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25 -Charlton HESTON & le Western - 1ère partie

Les spécialistes et critiques du Western, qu’ils soient américains ou européens, ont en général leurs «  têtes » qu’il s’agisse de metteurs en scène ou d’interprètes, et la longue histoire du «  genre américain par excellence » selon les termes de l’historien du cinéma André RIEUPEYROUT, prête effectivement à de nombreux classements dont la subjectivité ne saurait, pour paraphraser Georges Bernard SHAW, être aucunement mise en doute !


Pour la plupart des afficionados du genre, quand il s’agit de juger les mérites des artistes hollywoodiens qui ont contribué à l’âge d’or du Western, que l’on situe généralement entre 1940 et 1965, les noms de réalisateurs marquants qui reviennent le plus souvent dans leurs choix sont ceux de FORD, HAWKS, DAVES, WALSH, MANN, ce qui est difficilement contestable car ils ont créé les œuvres les plus marquantes.

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(Photos banque d'images Google)

Concernant les acteurs, les noms de John WAYNE, James STEWART, Richard WIDMARK, Kirk DOUGLAS ,Henry FONDA, sont ceux qui sont le plus souvent avancés pour définir la quintessence d’un héros américain type, les qualités physiques et morales de l’acteur censé donner vie à ce personnage étant souvent plus importantes dans le jugement que ses capacités pures de comédien, sinon comment expliquer que moult historiens du genre considèrent un Joel Mac CREA ou un Randolph SCOTT, acteurs limités mais très «  westerniens » , comme indispensables au genre, mais snobent allégrement un PECK, un NEWMAN ou un BRANDO, comédiens d’un niveau supérieur mais peut-être pas assez «  typés » pour le genre ?

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Il nous semble qu’une des raisons pour lesquelles un artiste du calibre ( si j’ose dire) de Charlton HESTON n’est pas non plus, reconnu en général comme un «  grand » du genre, tient effectivement davantage à cette perception des spécialistes, et aussi d’une grande partie du public, qu’à l’appréciation de ses seules qualités d’acteur, et lui-même il faut le dire aussi, a certainement contribué par ses choix, à les conforter dans cette impression…


En effet, et ce dès le début de sa carrière, le jeune HESTON qui débarque à Hollywood en 1950 pour ses premiers contrats, sans être un snob qui rejette le cinéma et ses paillettes, n’en est pas moins persuadé que sa vie, c’est le théâtre, et reste déterminé à faire carrière à BROADWAY plutôt que se retrouver enchainé par contrat à une firme ou un producteur de la West Coast ; d’ailleurs, après le tournage de son premier film, le polar DARK CITY, il a beaucoup de mal à se voir à l’écran, s’y trouve gauche et emprunté, forçant sur ses effets, et comme il est déjà un perfectionniste, n’en retire que de la frustration et l’envie de repartir sur les planches !
Nous savons maintenant, heureusement pour le cinéma, qu’HESTON finit par adoucir sa vision un peu caricaturale de l’univers hollywoodien, aidé en partie par les conseils de Walter SELTZER, chef de la publicité pour le producteur Hal WALLIS, qui va lui suggérer de revoir ses ambitions un peu à la baisse, en tournant pour commencer ce que PARAMOUNT lui propose !

 

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DARK CITY (1950)

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Sous le plus grand chapiteau du monde (1952)


Le «  Chuck » ayant grand besoin de travailler après le tournage très formateur pour lui de «  THE GREATEST SHOW ON EARTH «  pour Cecil B de MILLE, dont il ne sait d’ailleurs à ce moment précis s’il annonce le début d’une vraie carrière à l’écran ou sa fin misérable, va se trouver donc impliqué dans son tout premier western, sous la direction du vétéran George MARSHALL, «  THE SAVAGE » ( grotesquement intitulé en France «  LE FILS DE GERONIMO ») tourné dans la superbe région des « black hills » dans le DAKOTA, et cette fois on lui confie le rôle principal…


Ce premier Western, non dénué d’intérêt selon les amoureux du genre, raconte l’histoire d’un jeune garçon élevé par les Sioux après l’attaque fatale pour sa famille d’une caravane de pionniers ; le film est considéré de nos jours comme remarquable car il participe d’une première vague de westerns «  pro-indiens » ou Hollywood commence ( il était temps) à mettre en valeur la culture et la civilisation indiennes en cessant de réduire les «  native americans » à une bande d’indigènes peinturlurés et sanguinaires, ce qui fut le cas depuis pratiquement les débuts du cinéma ! sans avoir l’impact, public ou critique, de «  BROKEN ARROW » de DAVES ou de «  DEVIL’S DOORWAY «  de MANN sortis en 1950, il va avoir le mérite de présenter HESTON dans un rôle de composition, son personnage étant déchiré entre deux cultures, celle qui lui vient de ses parents disparus et celle qu’il a acquise dans la tribu CROW qui l’a adopté ; il est d’ailleurs à noter que, même s’il en est à son début de carrière et qu’on peut supposer qu’en tant que jeune acteur, il parait souhaitable qu’il marche droit et ne se fasse pas trop remarquer, HESTON va bien évidemment faire tout le contraire lors des tournées de promotion du film… 

