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17 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

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La Touche Wyler

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(Chuck - Sam Zimbalist - William Wyler)

Jack L. Warner examina de nouveau le contrat qu'il avait signé pour Heston pour qu'il fasse Les Commandos passent à l'attaque1, réalisé par William Wellman.

Herman Citron, surnommé « l'homme de glace »2, avait formulé tout à fait clairement les termes du contrat. Heston travaillait désormais contre un pourcentage des recettes. Universal avait accepté ces termes pour La Soif du mal, et c'est ainsi que firent également les frères Warner pour Les Commandos passent à l'attaque. Jack Warner n'avait cependant pas pris la mesure de ce que cela signifiait. Après tout, peu d'acteurs de l'époque se faisaient payer au pourcentage des revenus bruts.

C'était pourtant écrit noir sur blanc. Heston allait recevoir une part des profits du film. Jack s'était décidé trop hâtivement. Il renvoya aussitôt Heston et choisit un acteur avec qui ils avaient déjà un contrat : James Garner. Heston les poursuivit en justice tout aussi promptement.

Charlton fit une déposition calme, un peu verbeuse, devant le tribunal. Il y avait eu des périodes de sa vie où il ne prenait pas beaucoup la parole. Il avait maintenant tendance à la monopoliser. Après son témoignage, son avocat lui signala : « Vous savez, M. Heston, il est tout à fait acceptable de répondre aux questions simplement par oui ou par non.»

Jack Warner en dit cependant trop. Sa colère surgit rapidement à la surface pendant son interrogatoire, et laissa échapper : « tous ces maudits acteurs méritent tout ce qui leur pourrit la vie. » Cela régla la question pour la cour de justice. Ils décidèrent en faveur d'Heston et lui donnèrent droit à un dédommagement financier payé par les frères Warner, ce qui lui offrit les fonds nécessaires pour enfin commencer à chercher une maison qui lui appartiendrait.

 La lumière rouge tant crainte s'alluma et Heston était de nouveau dans une émission en direct à travers le pays. Cette fois, il faisait The Anderson Court-Martial, portant une moustache postiche. Il sentit que c'était un superbe script et le meilleur rôle qu'il avait eu depuis un bout de temps. Il était ravi de la direction de Ralph Nelson, et à part sa moustache qui manqua de peu de tomber devant 40 millions de téléspectateurs, la pièce se passa bien, flattant suffisamment son égo d'acteur pour lui permettre de faire une pause dans la promotion de son prochain film, Les Grands Espaces3 de William Wyler.

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Il n'aimait pas particulièrement son rôle, devant être gros pour la première fois, et ce n'était qu'un rôle de soutien majeur. Il ne l'avait accepté que parce qu'il ne voulait pas laisser passer l'opportunité de travailler pour Wyler. Le tournage n'a pas été des plus joyeux. Sa vedette, Gregory Peck, coproduisait avec Wyler. Ils se disputèrent en tant que producteurs et amenèrent cette dispute jusqu'à leur relation réalisateur–acteur. Wyler, tel qu'il était, faisait généralement les choses à sa manière.

Il ne lâchait jamais les acteurs ni une scène tant qu'il n'était pas convaincu qu'il avait tout tiré d'eux et du script. Il pouvait prendre une douzaine de prises ou plus d'une seule séquence, essayant tous les angles, toutes les idées, toutes les motivations et en tirant chaque goutte d'émotion. C'était une technique à laquelle Heston n'était pas habitué – il avait tendance à vouloir que les choses avancent. Il dut apprendre à être patient et à faire confiance à l'instinct de Wyler qui, après tout, avait fait ses preuves sur une période de plus de trente ans.

Charlton apprit à ne pas s'attendre au moindre compliment de la part du réalisateur. Wyler lui expliqua les choses simplement : « écoute, si je ne dis rien après une prise, c'est que c'est bon. »

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Une seule scène sous la direction de Wyler pouvait être une expérience exténuante. Il fit jouer une scène de combat au corps à corps à Peck et Heston du matin au soir, jusqu'à ce que les deux acteurs furent complètement épuisés – ce qui allait bien avec la scène.

 Même les femmes ne furent pas épargnées. Quand Heston et Carroll Baker durent se quereller à l'écran, Carroll finit les poignets couverts d'ecchymoses à cause de la forte poigne de Chuck.

