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TCM - LA BALLADE DE SAM PECKINPAH extrait de l'émission PASSION ET POESIE

MARDI 1er NOVEMBRE 2016 A 7H30

DIMANCHE 6 NOVEMBRE 2016 A 6H25

JEUDI 10 NOVEMBRE  A 1H45

SAMEDI 12 NOVEMBRE A 8H

MERCREDI 16 NOVEMBRE : 3H10

JEUDI 17 NOVEMBRE : 18H50

LUNDI 21 NOVEMBRE : 6H55

MERCREDI 23 NOVEMBRE : 3H55

LUNDI 28 NOVEMBRE : 7H

 

 

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http://www.telerama.fr/cinema/major-dundee-ou-l-

autoportrait-de-peckinpah-en-borracho-enrage,120982.php

 

“Major Dundee”, ou l'autoportrait de Peckinpah en “borracho” enragé

 

 

Sam Peckinpah et Senta Berger sur le tournage de Major Dundee.
 

 

Curieux destin que celui du major Dundee, qui se confond avec celui du cinéaste infernal. Où il est question d'argent, de crasse et d'alcool… un fameux bordel à la Peckinpah.

Faisons au plus simple : sur l'écran, on voit l'histoire d'un type qui désobéit presque systématiquement à ses supérieurs, complique inlassablement la mission qu'on lui a assignée, use de violence contre ses propres troupes, échoue complètement bourré dans les bordels mexicains ; derrière la caméra, c'est… pareil, merci ! Le destin du major Amos Charles Dundee, interprété parCharlton Heston, et celui de Sam Peckinpah, cinéaste aux commandes d'un des plus gros bordels que Hollywood ait produits, se confondent.

Au terme de ce troisième film, qui devait l'installer à Hollywood, Peckinpah traversera une sérieuse période d'inactivité. Un peu comme Dundee après Gettysburg – on ne sait pas précisément ce qu'il y a fait – s'était retrouvé muté dans un fort pourri du Nouveau Mexique, prison à ciel ouvert pour des Confédérés qui le méprisent. Triste destin des entêtés, qu'ils aient raison ou non.

James Coburn, qui joue derrière une barbe épaisse l'éclaireur manchot – à la place de Lee Marvin qui avait refusé… – avait demandé au réalisateur : « Sam, qu'y a-t-il dans le personnage de Dundee qui te donne envie de faire ce film ? Je savais que j'aurais une réponse à cette question [à toutes les autres, notamment s'il s'agit d'obtenir une piste pour interpréter un personnage, Peckinpah répond par monosyllabes]. Et Sam lâcha : "Parce qu'il continue. A travers toute la merde, tous les mensonges, toute l'ivresse et le n'importe quoi que traverse le major Dundee, il survit et il continue." »

Un devis qui explose

On ne saurait mieux résumer l'attitude de Peckinpah lui-même. Notamment face à son producteur Jerry Bresler, avec qui il est vite en bisbille. Le perfectionnisme et l'ambition visuelle du cinéaste retardent le bon déroulé du plan de travail, faisant exploser le devis prévu (un million de dollars en plus sur un budget prévisionnel de trois…).

Outre son talent, Peckinpah a des excuses. A l'été 1963, sur la foi de Coups de feu dans la Sierra, qui a signalé l'émergence d'un cinéaste à suivre, Bresler l'a approché avec un trairement signé Harry Julian Fink (qui plus tard écrira L'Inspecteur Harry…). Une trentaine de pages qui racontent l'histoire, à la fin de la guerre de Sécession, d'un major yankee à la poursuite d'un Apache sanguinaire, Sierra Charriba. Dans son escarcelle, le producteur détient aussi une star : Ben-Hur, pardon Charlton Heston.

Peckinpah passe plusieurs semaines à compléter le casting – jusqu'à traverser l'Atlantique pour convaincre Richard Harris qui tourne à Ravenne Le Désert rouge – et à rédiger le script avec Oscar Saul. Quand le film commence, en février 1964, le scénario n'est pas prêt. « Une leçon que j'ai apprise sur ce film, dira plus tard Charlton Heston – et je pense que Sam l'a apprise aussi, même si travailler ainsi ne le dérange peut-être pas tant que ça –, est de ne jamais commencer un film sans script complet. Sam est un scénariste très doué, et il devait finir l'écriture tout en dirigeant le film. Sur la base de notre expérience au Mexique, je dirais que c'est impossible. »

 

Urgence et pagaille

Peckinpah n'aimait tourner que dans l'urgence et la pagaille. Une scène du film l'illustre de façon amusante : pour constituer une escouade susceptible de poursuivre l'Apache et ses hommes, Dundee se résout à recruter tous azimuts : des cow-boys sans foi ni loi, des alcoolos, des voleurs de chevaux et même quelques sudistes prisonniers, dont son rival mimétique, le capitaine Tyreen (Richard Harris).

