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SOUS LE PLUS GRAND CHAPITEAU DU MONDE ... (Les dessous d'un Oscar)

En éclairage au livre de Michael Munn concernant l'Oscar décerné au film " Sous le plus grand chapiteau du Monde ", Adrien a jugé utile d'adjoindre cette traduction d'un article : "Awards" sur Wikipedia. Je l'en remercie, car en effet, nous ignorons souvent les dessous de certains faits, et un éclairage nouveau peut être une valeur ajoutée à l'oeuvre originale de l'auteur Michael Munn. 

 

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Sous le plus grand chapiteau du monde et son Oscar

 

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En travaillant sur la traduction de la biographie de Michael Munn, il m'a semblé que certains points, bien que ne traitant pas de Charlton Heston, méritaient un approfondissement à part entière. Je ne crois pas que l'avis de l'auteur soit biaisé de quelque manière que ce soit, mais il ne me semble pas inutile d'apporter quelques nuances à certains de ses propos, surtout quand ils sont aussi simplement vérifiables que celui dont je compte parler ici.

S'il est vrai que Sous le plus grand chapiteau du monde a reçu l'Oscar du meilleur film en 1953, et qu'il a sans doute largement contribué à lancer la carrière cinématographique de Charlton Heston, il faut bien se rendre compte que c'est dans un contexte historique extrêmement particulier que tout cela s'est fait, et qu'il faut en tenir compte pour mieux comprendre les événements dont il est ici question. Je me permets ici quelques commentaires, ainsi que l'ajout de quelques articles disponibles sur internet mais malheureusement introuvables en français et dont je vous donne ici une traduction.

Il n'est pas ici question de discuter du talent de l'acteur ni même de son travail, et jamais je n'oserais m'attaquer à cet homme que vous, lecteurs et lectrices, connaissez bien mieux que moi. Mon but est de discuter du travail de l'auteur de la biographie.

Car s'il est vrai que le film a été récompensé, sans aucun doute à juste titre, on ne peut pas le soustraire à son contexte historique à sa sortie, et quelques éclairages intéressants peuvent permettre d'apporter des nuances, je le crois, bienvenues.

 

Le 19 mars 1953 a lieu la vingt-cinquième cérémonie des Oscars conjointement au Pantages Theatre de Los Angeles et au NBC International Theatre de New-York. C'est la première fois qu'elle est ainsi présentée à la fois à Hollywood et à New-York en plus d'être la première à passer à la télévision. Ceci annonce en quelque sorte une année de toutes les exceptions, comme on va vite le voir.

Cinq films sont nominés pour le prix du meilleur film :

  • Sous le plus grand chapiteau du monde de Cecil B. De Mille pour Paramount Pictures

  • L'Homme tranquille de John Ford et Merian C. Cooper pour Argosy Pictures et Republic Pictures

  • Ivanhoé de Pandro S. Berman pour Metro-Goldwyn-Mayer

  • Moulin Rouge par Romulus Films (société de production des frères John et James Woolf)

  • Le train sifflera trois fois de Stanley Kramer pour Stanley Kramer productions et United Artists.

De ces films, c'est celui de Cecil B. De Mille avec Charlton Heston qui raflera la récompense ainsi que celle de la meilleure histoire originale. Un grand honneur, il est vrai, mais il ne décrocha aucune des autres récompenses pour lesquelles il était nominé : meilleur réalisateur, meilleur montage, meilleure création de costume de film en couleur. Ceci fait qu'il est le seul film de l'histoire des Oscars à avoir été couronné meilleur film, et à avoir reçu moins de trois Oscars (jusqu'à Spotlight en 2016) :

 

Traduction de l'extrait Awards tiré de la page Wikipedia du film :

https://en.wikipedia.org/wiki/The_Greatest_Show_on_Earth_(film)

Au vingt-cinquième anniversaire de la cérémonie des Oscars, Sous Le Plus Grand Chapiteau du monde reçut tout à la fois l'oscar du meilleur film et celui de la meilleure histoire originale. Il fut également nominé pour celui du meilleur réalisateur, celui du meilleur montage, de la meilleure création de costumes pour un film en couleur. C'est le dernier film ayant reçu l'Oscar du meilleur film à avoir reçu moins de trois Oscars, jusqu'à Spotlight en 2016.

Certains considèrent ce film comme étant l'un des plus mauvais de tous les films ayant reçu un Oscar du meilleur film. Il le gagna au détriment d'autres films à la réputation solide, comme Hight Noon (Le train sifflera trois fois)The Quiet Man (L'homme tranquille), ou encore Singin' in the Rain (Chantons sous la pluie). Le magazine américain de cinéma Premiere le plaça parmi les dix pires vainqueurs de l'Oscar, et le magazine britannique Empire le classa troisième dans leur liste des pires vainqueurs d'Oscar. Il a la deuxième pire place sur la liste des 81 films à avoir reçu l'Oscar du meilleur film sur Rotten Tomatoes.

