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INTERVIEW DU 22 MARS 1997 ...

Charlton Heston dans "LES COLBY"

...PAR ANNE BOULAY DU JOURNAL "LIBERATION"-CULTURE


 


CHARLTON HESTON, immortel Ben-Hur : " J'ai maîtrisé le char en six semaines ".


INTERVIEW. Parler avec Charlton Heston a quelque chose de très intimidant. A 73 ans, Ben-Hur a toujours les yeux revolver et s'exprime avec cette voix caverneuse (qui lui valut d'ailleurs le perfide surnom de "Moose" élan(1) et ce ton sentencieux qui évoquent immanquablement Moïse.


Ce fils de meunier, adolescent maladivement timide, a contracté le virus du jeu au lycée et ne s'en est jamais lassé. Son premier vrai rôle au cinéma, il l'obtient en 1952 dans "Sous le plus grand chapiteau du monde", de Cecil B. DeMille. Suivront, pour ne citer que les plus connus, "Les Dix Commandements"(1956), "La Soif du Mal" (1957), "Ben-Hur" (1959), "Les 55 jours de Pékin" (1962), "La Planète des Singes" (1967), "Soleil Vert" (1972), mais aussi  un gros nombre de films catastrophes, fantastiques, des westerns, des fresques épiques et autres films d'époque.


Ancien conseiller culturel de Ronald Reagan puis du candidat républicain Bop Dole à la dernière présidentielle américaine, militant pour le port d'armes et contre le gangsta rap, Charlton Heston a marché avec Martin Luther King et défendu Sam Peckinpah ou Orson Welles quand ils étaient mal vus. 


C'est à cette haute figure (1m93), contrastée du septième art que le Festival de Beauvais qui se clôt dimanche rend hommage, en permettant de revoir certains des quelques 80 films que cet amoureux de Shakespeare a tournés en un demi-siècle de carrière.


(1) : Je me demande où la journaliste a vu, lu ou entendu, que l'on surnommait Charlton Heston "Moose". Je suppose qu'il y a confusion avec "Moïse" qui s'écrit "Moses" en anglais. Je n'ai rien trouvé à ce sujet malgré mes nombreuses recherches. Le seul surnom de Charlton Heston que lui donnent sa famille, ses amis et ses admirateurs est "Chuck". (Petite remarque personnelle)


 


A.B. : Commençons pas vos débuts.


C.H. : La chance a voulu que mes débuts coïncident avec ceux de la télévision en direct. J'avais 25 ans, et en l'espace de quatorze mois, l'acteur indépendant que j'étais, sans grand expérience et sans réputation, a pu interpréter à la télé "les Hauts de Hurlevent", "Jane Eyre", Jules César, des pièces de Georges Bernard Shaw. On était des gamins. Mais comme l'élite de Broadway et les studios méprisaient la télé et que ni les cinéastes de l'époque, ni les acteurs comme Paul Newman, Kirk Douglas ou Burt Lancaster n'étaient autorisés à tourner pour le petit écran, il restait du boulot pour nous. Et puis la télé nous a apporté une certaine notoriété, nos visages étaient familiers. Surtout , ça nous a permis de faire un véritable apprentissage, d'autant que les pièces étaient tournées avec deux ou trois caméras, des plans alternés. De sorte que quand je me suis retrouvé sur un plateau de cinéma, je n'étais pas totalement en "terra incognita".


A.B. : Parmi tous les héros que vous avez interprétés, lequel serait votre préféré ?


C.H. : Je ne sais pas. Ma carrière n'est pas terminée. Reposez-moi la question tout à la fin. 


A.B. : Mais Ben-Hur est le rôle qui vous a valu un Oscar ?


C.H. : Ben-Hur est un film merveilleux, mais les meilleurs rôles sont les rôles shakespeariens. J'en ai tenus plus que tous les autres acteurs américains. J'ai aussi interprété une quinzaine d'hommes plus complexes et intéressants les uns que les autres, trois Présidents, trois Saints dont Moïse, deux génies et un nombre incalculable de rois et de chevaliers.


Pour en revenir à Ben-Hur, il est certain que ce film a raflé bon nombre de récompenses inégalé, rapporté des tonnes d'argent et continue d'ailleurs à m'en rapporter. Cela dit, Ben-Hur n'est pas un héros, c'est une victime. Il survit. Mais c'est aussi un excellent conducteur de char. 


A.B. : C'est amusant de conduire un char ? 


