment de sa carrière !

    Il en résulte que de 59 à 64, le Chuck va tourner le dos au Western, et n’y revenir, comme par hasard, que pour un projet épique et ambitieux, « MAJOR DUNDEE » lequel épouse le cadre du genre, mais en dépasse aussi les limites de par son budget, les éléments historiques de son scénario et les ambitions de son metteur en scène dont HESTON a admiré le premier film…


    « MAJOR DUNDEE » s’engage au départ plutôt sur les bons rails, car le fameux Herman CITRON a conclu avec la Columbia un deal avantageux pour son poulain, avec un salaire faramineux de 750 mille dollars, et la perspective de tourner le film rapidement, ce qui convient parfaitement à HESTON qui a déjà son «  WAR LORD » en tête ; malheureusement comme souvent, les projets qui paraissent les mieux conçus ne sont pas à l’abri des embûches les plus variées, et ce DUNDEE va les accumuler !


    Pour commencer, HESTON retrouve à la production un type en qui il n’a qu’une confiance relative, Jerry BRESLER, impitoyable remonteur de films quand le « metteur » a le dos tourné, et qui a failli transformer le plaidoyer anti-raciste de «DIAMOND HEAD» en semi roman-photo hawaiien…


    Il est donc raisonnablement sur ses gardes, et la suite des évènements va lui donner raison, même si BRESLER va engager pour ce qui n’est pour Columbia qu’un western spectaculaire de plus, la personne la moins susceptible de rentrer dans le rang : il s’agit bien sûr de Sam PECKINPAH, auteur de ce « GUNS IN THE AFTERNOON » ( COUPS DE FEU DANS LA SIERRA) totalement novateur qui vient de proposer une vision moderne du genre, et a justement séduit HESTON par ses idées et sa méditation sur la « mort de l’Ouest » ; PECKINPAH, qui a fait ses premières armes à la télévision, est un personnage atypique et déroutant, non-violent passionné de musique classique et de littérature, et en même temps casse-cou, rétif à toute autorité, très porté sur les alcools divers et les filles de joie mexicaines, bref un homme libre très difficile à mettre en cage, ce que BRESLER n’arrivera pas à faire, mais l’antagonisme entre la production et les créateurs du film sera tel qu’il finira par mettre à mal l’œuvre et son résultat artistique…

    Reste qu’au début du tournage, on n’en est pas encore à ce type d’affrontement, PECKINPAH et HESTON décidant de partager le même bureau pour revoir le  scénario  de         Harry Julian FINK, «  revoir » signifiant en fait plutôt «  mettre en pièces » car les deux hommes ne veulent pas  d’un «  film d’Indiens et de tuniques bleues » de plus ; HESTON est passionné par la guerre civile américaine et voit là une occasion d’évoquer ce traumatisme historique avec réalisme, ce qui selon lui n’a jamais été fait, PECKINPAH conçoit une sorte «  d’opéra de la violence » ou la haine entre Apaches, Sudistes, Nordistes, Mexicains et Français est le moteur d’affrontements tragiques et absurdes !

    Major Dundee [Import anglais]: Amazon.fr: Richard Harris, James ...

     

    Marc Eliot : traduction de Hollywood's last icon - CHARLTON HESTON ... 


    Les deux hommes vont conserver le point de départ bien conçu par FINK, l’histoire d’un major déchu, qu’on a envoyé diriger un camp de prisonniers au Nouveau Mexique suite à ses erreurs à la bataille de GETTYSBURG ; devenu un garde-chiourme aigri et imbuvable, il trouve dans l’enlèvement d’enfants blancs par les Apaches après le massacre d’une colonne américaine, l’occasion de prendre sa revanche sur son destin contraire et d’obtenir la part de gloire qui lui a été refusée ; confronté à un ancien camarade d’école militaire passé du coté confédéré, il se voit dans l’obligation de l’embarquer à contre coeur dans son aventure, ainsi que de nombreux prisonniers sudistes, car il manque de troupes nordistes pour mener son entreprise ; point de départ prometteur, mais sur lequel PECKINPAH va broder à l’extrême, fasciné qu’il est par le Mexique ou a lieu le tournage ; au fil des jours, le scénario va se retrouver agrémenté d’un personnage féminin important, de rencontres improbables avec la cavalerie française qui occupe à l’époque ( 1864) le Mexique, rendre l’affrontement avec les Apaches presque secondaire, tout en insistant sur la déchéance morale de ce « BEN-HUR à rebours » qui poursuit sa quête de revanche obsessionnelle sans pitié pour la troupe hétéroclite qui le suit.


    Inutile d’ajouter que, devant autant d’innovations et d’improvisation, puisque PECKINPAH invente littéralement certaines scènes non prévues «  sur le tas » ce qui doit arriver va se produire, et la COLUMBIA va rapidement dépêcher ses cadres sur le lieu de tournage pour savoir comment se dépense son argent ! Catastrophés à la vue des «  rushes » de l’ouvrage qui n’ont plus rien à voir avec le projet initial, BRESLER and Co vont décider de limiter le budget et superviser sur le terrain le travail de nos artistes ; erreur grossière, car comme le dira l’excellent James COBURN «  si on engage PECKINPAH sur un film ; on prend des risques, mais on le laisse faire du PECKINPAH, sinon, à quoi bon ? »


