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14 - "Charlton Heston une biographie " de Michael Munn - (traduction par Adrien P.)

 

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Perché sur une grue de caméra, De Mille annonça à travers son micro doré : « mesdames et messieurs, ce sera le mouvement d'une nation – tout un peuple, ses enfants, ses vieillards, ses biens et ses ressources. Si vous vous êtes bien préparés, ce sera l'événement digne de respect et d'inspiration que nous racontent la Bible et l'Histoire. »

Il n'était pourtant pas encore prêt à faire tourner les caméras.

D'après les propos d'Heston :

«Au lieu de cela, il resta simplement assis là, heure après heure sous le soleil ardent, ses jumelles collées aux yeux. Il criait des choses du genre « la femme au châle bleu derrière le pied du troisième colosse à l'arrière. Je ne la veux pas ici. Non, non. Le troisième colosse. Voilà, cette femme-là. Je la veux marchant sur le sable. »

Je n'arrêtais pas de penser : « s'il fait ça avec chacun de ces 10 000 figurants, jamais, jamais nous ne commencerons le tournage. »

 

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c'était 5 heures avant que De Mille ne soufflât enfin dans son petit sifflet doré pour démarrer le tournage.

La scène de l'Exode mit des jours à être filmée. Elle manqua de peu de ne pas être achevée. De Mille eut une crise cardiaque après avoir grimpé une échelle de 107 pieds de haut pour atteindre une plate-forme de caméra perchée au sommet des portes de la ville. Déterminé à retourner au sol par ses propres moyens, il redescendit de nouveau tout le chemin. On le porta dans sa voiture et le conduisit au Caire. Son médecin lui ordonna de passer au moins deux semaines dans un lit sous une tente à oxygène puis de rester dans un lit normal pour une durée beaucoup plus longue. Le médecin lui dit que pour lui, le tournage était terminé. De Mille refusa de rester alité et passa toute la nuit à prier à genou.

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Heston raconte, « ça se passa un vendredi, et, au nom de Dieu, il était de retour sur le lieu de tournage le lundi. C'était incroyable de voir qu'il avait réussi à faire cela, mais il le fit. Pour lui, le plus gros du film était encore à faire. » On ne peut pas s'empêcher de se demander si De Mille a reçu une quelconque intervention d'une Source encore plus élevée que Paramount Studios !

C'est durant cette période du tournage que l'information parvint à Charlton que le scénario de La Guerre privée du major Benson était vendu par Paramount à Universal. Heston contacta aussitôt Herman Citron pour lui dire qu'il devait obtenir les droits de ce film quoi qu'il en coûte. Citron réussit en promettant à Universal que Charlton ferait le film pour une part des bénéfices et aucun salaire.

Avant de quitter l’Égypte, quelques festivités Arabes eurent lieu, auxquelles Charlton se joignit comme il se doit. Il aurait finalement préféré ne pas le faire quand on lui offrit à manger un œil de mouton planté au bout d'une pic bédouine1. Ne voulant pas offenser ses hôtes, Chuck mâchonna l’œil, faisant preuve de plus de courage qu'il n'en montrait à l'écran.

Fin novembre 1954, l'équipe était de retour à Hollywood, tournant dans de vastes et solides studios de Paramount. Lydia était maintenant enceinte de six mois. C'était un moment de joie pour les Heston qui aspiraient depuis longtemps à avoir un bébé.

Pendant ce temps, Charlton devait encore descendre les tablettes de pierre depuis le mont Sinaï, maintenant construit dans les studios. Pendant qu'Heston était au sommet de la montagne à regarder « le Doigt de Dieu » graver depuis le ciel les dix commandements sur les flancs du Sinaï, les enfants d'Israël, comme dans le script, s'adonnaient à une orgie d'alcool autour du veau d'or.

Heston dit en se moquant :

« Ils filmèrent la scène d'orgie pendant des jours, avec des femmes se roulant dans le raisin avec une frénésie orgiastique, et une de ces filles fatiguées dit à un assistant réalisateur : « Hé Eddie, avec qui faut-il coucher pour sortir de ce film ? »

Bref, nous en arrivâmes enfin à la fameuse scène – j'étais évidemment absent pendant ces réjouissances – où Moïse arrive depuis un nuage de brume nébuleuse du sommet de la montagne, avec les tablettes à la main et dit : « qui est du côté de Dieu ? Venez à moi, » et tout le monde recule de peur.  