C.H. : C'est assez drôle. Et je savais que j'allais gagner la course. Mais il m'a quand-même fallu six semaines pour maîtriser le char, c'est plus compliqué qu'une voiture automatique ! Malheureusement, la possibilité de reprendre les rênes ne s'est jamais représentée. 


A.B. : Vous saviez que William Wyler était français ?


C.H. : Oui, il était né en Alsace. William Wyler était surtout le meilleur directeur d'acteurs avec lequel j'ai travaillé. Il donnait très peu d'indications, n'était pas tyrannique, n'élevait jamais la voix, mais n'était jamais satisfait. Pour Ben-Hur, nous avons tourné huit mois et demi, parfois sept jours sur sept, et j'étais dans presque toutes les scènes. Il faisait de nombreuses prises . Par exemple il disait " C'était un peu trop", ce à quoi je répondais : " Mais c'est toi qui m'as dit d'en faire un peu plus".


W.W. :" Bon, je n'aurais pas dû, O.K. tournons la scène de la course".


C.H. :Je ne suis pas fatigué, je peux la refaire.


W.W. :Si je ne dis rien, c'est que ça va !


A.B. : Et Orson Welles ?


C.H. : C'est l'homme le plus talentueux que j'ai connu, ce qui ne signifie pas que ce soit le meilleur cinéaste, acteur ou écrivain, ça je ne le pense pas. C'est pourquoi j'ai fermement suggéré que ce soit lui qui réalise "La Soif du Mal" et je suis fier d'être responsable du dernier film américain qu'il ait tourné. Je pense, comme "Les Cahiers du Cinéma", que "La Soif du Mal" est le meilleur "série B"de l'histoire du cinéma, et qu'il est passé tout près du génie pur. Mais Orson était un peu feignant, et il détestait la technique après le montage, ce qui est un gros défaut. Il faut finir son travail. Michel-Ange a fini le plafond de la chapelle Sixtine, lui !


A.B. : Que pensez-vous du remake de "La Planète des Singes" qu'envisage Oliver Stone ?


C.H. : "La Planète des Singes" est un bon film. Il a en quelque sorte inauguré le cycle des "space operas". On ne peut pas refaire les fresques épiques comme "Ben-Hur" ou "Les Dix Commandements", c'est beaucoup trop cher, mais ce film, oui. Je pense que c'est Arnold (Schwarzenegger, ndlr) qui va reprendre mon rôle et qu'il le fera très bien.


A.B. : C'est d'ailleurs assez logique que l'on vous considère comme un précurseur des films d'action.


C.H. : En fait, je pense qu'il y a très peu de films qu'on puisse considérer comme des films d'action, et certainement pas "La Planète des Singes" qui, contrairement aux véritables "space operas", est basé sur une histoire et pas uniquement sur des effets spéciaux. En tout état de cause, je suis trop vieux pour refaire Taylor, et il est hors de question que je fasse un singe : je ne supporterais pas le maquillage. A la fin du tournage, à la première projection pour l'équipe, une très belle fille s'approche et me dit " Comment ça va Chuck ?". Je lui réponds que je suis désolé, mais je ne crois pas la connaître. C'était Kim Hunter, la vedette féminine, que je n'avais jamais vue sans un poil de singe !


A.B. : Vous paraissez extrèmement documenté sur vos personnages. Vous lisez beaucoup ?


C.H. : J'ai une peur profonde de me retrouver quelque part sans rien à lire (Il sort de sa poche un livre sur la guerre du Golfe). Comme j'ai joué des personnages historiques de premier ordre, le minimum était que j'en sache plus sur le personnage que n'importe qui d'autre. Pour Moïse, j'ai lu énormément, y compris Freud.


A.B. : Des projets ?


C.H. : Continuer à essayer. Peut-être que j'arriverai un jour à la perfection. J'ai eu beaucoup de chance, j'ai travaillé avec Laurence Olivier, John Gielgud, Vanessa Redgrave, certainement la meilleure actrice vivante, et des réalisateurs comme Orson Welles, Cecil B. DeMille, qui sont parmi les inventeurs du cinéma. J'aurais aimé travailler avec John Ford et David Lean, mais ils sont morts trop tôt. Je viens de finir un film de Kenneth Branagh, c'est un très bon. Je suis difficilement à plaindre.


 http://www.liberation.fr/culture/1997/03/22/charlton-heston-immortel-ben-hur-j-ai-maitrise-le-char-en-six-semaines_199186


 


 

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