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CHARLTON HESTON STORY : Cinémonde N° 1619 du 28 septembre 1965 - épisode 4

 J'avais laissé le blog en pause durant mes vacances qui viennent de se terminer.

C'est donc avec plaisir que je vous retrouve pour vous offrir la suite de "CHARLTON HESTON STORY ", publié dans CINEMONDE N° 1619 du 28 septembre 1965.

Notre grand homme s'y révèle une personnalité "en devenir", mais quelle promesse de talent de la part d'un futur "plus grand acteur du XXème siècle", n'en déplaise aux grincheux et gens de mauvais goût. 

Nous sommes loin des écrits de journalistes s'intéressant aux peoples. Là, nous avons une belle analyse de la personnalité de Charlton Heston agréable à lire et écrite avec talent, sans flagonnerie. J'espère que vous appréciez cette "Story " comme je l'apprécie.

Je l'avais lue en son temps, lorsque je collectionnais les CINEMONDE... Je suis donc heureuse de la "redécouvrir" en même temps que vous la découvrez pour certains et certaines d'entre vous.

Ayant mis à profit mon temps de repos pour réfléchir de quelle façon simple et claire je devais présenter cette STORY, j'en suis arrivée à penser qu'il valait mieux que je copie les textes directement ici. C'est donc ce que j'ai fait pour ce numéro 4. Dans les jours à venir, je reprendrai les 3 précédents chapîtres pour les écrire directement, ce sera plus lisible. 

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4 - PLUS GRAND QUE NATURE

Résumé des chapîtres précédents : Aussitôt après avoir épousé une camarade d'Université, Lydia Clarke, Charlton Heston passe trois ans dans une base aérienne aux îles Aléoutiennes. Rendu à la vie civile, il ne trouve d'abord aucun débouché au théâtre mais s'affirme rapidement à la T.V. alors à ses débuts.

 

 

La proposition que leur faisait cette petite station radiophonique de Caroline du Nord était tentante. D'abord,  c'était les fins de mois assurées. Ensuite, la section théâtrale jouissait, par la modestie même des moyens dont elle disposait, d'une belle indépendance. Surtout, Lydia et lui pourraient travailler ensemble. C'était suffisant pour les décider à aller vivre dans une petite ville aux horizons limités. 

Mais ne vaut-il pas mieux être premier dans son village ?... Ils montèrent toutes les pièces qu'ils aimaient. Ils achevèrent ensemble leur apprentissage. Ils étaient sans complaisance, discutaient avec le même feu qu'aux cours de l'Université. Ils avaient un public, étaient des V.I.P., menaient une vie pleine et heureuse... Jusqu'au jour où ils s'aperçurent qu'ils plafonnaient. Ils allaient devenir des fonctionnaires de l'art dramatique. Ils hésitèrent à peine. 

— Nous étions comme une grenouille qui se croit grosse parce qu'elle est enfermée dans un petit bocal.

Ils avaient quelques économies. Pas assez pour New York, qui les terrifiait. Ils y étaient oubliés. Il rassura Lydia. 

— J'aurai un rôle avant un mois. Une heure après son arrivée, il était engagé. Cela fait bien, dans sa biographie, de signaler qu'il a joué à Broadway avec la grande Katherine Cornell. En fait, il tenait plusieurs rôles à la fois : les comparses. Il aidait aussi un peu dans les coulisses. Il préféra les troupes de tournée, joua avec Lydia : "Vous ne l'emporterez pas avec vous ",  "Claudia", "la ménagerie de verre". Entre-temps, il ne dédaignait pas la radio, où il se sentait plus solide. Ni la TV : "Jane Eyre", "Coulez le Bismarck", "l'Emprise" lui valurent des admirateurs et bientôt un club se fonda, le tout premier consacré à un acteur de télévision. 

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PAS DE BOUT D'ESSAI

Le cinéma était un peu dédaigné dans le milieu qu'il fréquentait. C'était vulgaire, un art pour parvenus, on ne s'abaissait pas à cela que pour gagner de l'argent. Il rejetait les préjugés quels qu'ils soient. Le cinéma était une forme d'expression moderne, riche de ressources. Il voulait en faire l'expérience. Il fit ses débuts dans un film d'amateurs : "Peer Gynt ", accepta d'enthousiasme de jouer Marc Antoine, dans un "Jules César" destinés aux lycées et collèges. C'était en 1949. 