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THE SAVAGE (1952)
En effet, censé faire l’éloge du produit et se contenter de faire savoir à la presse combien il a été heureux de tourner ce beau western et à quel point l’équipe était formidable, Chuck va au contraire utiliser ses interviews pour mettre en exergue le mal qui a été fait aux Indiens pendant la conquête de l’Ouest, et combien ils ont été jusqu’ici caricaturés par le cinéma de façon scandaleuse ! en gros, le rêve pour un intervieweur, beaucoup moins pour les dirigeants de la PARAMOUNT !
Un peu comme un précurseur de Kevin COSTNER, dont le «  DANCE WITH WOLFES » de 1990 est resté légendaire, HESTON ne va pas y aller par quatre chemins, et déclarer entre autres :
« THE SAVAGE est plus qu’un simple western, et maintenant que j’ai travaillé avec les Sioux comme conseillers pour ce film, je pense qu’on devrait faire un film sur les Sioux d’aujourd’hui, et enfin parler d’eux, car ce sont des gens qui méritent qu’on agite le drapeau pour eux ; je trouve étrange que, alors que tout le monde est informé des problèmes actuels des Grecs, des Juifs, des orphelins de guerre, personne dans ce pays ne semble savoir quoi que ce soit sur les Sioux et sur ce qu’ils endurent ! peut-être sont-ils trop fiers pour demander de l’aide… » ( cité par Marc ELIOT dans sa biographie de l’acteur, 2016)


Voilà qui est dit et bien dit, et annonce à peu de choses près ce que va devenir plus tard HESTON aux yeux des médias, quelqu’un qui dit ce qu’il pense et ne tient compte d’aucune pression qui puisse l’amener à «  adoucir » son point de vue, ce qui d’ailleurs va en l’occurrence, profondément ulcérer le studio qui va revendre son contrat illico à Hal WALLIS … Et récupérer l’artiste assez vite, car PARAMOUNT, considérant HESTON comme redevable d’encore deux films pour le studio, va quand même le réemployer pour, devinez donc, un nouveau western ; il faut dire qu’en 1952, la crise du cinéma étant bien réelle du fait de l’émergence de la télévision, les maisons de production n’ont quasiment plus que deux types de choix possibles : les films à grand spectacle comme QUO VADIS ou THE ROBE, ce qui est le souhait d’un ZANUCK à la FOX, désireux de proposer ce que la télé est incapable de faire, ou les petits budgets «  série B » peu coûteux et donc peu risqués, dont les westerns font partie, car n’oublions pas de le dire, ce genre, aussi curieux que cela puisse paraitre, est globalement considéré dans le métier comme «  secondaire » !


Voici donc, pour sa plus grande joie on s’en doute, notre héros engagé pour jouer un jeune Buffalo Bill, figure mythique de l’Ouest, dans «  PONY EXPRESS » que va réaliser Jerry HOPPER, un metteur routinier mais sympathique avec lequel Chuck va très bien s’entendre, au point qu’ils feront encore deux films ensemble ; disons le franchement, PONY EXPRESS ne sera nullement mémorable, de par la faiblesse d’un scénario insigne accumulant les erreurs historiques, (ce qui étonne de la part d’un writer aussi chevronné que Charles MARQUIS WARREN que nous évoquerons plus loin), et aussi le souhait de donner un ton de comédie au film, avec malheureusement deux inconvénients majeurs : HESTON, même s’il a beaucoup d’humour dans la vie, ne sait pas encore l’exprimer à l’écran, et Forrest TUCKER en «  wild » Bill Hicock , est terne comme c’est pas possible et pas sauvage pour un sou…

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PONY EXPRESS (1952)


Le bon côté de cette expérience, c’est que, confronté pour la première fois à un rôle vraiment «  historique », HESTON va s’intéresser de très près à l’apparence physique du personnage, selon sa formule «  je dois connaitre l’extérieur avant d’appréhender l’intérieur », et il va également prendre l’habitude de visionner les «  rushes » avec Jerry HOPPER, très étonné du reste de voir un comédien prendre les choses à ce point au sérieux !


« Je veux savoir en quoi je me trompe, savoir ce que je fais mal ; si je vois une scène qui est bonne, ça ne m’apprend rien, je dois regarder ce que je fais mal, et le corriger ; et à mon avis, un acteur ne peut jamais être satisfait d’une scène, encore moins d’un rôle dans un film, les rushes sont un moyen d’en savoir un peu plus, sans s’illusionner » ( cité par Michael MUNN dans sa biographie, 1986)


Toujours cantonné à la série B pour y apprendre les ficelles du métier, HESTON sait qu’il se trouve dans cette position pour une raison bien simple, c’est qu’il n’est encore nullement une vedette autour de laquelle on bâtit de gros projets, ce qui ne le gêne nullement d’ailleurs ; il est bien connu que ce qu’ HESTON a toujours souhaité, c’est être un vrai acteur et pas une star, une simple «  valeur marchande » ; et le fait de ne pas avoir d’image à défendre, de ne pas être déjà enfermé dans un type de rôle, va lui permettre de «  tenter des trucs »… Et ce, dès le film suivant, toujours sous l’égide de PARAMOUNT qui va lui proposer un rôle à l’opposé de celui de THE SAVAGE, dans un western assez violent et atypique, puisque prenant le contrepied de la vague «  pro-indienne » très en vogue en 1953 ; cette fois, c’est le sus- nommé Charles MARQUIS WARREN qui est aux commandes de «  ARROWHEAD » ( LE SORCIER DU RIO GRANDE) .