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Charlton explique :

«Willy nous a fait jouer cette scène encore et encore, jusqu'à ce qu'il soit satisfait. Il ne cessa pas de l'exhorter à se dégager tout en insistant sur le fait que je ne devais pas la laisser partir, et j'ai fini par la blesser aux poignets. La pauvre fille était dans un drôle d'état après cela.

Et voilà encore une autre preuve de son insistance à vouloir avoir exactement ce qu'il veut. À Rome, six mois après que nous avions terminé Les Grands Espaces aux états-Unis, il me fit jouer un gros plan qu'il voulait caler dans le gros combat que j'ai avec Gregory Peck.

Ironiquement, il ne l'utilisa finalement pas

 La valeur qu'accordait Charlton aux premiers rôles féminins, qui n'avait pas toujours été très haute, grimpa de façon dramatique durant ses scènes avec Jean Simmons. Il dit une fois des vedettes féminines ceci :

«Certaines d'entre elles ont une attitude très peu professionnelle. Elles ne s'intéressent pas vraiment à ce qu'elles font. Elles sont trop désenchantées par ces histoires de star de cinéma et ont tendance à voir cela comme un engagement social. L'industrie a créé ses propres monstres, et certains d'entre eux sont féminins

 C'était son avis à l'époque, et il n'a pas trop changé au fil des années. Il complète cependant :

 « Parmi les femmes partageant mon métier, je respecte beaucoup Jean Simmons. Non seulement elle est très talentueuse, mais ce que je trouve encore plus digne de louanges, c'est le fait qu'elle a réussi à rester inchangée malgré les influences destructrices et les pièges qui viennent avec la célébrité, et qui ont détruit tant de ses sœurs-actrices

 

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En tout, Les Grands Espaces, malgré son rôle relativement secondaire, prit à Heston 3 mois de dur labeur et de sueur pour terminer. Il était cependant content d'avoir fait le choix de travailler avec Wyler, et ce fut rétrospectivement un de ses meilleurs choix stratégiques car à ce moment-là, MGM était en train de persuader Wyler de réaliser leur titanesque remake de Ben-Hur.

 Pour Charlton, c'était comme offrir à sa femme le plus beau des cadeaux de Noël. Il se tenait à côté d'elle sur la montagne, admirant le canyon, lui laissant le temps d'apprécier le même paysage à couper le souffle qui l'avait captivé. En dessous se trouvait Hollywood, à portée de main et pourtant si loin. Au-delà se trouvait l'Océan Pacifique. Russ l'avait trouvé en premier ; une vue sur le canyon n'attendant que quelqu'un qui vienne y construire une maison. Chuck adora dès le premier regard et avait hâte que Lydia lui donne son consentement. Quand elle le vit, elle se tint là, muette. Elle se délecta de la beauté à laquelle elle faisait face, et des larmes commencèrent à couler.

Charlton était comme foudroyé. « Qu'y-a-t'il ? Cria-t-il, tu n'aimes pas ? »

Lydia raconte : « en dépit de sa taille, il ressemblait tellement à un petit garçon inquiet que je n'ai pu qu'en rire au lieu de pleurer. »

Le lopin de terre fut donc acheté, et les Heston commencèrent à prévoir comment faire dessiner et construire leur maison.

Heston travaillait alors sur un autre petit rôle dans un film, mais c'était vraiment plus une sorte de brève apparition4. Il jouait de nouveau Andrew Jackson du film Les Boucaniers de De Mille Production. Cette fois, De Mille n'était pas le réalisateur. Au départ, il comptait en faire une version musicale avec Yul Brynner dans le rôle de Jean Lafitte, mais Brynner n'était pas satisfait par le scenario et son traitement, faisant que De Mille décida de faire un simple remake de son ancien film d'aventure. À ce moment-là, il n'était cependant pas motivé à  réaliser le film et chercha quelqu'un d'autre pour remplir cette mission.

Un jour, alors qu'il déjeunait, sa fille Katherine et son beau-fils Anthony Quinn lui rendirent visite. De Mille demanda à Quinn s'il pensait que Budd Boetticher serait un bon choix comme  réalisateur pour Les Boucaniers.

« Ce n'est pas ton genre de réalisateur, » répondit Quinn.

