Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

"CHARLTON HESTON STORY" -Cinémonde N° 1618 du 21 septembre 1965 - Episode 3

Pendant mes quelques jours de vacances, je ne veux pas vous laisser sans nouvelles. Aussi, je continue la publication de "CHARLTON HESTON STORY" par CINEMONDE EN 1965.

Cette série est parfaitement écrite et nous découvrons le vrai Charlton Heston, celui qui se cherchait, le garçon timide, maladroit et tellement habité par son génie qui ne demandait qu'à exploser. 

Capture.JPG

 

 

3 - LES ANNEES TERRIBLES

Résumé des chapîtres précédents : Né dans un chalet forestier au bord du lac , Michigan, Chuck Carter Heston, après une enfance libre et sauvage, gagne une bourse à l'Université de Chicago. Au cours d'art dramatique, il rencontre une jeune étudiante de bonne famille qui se destine au barreau : Lydia Clarke. 

1-002.JPG

Il n'était pas du tout le genre de garçon qu'elle avait l'habitude de fréquenter et il l'agaçait un peu. Il était trop abrupt, trop dense, et ses longs cheveux, ses grands foulards étaient un peu ridicules. Elle se plaisait à le contredire, dans les discussions publiques. Mais un jour, alors qu'il avait joué une scène difficile, elle le guetta à la sortie des cours pour lui dire que, vraiment, elle l'avait trouvé formidable.  Il se troubla, hésita, l'invita à prendre un café, s'éclipsa, la rejoignit et ils passèrent deux heures devant une tasse de café qu'ils avaient oublié de boire et que — Lydia l'apprit par la suite — il n'aurait pas eu de quoi payer si un ami ne lui avait prêté dix cents. Ce qu'elle découvrit dès cette première rencontre, c'était la finesse, le scrupule, l'élégance foncière de ce grand diable en canadienne de trappeur, aux yeux si bleus et graves dans un visage aux traits désordonnés. Il avait eu le nez brisé au cours d'un match de football. Sa peau tannée, ses pommettes osseuses, ses grandes mains, ses costumes trop courts aux manches, tout cela lui donnait une gaucherie assez émouvante, qui pouvait faire sourire. Lydia aimait qu'il fût indifférent à ces détails mais d'un puritanisme rigide : il ne fumait pas, ne buvait que de l'eau, et profaner le nom du Seigneur, comme on le faisait joyeusement et sans malice dans le jargon des étudiants, était pour lui un péché. C'était un naïf. Un pur. 

UN AMOUR A L'EPREUVE DE L'ABSENCE

Il avoue lui-même qu'il devait paraître un peu sot, accompagnant partout une des plus brillantes élèves du cours et ne lui parlant que de sa conception de Richard III ou de Volpone, même en se promenant au bord du lac, au clair de lune. Elle s'efforçait de marcher à son pas, il ne lui prenait la main que si le chemin devenait malaisé, lorsqu'elle s'asseyait sur la pelouse, il s'installait à distance respectueuse, embarrassé de ses longues jambes. Ce fut lorsqu'entre eux s'installèrent des silences prolongés, mais confiants, heureux, où il retrouvait les émotions des affûts de son enfance, qu'il comprit combien la chose était sérieuse et que tous deux étaient pris au même piège.

C'est à ce moment-là que les Etats-Unis entrèrent en guerre. 

— Pour moi cela simplifiait tout. La décision était prise  pour moi, en dehors de moi. 

Il n'y avait eu ni aveux, ni demande, ni réponse. Aucune promesse ne pouvait leur suffire. Ils se marièrent en hâte, quelques jours à peine avant qu'il soit expédié dans une base aérienne aux Iles Aléoutiennes. Autant dire au bout du monde. Il y reste trois ans. Il n'essuie pas un seul coup de feu. Mais il vit dans une solitude aride et glacée, sans aucune échappatoire à la morne routine quotidienne. C'était une épreuve. Il en fait non point un temps mort mais, au contraire, une expérience où il teste à la fois son caractère et son coeur. Il se demande comment il se serait comporté dans un vrai combat sanglant, sur la plage d'Arromanches ou à Okinawa. Il n'est pas du tout certain d'être un héros. Il s'interdit seulement le relâchement un peu veule qu'encouragent le climat, l'isolement, la désolante monotonie du service. Il lit. Personne n'a jamais le temps de lire. Il étudie pour lui les rôles les plus jouables. Il écrit tous les jours à Lydia. 

Celle-ci, pour tromper l'attente, s'est mise à faire du théâtre. Les études de droit sont trop longues, elle ne veut plus vivre — jeune épouse — aux frais de sa bourgeoise famille qui a trouvé son mariage un peu précipité et imprudent. Elle s'échappe déjà des petits rôles de débutante. Son intelligence, son charme de bon aloi, un instinct très sûr lui permettent d'aborder les personnages subtils de Tchékov, d'Ibsen. Elle apporte aussi au théâtre un élément assez rare. Elle s'y consacre absolument, mais sans l'avidité ni l'impatience des arrivistes qui veulent le succès à tout prix. En fait, sa carrière est une oeuvre d'amour. Elle la consacre à celui qui, si loin d'elle, attend son heure. 