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Eh bien, à peine avions-nous capté cette réplique que quelqu'un cria « Pause déjeuner ! » Je retournais dans ma loge où je mangeais toujours tout seul, traînant encore derrière moi les nuages de la gloire Moïsienne, quand je passais devant une de ces esclaves asservies pour la scène d'orgie durant des jours, qui me dit « rabat-joie ! »

La dernière contribution au film de Charlton fut de faire la voix du Seigneur durant la scène du Buisson Ardent et celle des commandements. Charlton Heston a donc tout joué, de Dieu à n'importe qui.

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Son portrait de Moïse dans la boîte, il alla presque directement après à La Guerre privée du major Benson, laissant à peine le temps à la personnalité de Moïse de le quitter. (Il ne pouvait jamais passer directement dans un autre rôle puisqu'il lui fallait un peu de temps pour « trouver » l'homme qu'il jouerait, ce qui signifie que les premiers jours du tournage, il sentait parfois que son jeu était faible. )

Major Benson fut le bébé de Chuck. Il était en charge de la mise en place du film avec l'aide d'Herman Citron, mais au moins, il n'avait pas à craindre d'être impliqué financièrement. Universal paya le budget comme s'en assura le producteur Howard Pine. Jerry Hopper fut de nouveau le réalisateur d'Heston, un choix indubitablement prudent. Charlton avait un peu d'autorité sur le choix des acteurs qui était quelque peu restreint par le budget. Le talent comptait cependant plus que le nom, et c'est ainsi que Julie Adams, une étoile montante des rôles secondaires, devint son actrice principale. Un grosse partie du casting était composée d'enfants et d'adolescents. Parmi eux, Sal Mineo, 17 ans, devint une star par ses propres moyens.

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Heston adorait le script de ce film et adora le jouer. C'était une rare occasion de s'essayer à la comédie. Il s'en sortit très bien là aussi : cela s'avéra être un film distrayant, et Heston fit un bon travail dans les dialogues comiques.

Il dit :

« La comédie est le seul genre que je n'ai pas beaucoup exploré. Je serais ravi de jouer plus de rôles comiques, mais le problème est que Jack Lemmon décroche tous les bons rôles. À chaque fois qu'on me fait parvenir un script de comédie, il est couvert des empreintes digitales de Jack Lemmon. Il l'avait déjà lu et ne le trouvait pas très bon.»

C'est amusant que la première comédie d'Heston en fut une d'abord taillée pour Cary Grant. Il dit :

«Quand j'ai commencé ma formation d'acteur, Cary Grant était au sommet de sa remarquable carrière, et j'ai toujours pensé que ce serait merveilleux de pavaner dans de belles salles, à dire de belles choses, à porter de beaux vêtements et à parler à de belles femmes, mais je pense que personne ne le fit mieux que Cary Grant

Avec ou sans Cary Grant, La Guerre privée du major Benson fut un succès commercial, et comme Charlton en perçut un certain pourcentage des profits, cela l'aida à payer ses factures pour les années à venir.

Pendant le tournage, Lydia donna naissance à un petit garçon le 12 février 1955. Mêlant la fierté d'être parents avec la fierté de Charlton d'avoir des ancêtres écossais, ils le nommèrent Fraser – abrégé Fray.

De Mille était alors encore en train de travailler sur Les Dix Commandements, principalement sur le montage et la supervision des effets spéciaux. Il avait encore à tourner les scènes de l'enfant Moïse, et sachant que Lydia allait bientôt accoucher, il décida d'attendre jusqu'après l'accouchement en espérant que le bébé Heston voudrait faire ses débuts dans le cinéma dans son puissant long-métrage.

Fray eut trois mois avant que Charlton ne donne son consentement, mais Lydia n'était pas du tout rassurée. Elle dit :

«Mon cœur s'arrêta en le voyant ainsi emprisonné dans ce panier et je crus qu'il suffoquerait. Mais, bien sûr, il existe une loi très stricte sur le temps pendant lequel ils sont autorisés à travailler.(a)

C'était supposé être amusant, mais ce fut tout sauf ça. Il y avait notre seul et unique enfant, attendu depuis dix ans, qui flottait dans un panier sur le Nil. Chuck se tenait dans une cuve représentant la rivière. Il attrapa Fraser, le toucha et pensa, « bébé a juste mouillé sa culotte, » et n'y prêta pas plus attention. D'un coup, le panier coula.

Cecil B. De Mille se précipita en criant « tout va bien. La Bible dit, « et le bébé pleura. » » Le bébé en fit de même aussi !»