Soudain, De Mille se pencha en avant et dit, « Tony, comment est-ce que tu aimerais le réaliser ? »

Quinn réfléchit un instant et dit, « je le ferai. »

Charlton eut vent de ce projet qui était fait par Paramount, et comme il avait encore un dernier film à tourner pour ce studio, il demanda à De Mille s'il pourrait jouer à nouveau Jackson pour enfin conclure son contrat. Par ailleurs, il admirait beaucoup Jackson et qu'essayer de le jouer de nouveau serait une expérience des plus plaisantes.

De Mille adorait la perspective d'avoir Heston dans son film et ordonna à ses auteurs, Jesse Lasky Jr et Berenice Mosk, de donner plus d'importance au rôle de Jackson.img028.jpg 

Heston se mit impatiemment au travail de création du maquillage, basant l'apparence de Jackson sur de vieilles peintures de lui à l'âge de 60 ans. C'est seulement une fois que la production avait déjà bien avancé qu'Heston se rendit compte qu'il avait fait une terrible erreur. Jackson, à l'époque à laquelle se déroule le film, n'a que 46 ans, mais Chuck le représentait comme un vieil homme.

Quinn n'avait jamais été réalisateur auparavant, mais en tant qu'acteur, il a pu montrer aux acteurs exactement comment il s'attendait à ce qu'ils jouent leurs rôles en les interprétant lui-même pour leur avantage.

 Cependant, tous les acteurs n'appréciaient pas de se faire dire exactement comment jouer. Heston, ceci dit, trouvait que Quinn était un homme plein de talents qui l'aida à ajouter un petit quelque chose à son jeu grâce à cette technique. Ils travaillaient si bien ensemble qu'ils parlèrent de monter d'autres projets à l'avenir, bien que rien ne s'est jamais concrétisé.

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De Mille était rarement sur le plateau. Quand il venait, il restait assis en silence dans un coin, quoique son ombre se projetait clairement sur le plateau, mais la plupart du temps, Quinn avait l'équipe de tournage, les acteurs et le plateau pour lui tout seul. La participation de De Mille se limitait à demander à refaire des prises (n'étant pas toujours satisfait par le travail de Quinn), et ensuite à superviser le montage du film, ce qui aida à ajouter quelques touches du maître.

Les Boucaniers est en fait un assez bon film ; en tout cas moins mauvais que ce que certaines critiques le font croire. Peut-être y a-t-il toujours quelques fautes de goût quand un acteur est réalisateur pour la première fois. En tout cas, Quinn n'a jamais plus été réalisateur depuis.

De Mille offrit à Charlton cette petite statue de cire qui avait trôné dans sa loge pendant le tournage de Le Général Invincible pour sa contribution au film.

Même pendant la production de Les Boucaniers, MGM essayaient de séduire Heston pour qu'il joue Messala dans Ben-Hur face à Burt Lancaster dans le rôle-titre. Charlton n'était pas du tout à l'aise à l'idée de jouer le méchant et Wyler, chargé du film, fit de son mieux pour le rassurer. Pendant ce temps, Lancaster se désolidarisa du film, croyant curieusement que le film contredirait ses idées athées ! Un remplaçant fut trouvé – un Italien nommé Cesare Danova – mais Wyler avait des appréhensions à son sujet, en grande partie parce qu'il n'avait pas une maîtrise particulièrement bonne de la langue anglaise. Wyler commença à sa demander si Heston ne serait pas mieux dans le rôle de Ben-Hur.

Heston ne se faisait pas trop d'illusions alors que Wyler allait prendre sa décision. Il retrouvait 2 de ses collègues acteurs de Les Boucaniers, Claire Bloom et E. G. Marshall, pour une production télévisuelle de La Belle et la Bête pour CBS. Cela attira une forte audience et reçut des commentaires dithyrambiques.

Wyler décida enfin qu'Heston devrait jouer Ben-Hur, et Charlton accepta immédiatement l'offre et célébra cela avec Lydia et une bouteille de champagne.

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Avant de se mettre en route pour l'Italie où Ben-Hur serait filmé, Chuck fit Point of No Return pour Playhouse 90, mis en scène par Frank Schaffner. Il fut diffusé en direct le 20 février 1958.

Trois semaines plus tard, Charlton, Lydia et Fray embarquaient à bord du SS United States à New-York, en direction de Southampton puis, enfin, Rome et Ben-Hur.

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A SUIVRE...