Si étroite a été, pendant ces trois anées de séparation, l'union des deux jeunes époux que Lydia une nuit s'éveille angoissée : elle avait vu en rêve son mari menacé, entouré de bruits et de fureur, et croyait y voir un sombre avertissement. Deux jours plus tard, il arrivait en permission, tenant sous son bras " MACBETH ". Il avait vécu dans ce drame depuis une semaine, s'en était pénétré, avait découvert de nouvelles perspectives à ses sombres personnages. Ils en discutèrent longuement, comme naguère sous les grands chênes de l'Université. C'était amusant de penser que, finalement, c'était Lydia qui avait pris le départ la première. Mais il demeurait le mentor, elle se fiait à lui pour tracer les grandes lignes de ses rôles. 

C'est dans cette absence dont ils triomphèrent que leur union a ses racines. Dans la limpidité glacée de la mer de Behring. Il découvrait ce que quinze ans plus tard il allait savoir si bien transmettre : les grandes amours sont à l'épreuve des longues séparations. Ben Hur peut être galérien, le Cid banni, leur ligne de coeur reste tracée d'un même trait pur. 

Capture 2.JPG

 MISERE ET NOBLESSE D'UN COMEDIEN EN CHOMAGE

La guerre prend fin. Et c'est alors que commencent les mauvais jours. Où reprendre le fil interrompu de sa vie ? Il n'a pas achevé ses études et ne peut les reprendre. Il aborde désarmé ses responsabilités d'homme. Il vit à New York, avec Lydia, dans un petit logement sans confort.

— C'était gentil, dit-elle. Tout en longueur, une fenêtre à chaque bout, comme un compartiment de chemin de fer. Et une ravissante baignoire en faïence à fleurs. Malheureusement, il n'y avait pas d'eau chaude...

Il se cogne partout. Non seulement dans les pièces trop petites pour lui, mais à une réalité aux angles durs. Il n'a pas un physique passe-partout et ses qualités mêmes sont des handicaps. Il a trop de coffre, une diction faite pour les grands classiques, des goûts d'esthète. Il manque aussi de souplesse, répugne à faire des courbettes dans l'espoir d'un bout de rôle dérisoire dans une pièce de troisième ordre. Alors il s'abandonne aux stériles conversations de bistro : commentaires sévères et projets fumeux.

On se lève tard, on va retrouver les copains, on lit les journaux, le bruit court qu'Untel va monter un truc, faudrait voir, mais est-ce que ça vaut la peine ?... Et avec ces atermoiements on s'aperçoit qu'il est tard. On ira demain... et demain on recommence à traîner la savate...

Comme il arrive souvent, depuis qu'elle a besoin de gagner davantage, Lydia trouvait moins de débouchés. Elle n'était plus tellement disponible, tout entière à son travail. Elle finit par accepter de poser pour des photos publicitaires.  Il faut bien payer le loyer. Et vivre. Cela dura un an. Et une fois encore le destin se chargera de régler le problème. Surmenée, Lydia tomba malade et dut aller dans sa famille pour se soigner. Un coup très dur. A vous casser les reins, ou bien au contraire, à vous remettre d'aplomb. Il se regarda avec lucidité et ne fut pas fier de lui. Il apprenait l'humiliation, cette ride griffée sur le visage de Ben Hur enchaîné, du Cid en disgrâce, du Seigneur d'Hawaii bafoué. Il ne s'agissait plus de faire le dégoûté, mais de s'attaquer à la première besogne offerte. 

Capture3.JPG

 La TV balbutiait. On en était encore aux démonstrations techniques. Comme on s'était extasié devant l'entrée d'un train en gare, ou les premiers signaux de morse captés sur les postes de radio à galène, les premiers télespectateurs se réjouissaient de distinguer quelque chose dans le flou du petit écran, et de percevoir quelques mots intelligibles. C'était une victoire pour les techniciens, et les malins investissaient déjà dans la fabrication en série de petits écrans. Mais personne ne se souciait de se griller au service de la Télévision, compromis boiteux qui avait tous les inconvénients combinés du théâtre et du cinéma et aucun de leurs avantages. On s'en tirait en passant de vieux films série B. Ou bien des ratés du music-hall venaient jongler avec des cerceaux ou raconter des anecdotes. Charlton Heston accepta tout ce qu'on lui proposa. Il était neuf. Il n'avait aucun préjugé ni aucune routine. Il s'adapta merveilleusement à un style qui se découvrait lui-même. C'est dans le dépouillement absolu, le manque de textes, de décors, d'acteurs, qu'on peut tout oser. Il prit des risques. Il donna à la TV ce qu'il aurait pu jouer ailleurs. Shakespeare après tout, a écrit pour un vaste public et non pas pour des petites chapelles intellectuelles. Le monologue d'Hamlet, on peut jouer cela tout seul, presque sans accessoires. Et ça passa l'écran, surtout lorsque c'est porté par une voix d'airain, un masque insolite et ardent, une fièvre sourde et contagieuse.

Ce qu'il a accepté comme un pis-aller, il s'y attache, il en pressent les possibilités immenses. Il en est le premier serviteur sincère et la première vraie gloire.

M.G.

(A suivre.) 

 

PETIT HOROSCOPE DE CHUCK - SEMAINE DU 21 AU 28 SEPTEMBRE 1965.

7.JPG

 

 

6.JPG

Écrire un commentaire

Optionnel