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Monter Les Dix Commandements fut un travail de titan pour De Mille et son monteur, Annie Bauchens, et ce ne fut qu'un an plus tard qu'Heston put enfin voir le film achevé lors d'une projection privée organisée par De Mille. Heston fut ému et s'est réjoui de ce qu'il avait vu à l'écran. Il en reconnut les failles, mais savait aussi que De Mille était le seul homme qui pouvait avoir capturé la pure magnificence projetée sur cet écran. Comme toujours, il n'était pas satisfait par sa propre performance, et il fut également déçu par les effets spéciaux.

« C'était un énorme rôle, mais vraiment tout aussi injouable que celui du Christ. Cela allait au-delà de mes capacités de l'époque, et ça le serait toujours aujourd'hui. Je pourrais faire un meilleur travail qu'à l'époque, mais n'importe quel acteur à qui Dieu a donné un semblant de jugeote serait capable d'en dire autant de n'importe quel rôle ².

L'Exode est la meilleure scène du film. C'est plutôt émouvant. Une expérience merveilleusement excitante parce qu'il y a tous ces gens qui sont vraiment touchants. On est prêt à croire qu'ils vont vraiment marcher jusqu'à la Terre Promise.

La scène de la Mer Rouge n'est clairement pas aussi bonne que celle de l'Exode, d'après moi, que ce soit dans sa structure ou à son état final. On ne peut pas mettre de côté toute considération sur la qualité technique du procédé : soit une scène de ce genre fonctionne parfaitement, soit pas du tout. Ça demande de la conviction. Il faut qu'on y croit, et la solution technique pour couper la mer en deux est ce qui fait que la scène est une réussite ou un fiasco. J'imagine que maintenant, on pourrait mieux le faire ».

De Mille fut extasié par le travail d'Heston malgré toutes les réserves qu'avait Heston lui-même. Pour citer De Mille, « Charlton Heston apporta au rôle un talent rapidement développé en tant qu'acteur ainsi qu'une sincère compréhension des qualités humaines et spirituelles de Moïse. »

De Mille fit une avant-première à Salt Lake City, capitale Mormone, où le public le reçut avec grand enthousiasme. Peut-être que les critiques ne furent pas aussi gentils dans leur évaluation du film, mais cela n'avait aucune importance. Ce qui comptait pour De Mille, c'était que Les Dix Commandements reçoive les louanges de nombreux leaders religieux, et c'est avec ces commentaires-là que Paramount fit la promotion du film.

Le film sortit triomphalement d'abord au Criterion Theater à New-York le 8 novembre 1956, puis au Stanley Warner Theater de Los Angeles six jours plus tard. Ce fut un formidable succès, enregistrant de gros profits au box-office. Ce succès avait une signification différente pour De Mille et pour Heston. Pour De Mille, c'était son dernier et plus grand succès. Il fit ce film pour littéralement aucun salaire. Ce film était essentiellement un message auquel il croyait personnellement, et il voulait l'offrir comme un cadeau au monde. Quant à Heston, cela le propulsa hors de la routine et du moule des films d'action. C'était une star, ou plutôt, selon une formulation personnelle qu'il privilégiait, « un acteur public ». Cela arriva à un point critique de sa carrière, et cela eut toutes les conséquences qu'il espérait que cela aurait.

 

Il dit : « finalement, Les Dix Commandements aura été vu par plus de gens qu'aucun autre film que j'ai fait, et probablement que je ferai jamais. Si tu ne peux pas faire carrière après deux films de De Mille, eh bien, je suppose que tu n'en feras jamais une. »

 

1 Un Bédouin est un nomade arabe du désert.

² « any actor with the brains God gave geese would be able to say that about any role. » litt. « n'importe quel acteur à qui Dieu a donné le même cerveau qu'aux oies pourrait en dire autant de n'importe quel rôle. »

(a)Loi sur l'emploi des jeunes enfants.

Commentaires

  • Merci Claude. Je suis d'accord avec vous, plus nous avançons dans cette biographie, plus nous découvrons la "nature" de Charlton, homme peu sûr de lui-même bien qu'ayant la certitude qu'il réussirait. Quel parcours ! Amitiés à vous.

  • Bonne traduction une fois de plus par Adrien du livre de Michael, qui a fait de son côté un travail beaucoup plus documenté, en général, qu' on a bien voulu le dire; ceci dit, De Mille n'est pas mon "metteur" favori loin de là, et je continue à penser que le naturel de Chuck ds ce film est déconcertant, comparé au jeu théâtral des autres( notamment Baxter et Brynner) On perçoit bien l'intelligence et le grand professionnalisme de l'artiste, même si le sujet et le film lui-même ne m'ont jamais trop emballé..
    Encore bravo Adrien

  • Renaud a écrit exactement et en tous points ce que je pense. J'adhère sans restriction !

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