C'est Hall Wallis qui lui proposa de venir à Hollywoood. Lui-même croyait que la gamme des rôles qu'il pourrait tenir à l'écran était très limitée. Il était un peu "grand format" et sans doute pas tellement photogénique. On n'avait d'ailleurs jamais pris grand soin de son maquillage ni de la façon de se mettre en valeur. Un bout d'essai sérieux serait plus concluant que ses films en petit format. Il refusa ce bout d'essai. Il préparait un rôle qui exigeait une barbe et ne se rasait pas depuis plus de huit jours. Il a toujours détesté le postiche. Il resterait barbu jusqu'à ce que la pièce ait quitté l'affiche. 

Le plus étonnant c'est que Wallis passa outre à cette formalité du bout d'essai jugée jusqu'alors indispensable, même pour des acteurs consacrés. Il engagea Heston sur sa bonne mine. D'ailleurs il le destinait à des emplois de bonne brute. 

A Hollywood, Charlton Heston surprit. Il n'avait pas le gabarit courant. Il n'entrait dans aucune catégorie connue. Ce grand sportif qui tirait à l'arc, tenait comme un champion une raquette ou un fleuret, et qu'on s'attendait toujours à voir descendre sur le terrain de football plutôt que de juger des points, de la tribune, était aussi un homme cultivé, affable, d'une courtoisie et d'une simplicité qui lui attiraient toutes les sympathies sans pour cela encourager la moindre familiarité. Il ne sortait jamais, se levait tôt, travaillait beaucoup. On n'osa même pas utiliser avec lui les gags usés de la publicité. S'il escortait sa partenaire à une soirée, Louella Parson elle-même ne se serait pas risquée à insinuer qu'il y avait amourette sous roche. On ne l'aurait pas crue.

Lydia était restée à New York. Elle continuait une carrière sans grand éclat, mais satisfaisante. Chaque fois qu'ils le pouvaient ils se retrouvaient, entre deux trains ou deux avions, plus volontiers à Chicago, à mi-chemin et où ils avaient tant de beaux souvenirs. 

— Nous avons été longtemps séparés géographiquement, mais jamais sentimentalement, s'accordent-ils à dire. 

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 SEX APPEAL HORS SERIE

La séparation se prolonge, car Cecil B de Mille, qui cherchait avec désespoir une combinaison — improbable — de Clark Gable et d'Alan Ladd, a vainement reçu des centaines de candidats, tous trop grands,  trop petits,  trop vieux, trop jeunes, trop légers, trop sombres, toujours trop... à moins que " pas assez ". Il découvre enfin ce débutant qui est un vétéran du répertoire, ce colosse ardent et réservé, ce bûcheron à voix d'airain qui semble inventer ses répliques à mesure, mais dont la diction a été forgée, mieux que par les cours du conservatoire, par la tatillonne exigence des micros et des antennes, par le minutage impérieux des petits studios. C'est un potentiel étonnant. Cecil B. de Mille lui met sur le dos "Sous le plus grand chapiteau du monde"  et parmi les éléphants savants, les rhinos et les fauves, les acrobates et les avaleurs de feu, il apparaît comme le plus grand phénomène. 

C'est le succès immédiat. On se demande qui il est et d'où il sort.  On n'arrive pourtant pas vraiment à le calibrer exactement, on s'en tient à sa carrure et à sa magnifique forme physique pour lui faire jouer "Le fils de Géronimo" ou "Buffalo Bill", on joue sur son sex-appeal hors série pour lui faire affronter la brûlante Jennifer Jones ou l'aristocratique Eleanor Parker. Il n'a pas encore trouvé son emploi. 

Cecil B de Mille, lui,  a compris qu'il a enfin trouvé un instrument à sa mesure, et qu'il peut aborder à nouveau ses sujets de prédilection. Il prépare le film des films, le plus grand qu'il ait tourné jamais, par conséquent le plus grand du monde. Il ne s'attaque pas carrément à Dieu, mais à son prophète. Un rôle à se casser le cou. Mais comme le Moïse du tombeau de Florence, Charlton Heston est d'un marbre sans faille et résiste à toutes les épreuves. 