1 Darby's Rangers

2 « The Iceman » dans le texte original

3 The Big Country

4 « a cameo » dans le texte original. Le mot  est déjà dans l'usage courant en France, et désigne l'apparition brève d'un acteur connu dans un film.

Commentaires

  • Quel plaisir et intérêt de lire cette foule de détails sur l'homme que Chuck était devenu.
    On a l'impression que Dieu lui même est intervenu pour qu'il devint Judah BEN HUR !

  • Cher Claude, je suis d'accord avec vous. Je pense comme vous, Chuck avait une foi inébranlable, que ce soit dans sa carrière, même si parfois, il a été habité par quelques doutes, mais sa foi était intacte. Il restera à jamais Judah Ben Hur. Vous découvrirez la semaine prochaine les souffrances qu'il a dû endurer pour atteindre cette perfection. Comment voudriez-vous que nous n'aimions pas Chuck ? C'est impossible. Aucun acteur a atteint ce talent et ce sens du sacrifice. Bonne journée hestonienne cher Claude.

  • Merci France pour ces magnifiques textes photos et ces anecdotes ...c'est toujours un ravissement tes textes milles bisous ma chère amie hestonnienne

  • Chère Rose, merci pour ton beau commentaire. En ce qui concerne la traduction du livre de Michael Munn, c'est mon petit-fils qui en est l'auteur pour nous et ce blog. Donc pour la première fois une biographie de Charlton Heston est traduite en français, mais à titre privé, uniquement pour le blog, avec le soutien de Michael Munn himself. J'espère qu'un jour, cette traduction deviendra un livre, mon petit-fils travaille à cela pour y parvenir.
    Je suis comblée par les commentaires que je reçois. Je te remercie encore pour les tiens. Belle journée et bisous hestoniens chère Rose.

  • Comme d'habitude c'est extra ! Merci Adrien ! Quel bonheur de voir la carrière de notre Chuck s'accélérer ainsi ! Je suis toujours un peu étonnée de voir qu'après les "Les dix Commandements" il n'avait pas encore les moyens de s'offrir la maison de ses rêves.

  • Chère Astride, merci pour vos commentaires toujours judicieux. En effet, la question mérite d'être posée, mais certainement que Chuck et Lydia, qui sont restés très longtemps sans vraiment vivre ensemble depuis leur mariage en raison de leurs engagements l'un sur la côte Est des States et l'autre sur la côte Ouest, ce qui explique qu'ils n'aient pu se décider à acquérir un terrain pour construire qu'après leur retour d'Italie, à la fin du tournage de Ben Hur pour qu'enfin leur vie avec Fraser, se stabilise. Tout cela est dit au début du livre de Michael Munn et au travers de divers articles publiés sur ce blog. Belle journée et amitié hestonienne chère Astride.

  • Magnifique ! Excellent passage ! On arrive à Ben Hur le film de la consécration celle qui va faire de lui une superstar et c'est intéressent de comprendre comment a t'il réussit pour donner une performance à la perfection qui sera récompensé un Oscar bien mérité. Je suis toujours aussi touché par ce passage :

    "Chuck adora dès le premier regard et avait hâte que Lydia lui donne son consentement. Quand elle le vit, elle se tint là, muette. Elle se délecta de la beauté à laquelle elle faisait face, et des larmes commencèrent à couler.

    Charlton était comme foudroyé. « Qu'y-a-t'il ? Cria-t-il, tu n'aimes pas ? »

    Lydia raconte : « en dépit de sa taille, il ressemblait tellement à un petit garçon inquiet que je n'ai pu qu'en rire au lieu de pleurer. »

    Il était vraiment un homme attentionné, aimant et dans cette situation un mari protecteur et dévoué. La preuve qu'il avait besoin d'une femme à ses côtés. J'aurais bien aimé avoir un mari comme lui .

  • Merci pour ce joli commentaire, Clarisse. En effet cette période est intéressante et dans le prochain épisode nous découvrirons les mois de travail qui ne furent pas une sinécure pour Chuck. Effectivement l'anecdote relatant l'acquisition du terrain de Coldwater canyon, est charmante et en dit long sur le couple Chuck-Lydia.
    Bon dimanche hestonien petite jeune fille romantique. Un jour peut-être, vous aurez un mari de la qualité de Chuck. Il ne faut jurer de rien....

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