C'est le bordel : le lieutenant qui le seconde est un pauvre artilleur inexpérimenté (on se moque régulièrement de lui, et du fait qu'il ne soit pas dans la cavalerie) qu'une séquence montre, tel l'agent Longtarin face à Gaston, jouant en vain des bras (et pas du sifflet) pour organiser l'inorganisable, le camp en folie, les uniformes désaccordés, les chevaux en liberté, etc. De fait, le retard que prend l'armée de bras cassés du major Dundee, qui finit par camper quelque part au Mexique en attendant que son chef panse ses plaies et dessaoûle, fait écho au retard que prend le film.

Charlton Heston respecte son metteur en scène, il se saoûle même tous les soirs avec lui au mauvais cognac mexicain, laisse la crasse et la sueur modeler son personnage – sur le modèle de Peckinpah qui lui, s'enorgueillira de n'avoir jamais changé de pantalon pendant les soixante-quatorze jours du tournage. Quand débarquent les envoyés du studio, en complet cravate, exaltant la paranoïa de l'équipe, Heston est agacé :

« Cela devenait particulièrement difficile. Les types en costards brillants déjeunaient avec nous, évoquaient les problèmes du film, puis repartaient faire la sieste dans leur motel avec air conditionné. On débarquait le soir, crasseux, après 50 kilomètres de route, avec nos habits de tournage, et ils étaient là, tout frais : "Et cette scène, on peut pas la faire comme ça ?" Ils vous parlaient du film pendant les rushs, puis en fin de soirée quand vous preniez un verre ou pusieurs, ou que vous essayiez d'attraper un bout de sandwich. A la fin, on leur disait, excédés  : "Ecoutez, les gars, vous êtes gentils, on doit se lever à six heures." »

Richard Harris et Jerry Bresler sur le tournage de Major Dundee de Sam Peckinpah.

 

 

 

Réconciliation au cognac

Bien sûr, Sam Peckinpah n'est pas blanc-bleu. Il vire et/ou martyrise les faibles de son équipe, manque de se fâcher avec sa star. Traité de « menteur » pour une broutille devant toute l'équipe, Heston lance son cheval contre lui, manque de le décapiter d'un coup de sabre. Un cognac les réconcilie. Mais quand Bresler, excédé, menace de virer le cinéaste, l'acteur est grand seigneur.

« Je n'aimais pas ce que je faisais, mais je pensais que je devais le faire. J'ai dit au studio que ce n'était pas une bonne idée et que j'étais prêt à laisser mon salaire pour garder Sam. Ils ont répondu : "Oh non, Chuck, c'est ridicule, c'est très gentil à toi, mais de toute façon ça ne couvrira pas le dépassement de budget…" Assez content de moi, j'appelle mon agent et lui raconte.  "Tu es trop con, il vont te prendre ton cachet. – Non, non, ils m'ont dit que c'était insuffisant, qu'ils ne le feraient pas". On raccroche. Deux jours après, il me rappelle :  "Chuck, ils ont changé d'avis." Voilà comment j'ai fait Major Dundee pour rien… »

Le film fini, la bagarre continuera en salle de montage. Le producteur impose sa version, qui n'est pas très différente de celle que l'on voit aujourd'hui : la « restauration » de 2005 n'apporte au film que douze minutes supplémentaires. Le vrai « director's cut » n'existera jamais : il devait durer un peu moins de trois heures (Bresler a longtemps agité une version de 4h32, un bout-à-bout que Peckinpah n'aurait jamais validé). S'il y a des incohérences (notamment entre ce qu'annonce le déroulant du générique début sur le nombre de survivants et le dénouement), le film reste passionnant.

Du chaos au chaos

La manière dont Peckinpah fait vivre la petite troupe, y compris l'antagonisme entre Heston et Harris, est éminemment fordien : il y a, en fond, un western classique. Mais la spirale d'autodestruction dans laquelle plonge le héros, cet assemblage de mauvaises décisions, d'entêtement frénétique, de sens de l'honneur mal placé et de complaisance dans le dégoût de soi font de Dundee un personnage hors du commun. Il est le héros moderne, presque beckettien, d'un western picaresque. L'Indien pourchassé devient une sorte de Moby Dick qui ne pourra être détruit qu'après avoir détruit tout le reste, le passé qui nous entrave, la loi, l'armée française d'opérette envoyée par Napoléon III pour soutenir Maximilien que la troupe dépenaillée croise au Mexique, etc.

Ce fantasme de destruction massive n'appartient qu'au cinéaste. Lequel était aussi un jouisseur : à 39 ans, il ramène du Mexique une petite actrice de 23 ans – qui en fait bien cinq de moins. Au lendemain du tournage, il épouse Begonia Palacios, puis divorce d'elle quatre mois plus tard, puis l'épouse à nouveau puis divorce encore : trois cérémonies, deux à la mairie, une à l'église. Pour Sam Peckinpah, le chaos du plateau n'avait d'égal que le chaos de sa vie.

 

 

 

 

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