Quinze ans plus tard, il fera revivre Michel-Ange et donnera au prophète un visage à la fois, si humain et si clairement modelé à l'image du Créateur. Pour camper son Moïse, il a longuement médité devant la statue florentine, il s'est imprégné de sa sagesse et de son tourment, du feu du buisson ardent. Il a fait l'apprentissage difficile et exaltant du "plus grand que nature". Il a trouvé sa vocation. Il sera le héros.  

SANS TRAHIR JAMAIS

Il en a les épaules. Il en a aussi le culte, qu'il essaye de restaurer dans le coeur des foules. 

— Le cinéma est un puissant moyen de conviction, celui par excellence qui peut faire flamber des enthousiasmes généreux. Or, si l'on accepte l'inepte superman des bandes dessinées, ou l'élégant et invulnérable James Bond, nous sommes sous le signe du "non-héros". Dans tous les domaines : éducatif, politique,  social. Toutes les propagandes — qu'il s'agisse de vendre un dentifrice ou d'élire un président — se font sur la base d'un homme parmi mille autres. Toutes les statistiques sont basées sur l'individu moyen et même de préférence, un peu au-dessous de la moyenne. A l'école on cherche des excuses au cancre. Au tribunal, on plaide pour le voyou. On explique que la jeunesse est l'âge de l'avachissement, de la complaisance, de la médiocrité. De plus en plus, on décharge l'homme de ses devoirs et de ses responsabilités, envers la société, envers ses proches, envers lui-même. Tandis que le héros, c'est l'homme qui non seulement assume ses devoirs et ses responsabilités, mais encore ceux des autres. Il protège la veuve et l'orphelin, le faible, le paria. Mais, il doit aussi savoir poursuivre, dominer, châtier parfois, non pas à travers un appareil de justice anonyme et collectif, mais à visage découvert, en acceptant la riposte. Un homme — je veux dire par là un être humain  conscient — doit être responsable et s'énorgueillir d'être tel. 

Tout le porte donc, ses goûts et ses dons, à jouer des hommes d'exception, non point pour cela parfaits, bien que toujours exemplaires.  Il se plaît à céder le pas à Gregory Peck  dans " Les grands espaces ". C'est qu'il joue en face de lui un personnage entier, fidèle à lui-même. L'implacabilité de " Major Dundee ", le sauvage acharnement de Gordon à " Khartoum " il les assume, comme les scrupules dangereux du "Seigneur de la guerre ". Ce sont là des facettes contradictoires où un solide talent trouve la facile occasion de briller. 

Ce qui est plus difficile et plus lourd à porter, c'est la grandeur sans ombre : la pureté généreuse du Cid, le message de Moïse, le génie de Michel-Ange ou la foi austère de Jean-Baptiste. 

Il les a tous servis sans en trahir aucun. Chacun d'entre eux a pris son visage. Ils ne se ressemblent pas, sinon par la flamme dont ils brûlent. Le vrai feu sacré. 

M.G. 

(suite et fin la semaine prochaine)

 

 

 

 

 

Commentaires

  • Excellente analyse du personnage et de l'acteur publique" qu' il a toujours voulu rester; la modestie et le goût au travail de l'homme Heston y sont clairement dessinés!

  • Merci Cher Renaud. Comme d'habitude, vous avez analysé avec justesse cette STORY. Bise.

  • Excellent article sur un homme de talent qui restait fidèle à tous dontt sa femme , il avait du talent , du physique , de la culture , de la morale et surtout un bon esprit , quel acteur fabuleux nul autre acteur n'a vraiment toutes ses qualité tous réunis en un . Merci d'avoir partager ce nouvel épisode de sa story toujours aussi détaillé .

  • Merci Clarisse. Je vois que votre jeune âge, ne vous empêche pas d'admirer notre grand acteur. Je forme le voeu que beaucoup de jeunes pour ne pas dire toute la jeunesse, découvrent cet acteur au talent immense et aux multiples facettes.

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