 

Notons tout de même que même s'il est considéré comme étant le plus mauvais, il l'est aussi parmi les meilleurs, ce qui reste un signe de qualité indéniable. Ceci me permet d'affirmer sans trop prendre de risque que même s'il n'avait pas été couronné, l'impact de ce film sur la carrière de Charlton Heston n'aurait pas été moindre : il reste un énorme succès critique et populaire dans lequel l'acteur a pu briller. Tout une carrière s'est pourtant jouée sur un seul geste, un banal mouvement de la main adressé à un homme (Cf. le chapitre « Un Nouveau Visage, Une Nouvelle Force » de la biographie de Michael Munn).

 

Stanley Kramer prétendit que cette récompense serait due au climat politique à Hollywood en 1952. Le sénateur Joseph Mc Carthy faisait la chasse aux communistes à l'époque, et De Mille était un Républicain conservateur engagé dans le National Committee for a Free Europe. Un autre film nominé, Le train sifflera trois fois, avait été produit par Carl Foreman, qui allait bientôt faire partie de la liste noire de Hollywood, tout comme l'un des auteurs du script d'Ivanhoe, Marguerite Roberts.

 

Les propos vindicatifs de Stanley Kramer sont peut-être justifiés, mais il faut également voir que le producteur de Le train sifflera trois fois avait sans doute été déçu de se faire voler la vedette de la sorte. (Cf. la traduction d'un extrait de son auto-biographie ci-dessous. ) Le Maccarthysme, une des nombreuses conséquences de la Guerre Froide, a bien sûr eu des répercussions sur la production artistique américaine de l'époque. Pour aller plus loin :

http://dinosoria.com/maccarthysme.htm

https://www.ledevoir.com/culture/cinema/98916/cinema-maccarthysme-et-cinema-le-tabou-tombe-a-hollywood

 

Une autre raison probable pour expliquer ce prix est que c'était vu comme « la dernière opportunité » de récompenser de son vivant Cecil B. De Mille et d'honorer une carrière de toute une vie ayant commencé dès la période du cinéma muet. Les meilleures œuvres de De Mille datent d'avant la création de l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences (AMPAS ; académie des arts et des sciences du cinéma). Il se peut que les membres de l'Académie (dont beaucoup étaient issus du cinéma muet) aient pensé qu'en tant qu'homme de marque de Hollywood et membre fondateur de l'Académie, De Mille méritait cet honneur même si d'autres films de la même année étaient meilleurs que Sous le plus grand chapiteau du monde. Beaucoup s'accordent à dire que le film qu'il a ensuite réalisé et produit (et qui sera son dernier), The Ten Commandments (Les dix Commandements), méritait plus la récompense qu'Around the World in 80 Days (Le tour du monde en quatre-vingt jours par Michael Andersonqui rafla l'Oscar du meilleur film en 1956, et qu'il rendait bien mieux honneur à la carrière magnifique et légendaire du réalisateur ainsi qu'à son rôle dans l'expansion et l'évolution de l'industrie du cinéma que ne le faisait The Greatest Show on Earth.

 

Voilà une justification qui peut convaincre, même s'il faut rappeler qu'en 1952 est décerné le premier Cecil B. De Mille Award, crée par la Hollywood Foreign Press Association (HFPA) dans le cadre de la cérémonie des Golden Globes, et qui récompense un homme de cinéma pour l'ensemble de sa carrière. Qui a besoin d'un récompense quand l'une d'elle porte son nom ? De Mille n'avait pourtant pas reçu l'Oscar du meilleur film de toute sa carrière de la part d'une Académie qu'il avait contribué à créer, ce qui peut expliquer en partie ce choix de lui offrir ce prix au détriment des autres très bons films de cet année.

 

Traduction d'un extrait de la biographie It's a Mad, Mad, Mad, Mad World: A Life in Hollywood, de Kramer, cité sur tcm.com par Scott McGee et Jeff Stafford :

http://www.tcm.com/tcmdb/title/24083/High-Noon/articles.html

 

« […] La défaite de Le train sifflera trois fois dans la course aux Oscars face à Le plus grand chapiteau du monde de Cecil B. De Mille est surtout due à des raisons politiques, et je ne parle pas de la vieille politique tacite des cercles hollywoodiens. Je reste persuadé que Le train sifflera trois fois était le meilleur film de 1952, mais le climat politique et la campagne droitiste qui a suivi la sortie du film a suffi à le reléguer au statut d'outsider. Aussi populaire fusse-t-il, il ne pouvait pas lutter contre l'atmosphère ambiante dans laquelle il est sorti. Carl Foreman, qui en signe l'écriture, avait déjà fui pour l'Angleterre sous une foule d'accusations liées à ses idées politiques. Entre le moment où il a rendu le script et celui où l'Académie a voté, nous avions tous appris qu'il avait été membre du Parti Communiste, mais quiconque a vu le film sait qu'il n'y avait aucune propagande communiste dans la narration. S'il avait tenté de le faire, je l'aurais exclu. »

Sources :

https://fr.wikipedia.org/wiki/25e_c%C3%A9r%C3%A9monie_des_Oscars

https://en.wikipedia.org/wiki/25th_Academy_Awards

 

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