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C’est un vrai spécialiste de l’Ouest et plutôt bon scénariste, quand il ne tombe pas dans la facilité, qui considère, en gros, qu’il n’y a pas de «  bons indiens » et de «  méchants blancs », et qu’il est dans la nature humaine de s’écharper pour défendre ou acquérir un territoire ; en fait, son ARROWHEAD, qu’il considérera plus tard comme sa plus grande réussite, annonce par son cynisme et sa vision brutale des choses, un autre film encore plus extrême, le fameux «  ULZANA’S RAID »( FUREUR APACHE) de Robert ALDRICH qui renvoie dos à dos Indiens et Blancs pour ce qui est de la cruauté et de la violence ; d’ailleurs, les deux films, à vingt ans d’intervalle, mettent en scène une variation autour d’un même personnage, celui d’un éclaireur nommé Al SIEBER, un homme dont toute la vie se déroula dans un mépris complet pour toute autorité, devenu chez WARREN Ed BANNON, individu violent, alcoolique, farouchement individualiste, pas du tout sympathique, et un type de rôle de mal-aimé que Chuck va affectionner pendant une bonne partie de sa carrière.


Au sujet de ce film globalement intéressant et connu surtout des cinéphiles pour la prestation de Jack PALANCE dans le rôle de l’Indien insoumis Toriano, Bertrand TAVERNIER, homme de gauche mais analyste très pointu et objectif pour ce qui est de juger du talent des autres, considère avec pertinence qu’il vaut beaucoup mieux que sa réputation de western raciste :
« on écrit que c’est un film d’un racisme inadmissible, que c’est un des seuls westerns ou tous les personnages sont antipathiques ;la réalité est différente, car ce que certains semblent ne pas prendre en compte, c’est que le fait d’imposer des personnages noirs, peu sympathiques, peut être un signe d’ambition, un désir de se démarquer de la production courante ; ce n’est pas du tout le manichéisme «  noble sauvage contre méchant civilisé » ; tout le monde y a ses raisons, bonnes ou mauvaises, et le personnage d’HESTON est tout à fait complexe, on ne le glorifie, ni ne le condamne, et pour PALANCE, pareil »

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Concernant HESTON justement, TAVERNIER se livre à une analyse tout à fait intéressante :
«  Charlton HESTON est tout aussi remarquable ( que PALANCE) et impose un personnage torturé, au rebours de ses convictions politiques de l’époque ,je pense d’ailleurs que l’alcoolisme du personnage est un ajout de l’acteur, voulant souligner sa culpabilité, lui qui est ravagé par la haine. WARREN lui a ajouté une enfance chez les Indiens qui l’ont rejeté, ce qui en fait un personnage assez «  Fullerien » une sorte de paria ; aussi puissant que dans THE NAKED JUNGLE jamais il n’édulcore ou n’affadit la violence noire du personnage » ( Postface du roman de WR BURNETT «  ADOBE WALLS »)


On peut effectivement penser que, tranchant avec la production routinière de la série B du moment , même si par son budget il s’apparente au genre, «  ARROWHEAD » annonce en quelque sorte une nouvelle étape dans la carrière de l’acteur, par son immersion, pour la première fois peut-être, dans un «  character » difficile à défendre, et donc passionnant pour un comédien déjà un peu «  créatif » ; même si ARROWHEAD n’est aucunement un chef – d’œuvre et pâtit d’un final spectaculaire mais prévisible, on peut y percevoir chez l’artiste comme une volonté d’échapper aux conventions dans lesquelles le genre, justement, pourrait l’enfermer ; donc, en 1954, avec déjà trois westerns à son actif, HESTON, conscient des limites de ce genre de rôle, ce qui ne l’empêche pas d’apprécier, comme beaucoup d’américains, la noblesse du genre en général, a déjà en tête quelques «  pistes » pour tenter de construire sur la lancée de ARROWHEAD de vrais personnages, malgré les restrictions qu’imposent plus ou moins, les conventions du Western …

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A SUIVRE...


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Commentaires

  • C'est une belle page, intéressante, judicieusement illustrée.
    Dans son autobiographie, Charlton Heston ne détaille pas beaucoup le tournage de ces trois westerns alors qu'ils le fait pour d'autres films de cette période. Il semblerait donc que ces westerns ne l'aient pas beaucoup marqué. Sa passion est effectivement restée le théâtre, le plaisir d'être en direct avec son public et aussi de pouvoir jouer avec Lydia, sa Girl !!
    Il note cependant (avec beaucoup d'humour) que le cinéma paye plus, beaucoup plus que le théâtre et que le sang écossais qui coule dans ses veines était sensible à cela.

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