    Le metteur en scène va rentrer quand à lui lors des dernières semaines du tournage à Durango dans un rôle de poète maudit rimbaldien qui le verra bousculer physiquement un responsable ou deux, partir nuitamment vivre quelques ( longs) moments de débauche avec les naturelles du pays, et selon HESTON, perdre en grande partie le contrôle ET le respect de la compagnie, ce qui n’est pas acceptable ; sur cette fin de tournage, les témoignages sont tellement nombreux et contradictoires que parler d’une » belle pagaille » semble nettement en-dessous de la réalité ; Senta BERGER s’amuse encore aujourd’hui des «  concours à qui sera le plus macho » qui sévissaient sur le tournage, Mario ADORF de son côté se souvient avoir souhaité qu’HESTON mette vraiment PECKINPAH en pièces suite à un moment de délire du maestro ou il était allé trop loin dans l’insulte, COBURN avouera n’avoir jamais aussi mal mangé de sa vie, quand à l’ affrontement entre HESTON et Richard HARRIS qui interprète le sudiste Tyreen , il est resté à juste titre dans les annales !

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    De par son statut de «  star » HESTON avait droit de regard sur le scénario et le casting, et ne s’était pas gêné pour en user, et c’est à lui qu’on doit le choix judicieux d’engager HARRIS , après que Anthony QUINN et Steve Mac QUEEN se soient désistés ; excellente décision à priori, qu’HARRIS approuve sarcastiquement dans ses Mémoires ; malheureusement pour HESTON, ultra professionnel et toujours à l’heure, il a contribué à engager un acteur remarquable mais hélas, selon ses propres dires, «  plus Irlandais que professionnel » ; à HARRIS donc les sorties nocturnes, fortement alcoolisées, les retards en plateau ( qu’HESTON aurait grandement exagérés) les provocations physiques vis-à-vis des membres américains de l’équipe, les erreurs fréquentes dans le maniement des armes et même la simple tenue sur son cheval !


    Très en colère quand à ces manquements à la discipline de groupe, HESTON va donc, selon ses termes, carrément s’en prendre à HARRIS et selon l’Irlandais, tellement le persécuter qu’il évoquera HESTON avec le plus grand mépris plus tard ; les torts sont sûrement partagés dans cette affaire, car la fatigue, les mauvaises conditions de tournage et la pression des responsables ont certainement pesé sur le relationnel entre les deux stars, quoi qu’il en soit, HESTON aura plus tard l’élégance de reconnaitre ses torts, notamment dans ses «  journals » quand il parlera de sa relation avec HARRIS :


    « Il semble que j’ai déchargé toute ma colère et ma frustration sur le pauvre Dick HARRIS , et avec le recul j’ai été injuste, car c’était un tournage extérieur pénible, et il n’était pas habitué à travailler avec des chevaux et des armes à feu ; s’il était un «  fouteur de merde » ( a fuck-up) dans ce cas j’étais un «  sacré fils d p… » ( a hard-nosed son of a bitch)»


    Mais si cette relation conflictuelle aura bien évidemment pesé sur l’ambiance de travail, c’est surtout l’attitude de PECKINPAH, n’admettant aucun compromis avec la production, qui va amener celle-ci à ne plus faire de concession quand au budget et lui refuser, ainsi qu’à HESTON, la possibilité de tourner deux scènes supplémentaires importantes destinées à mieux mettre en lumière la complexité du personnage d’Amos Dundee ; conscient que le scénario n’a pas gagné en clarté à force d’être improvisé sur le plateau, et que sans ces ajouts le film va perdre toute cohérence, HESTON va alors faire le geste chevaleresque d’offrir une partie de son salaire ( estimée à 200 000 dollars) à la production pour financer les scènes en question, ce que la COLUMBIA semblera d’abord refuser, mais acceptera finalement, ce qui fera dire à l’acteur qu’il «  a fait Dundee pour rien » ce qui n’est pas tout à fait exact, mais peu d’acteurs de sa notoriété auraient fait de même, ce qui montre à quel point, à l’époque, l’acteur était déterminé à contribuer coute que coute ( c’est le cas de le dire) à tout projet qui vaille la peine de se battre pour lui.


    Le geste noble du comédien permettra à PECKINPAH de retrouver un peu ses esprits et finir le tournage en respectant les délais, car il se sent débiteur vis-à-vis de sa vedette ; il lui apportera beaucoup également, par sa volonté de le sortir de sa «  zone de confort » et de lui faire jouer à fond ce personnage finalement torturé et perdu, cet «  homme de guerre pour qui la guerre durera toujours » et qu’on peut considérer comme une des meilleures créations d’HESTON.


    Est-ce pour autant un de ses meilleurs films ? On serait tenté de le dire, car «  MAJOR DUNDEE » effectivement, est plein de qualités : histoire baroque quoique confuse, décors extérieurs fascinants, abondance de thèmes traités, excellence de la mise en scène même si ses excès annoncent par leur violence les errements futurs de PECKINPAH, mais aussi trop de confusion, un montage chaotique et une interprétation inégale n’en font pas le chef d’œuvre du Western qu’il aurait pu être ; HESTON restant persuadé que même s’il avait eu les mains libres, PECKINPAH avait une conception trop confuse de l’ouvrage pour arriver à une œuvre accomplie…

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    Malgré ou grâce à ses défauts, « MAJOR DUNDEE » bien que massacré ultérieurement au montage par BRESLER, va s’imposer au fil du temps comme une œuvre unique et attachante, une réflexion incomplète mais prenante sur la violence, un film vraiment «  adulte »


    Et ce n’est pas son échec financier qui empêchera HESTON de revenir au western quelques années plus tard, car nous le savons déjà, l’Artiste n’a que faire, finalement, des contingences financières !

     

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    A SUIVRE …